give us a change of scenery when we don't like the view (andreas)

Il avait beau se parer d’un sourire, s’orner d’un regard brillant, c’était une évidence que le Lennox tourmenté, torturé, serait toujours endormi à quelque part au fond de lui. Même après des années, même après des décennies, son bonheur ne serait jamais tout à fait le sien. Il le savait, qu’il n’était pas destiné à une vie de légèreté. Le poids de son malaise était trop lourd pour lui permettre de s’envoler ne serait-ce qu’une seule fois. Alors il se contentait de léviter, en quelque sorte, puisqu’Andreas lui offrait dorénavant cette possibilité de s’élever un peu au-dessus de ses peurs, au-dessus de lui-même. Fort heureusement que le norvégien l’aimait sous toutes ces facettes, parce qu’il n’en aurait jamais qu’une seule. Il fallait profiter de ces moments spéciaux, à part, comme ce soir. Ces moments où Lennox était trop pris dans leur bulle, dans leur amour, pour être lucide. « Je le serai toujours avec toi … pour le meilleur comme pour le pire. » Il esquissa un sourire, un peu gêné, parce que tous les deux savaient fort bien qu’il y avait beaucoup de pire là-dedans, entre les passes un peu plus dépressives du notaire ou encore ses crises de jalousie et de possessivité. C’était lui, et Andreas demandait à l’avoir lui. Cela ne signifiait pas que Lennox se conforterait dans ce malaise en ne tentant plus de s’en extirper, en n’essayant plus de changer pour le meilleur, mais au moins il savait que même si les efforts se montraient parfois vains, l’ambulancier ne disparaîtrait pas. Pas de sitôt. Ce soir, il pouvait même le toucher, l’aimer, émotionnellement et physiquement. C’était bien la preuve qu’il ne s’envolerait pas en fumée. Alors que le notaire déshabillait son homme, découvrant son tatouage, découvrant cette preuve d’amour qu’il n’aurait jamais osé croire possible envers lui, il se surprit à être fier, comblé de cet acte. Comme si c’était signe qu’Andreas lui appartenait pour toujours, même s’il savait bien que l’homme ne lui appartenait pas, pas dans ce sens du terme qui le comparait presque à un objet. Le trentenaire tira donc son homme contre lui, sur lui, et ce dernier s’installa à califourchon. « Je t’aime aussi, Andy. T’as changé ma vie. » Sur ce, ils ne perdirent pas une seconde de plus avant de tracer le chemin jusqu’à l’union de leur corps. Si Lennox n’était auparavant pas à l’aise de mener une danse dont il ne connaissait pas les pas, il se faisait de plus en plus confortable avec Andreas, et prenait de plus en plus les devants. C’est ainsi qu’ils atteignirent tous les deux l’extase, connaissant presque par cœur ce que l’autre aimait. Sous les draps, ils se blottirent l’un contre l’autre et le norvégien brisa le silence en parlant à nouveau du tatouage. Il était vrai que Lennox n’avait pas été verbalement très expressif. « Je ne t’en veux pas du tout, au contraire … je suis flatté, comblé. » Le jeune homme se tourna légèrement sur le côté, face à Andreas, et hésita un moment avant de dire : « C’est pas exactement le même genre de preuve d’amour, mais … j’ai moi aussi une surprise, ou plutôt une nouvelle à t’annoncer … » Il esquissa un sourire. Andreas aurait sans doute du mal à le croire, puisque Lennox sortait un peu ça de nulle part, après une soirée qui lui avait offert tellement d’opportunités d’en parler. Il attendait le bon moment, et c’était celui-là. « J’ai parlé à mes parents de toi. De nous. » Et à voir son air plutôt léger et calme, on pouvait deviner que ce n’était pas une source d’angoisse. Que ça s’était somme toute bien déroulé.   

La surprise de Lennox était loin d’être un tatouage, mais elle était à sa façon une marque d’amour envers Andreas, un signe qu’il était prêt à aller un peu plus de l’avant encore. Sans doute le norvégien attendait-il ce moment depuis longtemps déjà, après tout ils se connaissaient depuis près d’un an maintenant, s’aimaient depuis environ le même temps, et Lennox n’avait jamais même osé parler d’Andreas à ses parents, peu importe sous quelle forme. Il savait que s’il le présentait comme un ami, sa gêne et son ton de voix trahiraient le mensonge, ses joues rosies par la nervosité aussi. Ses parents avaient beau ne le connaître qu’en surface, parce qu’il ne leur avait jamais ouvert la porte à sa souffrance, à ses démons, ils savaient quand même reconnaître quand quelque chose tracassait Lennox, quand une idée planait dans sa tête sans qu’il ne s’ouvre. Ils n’osaient jamais trop demander, mais cette fois Lennox avait de lui-même parlé. Il avait pris les devants et avait osé parler d’Andreas, de leur relation, de leur amour, de sa certitude qu’il s’agissait là de l’homme de sa vie, celui avec qui il construirait sa vie. Ils avaient été saisis, ses parents, c’était inévitable. Après tout, environ quatorze mois auparavant, il parlait de cette femme qu’il allait marier, Lou, qu’il qualifiait aussi de la femme de sa vie, qu’il aimait de tout son cœur. Et il l’avait aimée de tout son cœur, sa Lou. Pour le meilleur comme pour le pire, il s’était imaginé un futur avec elle. Sauf qu’elle n’était plus de ce monde, et il ne pourrait jamais savoir jusqu’où ils se seraient rendus. De toute façon, Andreas n’avait pas tardé à balayer les doutes, la tristesse, sans doute un peu trop rapidement, mais maintenant qu’ils pouvaient être certains que ce n’était pas que passager, que ce n’était pas le cœur de Lennox en mille miettes qui tentait de se réparer, ils pouvaient tout affronter. Lennox avait peut-être perdu la femme de sa vie, mais il mettait maintenant toutes ses cartes sur l’homme de sa vie. Ses parents avaient vu dans les yeux de leur fils à quel point le norvégien le rendait un peu plus heureux qu’hier, à chaque jour, et c’était tout ce qu’ils avaient toujours demandé, au fond. Que leur fils cesse de vivre dans la noirceur. Qu’il autorise quelqu’un à briller sur ses nuits éternelles. Face à cet aveu, des larmes se faufilèrent au coin des yeux d’Andreas, ce qui déclencha le même effet chez le notaire. Il était ému qu’il soit ému. Il était comblé qu’ils en soient enfin là. Il ne s’en serait jamais cru capable, mais il l’avait fait. L’ambulancier prit le visage du trentenaire entre ses mains et l’embrassa avant d’enfin verbaliser ce qu’il ressentait … ou à peu près. « Je sais, je sais, c’est fou tout le chemin parcouru, alors que j’avais tellement peur au départ … mais grâce à toi, j’laisse peu à peu l’angoisse derrière moi. » Andy lui demanda alors si ses parents voulaient le rencontrer. Lennox esquissa un sourire. « Ils attendent qu’on choisisse une date pour un repas en famille. Je leur ai dit que je t’en parlerais, et que je leur téléphonerais quand on aurait décidé … » Il passa une main sur la joue de son homme. « Pas de pression. Et on peut repousser si jamais … » Mais ils avaient hâte, très hâte. Ils avaient eu tellement peur qu’à la mort de Lou, ce soit également la mort de leur fils. Ils ne pouvaient qu’être aux anges de le voir renaître, et d’apprendre à connaître qui était le responsable de tout ce bonheur.   

Il avait certes laissé la porte ouverte à un refus de rencontrer ses parents, Lennox, mais il ne s’était pas attendu à ce qu’Andreas l’ouvre davantage, et aussi rapidement. C’aurait plutôt été son genre à lui de se défiler comme ça face à la rencontre avec un membre de la famille de son copain. Il avait de la chance, à quelque part, Lennox. Ça ne se ferait pas de sitôt, mis à part avec sa sœur Lila qu’il ne tarderait sans doute pas à rencontrer à son tour. Tous les autres étaient en Norvège et même, ils parlaient si rarement d’eux que Lennox doutait fortement de pouvoir les rencontrer un jour. La relation d’Andreas avec son père était houleuse, et celle avec sa mère distante. Ils ne risquaient pas de recevoir de la visite surprise à Noël cette année. Du côté des Nowakowski toutefois, les repas en famille – et ce même s’ils n’étaient que trois – étaient bien importants. Puis, pendant les fêtes, il fallait élargir le tout à la grande famille. Pour cette année, Andreas n’aurait pas à affronter tout le monde, puisque Lennox lui-même ne s’en sentait pas capable. Toutefois, il aurait apprécié passer plus rapidement sur l’étape avec ses parents, s’en débarrasser, en quelque sorte, pour que les réunions suivantes soient moins angoissantes. Andreas n’avait pas l’air aussi enclin à se lancer aussi vite. « Je respecterai ton choix, Andy, après tout t’as toi-même attendu que je sois prêt, et longtemps en plus, alors je serais bien égoïste de te forcer la main là-dessus … » Dit-il d’abord, pour lui faire bien comprendre qu’il avait un choix, que Lennox ne l’obligeait à rien. Mais, il voulait également lui faire comprendre qu’il n’avait pas à avoir peur de quoi que ce soit. Peut-être que de telles paroles pourraient suffire à lui redonner un peu de sa confiance qui semblait le quitter à certains moments. « Mais tu sais, j’doute fortement qu’ils ne puissent pas t’aimer. Le peu de relations que j’ai eues, elles étaient toutes toxiques mais toi, toi tu m’as appris à aimer d’une façon plus saine, plus belle. » Et ce n’était pas encore totalement gagné, il avait encore du chemin à faire Lennox afin de ne pas se laisser emporter par le tourbillon de ses sentiments amoureux, mais une chose était certaine : Andreas l’avait aidé à faire un grand pas vers l’avant. « Ils voient bien que je suis bien mieux depuis quelques mois, et ils ont enfin pu savoir ce qui se trouvait derrière ça, quand je leur ai parlé de toi. Ils savent que je t’aime à un point fou. Rien que ça, ça fait de toi la meilleure personne que je pourrais avoir, pour eux. » Puis, il esquissa un sourire en s’approchant doucement du visage de son homme pour effleurer doucement ses lèvres. « Et puis, sérieusement, qu’est-ce qu’il y aurait à ne pas aimer chez toi ? » Il lui vola alors un baiser. Andreas était gentil, honnête, serviable, généreux, attentionné … non, vraiment, Lennox ne voyait pas où serait le problème.   

Objectif, non, Lennox ne l’était sans doute pas, c’est bien vrai. Il était aveuglé par cet amour incontrôlable qu’il ressentait à l’égard d’Andreas. Cependant, il avait quand même l’impression que même sans ce voile amoureux devant les yeux, il y verrait la même vérité, la même réalité. Andreas faisait de lui un homme meilleur et cette relation était de loin la plus saine qu’il ait vécu au cours de sa vie. Certes, ce n’était pas encore un modèle à suivre, les démons de Lennox intoxiquant à peu près tout ce qu’il construisait, mais il avait maintenant l’impression de ne plus risquer la chute à chaque instant. Enfin, ça, c’était bien sûr s’ils ne rompaient jamais. S’ils devaient se laisser, alors là, sans doute que Lennox chuterait bien plus bas que jamais mais ça, il ne pourrait rien y changer. Et ce n’était pas l’absence de défaut d’Andreas qui y était forcément pour quelque chose. « Ça m’empêcherait pas de te trouver des défauts, même si c’est vrai que je suis dingue de toi. Le truc c’est que même quand j’essaie, j’en trouve pas. » Il esquissa un sourire. En même temps, il était rare qu’il prenne le temps de méditer sur les défauts d’Andreas, s’il avait appris une chose c’était qu’avec ses troubles de l’humeur, il devait essayer le plus possible de se concentrer sur le positif. Et comme il y en avait énormément qui émanait du norvégien, alors aussi bien s’y accrocher plutôt que de tenter d’assombrir ce qu’il était pour lui. Finalement, pas encore prêt de dire un oui ou un non définitif, Andreas jugea que la nuit porterait conseil et qu’il prendrait la nuit dans ses bras pour se décider. Lennox sourit. « Aucun problème, ça ne presse pas. On en reparlera demain, ou une autre fois même. » Au pire, il trouverait des excuses auprès de ses parents. Même si ça devait attendre quelques semaines, ils comprendraient. Lennox aussi, comprendrait. « Bonne nuit Andy, je t’aime aussi. » Il l’embrassa une dernière fois avant de mieux s’installer et de rejoindre le monde des rêves. Le lendemain, il s’extirpa de ses rêveries en ouvrant lentement les yeux, pour découvrir Andreas déjà réveillé, comme d’habitude. Il esquissa un sourire, encore endormi. « Bon matin. » Et viendrait rapidement le temps de refaire leurs sacs pour reprendre la route vers Bowen. Il profitait donc de ces quelques minutes dans les brumes et dans les bras du norvégien.