I've got these excuses, they're tired and lame (wooja)

Les paroles de Landon avaient laissé une trace indélébile dans la tête de Woody qui n’avait pas passé une seule journée, depuis la grande cérémonie des Bowards, sans y songer à nouveau. Il n’en parlait peut-être plus à Freja, ni à qui que ce soit d’ailleurs, mais ça ne signifiait pas pour autant que sa souffrance avait sombré dans l’oubli. Au contraire, les pensées de l’homme étaient plus que jamais tournées vers les effets que sa maladie avait sur lui, et peut-être, vers des solutions qui mettraient un terme – bien que sans doute éphémère – à ses incertitudes et à ses peurs. Il s’était souvenu d’une proposition que lui avait faite son neurologue quelques mois auparavant, à propos d’une étude clinique qui débuterait pour donner suite à des recherches sur la sclérose en plaques et les lésions au cerveau. Il avait d’abord refusé, Woody, lui qui avait refusé la médication pendant tellement d’années n’allait certainement pas s’inscrire sur la liste d’essais expérimentaux. Cependant, maintenant qu’il était avec Freja, maintenant qu’il s’autorisait à s’imaginer un futur avec elle, un futur tout court, il ne pouvait nier que l’idée de vivre les prochaines années avec quelques symptômes en moins était invitante. Il avait donc contacté son neurologue et, après une batterie de tests s’échelonnant sur quelques semaines, il avait finalement été accepté pour la recherche sur la deep brain stimulation. Woody n’en avait parlé à personne, jusque-là, parce qu’il savait que la chirurgie pouvait s’avérer dangereuse en certains cas, et il ne voulait pas qu’on cherche à le dissuader de s’y inscrire. De toute façon, jusqu’à tout récemment, il n’avait aucune idée de si sa candidature serait retenue. À quoi bon débattre pour quelque chose qui n’arriverait peut-être même pas. Mais une fois que ce fut bien réel, maintenant que la date d’opération eut été fixée, Woody prit peur. Il pouvait certes retirer son consentement à tout moment, mais ce n’était pas tant de la chirurgie en tant que telle qui lui faisait peur, mais bien la réaction de Freja. Il pouvait mourir sur la table d’opération. Il pouvait ne jamais en ressortir lui-même. C’était une chirurgie pendant laquelle il était éveillé, le crâne ouvert, avec des électrodes sur son cerveau. Forcément, l’image avait de quoi lever la panique. Et il savait que si Freja lui disait de ne pas aller de l’avant, il l’écouterait. Alors, comme le lâche qu’il était, donnant une fois de plus raison à Landon, Woody avait décidé de ne pas lui dire. Seule sa famille était au courant, Felix et Nevaeh ayant même décidé de revenir en ville pour l’accompagner dans cette épreuve. Il avait demandé à s’y rendre seul, préférant vivre l’angoisse avec lui-même, sans les regards des autres accentuant ses craintes. Mais il savait qu’ils seraient là à son réveil, si réveil il y avait.

Qu'est-ce que tu fais là ? avais-tu demandé à Nevaeh, partagée entre l'excitation de la revoir et la curiosité. Tu n'imaginais pas une seule seconde que sa réponse allait chambouler tout ton monde. En voyant ta tête, la brune a tout de suite compris que tu n'étais pas au courant. Non, tu n'étais pas au courant que Woody s'apprêtait à subir une intervention et encore moins d'une telle gravité. Il t'a fallu cinq bonnes minutes pour retrouver tes esprits, incapable de répondre quoi que ce soit, incapable de réagir au regard perdu de Nevaeh. Incapable de comprendre, surtout. Cette nouvelle remet en cause beaucoup de choses à tes yeux, à commencer par l'investissement de Woody dans votre couple. S'il était vraiment investi, s'il était vraiment à deux cent pour cent dans cette relation, comme toi, il aurait été incapable de te cacher ça. Comment est-il capable de te mentir, ou plutôt d'omettre de te dire quelque chose d'aussi important ? Ce n'est pas la première fois que tu te sens laissée pour compte avec l'australien mais aujourd'hui, tu as l'impression que c'est la fois de trop. Quoi qu'il en soit, même si à cet instant précis tu es  en colère et blessée, tu ne peux pas t'empêcher d'avoir besoin d'explications. Tu as besoin de confronter Woody pour savoir pourquoi. Tu te présentes donc dans le hall de l'hôpital, demandant la chambre de Woody avant de marcher jusqu'à celle-ci d'un pas décidé. Ton coeur tambourine dans ta poitrine, bercé par cette colère qui grandit en toi au fur et à mesure des minutes qui passent. Tu frappes à la porte, attendant d'entendre un oui de l'intérieur avant d'entrer. Voir Woody sur un lit d'hôpital te brise le coeur mais tu t'es promis de ne pas pleurer, de rester forte et de laisser parler ta colère pour une fois. Plutôt que ton coeur. Tu te sens trahie, au plus profond de tes tripes et tu ne pensais pas qu'un jour, une trahison pourrait venir de Woody. Tu pensais qu'après tout ce que vous aviez affronté, tous les deux, vous étiez plus forts que tout. Et surtout, que vous aviez enfin cessé de vous repousser, de vous éloigner. Combien de fois faudra-t-il que tu prouves à Woody que vous maintenir éloignés n'apporte rien de bon ? Combien de fois encore, avant qu'il ne comprenne enfin que vous deux, c'est une évidence ? Tu t'approches du lit mais pas trop, gardant tes distances, ton regard accusateur se posant enfin sur l'australien. « Comment tu peux faire ça ? » Demandes-tu, la voix cassante. Tu ne cries pas et c'est sûrement ce qui rend le ton de ta voix encore plus flippant. « Comment tu peux prendre une décision aussi importante sans même m'en parler ? Quand est-ce que tu cesseras d'être aussi égoïste, Woody, alors que je donnerais ma vie pour toi ? » Même si l'émotion est là, au plus profond de ton coeur, elle ne paraît pas dans ta voix. Tu ne te laisses pas submerger cette fois-ci parce que tu as besoin que Woody voit à quel point tu es en colère, déçue et blessée.

Quelques minutes à peine avant qu’on ne vienne chercher Woody pour la chirurgie, il avait été parcouru d’un tel sentiment de solitude, de regrets, de panique. Il avait tellement regretté, Woody, à cet instant précis, de ne pas être aux côtés de Freja. Il aurait voulu qu’elle lui tienne la main, qu’elle lui dise que tout irait bien. Hell, à ce moment précis, il aurait préféré qu’elle soit là pour lui dire de reculer, d’abandonner. Qu’elle lui dise que peu importe les symptômes qui pouvaient l’attendre à plus ou moins court terme, ça ne valait pas la peine d’endurer un tel traumatisme physique. Mais il avait été con, encore une fois, et elle n’était pas là. Personne n’était là. Alors dans cette grande vulnérabilité que Woody cherchait à tout prix à cacher aux autres, Woody avait pleuré de peur, essuyant rapidement ses larmes lorsqu’il entendit la voix de son neurologue et d’une infirmière approcher de sa chambre. Quand on lui demanda s’il était prêt, bien sûr qu’il répondit que oui, alors que tout dans sa tête et son cœur criait de fuir. Ils allèrent de l’avant, Woody poussé sur son lit, dans sa chemise d’hôpital, les néons blancs défilant au-dessus de ses yeux. Il ferma les yeux, se répétant dans sa tête que dans trois heures, trois longues heures, ce serait terminé. Il fut éveillé pendant toute la procédure, un peu dans les vapes mais tout de même conscient, les yeux bien ouverts regardant droit devant lui alors que son neurochirurgien avait ses instruments à l’intérieur de sa tête. Il se concentrait bien fort pour ne pas flipper, pour suivre les directives des médecins, et après ces trois longues heures de contrôle forcé, il fut enfin raccompagné jusqu’à sa chambre, où la fatigue le fit rapidement sombrer dans la noirceur. Lorsqu’il rouvrit les yeux, il constata avec un pincement au cœur qu’il était seul. Seulement pour lui rappeler à quel point il avait tout fait pour repousser les gens dans sa vie, même quand pour cela il avait fallu leur mentir. Il soupira, passa une main sur le bandage sur sa tête, tâtant doucement du bout des doigts jusqu’à sentir une douleur qui le fit automatiquement s’arrêter. Il était encore là. Mais les fourmillements dans ses mains et dans ses jambes aussi. La lourdeur de son corps se faisait encore bien sentir. Il s’apprêta à appuyer sur le bouton pour faire venir quelqu’un quand on cogna à la porte. « Oui ? » Demanda-t-il, les sourcils légèrement froncés, avant qu’un certain éclair de peur et de honte ne traverse son regard lorsqu’il vit Freja et son regard accusateur. Il se releva légèrement sur son lit, dans une grimace de douleur. « Laisse-moi t’expliquer … » Mais elle reprit la parole, le traitant d’égoïste, avec raison sans aucun doute, lui reprochant d’avoir pris cette décision sans la consulter, sans lui en glisser ne serait-ce qu’un seul mot. Il soupira. « Je l’ai fait pour nous. » Mais il n’y aurait pas de nous tant qu’il ne penserait qu’à lui, voilà ce qu’il ne semblait pas comprendre. « J’voulais juste essayer de nous gagner encore quelques années de normalité. » Mais aucune excuse ne justifierait d’avoir mis Freja de côté, cette fois. Aucune.

Malgré cet excès de colère que tu ressens, malgré ce sentiment d'abandon, tu te sens soulagée en voyant que Woody est réveillé et surtout en état de parler. Tu aurais pu le perdre... et à chaque fois que tu repenses à cette idée, tu as l'impression que ton coeur va lâcher. Tu as l'impression que tout le poids du monde s'est abattu sur tes épaules une énième fois mais que cette fois-ci, tu n'auras plus la force de te relever. Tu t'es battue sans relâches ces derniers mois, voire même cette dernière année, et alors que tu pensais être enfin tranquille, tout recommence. Tu fronces les sourcils en voyant l'australien grimacer de douleur, incapable de rester de marbre alors qu'il souffre devant toi. « Ne bouge pas. » Lui ordonnes-tu avant de reprendre la parole et de le traiter d'égoïste. Malgré la peine causée par ce "mensonge", malgré la peur de le perdre et l'envie de le réconforter, tu ne peux pas t'empêcher de cracher ta colère. Et lorsque Woody rétorque qu'il a fait ça pour vous, tu lèves les yeux au ciel comme si tu n'y croyais pas. « Tu ne peux pas parler de nous quand ça t'arrange. S'il y a vraiment un nous, alors, tu devrais être capable de tout me dire. On devrait prendre les décisions ensemble mais encore une fois tu me repousses... » Dis-tu en terminant difficilement ta phrase, avalant ta salive pour garder tes émotions prisonnières de ton corps. « Est-ce que tu te rends au moins compte que tu aurais pu mourir ? Tu m'aurais quitté sans même que je le sache, sans même me dire au revoir... T'imagines à quel point ça me prouve qu'une fois de plus tu ne considères pas totalement notre relation ? » Ne pas t'inclure dans cette décision et surtout, ne même pas t'en parler, ça prouve que Woody n'est pas encore totalement prêt pour une vie de couple. Seulement toi, tu n'en peux plus d'attendre. Tu n'en peux plus d'attendre qu'il te considère autant que toi, tu le considères. Tu ne sais plus quoi faire pour que cette relation fonctionne, aujourd'hui. Tu n'en peux plus. « J'croyais qu'on était parti pour durer toi et moi mais je suis fatiguée de me battre contre toi, Woody. » Parce que oui, malheureusement, tu ne te bats pas avec Woody mais bien contre lui et son incapacité à s'engager pleinement dans votre relation malgré tout l'amour qu'il te porte. A chaque fois que les choses se compliquent, vous prenez des chemins différents, comme si vous étiez incapables de suivre la même voie. Ou plutôt comme si Woody cherchait sans cesse à dévier de ta route pour en choisir une plus indépendante. Plus libre. Après les Bowards, l'australien t'a déjà mis de côté pendant plusieurs jours mais ça encore, tu peux le comprendre, puisque tu n'étais pas totalement innocente dans cette histoire. Mais aujourd'hui, les choses sont bien plus graves et tu n'as pas l'impression que Woody en a conscience. « Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? » Demandes-tu en l'implorant du regard, espérant une réponse sincère cette fois-ci.

Il était trop tard, à demi-relevé, Woody termina son mouvement malgré la sensation qu’on le cognait à coups de marteau sur les parois intérieures de son crâne. Il avait l’impression que sa tête allait exploser mais le véritable volcan en éruption dans cette pièce, c’était certainement la colère de Freja dont les paroles étaient crachées sur lui en toute légitimité. Il posa la tête sur son oreiller, ferma les paupières un moment avant de poser son regard sur la norvégienne qui avait toujours les yeux sombres, de glace. Il déposa délicatement sa main sur son ventre, par-dessus le drap tiré sur son corps, le tube de son soluté entortillé autour de son bras. Il ne bougea alors plus, écoutant Freja sans broncher, complètement vidé, vidé d’énergie, vidé de lumière, vidé d’espoir. Tout ce qu’il touchait finissait par flétrir. Il faisait toujours tout de travers, Woody. Il avala difficilement alors qu’elle lui demanda s’il savait, au moins, qu’il aurait pu mourir sans qu’ils ne puissent se dire au revoir. Son cœur se serra et malgré qu’il sache fort bien qu’elle avait raison, malgré qu’il comprenne évidemment ce qu’elle ressentait, il répondit injustement : « Est-ce que c’aurait été si grave que ça, au fond, que je crève sur cette table ? T’aurais au moins été libre, Freja. T’aurais au moins été débarrassée de moi parce que c’est la seule manière que j’me vois en finir avec toi, d’en finir moi-même … » Il avait éclaté, ça avait sorti tout seul, si elle avait craché sa colère lui avait craché ce poison qui dépassait toutes les limites du raisonnable. Il s’en rendit compte en voyant le regard de la norvégienne, d’ailleurs, regrettant tout de suite ses paroles. Il la regarda, interdit. « Je suis désolé. I didn’t mean that. » Pas totalement du moins. Il ferma les yeux à nouveau en portant lentement sa main libre mais faible jusqu’à son front, qu’il massa doucement, les sourcils froncés. Freja avoua être fatiguée de se battre contre lui. Il laissa retomber sa main et planta son regard dans le mur en face de lui-même. « Mais pour une fois, pendant que toi tu te bats contre moi, j’essaie te faire comprendre que je me battais pour nous … » De la pire façon qu’il aurait pu le faire. En la relayant à nouveau au deuxième plan. En la tenant à l’écart des plus grandes décisions de sa vie, celles qui la regardaient directement. Freja lui posa alors la question la plus légitime, et il daigna la regarder alors qu’elle l’implorait du regard de lui offrir ne serait-ce qu’une minute de vérité. Il soupira. « J’avais peur que tu me dises de ne pas le faire. T’es la seule qui aurait pu me convaincre de ne pas le faire. Et il fallait que j’essaie, Freja. Il fallait que j’essaie. » Dit-il, la voix plus faible, plus émotive.

Avoir cette conversation dans un moment aussi compliqué, aussi délicat pour Woody, n'est vraiment pas la meilleure idée que tu aies eu. Tu aimerais pouvoir t'emporter, crier, hurler même, aussi fort que possible face aux mots qu'il emploie mais tu ne peux pas. Le lieu ne te le permet pas et encore moins sa situation. Car même si tu es en colère, tu vois à quel point le simple fait d'être éveillé est compliqué pour l'australien. Est-ce que c’aurait été si grave que ça, au fond, que je crève sur cette table ? Tu restes figée, abasourdie par ses paroles. T’aurais au moins été libre, Freja. Alors vous en êtes toujours là, malgré les promesses que vous vous êtes faites ? Malgré cette chance que vous avez donné à votre couple ? Tu as un mouvement de recul de la tête, incapable de croire ce que tu entends. Woody le remarque assez vite puisqu'il s'excuse mais c'est trop tard, le mal est fait, les mots sont prononcés. « Bien sûr que si, tu voulais dire ça. » Dis-tu en soupirant, évitant à nouveau le regard de l'australien. « Tu ne peux pas t'enlever cette idée de la tête hein ? Cette impression d'être un fardeau pour moi ? » Il avait lutté pendant si longtemps, Woody, avant de t'accepter pleinement dans sa vie. Malheureusement, il faut croire que tout ça n'était qu'une illusion et que malgré ses belles paroles, son avis n'a pas changé. Il n'acceptera sûrement jamais que tu veuilles faire partie de sa vie malgré la maladie. « Comment tu peux te battre pour nous sans même considérer complètement ce nous ? » Votre couple n'existe pas s'il n'y a pas de dialogue, pas de décisions prises ensemble. Envers et contre tout. Votre couple ne sera jamais assez solide si vous n'avez même pas les fondations nécessaires. Tu interroges finalement Woody sur le pourquoi de son mensonge, le suppliant du regard d'être honnête. Et par chance, cette fois-ci, il l'est. Tu fronces les sourcils quand il t'explique qu'il avait peur que tu le dissuades. Te connait-il vraiment, pour dire cela ? « J'aurais jamais fait ça. Si on en avait discuté et que j'avais vu à quel point c'était important pour toi, à quel point tu étais prêt pour ça... je t'aurais soutenu dans ta décision. » Même si cette décision risquait de te l'enlever pour toujours. Mais Woody ne t'a même pas laissé une chance. Il n'a pas cru en toi, ni en vous. « Comment peut-on avancer si tu n'as pas confiance en moi et encore moins en notre couple ? » Demandes-tu en soupirant avant de t'avancer de quelques pas pour te retrouver au bout de son lit, posant tes mains sur l'armature de celui-ci. « J'en peux plus d'être toujours relayée au second plan... ça fait trop mal. » Ajoutes-tu en sentant une larme glisser le long de ta joue, que tu balaies rapidement d'un geste de la main. Tu t'étais promis de ne pas pleurer alors tu tentes de rester forte malgré cette douleur lancinante dans ta poitrine, dans ton coeur.

Bien sûr, qu’il voulait dire ça. Woody n’était jamais autant honnête que lorsqu’il était impulsif et irréfléchi dans ses propos. C’était là que la vérité sortait d’entre ses lèvres. C’était là qu’il n’avait pas le temps de voiler ses paroles par des mensonges trop bien songés. « Non, j’peux pas ! J’peux pas, fuck ! » Dit-il en haussant la voix, accentuant le tonnerre entre ses deux oreilles, qui rugissait telle une bête pour lui rappeler qu’il était coincé ici, qu’elle pourrait bien le fuir et que cette fois il ne pourrait rien faire pour la rattraper. C’était un avant-goût de l’avenir. Il serait coincé, sans cesse. Alors évidemment que Woody ne pouvait pas s’enlever de la tête qu’il serait un fardeau pour elle. « Parce que j’en suis un. J’en suis déjà un alors que la maladie ne m’affecte presque pas, alors qu’est-ce que ce sera quand on sera plus vieux et que je dépendrai de toi, tout le temps ? » Il soupira. Parler autant n’était sans doute pas dans les recommandations pour son temps de repos. Souffrir autant non plus, autant physiquement qu’émotionnellement. Elle ne comprenait pas, Freja, elle ne comprenait pas cette lutte maintenant sans merci qu’il menait contre la sclérose en plaques, pour lui, mais surtout pour eux. « Je le considère, ce nous, Freja. J’t’ai pas fait marcher en t’laissant enfin rentrer dans ma vie, dans mon cœur … J’t’ai pas menti, j’t’ai pas fait croire des trucs … Je veux être avec toi, mais ça change pas pour autant ce que je pense de cette maladie et de ce qu’elle nous réserve à tous les deux dans le futur … Tu peux pas t’attendre à ce que j’l’accepte du jour au lendemain et que ça cesse de me tracasser, jour et nuit. Alors si y’a ne serait-ce que le moindre espoir que je puisse la repousser encore un peu … » C’est pour cette raison qu’il avait accepté de se joindre à cette étude clinique, de tenter le tout pour le tout. Mais ce que lui ne semblait pas comprendre, c’était que la base du conflit ici n’était pas cette décision, mais bien le fait qu’elle ait été prise sans Freja. Alors elle lui posa directement la question. Le pourquoi du secret. Et il lui répondit en toute sincérité. « Tu dis ça maintenant que c’est fait et que j’suis toujours en vie. But who knows … » Exactement : qui sait ? Lui non plus ne le savait pas et ne lui avait même pas laissé la chance de le lui faire savoir. Encore une fois, il avait décidé pour elle. Pour ça, Freja ne lui faisait plus confiance et elle le lui fit bien comprendre, avant de s’avancer jusqu’au bout de son lit, les mains posées sur les armatures métalliques. Il vit la larme rouler le long de sa joue et ça lui brisa le cœur. « Je suis tellement … mais tellement désolé, Frej’. » Lâcha-t-il dans un murmure brisé. La voir comme ça, ça le tuait à chaque fois. Et pourtant il recommençait, encore et encore. « Please don’t give up on me. » L’implora-t-il. C'était le retour du balancier.

Non, j’peux pas ! Alors comment serez-vous capables d'avancer, de faire fonctionner votre couple si Woody a cette image de lui, ancrée dans sa tête ? S'il ne cesse de croire qu'il est un fardeau pour toi, alors, tu ne vois pas comment votre relation peut évoluer en bien. Vous n'irez jamais complètement de l'avant puisqu'il gardera sans cesse un pied vers l'arrière. Alors que tu fais ce constat, tu fermes les yeux une fraction de seconde devant la difficulté de la situation. Les choses n'ont jamais été simples entre Woody et toi mais, aujourd'hui, tu as l'impression que c'est pire que tout. Est-ce ça, votre relation ? De nombreux moments de doute, de souffrance, parsemés de quelques petits moments de bonheur ? « Tu n'es pas un fardeau mais tu fais tout pour l'être, on dirait. C'est toi et toi seul qui complique notre relation, Woody. A chaque fois que les choses se compliquent, tu t'enfuis ! Tu refuses de me parler pendant des jours, tu prends des décisions sans même m'en parler alors ouais, si t'es un fardeau c'est ta faute et pas celle de ta maladie ! » Dis-tu sèchement, énervée par son comportement. « On ne devrait même pas avoir cette conversation aujourd'hui, t'es pas en état. » Ajoutes-tu finalement en soupirant à ton tour, voyant qu'il devient de plus en plus difficile pour l'australien de s'exprimer. Mais la discussion repart de plus belle quand tu reproches à Woody de ne pas te considérer, de ne pas considérer votre couple. Ce qu'il nie, évidemment, bien qu'il ait tort. « J'te reprocherai jamais de te battre contre ta maladie, d'essayer de retarder l'échéance, il est pas là le problème. Tu dis que tu veux nous offrir un futur mais avant d'avoir un futur, il faudrait peut-être que notre couple ait un présent. » Dis-tu en détournant le regard, incapable de regarder l'australien en prononçant des mots aussi lourds de sens. « Tu sais, quand tu prends des décisions aussi importantes que cette opération sans même m'en parler, j'ai pas l'impression qu'on soit un couple. Tu agis comme un célibataire sans même t'en rendre compte. » Woody se défend en t'expliquant qu'il avait peur que tu le dissuades de faire cette opération mais c'est trop facile à tes yeux. C'est comme s'il essayait de remettre la faute sur toi, alors qu'il est le seul à avoir merdé dans cette histoire. Et ça, c'est quelque chose que tu as du mal à avaler. « On le saura jamais puisque tu ne m'as pas laissé l'occasion de m'exprimer à ce sujet. » Dis-tu finalement en soupirant, levant les yeux au ciel. Ton corps est tiraillé entre la colère, la fatigue et surtout la tristesse. A cet instant précis, tu te sens complètement vidée et brisée de l'intérieur parce que cet obstacle de plus est peut-être celui qui fera basculer votre couple pour de bon. Alors que Woody s'excuse et te supplie de ne pas l'abandonner, tu sens d'autres larmes rouler le long de tes joues, incapable de les retenir plus longtemps. « J'veux pas t'abandonner Woody mais... » Tu peines à trouver tes mots, submergée par l'émotion. Tu t'avances doucement, t'asseyant sur le côté de son lit pour attraper sa main et l'entourer des tiennes. « Mais j'commence à être à bout de forces. J'sais plus quoi faire pour que ça fonctionne entre nous pour de bon. C'est comme si quelque chose ou quelqu'un se mettait sans cesse sur notre route. Comme si on ne méritait pas d'être heureux, ensemble. Et ça me tue, littéralement. Tout ce que je veux c'est être heureuse et être avec toi mais visiblement, il m'est impossible d'avoir les deux. » Dis-tu en prononçant difficilement ces derniers mots.

S’il avait su, Woody, que sa décision fouterait tout en l’air, il aurait reculé. Il aurait dû écouter son cœur, ses doutes, quelques minutes avant qu’on l’emmène en salle opératoire. Il aurait dû savoir que s’il avait eu autant peur, c’était parce qu’il avait pleinement pris conscience de la grossière erreur qu’il était en train de commettre, et de toutes les conséquences qui en découleraient. Et il ne songeait pas ici à la mort, non, mais bien au fait de perdre Freja. Parce qu’il avait l’impression que c’était ce qui était en train de se produire, sous ses yeux, face à son corps impuissant qui ne pourrait même pas tenter de la retenir si elle décidait de rebrousser chemin sans se retourner. Il ne pourrait alors que l’implorer de ses yeux meurtris, mais qui sait si elle trouverait la force de croiser son regard une dernière fois ? Il avait blessé Freja, encore et encore, et ce coup-ci il avait l’impression que c’était une trahison impardonnable. Il avait tellement mal calculé. Il le regretterait toute sa vie. « Tu vois pas le lien qu’il y a à faire entre les deux ? Si je m’enfuis, si j’refuse de te parler, c’est pour que tu ne me vois pas dans cet état ! Si tu penses qu’avoir cette conversation aujourd’hui est une mauvaise idée alors on ne pourra peut-être jamais avoir de vraies conversations, dans le futur, parce que la douleur que j’ressens en ce moment, j’suis prêt à parier qu’elle n’est rien comparativement à ce qui m’attends. » Il soupira à son tour, de détresse, d’épuisement, de douleur. Mais c’était son cœur qui souffrait le plus, pas sa tête. Freja ne semblait pas comprendre que tout ce qu’il avait cherché à faire, c’était de leur gagner un peu de temps, de ce précieux temps qui leur filait déjà entre les mains. Aujourd’hui, ils gaspillaient ces minutes à se disputer de la sorte. Pire encore, peut-être que cette journée freinerait définitivement l’écoulement du sable de leur sablier. « Si j’agissais comme un célibataire j’serais pas ici à tout faire pour m’offrir un semblant de futur avec la femme que j’aime. Si j’agissais comme un célibataire j’serais dehors à fêter, à draguer, à baiser. À vivre de toutes mes forces pendant que je le peux encore. Mais non, j’suis ici, avec le crâne ouvert alors que j’ai absolument aucune idée de ce que ça va donner, et avec la triste impression que ça a servi à rien. Et j’te vois venir, Freja, tu vas me dire que rien m’empêche d’y aller, dehors, et d’sortir et d’faire le con comme j’savais si bien le faire avant. Mais c’est ça le truc. C’était avant. Avant toi. Avant qu’tu m’mettes des idées en tête et des rêves et des envies de fonder une famille avec toi et d’vivre vieux à tes côtés. But we can’t have that, can we ? » Lâcha-t-il dans un monologue rapide et essoufflé. Et alors, réalisant que toutes ces belles images qu’il caressait du bout des doigts étaient en train de s’évaporer sous ses yeux, il implora Freja de ne pas l’abandonner, de ne pas baisser les bras face à lui. Sa main se porta jusqu’à ses lèvres quand il entendit la norvégienne lâcher ce mais lourd de sens pour la suite des choses. Les larmes lui montèrent aux yeux à son tour. Elle attrapa son autre main, assise au coin du lit. « Je voudrais vraiment, vraiment croire que tu te trompes. Parce que tu sais bien que je te dirai toujours de choisir ton bonheur. Mais j’ai pas envie, là, que ça signifie que t’es en train de rompre avec moi. » Il serra sa mâchoire, emprisonnant l’émotion entre ses dents serrées.

Vous vous étiez déjà retrouvés dans une situation similaire, tous les deux. Sauf que c’était toi sur ce lit d’hôpital et que les raisons de votre « dispute » étaient bien différentes. Malheureusement, tu as l’impression que l’issue risque d’être la même. Tu as l’impression d’être face à un mur sans aucune solution pour le passer ou même le contourner. Vous vous êtes blessés bien des fois avec Woody mais cette fois-ci, c’est peut-être la fois de trop. Pourtant, l’idée de mettre un terme à votre histoire te tétanise, t’empêche même de respirer. L’abandonner, le quitter, c’est quelque chose que tu n’as jamais réellement envisagé. Toutes les fois où vous avez été séparés, c’est parce que l’australien l’avait décidé. De ton côté, tu es bien moins apte à le fuir que lui. « Si tu ne veux pas que je te vois dans cet état, alors, comment peux-tu imaginer un futur avec moi ? » Puisque la maladie prendra le dessus à un moment ou un autre dans un futur que tu espères lointain. « De toute façon, on a toujours eu un problème pour entamer les vraies discussions toi et moi. » La preuve en est encore aujourd’hui alors que Woody a pris cette décision seul. Quand tu reproches au brun d’agir comme un célibataire, sa réponse te coupe littéralement le souffle. L’entendre parler d’un futur à tes côtés, d’une vie de famille ensemble ça t’arrache même quelques larmes parce que c’est tout ce que tu désires toi aussi. Vieillir à ses côtés. Pourtant, malgré ses belles paroles, Woody ne peut s’empêcher de tout gâcher en te mettant une nouvelle fois de côté. Tu voudrais répondre, crier même, que si vous pouvez avoir tout ça, vous pouvez vivre vieux et heureux mais tu n’en sais rien. Tu ne sais pas si tu es encore capable de faire confiance à l’australien après ce nouveau pas de travers. Tu as déjà tant pardonné mais malgré ça, cette fois, tu n’es pas certaine d’en être capable. « Si tu savais comme je rêve de tout ça moi aussi… » Dis-tu en baissant les yeux sur vos mains entrelacées. « J’en rêve depuis des années de cette vie, Woody. Alors pourquoi sommes-nous incapables d’être heureux tous les deux ? » Demandes-tu en relevant ton regard brouillé par les larmes vers lui. L’entendre parler de rupture ne fait qu’intensifier la cadence des larmes qui perlent sur tes joues. Tu ne veux pas rompre avec Woody mais as-tu vraiment le choix ? N’est-il pas temps pour toi de te préserver, de mettre un terme à cette souffrance qui part et revient, part et revient, sans cesse ? « J’suis incapable de te quitter, j’ai pas cette faculté contrairement à toi… » Dis-tu sans réfléchir. Tu regrettes immédiatement cette pique inutile mais il est trop tard… les mots ont été prononcés. « J’suis désolée, c’était plutôt bas de ma part. » Parce que cette époque est révolue à présent puisque Woody a décidé de donner une chance à votre couple. Enfin, jusqu’à aujourd’hui. « J’ai juste besoin de temps. J’ai besoin de réfléchir, besoin de me retrouver. Besoin d’être seule. » Ce n’est pas une rupture mais juste une pause le temps de retrouver tes esprits, de voir où tu en es et surtout, où tu vas.

C’était toujours la même histoire, encore et encore, cette même boucle infernale. À chaque fois qu’ils avaient l’impression d’arriver vers le haut, à chaque fois qu’ils pouvaient caresser du bout de leurs doigts ce doux rêve à deux, ils chutaient à nouveau. Woody était bien conscient que c’était à lui de finalement franchir le pas qui les sortirait du cercle vicieux dans lequel il les maintenait. Il savait fort bien que c’était lui qui reculait trop facilement, retombant dans ses vieilles pensées desquelles il était incapable de se libérer. Il avait toujours vu sa maladie de la même manière, avec la même fatalité qui l’attendait au bout, et le fait que Freja s’engageait à s’y rendre à ses côtés ne faisait qu’accentuer ses peurs. Ce ne serait plus que sa vie qu’on lui déroberait, ce serait également celle de la norvégienne. Il était incapable, tout simplement incapable, de se détacher de cet étau qui resserrait sur lui. « Donne-moi le temps, fuck. Je suis pas parfait, je suis loin de l’être, on le sait très bien tous les deux. J’suis pas bon pour ça, je suis pas fait pour ça, mais j’fais les efforts, ok ? Tu te rends pas compte des concessions que j’ai faites dans cette dernière année ? Je suis juste pas prêt encore à ce que tu me vois … dans ces moments-là … I’m just not there yet. » Mais il lui demandait toujours d’attendre, toujours un peu plus, pour ci, pour cela. La patience de Freja avait ses limites et lui avançait trop lentement. Elle n’avait plus l’énergie. La sienne commençait à lui manquer aussi. La norvégienne lui reprocha alors d’agir comme un célibataire, dans ses prises de décision, ce qui déclencha en lui un flot d’émotions se traduisant à travers une tirade de désespoir. Un cri du cœur. Elle aussi rêvait de cette même vie à deux que Woody avait imagée en quelques mots. « Parce que ce n’est que ça. Qu’un rêve. Freja … Je serais peut-être même pas capable de tenir nos enfants dans mes bras. Je pourrais peut-être même pas leur montrer à monter à vélo pour la première fois. Je pourrais pas accompagner notre fille le long de l’allée lorsqu’elle se marierait. Pire encore, peut-être même pas me tenir debout devant toi, lorsqu’on se marierait. » Lâcha-t-il, montrant bien à Freja que tous ces moments-là, il se les était imaginés. Il les avait peinturé dans son imagination pour ensuite jeter de l’encre noire sur ces magnifiques portraits qui seraient forcément teintés de l’imperfection de Woody. S’imaginer un futur avec elle, au fond, c’était encore plus de la torture que la maladie en elle-même. Freja lui avait offert un peu d’espoir qui ne ferait que s’effriter avec les années. La chute finale n’en serait que décuplée. Malgré tout, malgré ce qu’il venait de lui dire, Woody la suppliait de ne pas l’abandonner. Il ferma les yeux lorsqu’elle affirma être incapable de le faire, contrairement à lui. Il prit une grande inspiration, tentant de contrôler toutes les émotions adverses qui se déchaînaient en lui. Il choisit de ne rien répondre, même pas à ses excuses. Il rouvrit les yeux lorsqu’elle lui dit avoir besoin de temps, de réflexion, de se retrouver. D’être seule. Son regard se plongea dans le sien, emprunt d’une tristesse inégalable. Sa mâchoire tremblait. Sa respiration s’accélérait tout en se faisant plus difficile. « Then go. Ne rends pas ça plus difficile que ça l’est. Just go. » C’était plus simple pour lui de la chasser que d’affronter la souffrance qui le submergeait. Lui aussi avait besoin de la vivre seule, celle-là.  

Du temps. Encore du temps. Il en a déjà tellement eu, Woody, par rapport à d'autres. Tu t'es toujours montrée tellement patiente, conciliante, réfléchie avec lui quand avec d'autres tu étais impulsive, imprévisible et rancunière. Mais avec l'australien, les choses ont toujours été différentes. Tu t'es toujours donnée plus avec Woody parce qu'il a pris ton coeur en otage pour une durée indéterminée. Une durée que tu pensais semblable à l'infini jusqu'à il y a peu encore. Mais aujourd'hui, tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Tu es complètement perdue dans ce tourment de sentiments qui te submerge et avoir Woody devant toi n'aide en rien. « J'te demande pas d'être parfait. Moi non plus j'suis pas habituée à ces choses-là... Et évidemment que je vois tous les efforts que tu fais mais malgré tout ces efforts, tu parviens encore à faire dix pas vers l'arrière quand enfin je nous vois avancer. » Alors à quoi bon lui donner du temps si finalement, Woody se montre incapable de t'accepter pleinement et complètement dans sa vie à cause de sa maladie ? « J'sais pas si tu te rends compte depuis combien de temps j'attends, Woody. » Alors quelques mois de plus ce n'est peut-être pas grand chose comparativement au temps qui s'est déjà écoulé depuis que tu t'es rendue compte de ton amour pour l'australien. Mais pour toi, ça l'est justement. C'est une attente que tu supportes de moins en moins et qui te bouffe littéralement de l'intérieur. Quand Woody t'expose la vie qu'il s'est imaginée à tes côtés, tu ne peux qu'admettre que, toi aussi, c'est un de tes plus grands rêves. Mais l'australien brise celui-ci au moment où il le réduit à un simple rêve qui ne deviendra pas réalité. Tu soupires alors que Woody énumère tout ce que vous n'aurez probablement pas. « Tu le dis toi-même. Cela se passera peut-être comme ça mais tu n'en sais rien et moi non plus. Tout ça, ce n'est que des suppositions... Mais puisque tu es persuadé que ça risque peut-être d'arriver, on a pas le droit de goûter à ce rêve, c'est ça ? » Demandes-tu en levant les yeux au ciel, dépitée par le pessimisme du brun. Tu ne sais pas comment tu réagirais si les rôles étaient inversés mais tu es persuadée que Woody tenterait de te tirer vers le haut comme toi, tu essaies de le faire avec lui. Malgré tout, te battre pour lui et pour votre couple demande beaucoup d'énergie. Une énergie que tu épuises au fil du temps et qui arrive presque à son terme. Alors, tu demandes du temps à Woody comme lui l'a fait quelques minutes plus tôt mais sa réaction n'est pas celle que tu attendais. Tu espérais qu'il soit plus compréhensif mais à la place, il te chasse de sa chambre. « Ne le prends pas comme ça... » Murmures-tu en te levant doucement de son lit. « J'ai juste besoin de quelques jours pour penser à tout ça. Pour voir où j'en suis. D'accord ? » Demandes-tu sans savoir si Woody s'est déjà complètement refermé sur lui-même ou s'il sera prêt à t'accorder ce temps.

Ce n’était pas juste, à son sens. Il avait beau vouloir comprendre le point de vue de Freja, Woody, il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir de réagir de la sorte. Tout ce qu’il voulait c’était la protéger, de lui-même, de ce qu’il deviendrait si la maladie le traquait trop rapidement. Il voulait repousser l’inévitable pour lui offrir le bonheur qu’elle méritait le plus longtemps possible. Il ne lui avait jamais menti là-dessus, à Freja, au contraire même, Woody s’était toujours montré cruel et franc en ce qui concernait son avenir. Elle savait à quoi s’attendre, elle savait qu’elle aurait forcément à faire à un homme qui a perdu tous ses repères, qui s’est perdu lui-même. Cette décision, il l’avait prise pour lui, mais aussi pour elle. S’il avait pensé qu’elle se réjouirait d’un possible traitement à ses lésions, il réalisait maintenant que ce n’était même pas ça qu’elle voyait. Elle ne voyait que son erreur, elle s’arrêtait à ça. Et ça le tuait, il aurait voulu lui crier de laisser ça de côté pour une minute, mais il ne pouvait pas se le permettre. Pas après tout ce qu’il lui avait fait traverser. « Bien sûr que je le sais. Tu me le rappelles assez souvent. » Avait-il répondu sèchement. Il sentait la colère monter en lui, face à cette situation injuste. La douleur entre ses deux oreilles ne l’aidait pas à conserver sa douceur ou sa patience, non plus. « J’pensais juste que maintenant qu’on a enfin traversé l’étape la plus importante, qu’on a enfin sauté le pas, tu verrais que même si j’recule parfois, j’ai quand même le regard tourné vers l’avant. » Sauf que Freja avait trop souffert, à présent, pour ne pas craindre qu’à chaque fois qu’il semblait retomber dans ses vieilles habitudes, il n’y retourne pour de bon. Au fond de lui, Woody connaissait la vérité, mais même s’il tentait de la dépeindre à Freja, il choisissait mal ses mots et, surtout, son pessimisme reprenait quand même le dessus. Il était une véritable contradiction. Il désirait un futur avec elle mais il s’empressait de le détruire aussitôt imaginés. « C’est facile pour toi de penser comme ça, Freja. Ces moments-là, tu pourras les vivre pleinement. T’auras pas à craindre te réveiller le lendemain et de ne plus pouvoir me voir. T’auras pas à t’arrêter à chaque instant pour te rappeler que tu dois en profiter parce que ça ne durera pas. Je sais que tu pensais que c’était réglé, cette histoire, mais ça l’est pas pour moi. J’me crée une véritable vie de rêve, là-dedans. » Dit-il en posant son index sur sa tête endolorie. « Mais j’sais que plus j’me permets d’y rêver, plus je serai atterré quand j’réaliserai que je ne pourrai pas tout avoir. » En pensant de cette manière, toutefois, Woody venait d’accélérer le processus. Quitte à ne pas tout avoir, il n’aurait rien du tout, c’est ça ? C’est du moins le sentiment qui le gagnait alors que Freja lui demandait du temps, quelques jours tout au plus pour réfléchir. Elle avait beau le présenter de cette manière, lui le vivait comme une véritable rupture, un cruel abandon alors qu’il avait tant besoin d’elle. Alors lorsqu’elle lui demanda s’il était d’accord, s’il comprenait ce qu’elle lui demandait, il tourna tout simplement la tête sur le côté, son regard se fixant sur la fenêtre de l’autre côté du mur. Il lui avait demandé de partir. Il ne lui restait plus que ça à faire.  

Bien sûr que tu te concentres sur cette erreur plutôt que sur le réel but de cette intervention. Tout ce que tu vois, c'est que tu as été mise de côté, une fois de plus, dans la vie de Woody et ça, ça te détruit à petit feu. Tu as cette impression de ne pas être assez bien, de ne pas être quelqu'un qu'on puisse aimer, inconditionnellement. Pourtant, par ce geste, l'australien te prouve qu'il t'aime assez pour risquer sa vie pour, peut-être, quelques années de plus à tes côtés. Mais tout ce que tu vois, toi, c'est cette erreur avant tout le reste. Tu fronces les sourcils quand Woody souligne que tu lui rappelles assez souvent tout ce temps que tu as passé à l'attendre. C'est injuste alors tu ne relèves même pas, complètement dépassée par cette situation. A cet instant précis tout t'échappe, tes sentiments, tes émotions, ta vie. Tu as l'impression qu'une fois de plus, vous parlez dans le vide, tous les deux. Vous ne vous comprenez pas et ça ne fait qu'empirer la situation. « C'est pas si simple, Woody... J'suis pas dans ta tête et si tu ne me parles pas, si tu ne m'expliques pas ce que tu ressens, alors, c'est pas étonnant qu'on en arrive à avoir ce genre de discussions. » Des discussions compliquées où tu as souvent l'impression que le ciel te tombe sur la tête. « Non, j'peux pas savoir ce que ça fait, contrairement à toi, mais je pense qu'il est possible de s'adapter. D'appréhender la vie autrement. Différemment, bien sûr, mais en étant heureux quand même. » C'est toujours de cette façon que tu as imaginé ta vie avec Woody. Tu ne t'es jamais voilée la face en imaginant que les choses seraient faciles, non. La vie n'a jamais été tendre avec vous mais les obstacles vous ont renforcé. Alors, même sans savoir dans quoi tu t'aventurais, précisément, tu n'as jamais eu peur de cette vie à deux puisque tout ce qui compte au final, c'est l'amour que vous vous portez tous les deux. Malheureusement, aujourd'hui, après cet événement de trop, tu es bien plus confuse. Tu ne sais plus où tu en es et tout ce dont tu as besoin c'est du temps. Du temps pour réfléchir et surtout, pour te retrouver avec toi-même. Mais Woody ne l'entend pas de cette oreille et alors que tu lui expliques que c'est simplement une pause de quelques jours, il se braque complètement et tourne la tête, incapable de te regarder. Incapable de te répondre. Tu soupires, attristée qu'il le prenne de cette façon mais puisque c'est sa décision, tu la respectes et avances vers la sortie. « A bientôt. » Murmures-tu sans savoir si Woody t'entend ou même t'écoute. Puis, tu quittes l'hôpital avant de t'écrouler dans ta voiture, un torrent de larmes inondant ton visage. Il te faut un bon quart d'heure pour reprendre tes esprits et pour rentrer chez toi, sans savoir ce qu'il adviendra de ton couple dans les jours à venir.

Fin du sujet