(Alek) Hello darkness my old friend.

Je ne suis pas du genre très à l’aise en public. Et pourtant, je suis actrice. J’ai souvent songé à une reconversion, changer de vie et voir un peu ailleurs si j’y étais mais quelque chose me retient à Bowen. Mon mariage. Par mariage, j’entends sans aucun doute un truc raté fait à Las Vegas avec un inconnu. Bien entendu, je n’ai même pas couché avec lui. Ce qui est… nul. Je suis incapable de me souvenir de quand date mon dernier moment de tendresse avec la gente masculine. Je pense que le dernier instant que j’ai connu, c’était avec Lorenzo. Mais nous n’avons jamais concrétisé la chose. La solitude, ça me connait. Je pourrais être comme une de ses nanas et dire que j’aime la solitude mais je déteste ça. J’ai horreur d’être seule dans ma chambre d’hotel à manger un bol de céréales en regardant un épisode de Modern Family. Ou alors, me bourrer la gueule en pleurnichant sur mon sort. Donc, en compagnie d’Alek, j’enchaine les shots. Et je sens que je vais être encore trop saoule pour rentrer chez moi en marchant droit. Comme le test de la ligne droite en récitant l’alphabet et en faisant des gestes de pingouin. Alek me montre son tatouage et je le caresse distraitement avant de lui sourire. Pour la première fois depuis longtemps, j’avais un point commun avec quelqu’un. J’aimerai dire que ça me réchauffe le cœur et c’est le cas. Je lui sers mon premier sourire sincère depuis le début de la soirée, sans rien dire. Lorsqu’il approche sa bouche de mon oreille et que je sens son souffle sur ma nuque, je sursaute. Je me sens rougir avant de tourner ma tête vers lui et de le fixer dans les yeux. « Peut-être bien, répondis-je sans bégayer pour une fois, mais je pense que je ne l’intéresse pas. » Je lui sers un petit sourire timide, enfin, j’essaie avant de reprendre un shot de tequila en toussant comme une imbécile parce que l’alcool ça brûle la gorge.

C’était bien ma veine, tiens. Rencontrer un mec mignon, discuter avec lui et enfin être attirée par lui comme des abeilles par le pollen. Je le fixe un moment tandis qu’on commence à parler franchement. Lui de la perte de sa mère et moi de celle de Sally. Je caresse distraitement son tatouage sans penser au fait que ce geste est plutôt intime. Je n’ai jamais été très douée pour ça. A l’école, je regardai souvent les garçons qui me plaisaient aller vers d’autres. J’aurai apprécié être l’une de celles qui prenait les choses en main. Quoique ça pourrait en émasculer plus d’un. Mais à presque vingt-sept ans, j’étais toujours seule à cause de ma timidité maladive. Ce que je perdais devant la caméra. Mais dès que je me retrouvais face à un homme quelque peu désirable (et disponible), je ne pouvais m’empêcher de buter sur tous les mots. Je le regarde balayer la salle du regard et je suis embarrassée pendant deux minutes. Devais-je donc lui faire un dessin, je suis très douée pour ça. Mais quand même. Je rougis lorsqu’il me dit que je suis charmante. Stupide, sans doute mais pas charmante. « Ou bien aveugle, murmurai-je en le regardant droit dans les yeux. » Puis, j’attrape un shot que je vide d’un trait. J’ignorai s’il s’agissait de l’alcool ou de sa présence qui me rendaient soudainement si téméraires mais j’inspirai un bon coup. « Bon, on ne vit qu’une fois. » Je me penche doucement et je dépose un baiser au coin de sa bouche, effleurant tout juste tes lèvres. Puis, je sens cette chaleur dûe à la timidité qui monte en moi avant de me mordiller la lèvre inférieure. « Voilà, voilà. Je vais aller cacher ma honte dehors en allant fumer une cigarette. » Je fais une petite grimace avant de descendre du tabouret sans finir par terre (et après avoir réglé la note). Je préférai tirer ma référence plutôt que d’aller dans un coin familier : la friendzone.

L’alcool et Ruby, ça ne fait pas tellement bon ménage. Je n’ai pas pour habitude me montrer aussi entreprenante avec un homme. C’est même l’inverse. Souvent, je me renferme sur moi-même mais j’avoue, dès que l’alcool fait effet, je me transforme en une espèce de Ruby 2.0, femme fatale de mes deux mais pas foutu d’embrasser un mec convenablement. Je prends assez rapidement mes jambes à mon cou pour apprécier la température hivernale de Bowen. L’air frais me rafraichit un peu l’esprit et je m’adosse au mur pour essayer d’allumer ma clope. Je n’ai même pas le temps de tirer une latte qu’Alek vient me voir et m’arrache ma nicotine salvatrice. Il me souffle la fumée au visage et je la chasse du revers de la main avant de poser ses lèvres sur les miennes. Avec plus d’intensité, plus de vigueur. Je reprends ma cigarette avant de tirer dessus pour lui rendre son geste. La fumée au visage, c’est pas tellement sexy, ni aguicheur alors je me rapproche de lui. Il n’est pas si grand que ça mais je passe une main dans ses cheveux. « Merci. Je pense qu’on va arrêter là et juste profiter de cette belle soirée maintenant. » Traduction : je ne coucherai pas avec toi. Même bourrée, je sais encore ce que je veux et je n’ai pas envie de ça. D’être un vulgaire coup d’un soir dans une ruelle sombre. Je vaux bien mieux que ça. « Tu veux qu’on se fume un joint et qu’on aille se manger un morceau après ? » Histoire de noyer notre peine jusqu’au bout sans pour autant ôter nos vêtements.

Le baiser était agréable mais je ne me sentais pas d’être une femme d’une nuit. Alek était attirant, certes. Il était gentil. Presque la définition d’un mec qui aurait pu me plaire avant. Mais je ne suis pas du genre audacieuse. Je ne suis pas du genre à me jeter sur un mec pour le ramener chez moi et profiter d’une nuit entre mes draps. Et pourtant alors que je ne le repousse, ma vieille copine la solitude vient s’installer et commence à me grignoter de l’intérieur. Je souris, l’imitant dans cette démarche de fumer quelque chose d’illicite. Je glissai petit à petit dans la sphère autodestructrice. Entre les cachets, l’alcool, la clope. « D’accord. » Je le suis docilement pour me poser à ses côtés et j’attendis patiemment qu’il me file le joint. Je tire quelque peu dessus et sa remarque m’arrache un petit rire. « S’il n’y avait que ça. Mais je pense que ma perversion n’a d’égale que ma maladresse. » J’aurai bien parlé de beauté mais elle était sans doute fanée. Alors, je me tourne vers mon nouvel ami pour passer une main distraite dans ses cheveux. « Dis-moi Alek, est-ce que tu me trouves désirable ? Il est évident que je suis trop timide et gauche pour tenter quoi que ce soit avec un garçon mais je me suis toujours demandée si j’étais désirable. » J’aborde une mine songeuse, regardant les autres sortir du bar en rigolant. Puis mes pensées dérivèrent vers Lorenzo avec qui j’étais en couple pendant un temps. « J’ai été avec quelqu’un y’a quelques mois et il a rien tenté donc je me demande si je suis… baisable ou pas. »

La fraicheur australienne. Je voyais les gens qui s’habillaient chaudement alors que j’étais toujours en manches courtes. Je laisse le joint circuler entre nous deux, assis sur ce banc. Je sens mon corps qui se réchauffe un peu trop, mes sens qui se développent et ma tête qui devient toute légère. Je filais en mauvais coton depuis quelques mois, je le savais. Avant on a des convictions et puis notre vie tel un château de cartes s’écroule et on se retrouve à ne plus savoir quoi faire. Je laisse la question que je viens de poser flotter dans l’air. A vrai dire, je ne sais pas trop si je dois céder à la tentation ou non. Car il représentait une tentation. Une délicieuse tentation. Sans réfléchir, je me lève pour m’étirer tel un gros chat. Puis, je me colle à califourchon sur Alek en me pinçant la lèvre, passant ma main dans ses cheveux. « J’ai l’impression qu’on me prend pour une chose fragile et donc tous les mecs que je rencontre me fuient. J’te jure que c’est vrai. Je songe à aller dans un couvent ou… » je me penche alors, laissant mes cheveux caresser son visage avec un sourire enjôleur aux lèvres. « passer la nuit avec un charmant jeune homme rencontré dans un bar. » A qui je venais de foutre un vent deux minutes auparavant mais nique la logique !

Cette soirée prenait un tournant assez inattendu. Alors que j’étais venue juste pour oublier, me voilà qui flirtait avec un homme. Un inconnu. Quelque chose m’attirait chez Alek. Il dégageait un magnétisme qui faisait que j’étais devenue une proie entre ses doigts. A califourchon sur lui, je laisse ses mains se poser sur mes hanches, mon visage, penchée vers le sien. La lune n’était pas pleine mais l’éclairage des réverbères suffisait amplement. Il était assez jeune mais sur le moment, je m’en fichai pas mal. D’une main, j’en vins à caresser son visage avec une infime douceur tandis que de l’autre, j’attrapai le joint que je glissai entre mes lèvres sans le quitter du regard. Puis sans recracher la fumée, je me penchai en avant, posant mes lèvres contre les siennes, libérant la fumée dans sa bouche avant de me redresser. Doucement, je dégage mon épaule, glissant mes cheveux longs, lisses, d’une couleur de feu d’un seul côté. « Alors à toi de jouer, susurrai-je me penchant à nouveau, rends cette nuit mémorable Alek et fais-moi oublier le couvent. » Mon regard le fixait avec une intensité nouvelle, ma main valide continuant de parcourir son corps, descendant doucement le long de son torse tandis qu’une moue séductrice s’installa sur mon visage.

Cette soirée prenait un tout autre tournant auquel tu n'aurais pas pensé dès le départ. Le club des dépressifs c'est transformé en "passant du bon temps ensemble". Mais pourquoi pas après tout. Tu étais stone, tu étais soul, donc tu n'en avais absolument rien à faire. C'est comme ça, tu étais dans l'état que tu aimes le plus au monde. Alors quand elle recracha la fumée sur tes lèvres, tu ne pu t'empêcher de te dire que cette fois, fallait passer la deuxième. Un petit coup d'accélérateur mon bon vieux Alek enfin ! Elle s'assit près de toi, commençant à parcourir ton corps. Tu pinçais tes lèvres en la regardant, tu avais envie d'aller plus loin. Alors tu passais une main dans ses cheveux et tu déposas tes lèvres sur les siennes pour l'embrasser avec fougue. Ou bien avec alcoolémie. Ta deuxième main se retrouvais dans le bas de son dos, tu ne voulais pas lui faire peur, aller trop vite mais cette fois, la machine était enclenché. Le seul problème qui restait c'était que vous étiez dans la rue. Après, des fois ça n'arrête personne. Tu embrassais la jeune femme d'une manière assez sensuelle.

Est-ce un bon début ? demandas-tu d'un souffle au creux de son oreille.

La main qui se trouvait dans son dos, tu la posa sur sa cuisse, en essayant de la passer sous sa robe, sans trop précipité les choses. Le joint était terminé, la soirée ne faisait que commencer.

J’ai conscience que je suis en train d’allumer Alek. Sans doute pourrais-je tout mettre sur le compte de l’alcool, de la drogue ou alors du manque de chaleur humaine ? Je n’ai jamais été très douée avec les gens mais depuis la mort de Sally, je les repoussais. Alors avec ce jeune homme inconnu, pour la première fois depuis des mois, je me sentais vivante. Je me sentais comme une femme et non comme une gamine brisée qu’on regardait avec pitié. Car dans le fond, ils avaient tous ce regard-là. Lui me regardait différemment. Sans doute avec un surplus d’alcool. Nos lèvres se frôlent, se touchent, se cherchent, se trouvent. Je lui rends son baiser. Ça fait bien longtemps que je n’ai pas expérimenté le côté passionnel de la chose mais c’était un assez bon début. Je sens sa main dans mon dos tandis que la mienne passe derrière sa nuque. De loin, on pourrait passer pour deux ados qui se cherchaient avec nos physiques juvéniles. Et pourtant. Je me sens rougir à sa remarque avant de me ressaisir. Je suis une femme et pas une poupée débile. « Peut-être susurrai-je tandis que ma main passe sous son tee-shirt. Tu veux venir chez moi ? » Après tout, il était clair que ni lui ni moi n’avions envie de demeurer dans les rues où la température était bien trop fraiche pour nos deux corps enfiévrés.