mister sunshine (isaiah)

De l'entendre rire, ça lui suffit pour être capable de se confronter à cette peur qui l'a rendue fébrile pendant de trop nombreuses années. En sa compagnie, Cleo a l'impression d'être invincible. Elle est capable de tout, d'oublier momentanément que des eaux similaires et aussi troubles ont aspirées pendant plus de vingt minutes le corps de son jumeau, allant jusqu'à garder avec elles ses sourires, son rire de gamin, toute cette vie qui faisait de lui le garçon excentrique et trop actif qu'il a toujours été. Et si il avait été là pendant ces années de peur, Robb l'aurait certainement engueulée. Pire même, il l'aurait probablement poussée à l'eau afin qu'elle puisse faire face à cette phobie tout en gardant cependant sa main dans la sienne. Parce qu'il était comme ça, son frère. Il la forçait à dépasser ses limites, à se montrer sous son plus beau jour tout en restant derrière elle en cas de pépin. Il était sa moitié, une part d'elle qui est à jamais restée au fond de ce fichu lac en Irlande. Parler de lui à Isaiah, ça lui fait l'effet d'un poids qui se retire de ses épaules. Il est le premier avec qui elle se montre aussi franche, le premier aussi qui aura été capable de la faire entrer dans une aussi profonde étendue d'eau. « Ça l'était, mais je sais qu'il me détesterait d'être encore malheureuse. Et puis, avec toi en face de moi, je suis incapable de l'être de toute façon. » Elle sourit un peu béatement avant de simplement hausser les épaules. Isaiah, son repère à Bowen, celui qui aura été là chaque jour où elle en avait le plus besoin. Sans lui, elle en serait probablement restée au stade de sa peur des inconnus, en plus de sa peur de l'eau. Alors qu'il caresse son bras, Cleo se sent frémir mais ne détache pas pour autant son regard du sien. Elle tient bon, se concentre sur son équilibre et sur le contact des légères vagues contre son corps. Il lui dit la trouver courageuse, et elle ne peut s'empêcher de sourire avant de hausser modestement les épaules. Comme il le lui demande, Cleo regarde tout autour d'elle et remarque à quel point ils sont loin du bord. D'abord tout d'un coup nerveuse, elle s'empresse cependant de se rattacher aux paroles d'Isaiah qui lui assure que oui, elle l'a fait. « J'ai réussi, » souffle-t-elle en reportant son attention sur lui. Sans réfléchir, dans un geste impulsif et absolument pas calculé, elle glisse ses mains dans sa nuque et appuie ses lèvres contre les siennes. Le geste est rapide, furtif, à peine le temps qu'elle se rende compte de sa bêtise. Rapidement, Cleo bondit en arrière et se détache d'Isaiah. « Oh god, je suis désolée, c'était dans l'euphorie du moment, » baragouine-t-elle rapidement sans réaliser tout de suite qu'elle est en train de nager seule, sans le tenir. En baissant les yeux, Cleo remarque qu'il n'y a plus rien pour l'empêcher de couler et sent soudainement son coeur s'emballer. « Ça y est, je vais mourir de honte, genre.. littéralement ! » s'exclame-t-elle en faisant des mouvements de bras plus rapides.

Aux paroles de Cleo, il esquissa un sourire. C’était sans doute le plus beau compliment qu’on pouvait lui faire, à Isaiah. Qu’on ne puisse être malheureux en sa présence, qu’on ne puisse laisser ses lèvres glisser dans le mauvais sens face à lui. Après tout, ce que l’homme désirait plus que tout, c’était le bonheur des gens qui l’entouraient, des gens dont il croisait le chemin, ne serait-ce que pour une minute. S’il avait pu rendre son rire contagieux pour tous les gens qui croisaient son regard, alors il le ferait. Il partagerait sa joie de vivre à qui en voulait bien. Il était généreux comme ça, et, surtout, il aimait. Isaiah aimait le monde. Alors de savoir qu’une des personnes qui lui étaient les plus chères ne pouvait qu’être heureuse en sa compagnie, ça le remplissait d’une fierté, d’un honneur, incommensurables. Même dans les souvenirs les plus sombres, même perdue parmi le flot d’émotions douloureuses, Cleo savait retrouver sa lumière en regardant dans les yeux d’Isaiah. C’était la plus belle preuve d’amitié qui puisse exister. « Ça me va droit au cœur. Et je suis certain que ton frère serait heureux de t’entendre dire ça, de savoir que tu laisses encore le bonheur t’animer. » Il lui sourit, doucement, continuant à caresser sa peau parce qu’il savait que malgré les paroles porteuses d’espoir et de réconfort, Cleo avait tout de même besoin de se sentir écoutée, épaulée. Il était là, il serait toujours là. Isaiah reprit alors la parole afin de lui signifier à quel point elle était courageuse et impressionnante. Parce que malgré le traumatisme qu’elle avait vécu chez elle, en Irlande, elle avait su passer par-dessus sa peur et voilà qu’elle touchait de nouveau à une partie de sa vie qu’elle avait reniée jusqu’à maintenant. Elle était dans l’eau, complètement submergée par le lac qui l’étreignait, presqu’autant qu’Isaiah. « Oui. Tu as réussi. » Répéta-t-il, pour l’encourager, pour la féliciter, pour souligner ce grand pas qu’elle venait de franchir sur elle-même. Les voix les plus difficiles à taire étaient celles qui provenaient de l’intérieur, celles qui nous figeaient sur place, devenant prisonniers de soi. Sauf que Cleo avait réussi à les faire plier, force tranquille qu’elle était. Et comme éprise de ce moment des plus magiques, la jeune femme glissa ses mains sur la nuque d’Isaiah, s’approcha de lui, et appuya ses lèvres contre les siennes. Isaiah, instinctivement, ferma les yeux et l’embrassa, malgré la surprise. Cleo se détacha bien vite, prenant conscience de ce geste qui aurait pu paraître bien déplacé selon d’autres regards. Mais pas selon le sien. Il sourit, et secoua la tête avec un léger rire en l’entendant s’excuser de la sorte, et prétextant être en train de mourir de honte. « Ce n’est rien, ne t’excuse pas. C’est vrai que c’était un beau moment. Ça méritait d’être souligné. » Il esquissa un sourire. Isaiah n’était pas comme les autres. Isaiah comprenait cette belle impulsivité qui pouvait parfois régner entre deux êtres humains, et plutôt que de condamner le fait qu’on s’y abandonne, il louangeait la fougue. « Et puis, si j’avais su que ça te ferait nager par toi-même aussi rapidement, on aurait pas attendu aussi longtemps … » Il arqua un sourire, posant son regard sur les bras de Cleo qui se faisaient aller par eux-mêmes, lui permettant de rester à la surface sans l’aide d’Isaiah.