just ride (orson)

Encore une autre, une énième idée impulsive qu'il décide de mettre à exécution sans même prendre la peine d'y réfléchir. Comme si Alfie était actuellement de traverser sa crise de la cinquantaine, mais à vingt-six piges. Il ne réfléchit plus, même si au fond il n'a jamais été très doué pour ça. Il a envoyé un message à Orson, ce petit bout de mec qui le fait bien marrer et qui lui donne parfois l'impression d'être le grand frère à mauvais coups. Il l'a fait y a vingt minutes seulement, et Alfie est déjà en route jusqu'à chez lui pour partir faire une sorte de road trip d'un jour -ou plusieurs, à voir là-bas-. Une fois arrivé, il gare sa voiture mais ne coupe pas le moteur. Une paire de lunettes de soleil est plantée sur son nez et, rapidement, sa main vient s'écraser sur le klaxon de la voiture. Plusieurs fois. Et tant pis si il réveille le quartier, il est déjà passé midi après tout. Quand il voit la silhouette du gamin se frayer un chemin dans l'ouverture de la porte, un sourire vient étirer les lèvres d'Alfie. « Prêt pour le voyage le plus cool et le plus cheap de ta vie ? » Il a le sourire rieur, les traits d'un homme qui ne sait pas se prendre au sérieux. Ça lui arrive des fois, rarement. Dans la voiture, une playlist de rock anime l'habitacle. Il fait beau, chaud, et dans une poignée de secondes ils partiront à deux découvrir une ville autre que Bowen. L'Australie est si vaste après tout, stagner au même endroit ne sert à rien à part à s'encrer les pieds dans le sol jusqu'à finir vieux, immobilisé dans une chaise qui monte à deux à l'heure des escaliers trop raides. Cette vie ne l'excite pas. Lui, il a besoin de bouger. De voir le monde avant qu'il ne soit trop tard.

Des choses faites par impulsions, c'était tout à fait le genre de choses qui rythmait la vie d'Orson. Alors ce petit voyage tombait à pic, lui qui ne savait pas quoi faire de ses prochaines journées était bien plus qu'heureux de partir à l'aventure. Il s'était préparé avec impatience, fourrant en boule quelques affaires dans son sac à dos sans trop faire attention à ce qu'il prenait vraiment. De toute façon, tout ce qu'il y avait dans son armoire, il aimait. Et tout s'accordait, puisque la plupart du temps il s'agissait de couleurs neutres comme du gris souris, du blanc ou du noir. Il n'y avait que ce jean bleu qu'Orson ne mettait que trop rarement car trop inconfortable. Les lunettes de soleil sur le crâne, Orson finissait sa cigarette lorsqu'il entendit le klaxon de la voiture d'Alfie résonner dans le quartier. A la hâte, il attrapa toutes ses affaires, posa ses lunettes sur son nez et ferma la porte de la maison derrière lui. Il adressa un large sourire à son ami alors qu'il hochait la tête, partant. « Plutôt deux fois qu'une. » Orson ouvrit la portière côté passager pour s'y faufiler avec aisance puis tapa dans la main d'Alfie, pour lui dire bonjour. Il dodelina de la tête en entendant le morceau qui résonnait dans le véhicule et frotta ses mains après s'être attaché. « Allez, Alfie ! Deuxième étoile à gauche et tout droit jusqu'au matin ! » Orson trouva que cette référence leur allait bien. Deux Peter Pan qui ne voulaient pas grandir, qui désiraient seulement s'amuser encore et encore, sans jamais que leur vie ne soit entachée d'une quelconque manière. Le monde avait bien trop de chose à leur offrir pour qu'ils ne s'emprisonnent au plus jeune âge.

Aux cotés de ses deux soeurs, Orson est un peu comme le frère qu'il n'a jamais eu. Il aurait hérité de cette légèreté d'esprit qui anime Alfie, de cette même envie de découvrir sans prévoir. Deux gamins semblables de mères différentes, deux vieux ados qui préfèrent tourner le dos à la dure réalité de la vie encore un moment. Et ça lui plaît, ce lien simpliste et complexe en même temps qui les unit. Ça lui fait du bien à Alfie d'avoir enfin à ses cotés une personne autre que Nevaeh pour partager ses conneries d'un jour. C'est un ticket vers la liberté qu'ils s'offrent à tous les deux avec ce voyage de quelques jours, un roadtrip qui sera sûrement fait de clichés masculins. Derrière ses lunettes, il a le regard brillant d'un homme prêt à affronter le monde entier. Un nouveau sourire se dessine sur son visage à la réponse d'Orson. « C'est beau ce que tu dis, je pourrais presque être charmé. » Un rire incontrôlable remplace l'espace d'une seconde son sourire avant de lui rendre sa place. Sans quitter la route du regard, il tend le bras en direction de la banquette arrière avant d'attraper une carte routière qu'il a plus tôt lancée là en se disant que ça pourrait certainement servir. « Je devrais être capable de trouver le chemin mais si on se perd, je te nomme officiellement mon co-pilote. » Il lance la carte pliée sur les genoux d'Orson même si il est pratiquement certain qu'ils n'auront pas à s'en servir. « Prochain arrêt, la meilleure bière d'Australie, » clame-t-il tel un guide touristique.

Dans son entourage, Alfie était un peu le seul à organiser ce genre de choses. Enfin, Orson avait ses amis avec qui il s'amusait beaucoup, cependant, partir comme ils le font là, personne ne le lui avait jamais proposé. Du moins, pas sans rien savoir de leur destination ni du temps qu'ils mettront à voyager. Installé du côté passager, Orson appréciait la compagnie d'Alfie comme un gamin seul avec son meilleur copain : à pouvoir faire toutes les conneries du monde sans jamais se préoccuper des conséquences. Sans jamais se soucier de grandir. C'est pour cela qu'Orson fit référence à Peter Pan. « Non mais mec, même moi je suis sous le charme. » Il joignit son rire au sien et se remit en place sur son siège. Puis il leva un sourcil aux paroles d'Alfie tout en posant le regard sur la carte qu'il venait de jeter négligemment sur les genoux d'Orson. « Heureusement que j'ai le sens de l'orientation. Qui sait, on finira peut-être bourrés dans un sex-shop situé dans une ruelle glauque d'une ville inconnue. » Il lança un regard complice à son ami, bien entendu ils ne se retrouveraient jamais dans ce genre d'endroit. Enfin, rien n'est moins sûr, car s'ils allaient directement goûter la meilleure bière d'Australie, ils allaient aussi peut-être faire tous les autres bars aux alentours. Peut-être même qu'ils ne bougeront pas d'une seule ville ... « Ca tombe grave bien, je commençais à avoir soif, dis donc ! »

Il a toujours aimé agir sur le tas. Ne pas réfléchir, ne pas prévoir de plan foireux qu'il ne respecterait de toute façon pas. Alfie, il a toujours été impulsif, parfois trop. Il ne s'est pas demandé si quitter l'Espagne était une bonne idée avant qu'il ne soit trop tard, tout comme il n'a pas pris le temps de vraiment se renseigner sur les endroits où ils s'arrêteront avant d'être déjà sur la route. La réponse d'Orson l'amuse mais il ne répond rien, se contentant d'un grand sourire qui traduit facilement le plaisir qu'il a à se retrouver entre mecs. Par contre, il se doit de renchérir sur sa supposition quant-au lieu où ils pourraient possiblement se perdre. « Je te ferais croire qu'on est paumés, mais en fait ce serait totalement calculé. » Bourrés dans un sex-shop, c'est pas si mal après tout. Alfie lui rend son regard en coin, un sourire amusé éternellement accroché au coin de ses lèvres. Bien vite, il reporte son attention sur la route et ne tient plus que le volant d'un main, son coude gauche appuyé sur la portière dont la vitre est ouverte. « J'espère que t'as l'estomac bien accroché, en tant que nouveau barman je connais des alcools qui te retournent la tête après un verre et dont tu connais sûrement même pas le nom. » À nouveau, il sourit. « Mais bon, je me fais pas trop de souci pour toi. » Quoi qu'il ne se souvient pas si Orson et lui ont déjà bu ensemble jusqu'à ne plus savoir marcher. Alfie, lui, il a l'habitude de boire. Il boit depuis qu'il a quinze ans, est capable de s'enfiler plusieurs verres d'alcool fort sans en ressentir les effets. À la limite entre l'ivrogne et l'alcoolique, il remplace cependant bien souvent les verres par quelque chose de plus euphorisant.

Orson se fichait complètement d'où ils allaient. En fait, tant qu'ils allaient quelque part, tout lui convenait. Il n'avait encore jamais fait ce genre de petit voyage mais cela n'était pas pour lui déplaire. Se retrouver dans des endroits inconnus, rencontrer de nouvelles personnes, de nouveaux horizons ; lui qui était très voyageur, il adorait cette idée. Et avec Alfie, en plus. Cela allait être juste génial, il n'en douta pas une seule seconde. Riant à la phrase de son ami, il secoua la tête et lui donna un très léger coup de poing dans l'épaule. « Et si on se paume vraiment, on fait comment ? Tu sais, je vais te dire : tant qu'il y a de l'alcool et à bouffer, on peut rester paumés autant que tu veux. » Un haussement d'épaules, et Orson détourna le regard sur la route qu'ils parcouraient tous les deux. Il contempla le paysage défiler sous ses yeux, prenant plaisir à regarder tout ce qu'il y allait avoir de différent avec la ville de Bowen. « Oh, t'en fais pas pour moi, Alfie. Si tu savais les murges que je me mets toutes les semaines, je pense que tu ne prendrais même pas la peine de me prévenir là-dessus. » Bon, ce n'était pas forcément très intelligent de s'en vanter, mais au moins, il avait prévenu son ami. « D'ailleurs, je suis certain que tu tomberas raide le premier. » Le taquina-t-il avec un sourire aux coins des lèvres. Orson connaissait parfaitement ses limites, mais il les repoussait à chaque fois qu'il le pouvait. Et si Alfie lui donnait ce genre de défi, il est clair qu'il les repoussera encore plus, peut-être jusqu'à mettre sa vie en danger.

La réponse d'Orson lui tire un sourire en coin, sourire qui va finir par ne plus jamais s'effacer de son visage à force. C'est ça qui est cool, avec lui. C'est comme être avec une version plus jeune de lui, un type qui le comprend et qui sait quand ne pas se prendre la tête. À manger, à boire, c'est tout ce dont il a besoin pour ne pas se faire chier. Et il s'en fiche d'être paumés, ils trouveront le temps plus tard pour s'en soucier. « J'aime cette façon de penser, » répond-il. La route n'est pratiquement qu'une ligne droite, rien de bien difficile qui pourrait causer leur perte. Si il se fie aux dires d'Orson, ce dernier a l'estomac solide et encore heureux. Ce roadtrip ne sera peut-être pas une débauche, mais il fera office d'échappatoire au monde réel. Comme une sorte d'enterrement de vie de jeune homme à deux, et sans mariage. « Donc, tu sors toutes les semaines et t'es même pas encore passé à mon bar ? Je pourrais être vexé, » ajoute-t-il sans se défaire de son sourire, plaisantant comme souvent. À ce qu'ajoute Orson, Alfie tourne la tête vers et descend ses lunettes de soleil sur son nez afin de pouvoir croiser son regard. « Ah ouais ? Je relève le défi, on verra bien qui tiendra le plus longtemps sans recracher ses tripes. » Repousser ses limites, c'est une chose qu'il connait bien. Il l'a toujours fait, quitte à mettre sa propre vie en danger. Après avoir roulé pratiquement une heure, Alfie s'arrête sur le parking d'un bar longeant la route. « Un premier verre ? » lance-t-il après qu'il n'ait coupé le moteur.