that was such an epic fail (doug)

Étendue par terre, tête vers le sol, Bonnie leva les yeux vers son skateboard qui continuait tranquillement sa route. Les quatre petites roues se stoppèrent quand la planche heurta un poteau un peu plus loin et la jeune fille essaya tant bien que mal de se relever. Le résultat de cette chute monumentale n'était pas très beau à voir : ses affaires s'étaient étalées sur le sol, son jean était arraché, son genou et son coude étaient bien amochés et elle avait mal au poignet droit - poignet avec lequel elle avait vainement tenter de se rattraper alors qu'elle s'écroulait lamentablement sur le bitume. Une fois sur ses deux jambes, elle toucha son genou ensanglanté du bout des doigts et grimaça un peu. Ce n'était rien de plus qu'une égratignure sans gravité mais c'était douloureux. « Super, Bonnie. T'es vraiment douée ! », soupira-t-elle, pestant contre sa maladresse légendaire. Elle ignorait pourquoi elle s'était vautré sur ce trottoir mais la chute avait été d'un ridicule sans nom. Fort heureusement, la rue était déserte et personne n'avait assisté à ce grand moment de solitude - du moins, c'est ce qu'elle croyait. Elle ramassa rapidement ses affaires et parcourut difficilement les quelques pas qui la séparaient de son skate. Après l'avoir ramassé, elle décida de terminer le reste du chemin à pieds. En boitant un peu. Avec le coude ensanglanté, le pantalon déchiré et la mine déconfite.

Alors qu'elle marchait difficilement sur le bas-côté, Bonnie vit une voiture faire marche arrière pour revenir vers elle. Elle sentit son pouls s'accélérer. Elle regardait assez de films d'horreur pour savoir que ce genre de choses ne présageaient rien de bon. C'était généralement dans ce genre de scènes que l'héroïne, souvent blonde et naïve, se laissait embarquer dans la voiture d'un type d'apparence séduisante et qu'elle finissait découpée en morceaux quelques minutes plus tard. Parano, elle ? Oui, sans doute un peu. Mais elle n'avait pas envie de tenter le diable. On était jamais trop prudent. La voiture s'arrêta finalement à sa hauteur et le conducteur baissa la vitre pour lui parler.  Et ben je voudrais pas dire mais vous êtes dans un sale état, mauvaise chute ? Elle s'arrêta de marcher, tournant la tête vers lui pour voir à qui elle avait affaire. C'était un homme d'une trentaine d'années - plutôt séduisant, elle devait l'avouer - et son visage lui était étrangement familier. Elle l'observa quelques instants, essayant de jauger son degré de "dangerosité", puis haussa les épaules. « Ouais... J'suis tombée un peu plus loin. Mais ça va aller, vous inquiétez pas. » Il proposa alors de la déposer où elle voulait et même si son instinct lui disait de refuser - rapport à la potentialité que ce mec, aussi séduisant soit-il, puisse être mal attentionné -, l'idée de ne pas avoir à marcher pendant un bon quart d'heure était plaisante. Son genou la faisait souffrir et elle était bien amochée. Plus vite elle serait chez elle, plus vite elle pourrait se soigner, se doucher et dormir. Et elle en avait bien besoin ! Mais d'un autre côté, c'était risqué. Est-ce qu'elle était vraiment prête à monter aveuglément dans la voiture d'un inconnu ? Qu'est-ce qu'il se passerait si ce mec était un pervers ou un psychopathe (voire même les deux à la fois !) ? Il sembla lire dans ses pensées puisqu'il lui assura qu'il était "gentil". Cette réplique fit sourire Bonnie, qui se détendit un peu. Elle avait l'impression qu'elle pouvait lui faire confiance, sans trop savoir pourquoi. « Si vous êtes pas un psychopathe, je veux bien que vous me déposiez chez moi alors... » Elle lui sourit gentiment puis monta à l'intérieur de la voiture, déposant son skate à ses pieds. Elle lui indiqua son adresse et se tourna légèrement vers lui pour le regarder. « Merci, c'est sympa de vous être arrêté. » Tellement sympa que c'en avait été douteux. On vivait dans une société où les actes d'altruisme purs étaient mal perçus. On doutait de tout, de tout le monde, tout le temps. Et la gentillesse était devenue tellement rare qu'elle paraissait suspicieuse. Triste monde... Elle espérait que la confiance qu'elle avait placé en cet inconnu venu la secourir ne se retournerait pas contre elle cela dit. Mais il n'avait pas l'air méchant. Ni dingue. Ni pervers. C'était juste un mec gentil qui s'était arrêté pour l'aider alors qu'elle était mal en point.

Bonnie fut surprise de l'entendre dire qu'il connaissait Bowen comme sa poche. Elle qui s'attendait à devoir jouer le GPS vivant tout le long du chemin, elle était soulagée. Elle n'aimait pas vraiment guider les autres. Et puis, couper une conversation pour dire "Prenez a deuxième à gauche !", ce n'était pas terrible... « Ah ouais ? Vous êtes du coin ? » C'était sûrement pour ça que son visage lui disait quelque chose. S'il habitait à Bowen, elle avait déjà dû le croiser à plusieurs reprises. La ville était petite, on y croisait souvent les mêmes personnes. D'ailleurs, Bonnie trouvait ça rassurant. Alors qu'ils étaient en route pour son appartement, le conducteur se mit à lui raconter une anecdote sur son enfance. Bonnie tourna la tête en sa direction pour l'écouter. Heureusement qu'il était bavard, sans quoi la route aurait été longue - et gênante. Sa réplique sur les jeans troués la fit sourire et elle lui lança un regard amusé. « Ouais, c'est vrai ! Enfin, je vous avoue que je ne suis pas très fan de la mode des fringues trouées de partout... » C'est vrai, elle avait du mal à comprendre comment on pouvait payer une fortune pour acheter des vêtements troués. C'était idiot, quand on y pensait ! Passant une main dans ses cheveux comme à chaque fois qu'elle était gênée, elle essaya de poursuivre la conversation pour éviter qu'un lourd silence ne s'installe entre eux. « Et alors ? Vous avez arrêté le skate après votre chute ou vous avez continué ? » Elle avait failli abandonner plus d'une fois. Adolescente, elle avait fait des chutes plus mémorables que celle de ce soir et elle avait plus d'une fois rangé sa planche dans le garage en jurant ne plus jamais y retoucher. Mais elle aimait bien trop le skate pour arrêter. Et avec le temps, elle avait appris à mieux se réceptionner quand elle tombait. Enfin... Sauf ce soir.

Yep ! Je vis ici ! Bonnie observa son visage avec une plus grande attention, cherchant à savoir d'où elle le connaissait. Certes, il venait de lui confirmer qu'il vivait à Bowen et elle l'avait sûrement déjà croisé dans la rue. Mais ce n'était pas ça. Elle avait l'impression de le connaître vraiment, bien plus qu'on ne connait un inconnu croisé dans la rue. Elle plissa un peu les yeux et pencha légèrement la tête pour se concentrer puis, se rendant compte qu'il allait sans doute la prendre pour une folle, elle tenta de se justifier. « Votre visage me dit quelque chose... Je cherche depuis tout à l'heure, mais je ne trouve pas où je vous ai déjà vu. » Peut-être qu'ils avaient des connaissances communes et qu'elle l'avait déjà vu au cours d'une soirée ? Ok, c'était peu probable parce qu'elle ne sortait pas énormément et qu'en général, elle passait son temps avec Elijah quand ils étaient en soirée. La conversation continua joyeusement et elle sourit - une nouvelle fois - à sa remarque sur les slims. Elle, c'était l'inverse. Elle préférait les slims que les jeans troués, même sur les hommes. Mais bref, ce n'était pas l'heure de faire un débat sur les différents types de jeans. Elle écouta la suite de son récit sur le skate et le regarda d'un air amusé quand il avoua qu'il aurait sûrement l'air ridicule sur son skate. « Me dites pas ça, je vais être obligée de vous faire essayer ! » Elle rit un peu, imaginant sans mal la scène. Ça pourrait être marrant, cela dit. Et à première vue, il n'avait pas l'air d'un mec coincé qui n'oserait pas le faire. Elle était sûre qu'il était plutôt du genre à accepter tous les défis qu'on lui lançait, même les plus dingues. Elle se trompait peut-être, après tout elle ne le connaissait pas, mais il dégageait quelque chose d'insouciant. Il se présenta finalement et se mit à la tutoyer, ce qui ne dérangea pas du tout Bonnie. Bien au contraire, c'était beaucoup plus convivial comme ça ! « Moi c'est Bonnie. » Elle n'allait pas se mettre à lui raconter sa vie et lui dire qu'en réalité, son prénom était Ebony mais qu'elle ne l'aimait pas trop alors elle se faisait appeler Bonnie depuis son plus jeune âge. Ce n'était pas une anecdote intéressante. « Et oui, tu peux me tutoyer », sourit-elle. Et soudain, alors qu'elle posait une nouvelle fois son regard sur son visage, Bonnie eut un flash ! Elle se souvenait très bien où elle l'avait vu : dans sa télé, quand elle faisait des soirées Netflix avec son copain. Doug. Il s'appelait Doug. Comme Doug Davenport. Sortant discrètement son téléphone de son sac, elle tapa son nom sur Google pour vérifier si elle avait raison avant de dire une connerie. C'était peut-être juste un mec qui lui ressemblait, au final. Et le fait qu'il ait le même prénom que l'acteur n'était peut-être qu'une coïncidence. Ou alors, ça pouvait être un mec ressemblait au vrai Doug Davenport et qui se faisait passer pour lui, juste pour se marrer. Comme d'habitude, l'imagination très fertile de Bonnie inventait mille scénarios possibles. Elle cliqua sur le premier lien disponible et atterrie sur son compte Instagram. Elle parcourut rapidement sa page et eut deux confirmations : premièrement, le mec assis à côté d'elle était bien Doug Davenport. Deuxièmement, s'il lui paraissait aussi familier ce n'était pas seulement à cause des séries qu'elle regardait mais parce qu'il était vaguement sorti avec sa cousine. Elle avait vu une photo de Tahlia sur son compte et maintenant, tout était plus clair. Elle se souvenait maintenant l'avoir croisé à quelques reprises, du temps où elle n'habitait pas encore avec Elijah et qu'elle consacrait plus de temps à sa famille. Elle ferma Instagram et rangea son téléphone sans rien dire. Elle ne savait pas vraiment comment réagir, en fait. C'était con mais... Le fait qu'il soit connu, ça l'intimidait un peu.