orson ∇ remember me

Il n'est jamais agréable de rencontrer quelqu'un dans la rue qui dit se souvenir de vous mais que vous n'en ayez aucun souvenir. Voilà ce que subit Orson depuis son accident. Il est contacté par des gens qu'il ne reconnaît absolument pas. Il ne se souvenait même pas de lui-même et si on ne lui avait pas dit son prénom, il ne l'aurait jamais su. Le médecin lui avait expliqué après son réveil ce qui lui était arrivé et mentionna son amnésie rétrograde. Bien entendu, ce n'était en aucun cas définitif. Il allait retrouver ses souvenirs, la seule question qui lui trottait dans la mémoire était : quand ? Il espérait le plus vite possible. Ses proches tentaient tous de raviver ses souvenirs à chaque fois d'une manière différente, mais Orson avait beaucoup de mal à s'y faire. Le premier qu'il vit était son cousin, Daemon, avec qui il avait, selon ses dires et d'autres, une relation fraternelle très proche. Orson tenait à lui plus qu'à la prunelle de ses yeux. Et de savoir ce genre de choses le rendait morose. Comment pouvait-on oublier la personne qui compte le plus ? Comment pouvait-on simplement oublier toutes ces années et ces événements marquants avec cette personne-là ? Comment pouvait-on oublier l'amour qu'on éprouvait pour celui-ci ? Orson détestait cette situation. Il détestait l'hôpital dans lequel il était, il se détestait d'avoir tout oublié. Comme si c'était sa faute.

Pour autant, il essayait quand même. Ca lui venait naturellement, il discutait avec des proches par SMS et semblait même retrouver le sourire petit à petit. Bientôt, il allait avoir de la visite. Il fallait qu'il aille se doucher. Mais le choc de l'accident ne lui a pas causé seulement une perte de mémoire, il était couvert d'hématomes et de blessures en tout genre. Ses courbatures ne l'aidaient pas à bouger, il dût faire appel à une infirmière pour l'aider à se déshabiller. Il avait le sentiment d'être devenu un assisté et cela le mettait en colère.

Heureusement pour lui, ses proches comprenaient et étaient là pour lui. Aedhan n'allait pas tarder à arriver, Orson tenta de mettre ses chaussures et de faire ses lacets pour pouvoir aller ailleurs que cette chambre d'hôpital stérile dans laquelle il en avait marre de rester. Assis sur son lit, il entendit des coups à la porte puis vit un visage encore inconnu. « Salut Aedhan. » Un sourire aimable étira ses lèvres et il délaissa ses chaussures pour se redresser. « Physiquement, ça va à peu près bien. T'es beau gosse en vrai, je t'imaginais pas comme ça. »

Orson était rassuré. La bonne humeur se faisait sentir et son sourire devint beaucoup plus sincère. Au moins, il était certain qu'Aedhan n'allait pas pleurer pour lui et ça lui faisait du bien de voir quelqu'un qui faisait comme si de rien n'était avec lui. « Ca m'étonne même pas. Je vais pas dire que t'es moche, vu que t'es tout le contraire. » Le garçon se mordit la lèvre. Il se demandait s'il avait déjà couché avec cet homme ou si ça n'était pas encore venu. Parce que oui, même s'il avait perdu la mémoire, il savait qu'il aurait envie de lui tôt ou tard. A sa remarque, Orson lui offrit un sourire en coin craquant et un regard charmeur. « Mh, n'en fais pas trop, je suis même pas sous mon meilleur jour. » Un rire naturel s'extirpa de ses lèvres, il grimaça ensuite à cause de la douleur de ses hématomes. Il l'aimait déjà bien, ce gars-là. Il avait l'air de tout avoir pour lui et cela plaisait beaucoup à Orson qui ne se lassait pas de le contempler. « Noooon, juste un peu plus jeune avec un air un peu geek. Et des lunettes. » Très loin de penser au cliché du no-life, avec une chemise boutonnée jusqu'en haut et des cheveux gras et plaqués, ceci dit.

Si Aedhan était venu la veille, il aurait sûrement cru voir un mort ou quelqu'un sur le point de mourir. Orson avait été pâle et avait eu des cernes jusqu'en bas du visage. Les bleus dans son cou restaient visibles, il en avait même un sur la pommette mais ils n'étaient pas assez gros pour choquer qui que ce soit. Certes, le bandage entourait encore sa tête mais il avait repris quelques couleurs et avait rattrapé un peu de sommeil. Les anti-douleurs puissants que l'hôpital lui administraient le foutait un peu dans un état comateux, il se fatiguait vite. Cependant, il ne voulait pas rester couché toute la journée, lui qui bougeait sans cesse, il avait besoin de se dépenser. A ses paroles, il soupira légèrement. « Non pas vraiment ... Je vois des visages différents tous les jours qui m'étaient proches et que je ne reconnais même pas, j'ai des contacts sur mon téléphone à qui je peine à parler, et je sais même pas qui je suis ou ce que je fais dans la vie. Enfin, je le savais pas jusqu'à ce que Daemon m'en parle. C'est vraiment déprimant. Et plus que d'être déprimant, c'est très dur à vivre. » Annoncer à ses proches qu'on n'a plus aucun souvenir d'eux était déjà compliqué en soi, mais en plus, essayer d'apprendre à se connaître était une tâche ardue et épineuse pour laquelle Orson se donnait beaucoup de mal. Car bien qu'il soit déprimé, il ne perdait pas son but premier : retrouver ses souvenirs et un semblant de vie normale.
Lorsqu'il vit le paquet de cigarettes, le garçon faillit sauter sur ses pieds tant il était excité à l'idée de sortir de cet hôpital de malheur pour un peu plus de temps qu'il ne le faisait tout seul. La vie était bien moche quand il était seul. « Oh putain, mais t'es tellement le meilleur ! Par contre ... Il va falloir que tu m'aides un peu. Avec les courbatures, j'ai du mal à marcher. » Il était tellement excité à l'idée de sortir de sa chambre qu'il se releva un peu trop vite et dût se rattraper au lit pour ne pas tomber. « Oups ... »

Évidemment, Orson ne le trouvait pas vieux non plus. Il pensait juste trouver quelqu’un de son âge et pourtant, il s’avérait que son entourage soit plus âgé que lui. Mais ça n’enlevait rien au charme d’Aedhan. Bien au contraire, un peu de maturité ne faisait pas de mal. « 27 ans. Je te donne 27 ans. Mais te vexe pas ! T’es loin d’être vieux. » Orson ne voulait pas de sale ambiance. Mais de toute façon, on s’en fichait de l’âge qu’il avait, non ? Qu’Orson pense qu’il ait 27 ou 33 ans, ce n’était pas vraiment important pour lui. Tout ce qui comptait c’est qu’ils s’entendent bien, ce qui semblait être le cas pour le moment. « Tu vends des BD ? C’est trop cool ! Et t’en dessines aussi ? » Cette question venait du fait qu’Aedhan ait dessiné la couverture de son livre. S’il vendait des BD, il pourrait tout aussi bien en dessiner. Il n’avait pas encore vu à quel point il était talentueux, enfin, il ne l’avait pas revu en tout cas. Mais il avait hâte.

Pour l’instant, Orson expliqua un peu sa situation. Enfin, dans les grandes lignes en tout cas. Ses pensées étaient bien plus profondes et beaucoup plus déprimantes. Il n’arrivait plus à trouver un sens à sa vie, il se demandait surtout quel était l’intérêt de vivre une vie dont il ne connaît rien, quel sens avait sa vie maintenant qu’il devait vivre en était quelqu’un dont il ne connaissait rien. Tout ça était vraiment compliqué à vivre pour le jeune garçon et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il ne supportait plus d’être seul. La compagnie lui faisait beaucoup de bien, d’autant plus qu’il s’agissait d’une excellente compagnie. « Pour Daemon je confirme. Il m’a fait écouter un CD qu’il m’avait offert et ses morceaux sont exceptionnels. Il a vraiment beaucoup de talent. A succès, carrément ? T’abuses pas un peu ?.. Je suis qu’un étudiant. » Un étudiant qui adorait s’éclater, à ce qu’on racontait sur lui. Un étudiant qui faisait beaucoup de conneries aussi. Orson semblait avoir du mal avec cette idée-là, d’être un écrivain. Pour le moment, il retenait juste de lui d’être un petit con et semblait même se faire à cette idée. Après tout, il constatait jour après jour à quel point cela pouvait être le cas.

Vint l’apparition du paquet de cigarettes. Orson était tellement excité à l’idée de sortir dehors. Il en avait tellement marre de fixer ces murs blancs, d’être coincé avec lui-même, de voyager entre ses pensées plus sombres les unes que les autres, et ces réflexions dont il n’avait pas les réponses. Il était tellement excité qu’il se leva un peu trop vite et faillit tomber de son lit et se rattrapa au dernier moment à celui-ci. Son corps endolori trouva bien vite celui d’Aedhan qui glissa sa main sur sa hanche, et le bras d’Orson par-dessus ses épaules. Le garçon sourit et s’accrocha à lui pour marcher jusque dehors. « Tu sens bon. »

Assis dehors, Orson apprécia le beau temps, le soleil et surtout sa compagnie. Aedhan semblait inquiet pour lui et cela lui arracha un sourire splendide. « T’es mignon. Si je dis que j’ai froid, tu feras quoi ? » Son regard malicieux se figea sur Aedhan en essayant de décrypter ses expressions. Il le remercia ensuite en prenant le paquet de cigarettes qu’il ouvrit. Il en prit une entre ses doigts puis le lui tendit à son tour avant de fouiller dans son jean pour trouver un briquet. Il prit alors le temps d’allumer son bâton de nicotine et de soupirer sa fumée en posant son dos sur le dossier du banc. « Ca fait du bien d’être dehors … Je me demande à quoi ça ressemble, chez moi. Tu vois ? Si c’est en bordel, si c’est classe, si c’est petit, comment est ma chambre et mes vêtements aussi … »

Aedhan avait l'air d'être assez susceptible en ce qui concerne son âge. Pourtant, il était loin d'être vieux et le moins que l'on puisse dire, c'était qu'il était vraiment bel homme. Il plaisait beaucoup à Orson et pas seulement physiquement. « Oh arrête, j'ai pas besoin de me rattraper. T'es encore jeune et puis tu plais et t'es intelligent. » Quoi de mieux pour remonter le moral de quelqu'un que des compliments en chaîne ? Bien sûr, ils étaient sincères. Orson le trouvait véritablement intelligent, il fallait l'être pour avoir un talent en dessin et tenir également une boutique, ce qui voulait dire qu'il avait un certain contact avec les gens, et surtout les jeunes. Et même si Orson n'avait pas encore vu ses dessins, il était certain qu'ils étaient superbes. « T'as déjà essayé de dessiner des personnages de roman version comic ? Là au moins t'aurais un scénario et comme chaque lecteur a sa propre perception des personnages, il y aurait forcément de toi dans tes dessins. » Orson était des plus sérieux. Son idée venant du fait qu'il dessinait déjà des couvertures de bouquin, pourquoi ne pas les illustrer ou les transformer version comic ? Il pourrait peut-être avoir du succès et vendre ses BDs dans sa propre boutique. Et Orson serait grave fier d'avoir un auteur à succès dans son entourage.

Mais lui-même ayant des doutes quant à son propre talent, en même temps, il n'avait pas encore eu le temps de relire son bouquin pour en connaître le contenu. Et même si ses proches lui disaient tous qu'il était très bien, il avait du mal à les croire. Ce n'était pas très objectif comme point de vue. « Mh ... Faut arrêter de me lancer des fleurs comme ça, je vais finir par prendre la grosse tête. Mais merci, je me sens flatté qu'un non littéraire ait apprécié mon livre ! Même si je ne le connais pas moi-même. » Il serait peut-être temps qu'il s'y mette d'ailleurs. Il n'aura qu'à demander à Daemon de lui rapporter son ordinateur la prochaine fois qu'il passera.

Quand Orson lui fit un compliment sur son odeur, la réponse d'Aedhan le fit rire. Aedhan avait l'air d'avoir des difficultés en ce qui concerne la drague. Mais ça ne le rendait que plus mignon. Orson, lui, se rendit compte qu'il pouvait peut-être être lourd avec son rentre-dedans. Il ne voulait pas le mettre mal à l'aise mais il ne put s'empêcher de lui demander ce qui se passerait s'il avait froid. Et comme il l'avait constaté un peu plus tôt ... Aedhan ne sembla comprendre sa subtilité que quelques secondes plus tard. Orson en rit encore, mais pas pour se moquer. Surtout parce qu'il était vraiment chou à ramer de cette façon. « Les deux me vont très bien. » Il fut tenté de le taquiner sur son odeur d'hôpital mais il se retint pour ne pas avoir l'air de se moquer. « En bordel ? Comment ... Si ça se trouve c'est très bien rangé, d'abord. ... Bon d'accord. Ce serait peut-être un peu en bordel. Mais c'est normal, si je suis un artiste ! » Orson se redressa fièrement, après tout, il s'en fichait un peu qu'il soit bordélique ou pas. S'il était bien comme ça ...

Bon d'accord, son idée n'était peut-être pas aussi originale qu'il l'eut cru, mais c'était une idée comme une autre et si Aedhan ne l'avait pas encore fait, l'idée a très probablement dû lui passer par la tête. Et Aedhan le confirma en ayant des paroles qui eurent le don de surprendre Orson. Ce dernier haussa les sourcils et dévoila un large sourire. « Oh sérieux ? Tu me montreras ? Moi ça me dérangerait pas en tout cas. Si ça se trouve, le livre sera beaucoup mieux en BD. » En même temps, il ne savait rien de son bouquin, alors c'était un peu facile à dire. Mais il restait persuadé que ce serait quelque chose de plutôt cool que de le transformer en BD. Cela lui donnerait la possibilité de toucher un plus large public. « Peut-être oui ... Oh avec plaisir, merci Aedhan ! »

Le côté maladroit d'Aedhan avait le don de faire craquer Orson. Après tout, il essayait de le draguer et c'était déjà un très bon point pour Orson, ça prouvait au moins qu'il était tout autant attiré. Lorsqu'Aedhan lui demanda s'il avait vraiment froid, Orson n'eut même pas le temps de lui répondre que son bras était déjà autour de lui. Il lui sourit alors et se serra contre lui. « Mh ... Plus maintenant, non. » Il déposa sa tête sur son épaule en lui souriant fièrement. Comme un gamin à qui on aurait donné un cadeau, en fait. Il y avait toujours ce côté enfantin qui ressortait bien chez Orson, même après son accident. Il ne le faisait même pas exprès, c'était comme ça qu'il était. « Si c'est que ta chambre ça va. Je retiens ça, Aedhan ! » Ah ça, il ne risquait pas de l'oublier. « Mh ... Je sais pas. Peut-être, j'en sais rien. D'après le médecin, je me rétablis bien. Il dit que je pourrais peut-être passer le nouvel an à la maison mais quand il m'a dit ça il était pas très enthousiaste ... Peut-être que je pourrais insister comme ça je rentrerai pour Noël. »

« Un minimum hein ? » Orson se moquait un peu de lui. Au fond, si ça se trouve lui aussi gardait son appart en bordel, même avec sa coloc. En réalité, il n'y avait que son bureau qu'il pouvait laisser en bordel, sinon, il rangeait tout. Mais ça, il ne le savait pas et donc, ne pouvait pas lui dire. « C'est vrai ? Donc je peux venir un samedi soir à minuit ? » Il plaisantait bien évidemment. Enfin, peut-être pas. Il n'en savait rien, mais c'était juste une taquinerie au fond. Il ne pense pas qu'il pourrait se permettre de le faire réellement.

A la proposition d'Aedhan pour Noël, Orson fut surpris. Mais agréablement. Il ne s'attendait pas à ce qu'il lâche tout pour rester avec lui. De plus, il n'avait aucune envie de lui gâcher sa fête de Noël. « Ben c'est pas que je veux pas de toi Aedhan c'est juste que je veux pas te gâcher ton Noël ... Puis si je dois passer Noël ici, je suppose qu'il y aura Daemon avec moi alors c'est pas la peine d'annuler à la dernière minute juste pour moi. » Il trouva cette attention particulièrement adorable. Qu'il prenne soin de lui est une chose mais là, c'était carrément annuler un repas de famille juste pour lui. Orson ne voulait pas le mettre dans l'embarras. Et puis avec un peu de chance, il sera sorti d'ici là. Après leurs cigarettes, Orson reprit appui sur Aedhan pour remonter à sa chambre. Il avait un peu honte mais en même temps Aedhan était confortable. Alors, petit con qu'il est, il prit vraiment son temps pour rentrer, histoire de profiter un maximum de ce contact humain qui, mine de rien, lui avait beaucoup manqué.

Désormais assis sur son lit, son regard se riva sur Aedhan et il sourit en retour, hochant la tête énergiquement. « Ouais ! J'avais pas pensé à ça. Vas-y, montre moi ! » Il voulut lui demander l'ébauche qu'il avait faite du personnage principal version comic mais il se ravisa en se disant qu'il ne l'avait pas forcément sur lui. Ils discutèrent de longues heures ensuite du bouquin et de la future couverture, parce qu'en voyant les couvertures qu'Aedhan avait déjà faites, Orson n'avait plus de doute : il voulait que ce soit lui qui la lui dessine. Ainsi, ils ne virent pas le temps passer et c'est seulement lorsqu'un infirmier vint les informer que les heures de visite étaient terminées qu'ils se rendirent compte de l'heure qu'il était. Orson le raccompagna jusqu'à la porte de sa chambre et claqua un baiser joyeux sur sa joue en le remerciant chaudement d'être venu le voir. « A plus, Aedhan, fais attention sur la route. »