Incontrôlable. {Natanael}

Je suppose qu’Eibell ne va pas être ravi de ne pas me trouver dans ma chambre à l’heure du souper. Et ouais, j’ai encore fait le mur. J’ai dis à Fleur que je ferai des efforts, mais j’y arrive pas. Je plonge mes mains dans les poches de mon pantalon ample et j’en sors un paquet de clopes. Je me suis mis à fumer quelques jours avant la mort de mes parents, lorsque j’ai compris qui était Eibell. C’est pas une excuse, mais disons qu’à ce moment là, je me suis laissé tenter par deux de mes potes, juste parce que je me suis dis que ça ferait chier mes parents s’ils l’apprenaient. Le problème, c’est qu’on y devient vite accro à cette saleté.

Une fois ma clope allumée, je range le paquet et j’avance sans regarder ou je vais. Je m’engage sur la route en plein milieu sans faire attention à la circulation. Certes, on est dans une petite rue, mais il suffit d’un instant d’inattention pour qu’un accident arrive. Celui-ci, je m’y attendais pas du tout. Une voiture pile, je retiens m’a respiration et comme un con, je ne bouge pas. Le gars derrière le volant vient d’avoir un réflexe de malade, parce que l’avant de sa voiture s’est arrêté à quelques centimètres seulement de mes hanches. Putain l’angoisse. J’en laisse même tomber ma clope tellement je suis secoué. Et je suis toujours là, planté au milieu de la rue, comme un con qui attend le déluge alors que le conducteur sort de son véhicule. Je crois que ça va être ma fête… Je commence à reprendre des couleurs alors que le conducteur s'approche de moi... Qu'est-ce que je fais? Je l'engueule pour me donner contenance, soit il m'engueule et je ferme la mienne. Au point ou j'en suis.

« Bordel ! Vous ne pouvez pas faire attention ! » balançais-je agressif avec un léger accent français.

Ouais, je suis totalement en tord et je sais pas pourquoi je réagis comme ça. On dirait presque que je cherche les emmerdes. Presque?

Le gars il a quoi ? 25 ans à tout cassé et il me donne des leçons ? Je le regarde en plissant les yeux. « ca l’est si on veut aller de l’autre côté. » grognais-je sans me démonter sur un ton suffisant. Si mon père aurait été là, nul doute que je m’en serais déjà pris une. Pas qu’il était violent avec moi, loin de là, mais il était très à cheval sur le respect, ce que je ne montre pas à l’heure actuelle. Je regarde le trottoir quand il le mentionne et je tique légèrement. « Ca te regarde pas ce que je fous là. Et puisque tu sembles bien connaître le trottoir, tu n’as qu’à y aller toi… » Balançais-je sans détourner mon regard de lui. « Trace ta route et va voir ailleurs si j’y suis. » Alors que je m’apprêtais à tourner les talons, il me lance une phrase qui a le dont de me faire péter les plombs, et moi-même je ne sais pas pourquoi. Enfin si… Je sais pourquoi… Parce que depuis que je suis là, on me demande de me calmer. Or… jusqu’ici, j’ai été très calme. « Calmer ? Pourquoi j’ai l’air énervé ? » l’interpelais-je agressif. « Je suis calme ! Tu n’as rien à me dire ! Aucun ordre à me donner ! Tu n’as aucun droit sur moi ! Tu voir quand je le suis pas ce que ça donne ? Bah ca donne ça ! » hurlais-je en donnant un coup de pied au niveau du phare de la voiture. Le phare se brise alors que des morceaux de verres tombent par terre. Okay, j’ai joué au con pour le coup. J'ai reporté toute ma rancoeur que j'ai envers Eibell sur ce pauvre mec. Pourquoi je suis comme ça ? J’en sais rien. Je sais plus. Mais pour le moment, c’est pas trop le problème. Le vrai problème, c’est que je viens de bousiller le phare de ce mec et que… même si je suis un sportif, il fait deux têtes de plus que moi et il est plutôt baraquer. Je suis dans la merde alors le mien à faire c’est de me taire. Et peut-être courir ? Enfin si mes jambes daignent à m’écouter. Mais non… Alors je me contente de le regarder un peu avec défi, mais surtout avec crainte alors que j’ai réalisé la connerie que je venais de faire.

Ce mec m’énerve à avoir réponse à tout. Je laisse apparaître un sourire narquois alors que pourtant, y a pas de quoi. Il n’a pas compris ou je voulais en venir, peut-être que j’ai mal tourné la phrase. J’ai ce problème quand je parle trop vite en anglais, il m’arrive de faire des erreurs. Mon anglais n’est pas parfait, même si mon père ne parlait qu’anglais à la maison. Je suis quand même bien plus à l’aise avec ma langue maternelle, le français.

J’étais figé face au gars à la chevelure claire. Je venais de lui bousiller le phare de sa voiture de luxe. Bon, vu la bagnole qu’il avait, il devait largement avoir les moyens de se payer un phare de rechange, mais les riches sont en général, les plus radins. Contre toute attente, il m’a pas explosé la tronche. Plus étonnant encore, il reste calme. Les gens à Bowen sont étranges comparer à chez moi, en France. Lorsqu’il mentionne mes parents, mes yeux se perdent dans le vague. Je pense que je me serais fait démonter par mes parents s’ils m’avaient vu me comporter comme ça. Mais ils sont plus là et quoique je fasse, ils ne viendront jamais me tirer les oreilles et me remettre les idées en places.

Contacter Eibell ? Ça me fait une belle jambe, vraiment. Sauf que… S’il fait ça, je risque de ne plus pouvoir sortir à ma guise comme je le fais actuellement, et ça, ça me fait chier. Cette folle m’a bloqué l’accès à la fenêtre juste pour ne pas que je me défile pour une simple discussion, qu’est-ce que ce serait si elle apprenait qu’en plus, je fais des conneries dehors ? C’est peut-être mon jour de chance, mais il me propose de venir travailler … au garage ? Oups, alors c’est pas sa caisse ? Je comprends mieux maintenant… « Va pour le garage » dis-je bien plus calme. « Et désolé pour la voiture » ajoutais-je en ravalant ma fierté. « Il est ou ? Le garage ? et a quelle heure? » demandais-je finalement pour savoir ou me rendre dès demain.

J'ignorais à quelle heure finissait les cours ici, en Australie, et je n'étais toujours pas scolarisé depuis mon arrivée.

L’homme m’avait laissé le choix entre deux possibilités. J’ai choisi la voix de la raison pour je ne sais quelle raison. J’en ai vraiment rien à faire de ce que peut dire ou penser Eibell. Mais pour le moment, elle me laisse une certaine liberté qui me convient et je ne veux pas la voir s’envoler pour un phare de merde. "Je m'en doutais bizarrement", je prends sur moi pour ne rien dire, mais le regard noir que je lui lance exprime suffisamment ma colère sur le moment. J’ai envie de lui balancer : tu peux toujours essayé, tu les trouveras dans un cimetière en France. Mais non, je me contente de garder ça pour moi et de tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de l’ouvrir. Il m’indique ou se trouve le garage, mais me dit simplement que je dois y aller pendant trois heures après les cours. Ça m’aide pas vraiment, je ne connais pas les horaires des écoles australiennes. Je me contente d’acquiescer d’un signe de tête pour lui dire que j’ai compris ou se trouvait le garage et au moment ou je m’apprête à lui demander pour les horaires, il reprends la parole et je lui fais un sourire tellement sarcastique qu’il n’y a même pas de place au doute « bien évidemment » balançais-je avec sarcasme. Et il revient sur la classe. Il se prend pour qui ? mon père ? Quoique… Heureusement que non sinon je ne serais pas là, à me taper la tchatche avec un inconnu en pleine nuit. « Je suis pas scolarisé, monsieur » lui répondis-je simplement et surtout beaucoup plus poliment. « Et j’ignore à quelle heure est la fin des cours en Australie » ajoutais-je en sortant mon paquet de clope de ma poche afin de m’en allumer une. « Donc, je viens demain à votre garage. Pas de problème. » dis-je prêt à partir. Après avoir allumer ma cigarette, je m’apprêtais à tourner les talons, constatant avec un certain plaisir que l’homme ne connaissait même pas mon nom. Un avantage certain passé cette nuit. Il me suffisait de ne pas me rendre au garage, et de nier tout implication s’il venait à me retrouver. « Bonne soirée ! » balançais-je sur un ton presque joyeux, faisant danser mon accent français.