mister sunshine (isaiah)

Une fois qualifiés de génies, face à cette idée de scénario qui leur vaudrait peut-être la palme d'or - au moins celle de Bowen, qu'ils inventeraient pour eux-mêmes -, Cleo attrapa sa main et la balança dans l'air, leurs bras fouettant le vent. Il se laissa faire, participant même au mouvement sans s'arrêter. « C'est parce que ça crée de belles peintures avec les couleurs du tien. » Renchérit Isaiah, s'improvisant poète le temps de quelques secondes. C'était toutefois la plus belle image à laquelle il avait pu songer, rapidement, pour décrire la relation qu'ils entretenaient tous les deux. Des échanges, des partages, des rires, des idées, bref un feu d'artifices d'humanité et de bonheur. Parfois, Isaiah se surprenait à regretter ne pas avoir rencontrée Cleo plus tôt, outre-mer, ailleurs, pendant ses nombreux périples qu'il avait tant aimé vivre avec des personnes comme elle. En quelque sorte, son amie lui rappelait parfois Ezekielle, au tout début, quand ils partaient sur des discours, laissaient parler leur imagination. C'était encore comme ça qu'ils menaient leur vie, tous les deux, à coup d'espoir et d'aventure, mais la routine amoureuse s'était aussi installée. Isaiah en était venu à croire que c'était inévitable, aussi libre puissent-ils être. Avec Cleo, il avait l'impression de faire un bond en arrière, de retrouver la légèreté et l'originalité d'une amitié si simple et si explosive à la fois. Et malgré le temps qui passait, tous les deux semblaient encore s'accrocher à ça, comme s'il s'agissait du carburant naturel de leur relation. C'était beau à voir aller, évoluer. « Je commence à avoir pas mal faim, là. J'pense bien que je vais dévorer tout ce qu'on a préparé, alors ne prends pas trop de temps pour manger non plus, j'saurai pas me contrôler. » Isaiah avait beau être généreux comme personne d'autre, quand il était sous les effets de la marijuana, le ventre prenait le dessus sur sa raison.

Si elle repensait à sa vie passée, Cleo réaliserait à quel point Isaiah est opposé à tout ce qu'elle a toujours connu. Il est l'amusement, l'imprévisible, il arrive à faire ressortir le bon en elle et à faire naître des sourires qu'elle n'avait jamais. Avant lui, avec Matthew, tout lui paraissait si superflu. Prévisible, ennuyeux, semblable à une traversée en bateau sur une mer sans vague. Elle n'irait pas jusqu'à qualifier Isaiah de tornade sur l'océan, mais plutôt comme cette chanson qu'elle écoute chaque matin afin de se préparer pour une nouvelle journée. There ain't a cloud in sight, it's stopped rainin' everybody's in a play, and don't you know it's a beautiful new day. Cleo se met à sourire dans le vide, réalisant à quel point Mister Blue Sky lui colle tellement à la peau. À sa remarque, elle sourit encore plus et un peu plus longtemps. « Je pourrais littéralement tomber amoureuse de toi, là maintenant, pour ce que tu viens de dire. » Elle rit, mais ne réalise pas tout de suite que viendra rapidement le moment où elle regrettera ces paroles. Où elle espérera qu'Isaiah ne se souvienne pas, même si elle sait pertinemment qu'il lui faut plus qu'un joint pour en venir à avoir des pertes de mémoires. Balayant pour le moment toutes ces inquiétudes qui lui paraissent sans intérêt, elle se penche vers le sac d'Isaiah et part à la recherche de quelque chose à manger puisque, trop flemmarde, Cleo ne s'était en aucun cas dévouée pour leur préparer à manger. « Non non non, si je mange trop vite je vais avoir mal au ventre et je ne pense que tu sois tenté de me voir faire des imitations de Chewbacca à coups de gémissements. » Elle sort du sac les en-cas végétaliens et les regarde sous tous les angles, n'ayant jamais été habituée à ce genre de nourriture. « Bon, c'est parce que j'ai vraiment faim et que je te fais confiance, mais je ne sais pas si j'aurais acheté ça si j'avais été seule. » Elle envoie un des en-cas en direction d'Isaiah et déballe le sien sans attendre.

Je pourrais littéralement tomber amoureuse de toi, là maintenant, pour ce que tu viens de dire. Isaiah tourna le regard vers Cleo, d’abord en souriant, touché par ses paroles, puis son sourire s’effaça lentement, doucement, alors qu’il se perdait tout simplement dans son regard. Il la contempla un moment, alors qu’elle semblait gênée, rougissant peut-être un peu, même. Lui avait trop la tête dans le brouillard causé par la marijuana pour remarquer qu’il la regardait depuis un peu trop longtemps. « Y’a beaucoup chez toi qui pourrais me faire tomber amoureux d’toi. Si on était dans un autre temps, si on était ailleurs que là où on se trouve. » Déclara Isaiah. Mais des si ne se tassaient pas du revers de la main, surtout ceux qui se dressaient entre Cleo et Isaiah. Après tout, le cœur de l’homme appartenait déjà à une autre femme et ce depuis longtemps, maintenant. Si autrefois Isaiah se connaissait comme l’homme construit pour s’envoler, pour ne pas savoir rester ou faire du surplace, il savait maintenant qu’il pouvait aimer sans avoir à s’en aller, sans avoir à dire au revoir et tourner la page pour mieux commencer un autre chapitre. Comme si de rien était, le jeune homme déclara finalement avoir faim, son joint lui ayant ouvert l’appétit. Cleo ne se fit pas prier pour changer de sujet et elle se pencha vers le sac de l’homme pour en ressortir ses victuailles végétaliennes. « En fait j’serais bien tenté de voir ça, ouais. Tu viens juste de piquer ma curiosité, en fait. » En plus, avec les effets de l’herbe, voir Cleo en Chewbacca serait tout simplement hilarant. Il avait déjà les images en tête et rien que ça le fit rire. Encore plus quand elle vit la tête de Cleo en train d’analyser ses en-cas végétaliens. « Ça va révolutionner ta vie, tu vas voir. Ce ne sont que des choses naturelles, bonnes pour toi. » Il déballa le paquet qu’elle venait de lui tendre et il croqua directement dans la nourriture en poussant un gémissement de satisfaction. « Tu crois qu’on peut se baigner dans le lac ? » Demanda Isaiah qui, en tout ce temps passé à Bowen, n’avait fait que contourner le petit lac lors de ses promenades, sans jamais y mettre le bout des orteils. Il y avait la mer pour ça, plus loin. Mais là, tout de suite, c’était le lac qui l’appelait.

Au lieu de passer par-dessus ses paroles comme il aurait du le faire, il commence à la fixer de manière si intense, si longue, qu'elle en vient à se demander si elle n'aurait pas quelque chose sur le visage. Les mots qu'il prononce lui font cependant totalement oublier cette question et, en se mordant un peu la lèvre, Cleo sourit. D'un sourire d'abord immense, prêt à braver les interdits et à sauver des mamies. Mais lentement, cette joie incontrôlable sur son visage se dégrade en un faible rictus qui soulève le coin de ses lèvres. Dans un autre temps. Elle baisse les yeux pour qu'il ne puisse pas y voir la déception qui a pris possession de son regard. L'instant est bref, certainement trop rapide que pour qu'il puisse le remarquer. Cleo s'empresse de relever les yeux et de sourire à nouveau. « Ce serait un endroit beau, où on serait un peu comme les maîtres du monde. Mais des gentils maîtres du monde, du genre qui aident les chiens déshydratés. » Elle sait qu'Isaiah est amoureux de cette fille, Ezekielle. Elle sait à quel point il est bien avec elle, qu'elle est cette personne qui lui permet d'être qui il est, celle qui le rend certainement meilleur. Et de le voir si comblé, Cleo ne peut qu'en être heureuse. Après tout, le voir sourire est tout ce qui compte pour elle, là maintenant. C'est ce à quoi elle se raccroche, cette joie contagieuse qui la pousse à créer des histoires imaginaires et à se coucher dans l'herbe pour regarder les nuages. Si Isaiah n'avait pas Ezekielle, certainement qu'il ne serait pas heureux. Et si il n'était pas heureux, alors Cleo serait incapable de l'être pour eux deux. Rapidement, elle change de sujet et s'emmêle une nouvelle fois dans ses mots, mentionnant des références qui prouvent encore une fois que sa vie se résume principalement à regarder des films. « Oui bah, tu peux toujours rêver ! » s'exclame-t-elle en riant, incapable d'imiter un Wookie sur commande. Elle se met ensuite à déballer le paquet et, après la publicité lancée par Isaiah en faveur du produit, se l'enfile en quelques bouchées. « Waw, j'ai l'impression d'être devenue super healthy. Je pourrais presque me mettre au sport. » Sport, Cleo, deux mots qui se font rarement entendre dans la même phrase. À sa question sur le lac, Cleo sourit à Isaiah avec un air complice. « Y a qu'une façon de le savoir, » souffle-t-elle avant de se mettre debout, tanguant un peu sur ses pieds avant de retirer son haut devant tout le monde, finissant en soutien-gorge. « On essaie ? »

Si Isaiah avait un flagrant défaut, c’était celui de ne voir que le beau, que le bon, au point d’oublier qu’il pouvait parfois faire des faux-pas, des gaffes, des déceptions. Il était tellement concentré sur le positif et le bonheur léger qu’il ne remarquait pas lorsque ses paroles blessaient les autres. Du moins pas lorsqu’on ne le lui confiait pas. Et comme Cleo garda cette déception, cette tristesse qui évinça ce doux sourire sur ces lèvres, rien que pour elle, Isaiah ne s’attarda pas sur la question. Il se contenta de sourire quand Cleo parla de cet endroit dans lequel ils tomberaient amoureux, cet endroit qui n’existait sans doute pas en ce monde, cet endroit qui se trouvait sur une autre ligne du temps, chronologie dans laquelle Ezekielle n’existait probablement pas non plus. « On y serait des sortes de Dieux, capables de créer l’eau et la vie, capables de guérir tous les maux et d’apaiser toutes les colères. Des maîtres du monde qui redonnent à tous, qui partagent tout ce qu’ils ont, au point d’atteindre une égalité parfaite. » Isaiah rigola doucement à cette idée. Ce n’était pas aujourd’hui qu’un tel phénomène se propagerait sur la planète Terre. Il avait beau être optimiste, il avait beau croire que l’humanité n’était pas une cause perdue, il avait aussi assez de réalisme pour savoir que l’égalité parfaite ne verrait pas le jour ici. « C’est beau de rêver, pas vrai ? » De rêver que cet endroit existait, de rêver qu’il existait peut-être une autre dimension parallèle dans laquelle ils s’aimaient et aimaient tous les autres. Et parlant de rêver, Cleo lui dit qu’elle pouvait bien continuer à le faire en ce qui concernait son imitation de Chewbacca. « Aaaaah, mais quelle déception ! » S’exclama Isaiah en riant. Il s’en remettrait, probablement que dans quelques minutes il aurait même tout oublié de cette idée, et cette dernière remonterait à sa mémoire à l’improviste, au moment le plus inattendu, des jours ou des semaines plus tard. Ses souvenirs avaient cette tendance à aller et venir comme bon leur semblait, peut-être un effet secondaire de la quantité de marijuana fumée depuis son adolescence. Les deux amis mangèrent avec appétit les collations végétaliennes apportées par l’ébéniste. « En vrai tu vas voir, ce soir, tu ne te seras jamais sentie aussi en forme. » Parce que contrairement aux plats préparés achetés en épicerie, plein de sel et de mauvais gras, Cleo aurait là plusieurs superaliments qui lui donneraient toute l’énergie nécessaire. Son corps la remercierait. Le regard du jeune homme dévia jusqu’au lac, et songeant à voix haute, il demanda s’ils avaient le droit de s’y baigner. Aventurière, Cleo proposa d’essayer, puisque c’était bien la seule façon de le savoir. « Let’s go ! » Il enleva son chandail et son short, pour se retrouver en caleçon aux côtés d’une Cleo en soutien-gorge. Il attrapa la jeune femme par la main et courut jusqu’au lac, suivi du regard par pratiquement tout le monde. Il plongea tête première dans l’eau après avoir avancé sur une certaine distance. Il remonta en riant après s’être écorché le ventre sur une roche. « Fais gaffe, c’est moins profond que je pensais ! » Dit-il en s’esclaffant, passant une main sur l’égratignure superficielle au-dessus de son nombril.

Elle n'est pas fâchée, plus triste non plus. Elle ne pensera pas à la possibilité qu'un jour, il puisse saisir sa main pour ne plus jamais la lâcher. Elle oubliera ses idées de règne pacifiste à ses cotés, effacera les mots qu'il a prononcés sans sérieux et auxquels elle pourrait avoir le malheur de se raccrocher trop longtemps. Des mots qu'elle n'a plus entendu depuis longtemps, des paroles qui la font se sentir importante, mais qui n'ont probablement pas connu la même signification lorsqu'ils ont été prononcés par Isaiah que lorsqu'ils ont été entendus par Cleo. Elle ne lui en veut pas. En même temps, comment le pourrait-elle ? Elle le regarde et, immédiatement, son sourire renaît. Il a toujours été si spécial, hors du commun, plus drôle et plus haut en couleurs. Elle le voit comme un spectacle à lui tout seul, un numéro devant lequel on reste bouche bée, coeur serré, et qu'on applaudit à la fin. « T'es si généreux, on dirait une sorte de... moine bouddhiste. » Cleo n'aurait probablement pas eu toutes ces si belles pensées qui viennent de traverser l'esprit d'Isaiah à toute vitesse. Elle, elle se serait contentée du droit des femmes, de l'égalité sur Terre, de la protection des chiens errants. Lui, il voit toujours plus loin. Alors qu'elle a connu bon nombre de mauvaises influences, Isaiah lui donne envie de faire le bien autour d'elle. Il est un soleil perçant les nuages, le genre d'individu qui marque les esprits. Et dans celui de Cleo, il n'aura pas mis longtemps avant de s'approprier une place immense. « Oui, c'est très beau, » répond-elle, aimant elle aussi rêver et se perdre dans cet univers qui n'existe pas. Dans ce monde où ils seraient deux non pas contre le monde, mais pour le monde. En entendant son cri de désespoir, elle ne peut s'empêcher d'éclater de rire avant de secouer négativement la tête, tentant de retrouver son sérieux. « Une prochaine fois peut-être, » dit-elle avec une voix douce, presque mielleuse, censée rassurer Isaiah pour une chose qu'il oubliera probablement très prochainement et elle aussi. Tout en l'écoutant lui faire l'éloge de ces fameux plats bon pour elle et pour sa forme, Cleo dévore son en-cas en ayant l'impression que c'est la meilleure nourriture qu'elle ait pu goûter jusqu'à présent. Elle le finit rapidement, trop affamée que pour prendre la peine de manger avec la délicatesse qu'elle est censée avoir en tant que femme. Et lorsqu'il parle d'aller se baigner, elle se redresse et retire déjà son haut sans savoir si ils sont autorisés à y aller ou non. Tout en courant vers le lac, elle retire son short et manque de trébucher, mais sa main trouve bien rapidement son chemin vers celle d'Isaiah. Il saute mais elle, elle reste dans un premier temps au bord. L'effet du joint se dissipe, ses peurs reprennent le dessus, les souvenirs remontent à la surface comme des bulles d'air. Elle a peur de l'eau, Cleo. Ça l'a toujours effrayée. En relevant les yeux vers Isaiah, elle  remarque sa blessure et se pince les lèvres. Si seulement elle n'était plus effrayée à l'idée de se noyer dans cette étendue où elle pourrait tant s'amuser. Prudemment, elle s'assied sur le bord et glisse une jambe dans l'eau, frémissant. « Je peux le faire, je peux le faire. » Elle sent son poul accélérer et cherche le regard d'Isaiah, espérant y trouver du soutien.

D’un regard intriguant, mystérieux, un sourcil relevé vers le haut et un sourire en bordure des lèvres, Isaiah plongea ses yeux dans ceux de Cleo. « Peut-être que j’en suis un. » Ou peut-être que si Isaiah était si différent du reste de ce monde superficiel, individualiste, c’était parce qu’il s’était lui-même éduqué selon une vision de l’humanité que peu adoptait. C’était effrayant, que de croire en les autres. C’était difficile de mettre de côté les préjugés avancés par la société, de se sortir du moule dans lequel il était si facile de s’oublier, de se complaire. Ce n’était pas donné à tout le monde d’avoir la force et le courage de tendre la main à autrui sans se poser davantage de questions. Quand on réfléchit trop, les craintes et les idées préconçues refont surface. Alors Isaiah agissait selon ses envies les plus instinctives. Il osait voir le meilleur chez les autres, et chez lui. Chez certaines personnes, c’était plus facile de ne voir que la lumière. Chez Cleo, par exemple, cette aura brillante valsait autour d’elle et égayait tout ce qu’elle touchait, tout ce qui croisait son chemin ou son regard. Sans doute était-ce pour cette raison que les deux amis semblaient toujours autant sur la même longueur d’ondes. Ils avaient ce don unique, presque magique, de battre le mal par le rire. Que ce soit en parlant du royaume imaginé sur lequel ils pourraient régner en faisant le bien, ou en imitant des personnages de leurs univers favoris, Cleo et Isaiah flottaient sur ce nuage qu’ils s’autorisaient à s’accaparer le temps d’un après-midi. Après avoir mangé, du moins juste assez pour avoir rassasié un tantinet leur faim titanesque accentuée par les drogues fumées, Isaiah contempla l’idée de plonger leurs corps dans le lac, idée que Cleo ne tarda pas à adopter. Dans le temps de le dire, ils avaient retiré les vêtements de trop et s’étaient rendus jusqu’à la limite de l’herbe et de l’eau, où l’ébéniste se décida à plonger en longueur sans même songer à la profondeur de l’étang. Quand il remonta à la surface, légèrement égratigné par le fond rocailleux plus près de lui que prévu, il croisa le regard d’une Cleo effrayée, paralysée par une peur qu’il ne semblait pas avoir confrontée, lui. Elle était droite et figée sur place au point où Isaiah tourna la tête derrière lui, regardant par-dessus son épaule le lac qui s’étendait devant lui, craignant de voir surgir le monstre du Loch Ness, ouvrant sa gueule béante sur lui pour l’avaler tout rond. Mais rien. C’était calme, paisible. La surface l’eau était lisse, perturbée par les seuls mouvements d’Isaiah, créant de minuscules vagues et ondes autour de lui. Quelques regards étaient tournés vers eux, mais rien de méchant, rien qui aurait pu convaincre Cleo de rebrousser chemin. De le laisser seul à cette idée folle. Puis, prudemment, elle s’assit sur le bord de l’eau et glissa une jambe dans le lac, se rassurant elle-même par des murmures à peine audibles de là où le jeune homme se trouvait. « C’est si froid que ça ? » Demanda-t-il avec une pointe d’humour, même s’il se doutait bien, au fond, que le problème n’était pas là.

Elle soutient son regard, hausse elle aussi un sourcil, et laisse un sourire venir étirer le coin de ses lèvres. « Et bien, ça ne m'étonnerait même pas. » Pour Cleo, Isaiah fait partie de ces personnes qui rendent le monde plus beau. Il arrête le temps, isole l'instant. Il est capable de faire naître des idées dans la tête de l'irlandaise comme fleuriraient des dizaines de fleurs dans un vaste champ. À ses cotés, elle se sent sans limite. Prête à tourner un film, ou à régner de manière pacifiste sur un monde imaginaire. Elle pourrait vivre ainsi pour une éternité, et pourtant elle devra se contenter de seulement quelques heures avant un nouveau retour vers une réalité qui ne l'implique plus. Un monde qui lui paraît plus ennuyeux, où les journées sont longues et où les ruminations refont surface. Un monde mis sur accéléré, alors que celui d'Isaiah n'a toujours tourné qu'au ralenti. Elle ne pense à rien, en oubliant d'ailleurs momentanément cette phobie qu'elle a développée pourtant des années plus tôt. Pendant un instant, les images horrifiques de son frère noyé se sont évanouies de son esprit. Cleo ne voit que l'étendue d'eau brillante, le corps d'Isaiah qui s'y élance et l'étendue d'herbe qui continue à perte de vue. Décor paradisiaque où se déroule un moment parfait qu'elle n'a pas envie de gâcher. Mais bien vite, ses vieux démons la rappellent à l'ordre et l'empêchent de sauter elle aussi. Elle regarde devant elle alors que son poul s'accélère et que sa respiration se fait plus saccadée. Elle paniquerait certainement si elle n'avait pas fumé. Si Isaiah n'était pas là. À sa question, un rire nerveux s'échappe automatiquement de ses lèvres. « C'est juste que l'eau et moi, on est pas super copains. » Elle le regarde à nouveau et se surprend à sourire. Quoi qu'à force, la naissance de ce rictus n'est plus surprenant puisque la seule présence d'Isaiah suffit à illuminer son visage. « J'ai une idée, viens ici ! » Elle tend ses mains dans sa direction avant de serrer ses doigts comme un bébé réclamant d'être porté. Elle n'osera pas plonger d'elle-même dans l'eau, affronter sa peur seule lui semble être un pas trop énorme pour elle. Mais avec Isaiah à ses cotés, Cleo pourrait soulever des montagnes. Alors qu'il se rapproche, elle appuie sur ses épaules afin de le faire tourner sur lui-même et se retrouve à présent face à son dos. « All aboard ! » crie-t-elle avant de sauter sur son dos, entourant son torse de ses jambes nues et sa nuque de ses bras.

Le corps encore trempé, à moitié submergé dans l'eau du lac si paisible, Isaiah regardait Cleo, qui le regardait elle aussi. Un rire nerveux s'échappa d'entre ses lèvres, avant qu'elle n'affirme ne pas avoir une relation amicale avec l'eau. Que retirer de cette remarque, Isaiah ne savait pas exactement. Savait-elle nager ? Avait-elle vécu une expérience traumatisante dans laquelle elle avait failli y laisser sa vie ? Était-ce seulement une réticence à découvrir une étendue d'eau qui lui était nouvelle ? Il l'ignorait, et au fond, là n'était pas l'important. Peu importait quelles raisons paralysaient Cleo en ce moment-même. Ce qu'il fallait retenir, c'est que là, maintenant, elle avait besoin de lui. Elle avait besoin qu'il la rassure, qu'il la soutienne, qu'il l'aide à surmonter ces démons qui visiblement lui brouillaient la vue et retenaient son corps d'avancer. Il marcha donc dans l'eau, à une vitesse réduite en raison de l'eau qui ralentissant les élans de ses jambes, et s'approcha encore plus d'elle à sa demande. Arrivé à la hauteur de Cleo, celle-ci le fit tourner sur lui-même afin de se retrouver face à son dos, pour pouvoir s'y agripper et s'y hisser. « C'est parti, petit koala ! » Avec Cleo sur son dos, ses jambes et ses bras enroulés autour de lui, Isaiah mit un pied devant l'autre, ses orteils s'enfonçant dans la vase à chaque pas. Il déposa doucement ses mains sur celles de Cleo, sous son cou, afin de leur assurer une meilleure stabilité à tous les deux. Il pressa légèrement contre le revers de ses mains, afin de lui montrer qu'il était là, qu'il la soutenait. « Ce sera de plus en plus profond. J'te lâcherai pas. » La prévint-il en sentant l'inclinaison dans le sable sous lui, sachant que la descente arriverait sous peu. Alors que l'eau arrivait environ à son torse, Isaiah se prépara à se mettre à nager puisque la profondeur trop grande ne lui permettrait plus de marcher. « Tout va bien là-haut ? » Demanda-t-il alors que leurs deux têtes sortaient de l'eau, Cleo toujours contre lui, et lui battant des jambes assez fort pour les maintenir tous les deux la tête hors de l'eau.

Elle est une femme forte, forte et indépendante. Elle n'a pas besoin que sa phobie dicte sa vie, même si, ce dont elle a réellement besoin là-maintenant, c'est de la présence d'Isaiah pour y arriver. Il ne refuse pas qu'elle vienne s'accrocher à lui comme un paresseux sur une branche d'arbre, bien que le contraire l'aurait certainement étonnée. Cleo pose son menton sur son épaule et sent les battements de son coeur s'accélérer. D'abord à cause de sa peau qui entre presque en totalité en contact avec celle d'Isaiah, ensuite à cause de l'eau qui touche ses jambes. En hauteur, elle n'a pas peur. Ce qui l'effraie surtout, c'est l'idée qu'elle puisse ne pas voir le fond. Se rappelant qu'il s'est coupé quelques minutes plus tôt, Cleo pose délicatement sa main au niveau de sa blessure avant de tourner la tête afin de pouvoir voir son visage. « T'as pas mal ? Parce que sinon, je suis hyper douée pour procurer les premiers soins. » Ou pas. Elle l'a appris une fois, au lycée, elle devait avoir seize ans. Cette expérience l'a marquée et elle s'est amusée à regarder quelques vidéos sur le sujet afin d'en savoir un peu plus, rêvant de devenir médecin urgentiste à l'époque. Sauf que ses rêves ont fini par être engloutis par sa phobie, et elle n'a dès lors jamais eu l'occasion de sauver quelqu'un en danger. Bien vite, elle replace ses mains autour de sa nuque, menaçant de l'étrangler si elle se penchait trop arrière. Mais non, Cleo reste collée à lui alors que son corps tremble un peu. « Si tu me lâches je, hum, j'appelle le SAMU. Et le FBI. Mais comme j'ai pas mon téléphone, je serai forcée de le faire grâce à des ondes sonores de dauphins. » Ils s'enfoncent de plus en plus dans l'eau et, à présent, Cleo a totalement oublié qu'ils sont dans un lac avec des dizaines de personne autour d'eux. Elle sent son coeur battre si vite qu'elle pourrait très probablement faire un arrêt cardiaque si quelqu'un se décidait à bondir dans son dos là, maintenant. « Ça va, je survis. » Elle forme un pouce en l'air devant le visage d'Isaiah avant de s'agripper à nouveau à lui. Elle peut le faire, elle peut battre cette foutue peur. Pas à pas, étape après étape.

Alors qu’Isaiah marchait doucement, d’un pas lent et prudent, s’enfonçant toujours un peu plus dans l’eau, Cleo vint poser sa main au niveau de la blessure d’Isaiah, sur sa jambe. Il frémit légèrement à ce contact, sans pouvoir trouver la source de cette réaction physiologique. Peut-être était-ce la fraîcheur de l’eau, ou alors la petite étincelle de douleur qui en avait résulté, ou encore la simple présence des doigts de Cleo sur sa peau. « Ne t’en fais pas, p’tit koala, je lui ai fait pire que ça, à celui-là. » Dit-il en parlant de son corps. Au cours de ses nombreux voyages, le jeune homme avait tenté tellement d’expériences et d’activités variées, parfois plus ou moins dangereuses, et pourtant il était encore là. Bien là. Grand et droit. Pour pouvoir aider Cleo à traverser cette eau, à traverser sa peur. La jeune femme retira sa main de sur la blessure d’Isaiah et vint la nouer à nouveau autour de son cou. « Mais … mais … les dauphins, eux, comment vont-ils transmettre le message au SAMU et au FBI ? Déjà que c’est pas la porte d’à côté, tu leur demandes de nager des océans entiers, pis en plus, qui te dit que là-bas ils arrivent à comprendre la langue des dauphins ? » Demanda Isaiah, suranalysant encore une fois la situation, la blague. Évidemment, il disait tout cela avec une pointe d’humour dans la voix, tout ce qu’il voulait c’était rester à tout jamais dans un délire avec Cleo, peu importe lequel, tant qu’ils étaient dans leur bulle de non-sens qui, pour eux, en avait – du sens. « Bon de toute façon j’te lâcherai pas, même si un alligator vient me mordre l’orteil, j’te lâcherai pas. » Il sourit et puis laissa son corps être complètement submergé par l’eau, nageant en essayant de les maintenir tous les deux la tête à la surface, battant des jambes comme il pouvait. Puisque Cleo était donc elle aussi presque totalement dans l’eau, il lui demanda si tout allait bien. Il rit en voyant son pouce troubler sa vue. « Tu ne sais pas nager ? » Demanda-t-il alors, tentant de comprendre le fond du problème, parce que c’était le seul moyen pour lui de l’aider par la suite.

N'acceptant pas l'idée qu'il puisse avoir osé martyriser son propre corps, Cleo grogne contre son oreille, sa tête toujours posée sur l'épaule d'Isaiah. Dans une autre situation, elle n'aurait pas supporté le contact de toute cette eau contre sa peau dénudée. Elle serait devenue hystérique, aurait hurlé jusqu'à avoir retrouvé la terre ferme. Mais avec lui pour la soutenir sans même savoir pourquoi elle refuse de nager, il lui suffit de s'imaginer qu'elle est dans un bain à l'eau gelée afin de surpasser sa peur. Elle ne promet pas qu'elle pourra se débrouiller toute seule si jamais il la lâche, mais Cleo est au moins capable d'entrer dans un lac sans pleurer des larmes qui ne feraient qu'encore plus remplir l'étendue d'eau. En l'écoutant être totalement confus quant-à cette histoire de transmission, elle se met à rire discrètement. Un rire qu'elle tente d'abord de garder pour elle, mais qui finit par trahir son amusement à force de ne plus pouvoir le retenir. En réalité, elle a arrêté de suivre ce qu'il lui racontait à force de trop poser de questions auxquelles elle n'a pas de réponse. « Ils y arriveront parce qu'ils sont hyper badass, » répond-elle simplement en haussant les épaules. Mais heureusement pour elle, Isaiah ne compte pas la lâcher. L'idée de l'alligator pourrait l'effrayer puisque les animaux aquatiques ont toujours fait partie de ces frayeurs qui la consument depuis qu'elle est ado, même si elle a toujours eu plus la frousse des pieuvres géantes que des crocodiles. Sauf qu'au lieu d'avoir peur, Cleo sourit. Elle pourrait rougir si elle n'était pas trop occupée à regarder tout autour d'elle, soleils miniatures qu'ont toujours été ses joues. « Je suis touchée par tant de dévo.. dévolution.. dévotion. Bref, t'as compris. » En sentant le niveau de l'eau monter de plus en plus, Cleo se crispe sur Isaiah. La question qu'il lui pose était inévitable et pourtant, elle la prend totalement au dépourvu. « Si, je sais nager. Enfin, j'y arrivais quand j'étais gamine et je suppose que c'est le genre de truc que tu sais faire toute ta vie, comme le vélo. » Elle se pince les lèvres avant de continuer. Prudemment, Cleo tente de descendre un peu de son dos. Elle laisse aller ses jambes, déserre l'emprise de ses bras autour de son cou, quitte à sentir son poul s'accélérer brusquement. « Je crois qu'on peut parler de stress post-traumatique dans mon cas, » balbutie-t-elle en essayant de voir à travers l'eau le fond du lac.

Il esquissa un sourire amusé quand elle grogna contre son oreille, petit animal qu’elle était collée contre lui. Elle se montrait tellement protectrice envers lui, même contre lui-même. Isaiah aussi, aurait voulu protéger Cleo de tous les malheurs du monde, de toutes les peurs qui pouvaient l’habiter, la figer. D’ailleurs, c’était un premier pas déjà alors qu’il la portait sur son dos en s’enfonçant dans l’eau, endroit qui ne semblait pas sécuriser Cleo. Il allait lui montrer qu’elle n’avait rien à craindre, qu’avec lui tout irait bien, oui, tant qu’il serait là il ne laisserait rien arriver à Cleo. Il essayait même de lui changer les idées le plus possible, en s’embarquant dans une tirade sans queue ni tête à propos des dauphins, du SAMU et du FBI. Certes, c’était elle qui avait commencé, mais il s’était carrément laissé emporter, et n’avait arrêté que lorsqu’il avait entendu le rire cristallin dans Cleo souffler dans son oreille. Là, un sourire s’installa sur ses lèvres à lui, content, et il se tut en continuant à avancer dans le lac artificiel. La jeune femme conclut qu’ils y arriveraient, parce qu’ils étaient badass. « Comme nous. » Affirma-t-il avant qu’ils ne reviennent à leurs moutons, ou plutôt à leurs alligators, alors qu’Isaiah lui assurait qu’il ne la laisserait jamais tomber même s’il devait survivre à une telle attaque. « Dévoltage ? » S’essaya Isaiah avec un sourire amusé, parce qu’il venait de sortir le seul autre mot avec le préfixe dévo qu’il connaissait, sachant fort bien que ça n’avait aucun lien avec ce que voulait dire Cleo. Bien sûr qu’il avait compris. Alors qu’ils étaient presque complètement submergés par l’eau et que Cleo s’agrippait plus fermement sur lui, Isaiah posa la question qu’il aurait pu lui poser dix minutes plus tôt. « J’imagine que ça ne se perd pas, effectivement. » Et pourtant, la jeune femme était bien loin de vouloir tenter l’expérience. Ça ne semblait pas aussi facile que de remonter sur un vélo et de tenter de tenir en équilibre. Cleo tenta prudemment de descendre un peu du dos d’Isaiah et, ce dernier, sentant qu’elle se laissait un peu aller de lui, en profita pour se tourner face à elle. Il passa ses mains autour d’elle, osant même les poser sous ses cuisses, tout près de ses fesses, le temps de la rapprocher de lui pour qu’elle enroule ses jambes autour de sa taille. Ainsi, elle avait une certaine prise, bien que ses bras ne le tenaient plus du tout, et qu’elle pouvait presque donner l’impression de nager par elle-même. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Demanda Isaiah, le regard sérieux, doux, à l’écoute et rassurant.

Nous. Un mot qui la fait frissonner, ou peut-être est-ce à cause de l'eau qui monte petit à petit jusqu'à engloutir son corps. Et pourtant, alors qu'elle devrait être en train de paniquer en lui sommant de la faire sortir de là, Cleo se met à sourire comme une fille naïve et stupidement heureuse. Elle s'empresse rapidement d'effacer cette niaiserie de son visage et, pour se concentrer, secoue légèrement la tête de gauche à droite comme si ça suffirait à faire s'envoler les jolies paroles d'Isaiah de son esprit guimauve. Quand il prononce ce mot, dévoltage, elle éclate de rire et arrive enfin à se concentrer sur autre chose que sur ce bel homme à peine vêtu qui la porte sur ses épaules. « Dévoltage, vraiment ? Tu comptes m'électrocuter ? » lui demande-t-elle avec un sourire amusé. Elle a toujours aimé sa spontanéité, ce talent qu'il a pour la surprendre à l'aide de réflexions sorties de nul part et qui ne manquent jamais de la faire rire. Elle est comme une groupie devant une rock star, comme un tournesol cherchant sans arrêt son soleil. Mais bien vite, il lui pose cette question qui la force à quitter son nuage pour retomber violemment sur Terre. Pourquoi a-t-elle peur ? Pourquoi le fond de ce lac suffit-il à faire se flétrir son coeur ? Rares ont été les fois où Cleo a parlé de sa phobie, elle croit même ne jamais avoir eu à le faire depuis qu'elle a emménagé à Bowen. Non pas qu'elle ait eu l'envie de la garder secrète, mais plutôt parce que l'occasion ne s'est jamais présentée. Elle évite en général les points d'eau, les piscines, les océans. Tout en parlant, elle tente de se détacher de lui tout en gardant un appui sur ses épaules. Il se tourne vers elle et, sans prévenir, glisse ses mains sous ses cuisses pour lui donner un appui. Elle sait qu'il ne fait ça que pour lui rendre service, mais Cleo ne peut empêcher à son coeur de manquer un battement. Ses bras commencent à faire des mouvements de brasse pour l'empêcher de tomber en arrière, ce qui créerait certainement une scène des plus angoissantes pour elle, pour lui, mais aussi pour tous les autres autour d'eux. Ce regard qu'il pose sur elle et la douceur de sa voix suffisent à la mettre assez en confiance que pour la pousser à se confier. « J'ai.. enfin, j'avais un frère jumeau. Il s'appelait Robb, et on était plus ou moins inséparables lui et moi. Il était mon meilleur ami, mon meilleur ennemi aussi, celui à qui je pouvais me confier un jour pour ensuite lui lancer la guerre le jour suivant. » Elle rit doucement avant qu'un sourire nostalgique ne vienne flotter sur ses lèvres. « On habitait près d'un lac dans lequel on allait souvent, surtout pendant l'été. Un jour, on y est allé alors que l'hiver avait gelé une grande partie de l'eau et... il est tombé. » Sa gorge se noue, mais elle est à présent capable d'en parler sans pleurer.

Isaiah eut un rire quand Cleo se moqua de son choix de mot, lui demandant s’il comptait l’électrocuter. « Mais non, justement, je vais faire en sorte que ça n’arrive pas ! » S’exclama-t-il, même si au fond, il ignorait la signification exacte du mot. Il s’imaginait seulement que le courant électrique se voyait affaiblit par le dévoltage, puisque le préfixe dé signifiait l’effet inverse du mot qu’il précédait. Ou un truc dans le genre. Honnêtement, Isaiah n’avait jamais suivi assez attentivement ses cours de langue pour saisir toutes les subtilités de celle-ci. Et de toute façon, ce n’était pas le sujet le plus important du moment, ce n’était qu’une blague pour détendre l’atmosphère avant d’en faire grimper la tension. Aux yeux d’Isaiah, c’était un peu inévitable, qu’il le lui demande. Ce qui s’était passé pour qu’elle ait ainsi peur de l’eau. Ce n’était pas en raison de sa curiosité, non, c’était surtout parce que Cleo comptait énormément aux yeux de l’homme, et ce dernier voulait s’assurer de ne pas la laisser dans un état psychologique fragile après cette expérience, après cette tentative d’aller dans l’eau. Il posait donc ces questions dans le but de s’assurer qu’elle irait bien, et pour saisir la source de son malaise et de sa crainte, aussi. Afin de mieux être à l’écoute et d’être là pour elle, autant physiquement que moralement, Isaiah se tourna face à elle et l’attira vers lui. Un soutien, une bouée de sauvetage. Cleo lui révéla alors un secret qu’elle avait sans doute bien gardé tout ce temps, parce qu’il n’avait jamais entendu parler de son frère jumeau. Ni de sa bouche, ni de celle d’un autre. Isaiah sourit avec elle quand elle parla de leur relation, il la trouvait belle dans sa nostalgie. Sauf que le pire était à venir, et leurs deux sourires s’effacèrent. Cette histoire était bouleversante, elle l’avait pris par le cœur et l’avait chagriné. Isaiah avait toujours été quelqu’un d’empathique, il s’était toujours mis dans les souliers des autres pour mieux comprendre. La souffrance de Cleo le frappait de plein fouet. « Je suis vraiment désolé, Cleo. Ça a dû être terrible à vivre. » De sa main, du bout de ses doigts, il caressa le bras de la jeune femme, tandis que son autre bras la soutenait toujours, d’en-dessous de l’eau. Isaiah n’avait jamais été confronté à la mort, pas à celle d’un proche, pas à celle de quelqu’un qu’il aimait. Il avait vu la mort au cours de ses nombreux voyages, mais ne l’avait vue qu’avec une distance émotionnelle qui lui avait toujours permis de s’en sortir. Si un membre de sa famille en venait à mourir, Isaiah ne savait pas comment il réagirait. « T’es courageuse, tu sais. You never cease to amaze me. Regarde autour de toi, Cleo. » Ils étaient en plein milieu du lac. Isaiah ne touchait plus au fond de l’eau, et Cleo l’aidait de ses mouvements de bras à rester à la surface. « Tu l’as fait. » Plutôt que de parler du deuil, de la mort, Isaiah se tournait vers l’espoir, encore.