sick of all the insincere (eleanor)

À peine de retour ensemble, officiellement cette fois, cinq ans plus tôt, Eleanor et Maxence avaient commencé à bâtir leur avenir ensemble, et même à construire leur propre famille. Certes, à ce moment-là, Abygaël était toujours sous sa tutelle, mais ils avaient eu envie d’avoir un enfant ensemble, pour compléter la famille. Plus tard, Abygaël était retournée vivre chez son père biologique, mais jamais Maxence n’avait rompu contact avec elle. Revisitant ses priorités au maximum, Maxence avait finalement décidé d’abandonner ses ambitions d’un jour siéger au plus haut tribunal du pays. La petite vie qui commençait à se façonner pour lui, pour eux, était tout ce qu’il désirait, au fond. Puis, les années passaient, et jour après jour le visage de leur jeune fille Aurora s’éloignait du sien. Les traits qu’il lui devinait parfois comme étant typiques des Kearse n’étaient que des traits de nouveau-nés, comme n’importe quel autre bébé. Maxence cherchait seulement à se retrouver en son enfant. Toutefois, plus Aurora prenait en âge, plus il voyait Eleanor en elle, en s’éclipsant totalement de ce qu’elle devenait. Évidemment, elle était une fille, il était normal qu’elle ait des traits féminins comme sa mère, mais il n’était pas normal qu’elle diffère en tout point de Maxence. C’était presque comme s’il n’avait rien eu à faire dans sa création, alors que techniquement, elle aurait dû avoir la moitié de son bagage génétique. Le doute s’était installé dans l’esprit de Maxence deux années plus tôt, environ, mais il n’avait jamais acté sur ces inquiétudes. Il avait attendu, il avait espéré, mais il avait aussi soupçonné. Supposé qu’Aurora n’était peut-être pas sa fille, pas biologiquement. À un moment, ça l’avait rendu malade de ne pas savoir. Il se sentait coupable de penser une si horrible chose, de s’éloigner autant de sa petite fille parce que le doute le dévorait de l’intérieur. Alors une semaine plus tôt, il avait décidé de passer un test de paternité, sans en parler à qui que ce soit, pas même à ses amis. Les résultats étaient sortis aujourd’hui : il n’était pas le père d’Aurora. C’était ce que les papiers révélaient. Évidemment, il ne savait pas qui était le véritable père, mais Maxence n’avait qu’une seule hypothèse et celle-ci le dégoûtait. Cinq ans auparavant, avant qu’ils n’officialisent leur couple, Eleanor et lui avaient traversé une passe de remise en question, durant laquelle Eleanor avait eu une relation avec Lachlan. Encore aujourd’hui, ce prénom résonnait dans la tête de Maxence avec un tel écho de haine. Maintenant qu’il savait qu’Aurora était peut-être sa fille à lui, il avait envie de vomir rien qu’à y songer. En rentrant du travail, Maxence attendit qu’Eleanor revienne avec leur fille. C’était à son tour d’aller la chercher à l’école. Quand elles rentrèrent ensemble, toutes sourires, Maxence déglutit et sourit à Aurora avant de s’accroupir à son niveau. « Salut ma puce, t’as passé une bonne journée ? » Il l’écouta brièvement, lui sourit, l’étreignit, avant de se relever. « Tu voudrais bien monter ranger ta chambre, chérie ? » Après une grimace, un petit refus facilement contournable, elle monta. Le visage de Maxence se ferma alors qu’il posa enfin son regard sur Eleanor. « Il faut qu’on parle … » Dit-il sans plus attendre.  

Tu n'aurais pas pu rêver meilleure vie que celle que tu partages aujourd'hui avec Maxence. Il y a cinq ans, vous aviez décidé de laisser ces mauvais souvenirs de côté pour enfin construire votre propre avenir, rien qu'à deux. Enfin, c'était sans compter sur la venue d'Aurora qui pointa le bout de son nez très vite. Trop vite, sans doute. Tu avais appris que tu étais enceinte par hasard, lors d'un contrôle chez la gynécologue. Ta réaction avait été ponctuée d'émotions complètement paradoxales. Lorsque tu as appris pour ce petit pois dans ton ventre, tu as ressenti une vague de joie intense. Toi, Eleanor, tu allais donner vie à un petit être qui serait tien. Mais lorsque la réalité t'a frappé en plein visage, tu as compris que, peut-être, cet enfant n'était pas celui de Maxence. Dès cette prise de conscience, tu as senti une vague d'anxiété te submerger pour ne plus te quitter durant les jours qui ont suivi. Mais comme à son habitude, Maxence a balayé toutes tes anxiétés sans même s'en rendre compte. Il t'a fait comprendre qu'à présent et pour toujours, il était prêt à construire sa vie avec toi en tirant un trait sur tes erreurs passées. De là, tu as décidé de faire taire tes inquiétudes quant aux gênes de ton enfant. Après tout, c'était fighty-fighty. Avec un peu de chance, cet enfant allait être le fruit de votre amour avec le jeune Kearse et toutes tes inquiétudes disparaitraient pour toujours. Seulement voilà, tu n'as jamais eu réellement de chance dans ta vie, Eleanor, et plus Aurora grandissait et plus tu reconnaissais des petits détails qui ne s'apparentaient pas à Maxence. Néanmoins, tu as toujours gardé ces doutes pour toi, imaginant que ton compagnon serait incapable de les discerner. Alors, vous avez continué à construire votre petit nid d'amour et vous voilà cinq ans plus tard, parfaitement heureux. Du moins, tu le pensais, jusqu'à ce que Maxence prononce cette fameuse phrase qui n'annonce jamais rien de réjouissant. Il faut qu'on parle. Tu regardes ta fille s'éloigner puis, reposes ton regard sur ton homme, les sourcils froncés. « Que se passe-t-il ? » Demandes-tu en posant tes mains sur tes hanches. Tu avais bien remarqué que Maxence était plus distant ces derniers temps mais tu avais mis ça sur la pression qu'il subit au travail. C'était plus simple de penser cela plutôt que d'imaginer que tu puisses être responsable de son mal-être.

Le regard de Maxence avait suivi la petite tête de sa belle Aurora, sa petite fille, celle qu’il avait vue grandir, celle qu’il avait aimé de l’amour que seul un père peut ressentir envers sa fille, mais voilà que tout cela semblait s’écrouler autour de lui. Elle n’était même pas sa fille. Il n’était même pas papa. Il avait si longtemps cherché à l’être, d’abord avec Abygaël, qui était repartie avec sa vraie famille, son vrai père, quelques années plus tard. Ensuite avec Aurora, en se disant que cette fois-ci, c’était vrai, c’était le moment d’être la figure paternelle de quelqu’un pas seulement pour une simple étape de la vie, mais pour toujours. Il s’était réjoui trop vite, puisqu’au fond, Aurora n’était pas davantage sa fille qu’Abygaël l’avait été. Certes, c’était lui qui l’avait éduquée, c’était lui qui l’avait élevée, il était le seul père qu’elle imaginait avoir. Mais ça ne durerait peut-être pas longtemps. Maxence s’imaginait déjà leur vie exploser, Lachlan apprendre la vérité et venir réclamer la garde de sa fille biologique. Et comme ça, tout d’un coup, Maxence serait éclipsé de sa propre vie. Quand leur fille eut complètement disparue en haut des escaliers, Maxence posa son regard sur Eleanor et prononça ces mots qui ne présagent rien de bon, dans une relation. Seul le pire pouvait être à venir, et pourtant, Eleanor ne devait même pas s’imaginer à quel point ils étaient sur le point de se perdre. Encore. Et toujours à cause du même homme. Et de ses mensonges à elle. Laissant tout de même la raison parler avant les émotions, Maxence avait bien voulu lui laisser le bénéfice du doute, et c’est pourquoi, quand Eleanor lui demanda ce qui se passait, il ne sauta pas tout de suite sur les accusations. Il s’approcha de sa valise de travail, posée à l’entrée de la maison, et en ressortit l’enveloppe beige qui contenait les résultats de son test de paternité. Il sortit les quelques feuilles de l’enveloppe et les tendit vers Eleanor. « Est-ce que t’étais au courant ? » Demanda-t-il d’une voix brisée, d’une voix tremblante qui cherchait à tout prix à se contrôler. Mais ce contrôle se perdit complètement quand il ajouta, chagriné : « Est-ce que tu savais qu’Aurora n’était pas ma fille ? » Questionna-t-il de nouveau, comme pour rendre le tout encore plus réel, encore plus douloureux.  

Alors que tu regardes Maxence, d'un regard inquiet, tu le vois se diriger vers ses affaires de travail pour en sortir une enveloppe. Tu fronces les sourcils, ne comprenant pas très bien où il désire en venir. Habituellement, vous discutez vaguement des cas juridiques de Maxence mais ça ne va pas plus loin. Jamais il ne t'a montré un dossier ou quoi que ce soit dans ce genre. Après avoir ôté quelques feuilles de l'enveloppe, le jeune Kearse te les tend et là, le verdict tombe. Il est au courant. Tu fronces les sourcils, étonnée d'avoir un tel rapport entre les mains. Et surtout, un rapport dont tu ne soupçonnais même pas l'existence. Jamais tu n'aurais imaginé que Maxence se posait des questions au sujet d'Aurora. Il n'a jamais rien laissé paraître à propos de sa fille ce qui fait que tu étais loin de t'imaginer qu'il mettrait ce sujet-là sur le tapis un jour. Alors qu'il te demande si tu étais au courant, sa voix se brise en un chagrin incontrôlable. Tu ne supportes pas de le voir dans cet état et tu sens déjà tes yeux s'embuer alors qu'une boule dans ta gorge prend place pour ne plus s'en aller. Pour toi, même s'il existait une petite chance qu'Aurora ne soit pas la fille de Maxence biologiquement parlant, ça n'avait aucune importance. A tes yeux, le jeune juge est son père plus que n'importe qui. C'est lui qui l'a élevée, lui qu'elle appelle papa et lui qu'elle aime démesurément. Et surtout, lui, qui figure sur son acte de naissance. Tu baisses les yeux un instant, cherchant les mots adéquats, du moins s'ils existent réellement. « Je... J'ai eu des doutes au tout début mais je n'en ai jamais eu la certitude... » Réponds-tu en faisant un pas vers l'avant pour briser la distance qui vous sépare. Tu déposes les documents sur le plan de travail d'un geste las, dégoûtée de ceux-ci. « Ces documents ne veulent rien dire. C'est toi son père, Max. C'est toi qu'elle aime, toi qui te lève chaque jour pour t'occuper d'elle, toi qui fait partie de notre famille. C'est toi qui maintient notre famille... Ne remets pas tout ça en question, s'il te plaît. » Dis-tu en sentant ta voix trembler sous l'effet de l'émotion. Tu ne veux pas qu'il doute de son rôle dans la vie d'Aurora. Ni dans le tienne. Maxence est ton monde à lui tout seul, tu ne supporterais pas qu'il te quitte parce que ça ferait basculer tout ton monde vers l'enfer pour un allé simple.

Les papiers étaient désormais entre les mains d’Eleanor, qui les parcouraient du regard et ne tardaient pas à comprendre de quoi il s’agissait. Pendant ce temps-là, Maxence attendait, le cœur battant la chamade et l’angoisse emportant toute sa raison. Il n’arrivait plus à faire de l’ordre dans ses idées, à savoir ce qu’il voulait crier à Eleanor, s’il voulait cracher sur toutes ces dernières années, s’il voulait partir ou s’il voulait se battre pour eux. Il avait l’impression d’avoir déjà trop lutté pour leur couple, plus que ce qui était habituellement nécessaire dans une relation. Il y avait de cela cinq ans, Maxence avait cru que leurs bonnes étoiles s’étaient enfin alignées mais visiblement, ça n’avait été qu’un mirage. Parce que derrière cette illusion se cachait une vérité qui lui déchirait l’âme, qui démolissait les murs de cette petite vie parfaite dans laquelle il pensait vivre jusqu’alors. Eleanor releva un moment les yeux vers le trentenaire, avant de les baisser à nouveau, cherchant sans doute le meilleur mensonge à ajouter aux autres. C’était sans doute de mauvaise foi de penser de la sorte, mais Maxence en avait par-dessus la tête de cette histoire compliquée, complexifiée par ce qui était visiblement un manque de confiance et de communication entre l’un et l’autre. Ça avait été ça dès le départ, ils avaient été bien naïfs de croire qu’ils pourraient changer aussi rapidement. Cinq années n’avaient pas suffi. « Et tu n’as pas voulu me parler de ces doutes ? T’as jamais cherché à savoir ? » Demanda-t-il, surtout fâché qu’elle ait ainsi balayé du revers de la main un détail aussi important de leur vie. C’était dans le droit de Maxence d’être mis au courant de la possibilité que sa fille ne soit pas vraiment sa fille. C’était dans son droit de savoir qu’il était en train d’élever la fille d’un autre homme, d’un autre homme qui avait failli gâcher sa relation avec Eleanor en plus. Cette dernière déposa les documents sur le plan de travail, comme si le fait de ne plus les avoir entre ses mains les ferait disparaître. Les résultats resteraient toujours dans la tête de Maxence, eux. Il n’était pas prêt d’oublier. « Est-ce que t’es vraiment en train de me demander ça ? De me demander de ne pas tout remettre en question ? » Il secoua la tête, se reculant d’elle qui venait pourtant de s’approcher. « Ces documents veulent tout dire, Eleanor. Ils veulent dire que je n’ai pas d’enfant à moi, que je n’ai pas d’enfant que j’ai conçu. Tu sais à quel point j’ai longtemps voulu être père et j’ai l’impression que tu m’as fait croire à ce beau rêve juste pour mieux me l’arracher maintenant ! » Si en justice, le mot d’ordre était toujours de placer les intérêts de l’enfant en premier, et donc de prendre des décisions selon ce qui assurerait le plus la stabilité de celui-ci, là, Maxence n’avait plus aucune idée de ce qu’il devait faire dans cette situation. Son bon sens, sa raison, s’étaient envolés avec sa paternité. « Est-ce que Lachlan est au courant ? » Il n’avait même pas cherché à vérifier l’information, à tâter le terrain pour savoir de qui Aurora pouvait bien être. C’était lui, il le savait. Et ça le tuait.  

Si tu avais cherché à savoir ? Bien sûr que non parce que tu préférais penser qu'Aurora était née par amour. Et pas à cause d'une passion charnelle qui n'avait aucune importance. Et puis, en te confrontant à la réalité, tu avais peur de ce que ce test de paternité révélerait et pourrait briser. Il vous a fallu tellement de temps pour enfin vous retrouver avec Maxence que tu n'étais pas prête à remettre tout ça en cause pour une histoire de doutes. Alors non, chercher à savoir ne faisait pas partie de tes priorités. C'est peut-être lâche de penser de cette façon mais les choses sont faites à présent. Mais même si tu pouvais les défaire, tu ne le ferais pas. Tu referais les mêmes erreurs parce que ça t'a permis de vivre cinq années de bonheur entourée de ta famille. Et tu espères que toutes ces années de bonheur ne vont pas exploser à cause d'un test de paternité peut-être même faussé. Même si là-dessus, c'est plutôt de la mauvaise foi qu'autre chose car connaissant le métier de Maxence, tu doutes qu'il ait un fausse test de paternité entre les mains. « Non parce que pour moi peu importe l'issue du test, tu restes le père d'Aurora. » Réponds-tu en ne détachant pas ton regard de celui du juge afin de rendre tes paroles plus réelles et plus sincères. Elles le sont, évidemment, mais dans une telle situation, Maxence a tendance à tout remettre en question. Même parfois l'amour que tu éprouves pour lui. Lorsqu'il fait un pas en arrière, une partie de ton coeur se brise. La boule dans ta gorge s'intensifie en voyant Maxence s'éloigner de toi petit à petit. Tu ne supporterais pas de le perdre, il est tout ton monde à lui tout seul. « Pour mieux te l'arracher ? Mais à quel moment j'ai voulu faire ça ? » Demandes-tu, sur la défensive. « Aurora est ta fille et ce n'est pas le sang qui coule dans ses veines qui va y changer quelque chose ! » Ajoutes-tu en haussant le ton. Te rendant compte qu'elle peut peut-être vous entendre, tu baisses la voix et soupires. « Je ne t'ai rien fait croire du tout Maxence... Je ne savais pas qu'elle n'était pas ta fille biologiquement parlant. J'ai préféré ne rien savoir et me conforter dans l'idée qu'elle était un bébé de l'amour. Le fruit de notre amour. Du moins, s'il existe encore à tes yeux. » Tu baisses la tête pour effacer une larme qui menace de rouler le long de ta joue. Tu ne peux pas croire que le jeune Kearse remette tout en question de la sorte. Pas après tout ce que vous avez vécu. Alors bien sûr tu sais que ce n'est pas facile pour lui d'apprendre qu'il n'a pas conçu Aurora mais à tes yeux, ça ne change en rien son rôle auprès de votre fille. Lorsqu'il parle de Lachlan tu ne peux t'empêcher de rire nerveusement. « Comment tu peux me demander ça ? » Tu pensais cette histoire terminée mais visiblement, ce nom est inscrit à l'indélébile dans la tête de Maxence. « Pourquoi serait-il au courant ? Je t'ai dit que je ne savais pas si Aurora était sa fille ou non ! Tu ne vas pas remettre en question toutes les choses que je t'ai dites ces cinq dernières années, Max... S'il te plaît. » L'implores-tu du regard. Il t'a fallu du temps pour reconstruire la confiance que Maxence éprouvait à ton égard mais tu y étais parvenue afin de vous offrir un futur des plus prometteurs. Et aujourd'hui, tu as l'impression que tout ça part en fumée en un claquement de doigts. Tu as l'impression que le jeune homme ne laisse aucune place aux doutes. Et qu'il ne te laisse aucune chance de t'expliquer, finalement. Et ça, ça te brise le coeur.

C’était facile pour Eleanor de ne voir ce fait que comme une légère erreur de parcours, un écart de conduite, sans réelle conséquence. C’était facile pour elle, oui, parce qu’elle était la mère biologique d’Aurora. Aucun doute là-dessus. Maxence avait suivi la grossesse, puis l’accouchement, avec toute l’admiration du monde pour elle. Il l’avait épaulée, guidée, soutenue et aidée à travers ces neuf mois, et ces quelques heures intensives pour la naissance de leur fille. Il avait enduré ses sautes d’humeur, s’était plié face à ses moindres désirs, l’avait accompagnée dans une alimentation bien restreinte et parfois bien spéciale. Il s’était endormi la main contre son ventre, il avait posé de nombreuses fois ses lèvres sur la courbure que créait Aurora de l’intérieur, il lui avait chanté des chansons, des chansons de Queen parce que c’était devenu une blague entre eux. Il avait vécu ces neuf mois-là avec tellement de vie, de bonheur, d’entrain et d’intensité. Ce n’était que normal pour lui, un peu plus de quatre ans après la naissance d’Aurora, de voir son monde s’écrouler en réalisant que ce n’était qu’une belle et douce illusion. « Pour toi c’est peut-être le cas, mais pas pour moi. Et pour le moment, c’est comment je me sens moi, qui compte. » Avait lâché Maxence, sèchement. C’était sans doute bien égoïste de mettre ainsi de côté ce que pouvait ressentir Eleanor, mais Maxence avait le sentiment d’avoir droit à ce répit. Il aurait trouvé injuste qu’elle puisse mettre de l’avant ce qu’elle pensait, ce qu’elle ressentait, alors que c’était lui qui venait de se prendre une gifle invisible en plein visage. Il se recula d’elle, de quelques pas, mais ceux-ci laissaient présager l’énorme distance qu’ils s’apprêtaient à prendre l’un de l’autre. Comme si un univers entier menaçait de s’ériger entre eux deux. Eleanor haussa le ton, sans doute parce que la réaction de Maxence venait la chercher au plus profond d’elle-même. Mais plus elle réagirait violemment, plus Maxence le ferait à son tour. « Mais c’est pas le cas, Ele’ ! C’est ce que tu ne sembles pas comprendre ! C’est pas le cas, elle n’est PAS le fruit de notre amour. Elle est le fruit d’une passion qui me hante encore aujourd’hui, elle est le fruit d’une relation que t’as eu avec un homme autre que moi ! Ça me rend malade rien que d’y penser, et c’est encore pire quand j’vois que ça ne te fait rien du tout ! » Elle baissa la tête et essuya une larme au coin de ses yeux. Maxence, lui, restait figé, les sourcils froncés, le regard rivé sur elle, la bouche entrouverte et sa poitrine se levant et se dégonflant rapidement sous sa respiration saccadée par la rage et la tristesse. Et c’est alors que le juge assena le coup final, le coup fatal, en lui demandant si Lachlan était au courant. S’il était au courant qu’il avait une petite fille, ici, en haut dans sa chambre sans doute en train de réaligner ses peluches sur son lit, qui n’avait aucune idée que son père n’était pas celui qui lui lisait une histoire à chaque soir, qui n’avait aucune idée que son vrai père était ailleurs, loin. « Je ne veux jamais qu’il le sache. Je ne veux jamais qu’il ait la chance, l’opportunité, de me voler tout ce qu’il me reste. » Aurora, même si au fond, elle ne lui appartenait pas autant qu’il l’aurait voulu.  

Même si la réaction de Maxence est légitime, tu ne comprends pas qu'il puisse être capable de tout remettre en question comme cela. Si tu es la mère d'Aurora alors, Maxence est tout autant son père. C'est lui qui était là à sa naissance et pas un autre. Lui qui s'occupe d'elle tous les jours pour la rendre la plus heureuse possible. Et elle l'est, tu en es persuadée. C'est une petite fille comblée qui mérite d'avoir des parents aimants et surtout ensemble. Avec une telle réaction, tu as peur que Maxence te quitte à nouveau comme il l'avait fait il y a cinq ans même si ce n'était pas exactement pour les mêmes raisons. Lachlan faisait toujours partie de l'équation mais plus du tout au même titre. Cette fois-ci, il ne méritait même pas qu'on prononce son nom ou qu'on s'occupe de son cas. Ici, il ne s'agissait que de Maxence, Aurora et toi. « Ca veut dire que tu ne la considères plus comme ta fille ? » Demandes-tu presque offusquée par de telles déclarations. Bien sûr qu'à tes yeux son bonheur compte plus que tout. Et bien sûr qu'il a le droit d'être fâché mais pas de mettre sa parentalité en doute. Lorsque tu hausses la voix et que tu t'en rends compte, tu baisses le ton immédiatement de peur que votre fille vous entende. Elle n'a que cinq ans mais elle comprend déjà beaucoup de choses, malheureusement ou heureusement tu ne sais pas vraiment. Mais contrairement à toi, Maxence semble s'en foutre royalement. Du coup, tu augmentes le ton à nouveau, de manière totalement puérile. Mais dans une telle situation, vous n'êtes plus capables de raisonner correctement l'un comme l'autre. « Ca ne me fait rien du tout ? Ca ne me fait rien du tout ? » Répètes-tu, énervée et anéantie que Maxence puisse penser de telles choses. Cette fois-ci, tu ne retiens pas les larmes qui menaçaient de couler. Cette fois-ci, tu les laisses couler parce que c'est trop à supporter. « Parce que tu crois que j'avais envie qu'elle soit sa fille et pas la tienne ? Parce que tu crois que cette situation me plaît ? » Demandes-tu en riant nerveusement. Tu n'en reviens pas que le jeune Kearse puisse avoir aussi peu d'estime pour toi. Après cinq ans d'amour, il en vient encore à douter de toi. Et c'est encore pire lorsqu'il demande si Lachlan est au courant. C'est comme s'il t'enfonçait un dernier coup de couteau pour t'achever. « Tout ce qu'il te reste... » Murmures-tu en baissant la tête. Lorsque Maxence prononce ces derniers mots, tu te sens vide. Complètement vide. Il n'a plus qu'Aurora dans sa vie à présent. Tu n'en fais plus partie, Eleanor et ça, c'est insupportable pour toi. Et même insurmontable. « Je ne comptais pas lui dire. » Dis-tu sèchement, sans oser le regarder. Tu t'appuies finalement contre le mur, sentant que tout commence à tourner autour de toi. Alors c'est comme ça que ça va se terminer entre vous ? Encore à cause de Lachlan et de cette histoire terminée depuis plus de cinq ans ? « Tu me quittes ? » Demandes-tu égoïstement, sentant ta voix trembler sous le coup de l'émotion. Tu connais déjà la réponse Eleanor mais tu veux l'entendre de la bouche de Maxence.

C'est dans des moments pareils qu'on réalise la complexité de certaines affaires, de certaines situations. À travers son parcours de juriste, Maxence avait été confronté à maintes reprises à des causes familiales remettant en question la parentalité, la garde de l'enfant, etc. À chaque fois, les juges tranchaient selon le lien de confiance établit entre l'adulte et l'enfant, selon le nombre d'années passées avec l'enfant, selon la personne qui l'avait éduquée, élevée, etc. La plupart du temps, le côté biologique avait une importance bien moindre que le reste. C'aurait dû être pareil pour Maxence et Aurora. Pourtant, maintenant qu'il savait qu'elle n'était pas sa fille biologique, quelque chose s'était brisé en Maxence. Il ne l'aimait pas moins, non ce serait impossible d'aimer moins ce petit bout de bonheur, mais une distance s'installait malgré lui, malgré elle. « Bien sûr que non ! Enfin je ... je sais plus ce que je pense. » Ce n'était pas la faute d'Aurora, non ça il le savait bien. Elle n'avait rien à voir dans ce conflit et n'avait donc pas à payer. Maxence ne voulait pas la délaisser, il ne voulait pas la perdre, mais s'il devait penser à Lachlan à chaque fois qu'il regardait dans les yeux de sa fille, c'est lui qui en souffrirait. Et lui non plus n'avait rien demandé de tout ça, et pourtant, il paierait inévitablement le prix. Eleanor ne semblait pas comprendre l'ampleur du problème, ne semblait pas voir le mal-être de Maxence dans la situation dans laquelle elle les avait tous mis. D'ailleurs, elle haussa le ton à nouveau. « Non, ça doit pas te plaire, enfin j'ose encore espérer que ça ne te plaît pas, non ! Mais si ça te plaît pas à toi, alors imagine moi ! Toi c'est encore ta fille, sous tous les aspects possibles. Pas moi ! Et j'ai même pas l'impression que tu reconnaisses le mal que ça peut me faire ! » Lança-t-il, lui aussi ayant haussé la voix. Aurora devait sans doute les entendre, elle ne comprenait probablement pas les mots échangés, mais elle sentait sûrement le climat négatif qui régnait en bas. Eleanor et Maxence s'échangeait des mots tranchants, comme des couteaux, laissant leur colère parler, crier. Et quand elle lui demanda s'il la quittait, un silence s'installa. Maxence la regardant un moment dans les yeux, avant de baisser le regard vers le plancher et de frotter son front de sa main, comme pour soulager son esprit qui partait dans tous les sens. « J'ai besoin de temps. J'ai besoin de réfléchir. » Loin d'elle. Loin de ce mensonge. « J'vais faire mes valises et j'irai passer quelques jours à Brisbane. J'dirai à Aurora que c'est pour le travail. » Ce n'était pas hors du commun, peut-être ne se douterait-elle pas que sa famille était sur le point de tomber en ruines.

Imaginer cette maison sans Maxence et sans cet amour qui l'entoure est impossible à tes yeux. Tu ne vois plus ta vie sans lui, à présent. Tu sais, depuis que vos téléphones ont été malencontreusement échangés, qu'il est l'homme de ta vie. Et même si vous avez fait des erreurs de parcours tous les deux, toi sans doute davantage que lui, tu étais persuadée que votre amour surmonterait tout. Aujourd'hui, tu n'es plus sûre de rien. Aujourd'hui, tu vois le doute dans les yeux de Maxence et ça te rend malade. Qu'il puisse t'en vouloir c'est quelque chose que tu conçois, évidemment. Mais qu'il pense à mettre sa fille de côté, ça, tu n'y étais pas préparée. Et ça te brise le coeur en mille morceaux. « D'... D'accord. » Réponds-tu la voix tremblante. Les paroles qui suivent et le ton employé ne font que t'achever davantage. Maxence a le droit d'être en colère contre toi mais il ne semble pas comprendre que de ton côté, toi aussi, tu en souffres. Toi, tu as bien conscience de son état mais malgré ça, tu tentes de le rassurer même si pour le coup, ça semble mission impossible. Tu essaies de reconstruire les quelques morceaux qu'il reste de votre couple. Tu essaies de tout rassembler pour votre fille et pour votre avenir à tous les trois. Mais là, tu as l'impression d'être seule, complètement seule. Certes, ces révélations sont récentes pour Maxence mais tu as l'impression qu'il a déjà tout abandonné. Tu te laisses glisser le long du mur, prenant ton visage entre tes mains. « Bien sûr que si... Je le vois le mal que ça te fait mais je ne peux rien y faire ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Je peux pas réparer cette erreur... Je le pourrai jamais... Alors je m'efforce de penser que malgré cette erreur de parcours, une magnifique petite fille en est ressortie et est épanouie grâce à son père, à toi. » Dis-tu plus doucement en relevant la tête vers Maxence. Tu sais que ces paroles ne suffiront pas mais c'est tout ce que tu as à lui offrir à présent. Puis, tu oses poser la question qui tourne en boucle dans ta tête depuis de longues minutes. Est-ce la fin de votre couple ? Est-ce que c'est trop pour lui, pour vous, pour toi ? Le jeune Kearse laisse planer le doute ce qui ne fait que renforcer la boule formée au creux de ta gorge. Puis, le verdict tombe. Il s'en va. Même s'il ne le dit pas explicitement, tu as compris. Maxence te quitte. Et là, tout ton univers s'écroule. Tout ton monde s'effondre et s'il n'y avait pas Aurora, tu n'aurais sans doute plus aucune raison de vivre et de sourire. « S'il te plaît... » Dis-tu péniblement. « Ne me quitte pas Max. » Tu ne détaches pas ton regard du sien, attendant qu'il réagisse et qu'il te promette de rester à tes côtés. Tout ce que tu demandes c'est une petite attention, rien d'autre. Un petit quelque chose qui te montrerait que tout n'est pas terminé.

Elle souffrait, sans aucun doute, oui. Elle souffrait et son regard en était le premier messager, parce que cette lueur qui brillait habituellement sans cesse lorsqu’ils se regardaient s’était affaiblie. Autant dans ses yeux à elle que dans les siens à lui. Quelque chose s’était brisé, quelque chose de grand, de trop grand pour eux. La confiance s’était effritée, déjà qu’il avait fallu bien du temps pour Maxence à reconstruire entièrement ce lien entre eux deux la première fois. Maintenant, ce qu’il en restait semblait irrécupérable. Maxence ignorait comment ils pourraient passer par-dessus les conséquences des actes et des décisions d’Eleanor, cette fois. Il ignorait comment il arriverait à tourner la page, sauf si c’était pour commencer un nouveau chapitre auquel elle n’appartient pas. Ça lui brisait le cœur, à Maxence, de s’imaginer que sa vie venait sans doute de voler en éclats, mais même s’il décidait de passer l’éponge, il savait qu’il garderait constamment, au fond de lui, une rancune qu’il ne pourrait jamais taire. Eleanor se laissa glisser le long du mur, signe de son désespoir incommensurable, elle qui avait toujours su garder un minimum de contrôle sur elle-même, même lorsque la vague d’émotions trop forte déferlait sur elle. Là, aujourd’hui, ils n’avaient plus aucun repère, et s’ils ne pouvaient même plus utiliser l’autre comme bouée de sauvetage, alors il ne leur restait plus qu’à couler. Maxence resta debout, droit, à quelques mètres devant elle, alors qu’elle reconnaissait la souffrance de l’homme tout en se montrant impuissante face à ce dernier. « Oui, une magnifique petite fille en est ressortie, t’as raison sur ce point. Aurora est formidable et elle mérite ce qu’il y a de mieux pour elle. Et ce qu’il y a de mieux, ce n’est certainement pas deux parents qui n’arrivent même pas à être honnêtes l’un avec l’autre, qui ne partagent pas tout, même les doutes. » Si seulement Eleanor avait pu lui confier ce lourd secret qu’elle avait gardé pendant près de cinq années. Si seulement elle avait pu s’asseoir avec lui, sérieusement, et lui avouer que cet enfant qu’elle portait n’était peut-être pas le sien. Peut-être auraient-ils pu s’en sortir autrement que ce qui se passait là, sous leurs yeux. Peut-être Maxence aurait-il pu accepter la situation et vivre avec, en toute connaissance de cause. Eleanor ne lui avait même pas laissé cette chance. Elle l’avait laissé dans le noir. Complètement dans le noir. La jeune femme releva finalement son regard vers lui, et c’est Maxence qui détourna le sien. Après qu’il lui ait appris qu’il partirait à Brisbane, pour quelques jours, le temps de songer à cette bombe qui venait de lui être larguée, l’italienne le supplia de ne pas la quitter. « J’arrive même pas à te regarder dans les yeux sans … sans être complètement anéanti. Alors comment peux-tu t’attendre à ce que je reste ? » Il secoua la tête de droite à gauche, avant de prendre la direction des escaliers et de monter à l’étage supérieur. Là, il entra dans leur chambre à tous les deux, et entreprit de faire sa valise. Il avait l’habitude, en moins de cinq minutes, ce serait fait. À force de la faire et de la défaire lors de ses allers-retours entre Brisbane et Bowen, Maxence savait exactement quoi emporter. Une fois la valise bouclée, il la laissa en haut des escaliers, et poussa la porte de la chambre d’Aurora. Quand son regard croisa le sien, les larmes qu’il retenait depuis qu’il avait reçu les résultats du test de paternité s’échappèrent sans prévenir. La colère laissa place à son immense chagrin.

Tu as sans aucun doute fait la plus grosse erreur de ta vie en omettant de parler de tes doutes à Maxence. Aujourd'hui, tu le sais, mais il est déjà trop tard. Tu vois, dans le regard de Maxence, qu'il a déjà laissé tomber. Tu entends, dans ses paroles, qu'il n'y a plus d'espoir. Et en comprenant tout ça, tu as l'impression qu'on t'enfonce un couteau dans le coeur à de multiples reprises. Tu comprends que tu as fait l'ultime erreur qui brise tout ce que vous avez construit, Maxence et toi. Que ce soit votre couple, votre foyer ou votre famille, tout part en éclats au bout de quelques minutes à peine. Tout est brisé, même toi. Même Maxence. Tout ce que tu as réussi à faire c'est briser tout ce que tu as de mieux dans ta vie et tu ne te le pardonneras sans doute jamais. La seule petite once d'espoir qu'il te reste c'est ta fille. Tu espères qu'elle au moins, tu la rendras toujours heureuse même si, à présent, tu n'es plus sûre de rien. Es-tu une bonne mère au moins ? Tu ne sais pas, tu ne sais plus. Tout ce que tu voulais, cinq ans plus tôt, c'était former une famille avec l'homme de ta vie. Tu ne voulais pas entacher cette image et cet avenir pour des doutes sûrement faux. Mais voilà, cinq ans plus tard il s'avère que tes doutes étaient fondés et ça remet tout en question aux yeux de Maxence. Tu peux le comprendre mais ça te détruit de l'intérieur et tu n'es pas certaine de pouvoir te relever de cette nouvelle épreuve. Tu as tout quitté pour Maxence et tu as tiré un trait sur ta famille, en Italie. Alors maintenant, que reste-t-il ? Le néant... « Notre couple était fragile il y a cinq ans... J'avais peur de te perdre alors j'ai préféré mettre ces doutes de côté plutôt que d'affronter la réalité. Je te demande pardon, Max. » Tes yeux embués se posent sur les siens pendant quelques secondes avant de se concentrer à nouveau sur le sol de la cuisine. Tu n'es plus capable d'affronter ce regard accusateur et surtout, ce regard qui exprime la déception à tout égard. Le jeune Kearse non plus n'est plus capable de te regarder et c'est bien ça le problème. « Je... Je ne sais pas mais je sais que ma vie sans toi n'a aucun sens. » Murmures-tu plus pour toi que pour lui puisqu'au moment où tu prononces le dernier mot, Maxence est déjà dans les escaliers. Tu poses ta tête entre tes genoux, anéantie par la perte de l'homme que tu aimes. A présent ça ne fait plus aucun doute, il s'en va et cet acte annonce la fin de votre couple. La fin de votre amour, la fin du Maleanor. Ce petit nom que tu aimais vous donner qui est la contraction de vos deux prénoms. Un symbole fort à tes yeux et qui, aujourd'hui, part en fumée.

FIN DU SUJET.