tired to fight (naomi)

Rentrer à la maison n'avait plus du tout le même goût à présent. Avant, tu rentrais avec hâte après le travail dans le but de retrouver les deux femmes de ta vie. Aujourd'hui, tu as l'impression qu'à chaque fois que tu rentres, Naomi aura quelque chose à te reprocher ou bien c'est toi qui ne supportera pas une énième absence de Luce. Tu n'aimes pas la partager avec son père biologique. C'est peut-être égoïste mais c'est comme ça. D'autant plus que tu n'as jamais accepté l'idée qu'il puisse entrer dans sa vie après l'avoir lâchement abandonnée avant sa naissance. Tu n'as eu aucun choix sur cette décision et depuis, tu le vis mal. Parce qu'après tout, c'est toi qui étais là lorsqu'elle grandissait dans le ventre de sa mère, toi qui te réveillais en pleine nuit lorsque les contractions devenaient trop fortes. Toi qui as conduit jusqu'à la maternité pour accueillir votre merveilleuse petite fille. Toi qui te réveillais la nuit les premiers mois pour soulager Naomi. Bref, tu as été là du début à la fin et aujourd'hui, tu as l'impression qu'on veut te retirer tout ça comme si ça ne comptait pas. Aujourd'hui, tu as l'impression qu'on t'arrache continuellement ta fille et tu ne peux pas t'empêcher de tenir Naomi comme seule responsable. Du coup, à chaque fois que tu rentres à la maison et que tu es fatigué par le travail, tu as du mal à être gentil avec la jeune femme. Et aujourd'hui, c'est une de ces fameuses soirées où tu es fatigué. Tu soupires déjà en passant la porte d'entrée et en déposant tes affaires, fatigué de te battre contre ce sentiment d'injustice. Luce n'est pas là malheureusement puisqu'elle aurait été la seule capable de te redonner le sourire. En avançant dans la maison, tu trouves Naomi dans le canapé du salon. Tu déposes un léger baiser sur ses lèvres et t'affales à côté d'elle, complètement crevé.  « Tu as passé une bonne journée ? » Demandes-tu plus par politesse qu'autre chose.

S’il y a bien une chose que Naomi détestait le plus chez Noam, c’était l’amour qu’elle lui portait. Un amour sauvage, indomptable, dont elle dépendait affreusement. Cet amour sauvait leur couple. Néanmoins elle avait pleinement conscience qu’un jour, il ne suffira plus. Ce soir-là quand il rentra à la maison, elle vit immédiatement sur son visage que quelque chose n’allait pas. Le baiser qu’il avait déposé sur ses lèvres respirait l’automatisme et la mauvaise humeur. C’était stupide, mais cela l’irritait. « Qu’est-ce-que t’as ? » demanda t-elle aussitôt, un peu sèchement. Quand Luce n’était pas à la maison, la tirelire aux jurons n’existait plus. Les insultes volaient à tout va, mais elles n’étaient rien comparés à la violence de leurs paroles et au ton qu’ils employaient.

Malgré tous ces moments de doute et de dispute que vous partagiez ces derniers temps avec Naomi, vous ne pouviez nier l'évidence : vous vous connaissiez parfaitement l'un l'autre. Tu ne peux pas jouer un double-jeu ou mentir avec elle, ça ne fonctionne pas comme ça. Et c'en est de même la concernant. Alors que tu t'affales sur la canapé à ses côtés, la jeune femme voit immédiatement que quelque chose ne va pas. Néanmoins, tu n'es pas certain d'avoir envie d'en parler. « Je suis crevé. J'ai pas le droit ? » Demandes-tu tout aussi sèchement qu'elle. Si elle veut commencer à se disputer avec toi, il n'y a pas de problèmes, tu es prêt pour ça, toi aussi. De toute façon, en ce moment, les disputes riment votre quotidien. Et même si tu connais la raison de ces nombreuses disputes, rien n'y fait, elles reviennent continuellement. D'ailleurs, tu n'es pas certain qu'il existe réellement une issue à tout ça.

Au fil des années, et même dès leur rencontre, Naomi et Noam avaient la faculté de connaitre les coins et recoins de leurs émotions. Et au vu de son expression, de ses gestes et du ton de sa voix, Naomi vit aussitôt qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. Il prétendit être fatigué, riposta sèchement. Naomi se renfrogna davantage. Si elle aurait été armée, elle aurait dégainée. "Tu te fous de ma gueule?" rétorqua-t-elle à présent irritée. Elle se redressa pour lui faire face. "J'te connais par cœur, me l'a fait pas à moi. Qu'est-ce-que t'as?" répéta-t-elle les sourcils froncés.

C'est bien ça le problème, Naomi te connaît par coeur. La réciproque existe, évidemment, mais parfois, tu aimerais avoir ton jardin secret, toi aussi. Là, en l'occurrence, tu n'as pas envie de discuter de ce qui ne va pas parce que tu sais exactement sur quoi ça va déboucher. Vous allez vous prendre la tête et il n'y aura plus aucune issue. « Je n'oserais pas. » Répliques-tu en prenant un air faussement outré. Vous êtes de vrais gamins tous les deux, incapables de se contrôler et de discuter posément. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Et ça, au fil des années et désormais parents, ça n'a pas changé. « Tu sais très bien ce qu'il y a. » Dis-tu, finalement, en soupirant d'énervement. Oui, le sujet Oscar fait désormais partie de votre quotidien et est souvent l'objet de vos disputes. Tu supportes mal de rentrer chez toi et de ne pas pouvoir voir ta fille. « Ca me fait juste chier que quand je rentre d'une journée pourrie, je ne peux pas voir ma fille pour me remonter le moral. C'est aussi simple que ça. » Tu gardes ton regard fixé sur le mur qui se trouve en face de toi, incapable d'affronter le regard assassin de Naomi. Parce que tu sais qu'à cet instant précis, c'est loin d'être un regard d'amour et de tendresse qu'elle t'offre.

"Tu ne vas pas ENCORE remettre ça sur le tapis!" siffla-t-elle exaspérée. Elle lui lança un regard noir, se leva d'un bond du canapé et hésita à fuir la dispute. Mais non, Naomi fit brusquement face à lui. "Noam, je te le répète. Je ne peux pas priver Luce d'Oscar. Je ne peux pas la priver de son père. Tout comme toi, elle aussi te considère tel quel!" Elle avait dit cela, d'un ton las. Car elle en avait marre qu'il lui balance à chaque fois le même reproche. L'un et l'autre s'entêtaient. Leurs arguments ne changeaient pas. Naomi restait campée sur ses positions :  elle avait accepté Oscar, pour le bien de sa fille.

Lorsque Naomi se lève du canapé, tu imagines qu'elle va prendre la fuite mais cette fois-ci, elle semble bien décidée à affronter la situation. Tu soupires en voyant le regard qu'elle te lance. « J'aurais voulu avoir mon mot à dire. » Rétorques-tu en crachant chaque mot. « Mais j'ai pas eu le choix ! C'est une ruse pour te rapprocher de lui, c'est ça ? » Demandes-tu en étant limite dégoûté de prononcer ces paroles. Tu ne veux pas penser que Naomi puisse  te tromper avec Oscar mais la réalité est que, c'est déjà arrivé et tu es persuadé que ça peut encore être le cas. Tu ne dors plus correctement depuis qu'il est davantage présent dans votre vie et ça, Naomi ne semble pas s'en rendre compte. Ou encore moins le comprendre.

Il aurait voulu avoir son mot à dire, à ses yeux, Naomi avait prit cette décision seule. "Je n'avais pas le choix non plus! Je n'allais pas repousser son père." se defendit-elle du mieux qu'elle pouvait. Ils n'avaient pas la même vision des choses. Naomi pensait au bien de Luce. Elle ne voulait pas exclure son vrai père de sa fille ni mentir sur son existence. Oscar aurait réapparu dans sa vie un jour ou l'autre, car en grandissant il était probable et légitime que Luce puisse aller à son encontre Qu'aurait-elle fait lors de sa crise d'adolescence? Mais les reproches de Noam allait bien au-delà de son rôle paternel au sein de leur famille. Le problème, c'était elle et Oscar. "Tu plaisantes là?" s'offusqua Naomi, abasourdie. Elle dut bien reconnaitre qu'il avait ses raisons d'avoir des doutes sur sa fidélité. Effectivement elle l'avait trompé autrefois avec Oscar, une nuit où elle était un peu trop saoule, un peu trop perdue, un peu trop contrariée. Chaque fois qu'elle regardait Luce, même si elle lui ressemblait trait pour trait, elle lui renvoyait l'image de sa faute. Elle aurait aimé avoir eut cet enfant avec Noam. Seulement le mal était fait, et rien ne pouvait l'aider à revenir en arrière. Ni le temps ni son pardon. "Tu sais bien que je ne pourrais jamais assez te remercier de m'avoir pardonné. C'est sûrement une des plus belles choses que tu as fait pour notre couple. Mais Noam, je ne ferais plus jamais cette erreur. Je ne supporterais pas l'idée de te perdre." Sa voix était devenue plus calme, plus posée. Voilà où était la complexité de leur relation. Autant ils pouvaient se hurler dessus, autant ils pouvaient aussi se faire des déclarations d'amour. Noam était son âme-soeur.