i had to fall to lose it all (ainrys)

S’il possède une grande bibliothèque faisant office de décoration dans une salon, elle n’est pas seulement remplie de romans ou d’ouvrages d’histoire ou encore de cartes géographiques, non, tout une étagère, débordante comme les autres, est consacrée aux livres de cuisine. Emrys a mémorisé un certain nombre de recettes au fil des années mais il aime également en découvrir de nouvelles et écrire les siennes, les améliorer petit à petit. Les grands ouvrages côtoient les livres plus modestes ainsi que les cahiers aux notes manuscrites. Il ne savait quoi préparer pour le repas qui l’attendait. Jamais il n’a eu à faire à dîner pour un rendez-vous, un rendez-vous galant même, en quelque sorte. Lorsqu’il cuisinait pour sa femme il connaissait exactement ses goûts, ce qui lui plairait ou non mais là il est dans l’inconnu. Il a passé une soirée, allongé dans son lit, des lunettes sur le nez à lire des recettes pour sélectionner celles qui seraient le plus susceptible de plaire à Aino sans pour autant cuisiner des pâtes au fromage. Le jeune professeur adore cuisiner, passer des heures derrière les fourneaux pour en sortir des plats sophistiqués ou non. Il apprécie la cuisine française, comme tout bon français mais cuisine également des plats chinois, américains ou brésiliens par exemple. Pour ce soir il avait décidé de rendre hommage à son pays en préparant des spécialités françaises sans pour autant tomber dans le cliché des escargots ou des cuisses de grenouille. Tout était parfaitement organisé pour que ce soit prêt à l’heure, gardant tout de même certaines choses à cuire sur le vif. Se plonger entièrement dans la confection du repas lui évitait d’être nerveux et de penser à ce qu’il était en train de faire et allait faire. C’est la toute première fois qu’il invite une femme. Après l’avoir fait il a eu un moment de doute, de regret même, il eut l’impression de trahir sa femme tout en sachant qu’elle l’aurait probablement encouragé à aller de l’avant et à se trouver quelqu’un d’autre pour partager sa vie. Emrys avait fait de son mieux pour être présentable sans pour autant en faire trop, un simple pantalon et une chemises ferait l’affaire. La table était mise, une nappe gris perle ainsi que des assiettes blanches étaient disposées parfaitement. Il a tendance à être assez maniaque sur certaines choses. Pour ne pas être dérangé et ne pas avoir sans cesse quelqu’un dans la pièce d’à côté qui lui rappelle qu’il dîne avec une autre femme, le jeune homme a fait garder Marvin, son fils. Cela doit bien faire cinq minutes qu’il tourne en rond dans son appartement, remettant tout en place alors que tout est déjà très bien installé en attendant l’arrivée d’Aino. Et si elle ne venait pas ? Il eut soudain un doute, ils n’avaient pas échangé beaucoup de messages, juste de quoi organiser leur dîner, elle regrettait peut-être.

La dernière fois que j'avais dînée avec un homme, autre que mon frère, datait de février de l'an passé. Avec un homme mystérieux dont je ne connaissais ni le nom, ni l'entièreté du visage, pour un événement dont j'avais aucune idée du pourquoi j'y avais participé et parce qu'on ne savait pas vraiment quoi faire, il m'avait envoyé dans un restaurant à l'aveugle. Si le concept était original, la soirée l'avait moins été. Ce point en moins, cette personne aurait clairement pu être Emrys qui était tout aussi mystérieux que l'autre personne qui ne s'était pas énormément confié. La seule information que j'avais réussie à lui soutirer était qu'il était pompier. Emrys, doucement j'arrivais à avoir assez d'informations pour faire un tableau de qui il était, il y avait des énormes interrogations, mais je ne perdais pas espoir qu'un jour ça soit totalement rempli. L'unique problème avec lui, c'est qu'il ne montrait que peu ce qu'il pensait et que c'était bien trop difficile de le déchiffrer. Il n'en restait pas moins intéressant et c'était sans doute ça qui me poussait à chaque fois que je le voyais d'aller lui parler, qui m'avait fait dire oui pour le dîner. Parce que manger je trouvais que c'était une perte de temps, que ça me gênait de manger devant les autres, mais pour être sûre de ne pas être insupportable, je m'étais laissée mourir de faim toute la journée. Le soucis le plus important que je rencontrais était plus celui de la tenue, parce que j'avais quasiment aucune robe et que je trouvais qu'une robe ça faisait trop sérieux ou peut-être trop romantique. Les autres vêtements que j'avais puaient la pauvreté à plein nez et je ne voulais pas faire pitié à peine la porte ouverte. Quel problème de fille. Et si je finissais par être vulgaire ? Bordel. C'était bien trop compliqué de s'habiller pour un homme, c'est peut-être pour ça que je n'avais jamais eu de rendez-vous.J'optais pour un haut sans doute trop décolleté, mais pour ce qui avait à cacher, ce n'était pas si grave et une jupe. C'était sans doute trop simple, mais je n'avais aucune styliste à mes côtés et si je croisais mon frère, il n'irait pas appeler notre famille pour crier que j'avais un possible copain, ce qui n'était pas le cas. De longues minutes plus tard, j'arrivais devant l'appartement d'Emrys un peu en retard, parce que mon horloge interne semblait complètement déréglé. Je toquais à sa porte, attendant un peu d'avant de pouvoir entre-voir sa tête. Je soufflais doucement. « Bonsoir Emrys, comment tu vas ?! » La pire entrée que j'pouvais faire. « Désolée pour le retard. » Tant qu'il ne me claquait pas la porte à la gueule, je suppose qu'il ne m'en veut pas vraiment.

Alors qu’il continuait à tourner en rond dans son appartement remettant en question tous les choix qu’il a pu faire à propos de ce rendez-vous, allant de la couleur de la nappe jusqu’à sa proposition même, quelqu’un frappa à la porte. Son cœur fit un bon de surprise mais également de soulagement. A moins qu’il ne s’agisse d’un de ses voisins qui viendrait le voir pour une raison tout à fait inconnue, les chances étaient faibles. Il alla ouvrir la porte sans pour autant se presser, il ne voulait pas donner l’impression d’attendre derrière la porte depuis une heure. Emrys alla donc ouvrir et fut ravie de voir qu’il s’agissait bien d’Aino. Ils avaient tous les deux fait des efforts quand à leur tenue ce qui changeait des fois précédentes où ils s’étaient vus. Cette fois personne n’avait bu, personne n’était totalement déprimé comme ça avait été le cas au bar, personne ne transpirait après une longue séance de sport, tout va bien. « Bonsoir Aino. » dit-il à son tour d’une voix calme avant d’enchaîner « Je vais bien et toi ? » Il la laissa ensuite rentrer chez lui. A part des baby-sitter pour son fils, les personnes hors de son cercle d’amis proches étaient plutôt rares à venir chez lui. Le jeune homme n’organise pas de fêtes ni de rendez-vous autour d’une tasse de thé, lorsqu’il est chez lui c’est souvent seul ou avec son fils. « Ne t’en fais pas, le principal est que tu sois venue. » la rassura-t-il alors qu’elle s’excusait pour son retard. Lui a tendance à être très à l’heure et à pester lorsqu’il est en retard, faisant son maximum pour le minimiser, c’est son côté psychorigide. Il se sentait bête à ne savoir que faire ou que dire, comment font tous ces gens lorsqu’ils ont un rendez-vous ? Il lui semble que pour certains c’est assez naturel, tout est assez simple mais lui se sent tellement vieux et rouillé pour ça. Il pense que c’est trop tard pour lui pour faire ça, pour apprendre comment agir en rendez-vous. En général les gens ont leur premier rendez-vous durant l’adolescence ou vers le début de la vie adulte et bien lui ce sera bien après la trentaine. « Tu es ravissante. » dit-il à la fois par politesse mais également parce qu’il le pense. A chaque fois que ce genre d’idées le traverse, Emrys se sent gêné et honteux comme s’il ne pouvait pas trouver une autre femme jolie comme ci c’était mal.

Si tout ce qui était matériel m'importait peu, je ne me sentais pas à l'aise dans ma tenue, comme si quelque chose clochait et qu'il allait directement le remarquer. J'ai toujours hais le jugement des autres sur mes différentes tenues, j'en avais assez entendu des critiques durant mon enfance et encore aujourd'hui, parfois ça se lisait sur les visages, mais les gens assumaient que trop peu ce qu'ils pensaient. Si ce n'était qu'une sortie sans importance, que ce n'était pas comme un rendez-vous, j'aurais continué à m'en foutre du regard et pensées des autres, ces questions stupides ne me viendraient pas en tête. Mais là, ce n'était pas comme si j'allais au boulot, comme si j'allais en soirée avec des potes. Je ne voulais pas qu'il se fasse une impression comme quoi je m'en foutais, je ne savais juste pas comment ça fonctionnait et si lui me voulait plus belle, alors j'en avais tout simplement pas les moyens. Peut-être qu'il s'en foutrait bien, en fait et ça serait bien mieux ainsi. Il ouvrait la porte, j'essayais d'être légèrement enthousiaste, esquisser un beau sourire. « Je vais bien. » Si on enlevait à ça le fait que la gêne doit venir mettre du blush mes joues, que j'étais en stress parce que j'étais nulle dans les relations sociales et que ça bombardait de questions dans mon esprit et que j'étais incapable de me calmer. L'unique chose que je voulais, c'était que rien ne transparaisse sur mon visage ou dans mes paroles. « Je suppose, oui ! » Si je n'étais pas venue, j'aurais bien été la pire des garces. Il n'aurait été qu'une personne de plus avec une image horrible de ma personne. Mes yeux se traversèrent dans la pièce instinctivement avant de me concentrer sur Emrys, je me sentais bête à ne pas savoir quoi dire, quoi faire. Peut-être que j’aurais dû regarder pleins de films romantiques où les personnes invitaient les autres à dîner pour me faire une idée des conversations à avoir. « Merci, tu es très charmant aussi ! » J’m’étais jamais sentie aussi gamine que ça. Je lâchais un rire nerveux, perdant mon regard ailleurs. « T’as sérieusement lu tous ces livres ou c’est pour faire joli ? » Sérieusement ? Putain, quel boulet. C’est pas étonnant que la solitude soit mon meilleur camarade. P’t’être que lui voulait que j’lui complimente son appart ou l’odeur qui émanait de la cuisine, pas ses putains d’bibliothèques.

Après avoir échangés quelques banalités, Aino rentra. Heureusement ils n’avaient pas encore abordé le thème épineux de la météo, classique des échanges gênants, particulièrement dans l’ascenseur ou les files d’attente. Emrys espérait sincèrement ne pas en arriver là, il a plutôt de la conversation, des choses à raconter, il a des connaissances sur tout un tas de sujets c’est seulement qu’il ne sait pas réellement comment les aborder. Il ne sait pas non plus s’il doit en parler, de quoi il doit parler, ce qu’il faut dire. Il ne voudrait pas passer pour un homme hautain qui ne veut parler que de la peinture du XVIIème siècle, même s’il aime bien ça. Il la complimenta sincèrement sur sa tenue ce qui permis de combler quelques blancs et elle le remercia, le complimentant à son tour. Il se contenta de hocher la tête, ce n’est pas avec ça qu’ils vont avoir de grandes conversations. Il va bien falloir qu’il se jette un peu à l’eau et dise quelque chose pour lancer la discussion. Le jeune homme est persuadé qu’une fois la machine lancée tout ira bien et ils seront tous les deux beaucoup plus détendus. La blonde se jeta la première à l’eau en demandant s’il avait réellement lu la quantité impressionnante de livres de sa bibliothèque ou seulement s’il s’agissait de décoration pour avoir l’air d’un homme cultivé. « Je ne les ai pas tous lus, mais la plupart oui. J’en achète sans cesse donc j’en aurais toujours à lire. » dit-il alors. Sa bibliothèque n’est organisée que par catégorie, à l’intérieur tout est en bazar, les livres sont empilés les uns sur les autres afin qu’un maximum puisse tenir, il doit faire le tri depuis un moment déjà afin de se séparer d’une partie des œuvres pour en accueillir de nouvelles. N’ayant plus de places pour les nouveaux livres, ils sont en piles dans sa chambre ce qui n’est pas le rangement le plus pratique. Sur une étagère l’on trouve également un tourne disque ainsi que quelques vinyles, il a toujours été de la vieille école, vivant dans un monde qu’il n’a pas connu. Il a aussi plusieurs cds de musique classique, de jazz et d’autres styles qu’il apprécie. « J’aime lire, je suis plutôt un homme ennuyeux. » avoua-t-il pour qu’elle ne se fasse pas trop d’illusions à son sujet. Il se tourna finalement vers elle, nerveux. « Je dois t’avouer que je ne suis pas habitué à ce genre de rendez-vous, cela doit se voir. En réalité c’est mon premier depuis...toujours. » Il préférait à nouveau être honnête, se disant que cela rendrait peut-être l’atmosphère moins tendue.

Je hochais la tête quand il disait ne pas avoir lu tous les livres qui se trouvaient dans sa bibliothèque. Il avait encore le temps de tous les lires après tout et au moins, ça assurait qu'il ne passait pas son temps la tête perdue dans les livres, bien qu'il en ait le droit. C'était tout simplement impressionnant de voir la tonne de bouquin qui s'empilaient les uns sur les autres. J'en avais aussi une grande bibliothèque qui trônait dans mon salon, mais elle ne me servait pas personnellement. Dedans il n'y avait que les livres que mes grands-parents avaient pu collectionner au cours de leur vie, ceux que je n'avais pas eu le courage de lire par manque d'envie ou tout simplement parce que je faisais autre chose et j'y ai installé aussi des babioles et des plantes pour combler le vide. C'était bien moins classe que ce qu'avait Emrys. « Je crois que c'est commun à tous les fans de bouquins ça. » Ils achetaient toujours plus alors qu'ils avaient toujours de la lecture. Du moins, du peu de personnes que je connaissais, ça se passait comme ça. Je secouais la tête, quand il disait être ennuyeux. Je savais que c'était un mauvais sujet de conversation, je ne voulais pas le faire culpabiliser, loin de là. « Pas du tout, c'est très bien de lire. » Ces gens-là étaient bien meilleurs que les personnes qui ne lisaient que des conneries sur internet de toute manière. « Et ce n'est pas parce que tu lis des livres que tu es ennuyeux. » Un homme ennuyeux, c'était une personne qui n'avait rien à dire ou qui répétait toujours la même chose, qui faisait des commentaires sur les autres, qui se lamentait sur leur sort pour la même chose mais qui faisait pas d'efforts pour changer. Moi, je pouvais considérer être une femme pas passionnante, Emrys, lui, devait être pleins de savoir, si en plus il est professeur et donc être l'inverse de l'ennui. « Te dévalorise pas pour ce que tu fais. » J'esquissais un doux sourire, pour une fois que je pouvais faire des commentaires positifs à quelqu'un, ça relevait presque du miracle. J'eus un soupire de soulagement quand il disait que c'était son premier rendez-vous. Je me sentais moins stupide et moins seule. En fait, ça m'étonnait presque qu'une personne comme lui n'avait jamais eu quelqu'un d'autre avant moi à inviter. J'étais bien la pire personne du monde pour qui faire son premier rendez-vous. « Mh, moi non plus j'en ai jamais eu. Mes exs ... » Je me stoppais net. Quelle conne. Parler de ses exs c'était bien la pire chose à faire, bien que j'en n'aipas eu beaucoup, juste deux de manière sérieuse et qu'à chaque fois je finissais par me retrouver seule et déçue. « Enfin j'veux dire, je ne suis pas trop le genre de personne qu'on pense à inviter en rendez-vous. »

Il se sentait un peu stupide à parler de sa bibliothèque et de son amour pour les livres alors qu’elle n’avait pas l’air d’apprécier réellement ça. A le voir Emrys a plutôt des passions de vieux, ennuyeuses, qui repoussent plus qu’elles n’attirent. Au début l’histoire fait un peu penser à Indiana Jones où le héros vit de grandes aventures puis au final les gens se mettent bien vite à bailler. Il arrive à intéresser ses élèves mais ils ont un minimum de passion pour la matière qu’il enseigne, il est bien plus difficile d’apprendre à quelqu’un qui n’aime pas vraiment ça, même en y mettant la meilleure volonté du monde. Aino le rassura en lui assurant que lire est une très bonne activité. La voir ainsi sourire pour qu’il se sente pas ridicule avec ses livres et ses passions de vieux lui fit chaud au cœur. Au moins si elle ne les partage pas, elle ne les rejette pas non plus. « Merci, c’est juste que je sais que les gens ne sont pas passionnés par la littérature, la peinture ou l’histoire. » Des choses qu’il apprécie, avec les langues ou les vieux films. Ce n’est pas lui qui ira au cinéma voir un film d’action à gros budget avec des explosions dans tous les sens. Il est assez évident vu sa personnalité qu’il est davantage tourné vers les vieux films ou les films d’auteurs, sans pour autant aimer les œuvres incompréhensibles artistiques. Finalement il avoua n’avoir jamais eu de rendez-vous de ce type, en conséquence qu’elle ne lui tienne pas rigueur s’il n’agit pas exactement comme il faut et s’il paraît pas très à l’aise. La réponse de la jeune femme l’étonna. Il ne pensait pas qu’elle avait eu énormément de rendez-vous, bien qu’il ne la connaisse pas beaucoup, mais il la pensait loin d’être dans la même situation que lui. Elle avait commencé à parler de ses exs avant de se stopper. C’est peut-être un sujet à éviter, non ? Si lui doit en parler, ce sera rapide, il n’en a pas, aucune, rien du tout. En plus il lui a déjà parlé de sa femme, brièvement, donc elle est au courant. « Je pensais au contraire que tu étais plutôt convoité. » Il s’imaginait qu’au bar tous les soirs des hommes lui proposaient un verre ou un dîner. Peut-être que maintenant les dîners ça ne se fait plus trop en fait ? Emrys n’en a aucune idée, il ne sait pas ce qui se fait, ne se fait pas, est à la mode ou non. Il est à contre-courant de tout ça et vit sa vie sans se soucier de l’époque. « On devrait peut-être manger ? » proposa-t-il avant de se diriger vers la table.

« Peut-être qu'ils s'intéressent sans en parler. » Je ne disais pas à tout le monde que la peinture était une de mes passions depuis que j'étais jeune. Que je m'étais réfugiée dans le dessin dans l'espoir un jour d'avoir une exposition à moi, de pouvoir partager le peu de sensibilité que j'avais. Résultat, les seules choses que j'exposais étaient des bouteilles dans un bar. C'était un avenir moins beau, moins inspirant, presque honteux par rapport à ce que je cachais dans une salle de ma maison. Et si la littérature et la langue ne m'inspiraient pas parce que je n'y arrivais à rien, j'avais toujours eu une passion certaine pour l'histoire. Finalement, moi qui pensais que tout nous séparait, nous n'étions pas si différents sur quelques points. « J'aime beaucoup la peinture, moi par exemple. » Je n'allais pas lui faire un rapport de tout ce que j'aimais, parce que je n'étais pas capable de faire la liste pour moi-même, mais c'était uniquement pour lui dire qu'il n'était pas le seul. En cherchant un peu plus, j'étais certaine qu'on se trouverait plusieurs points communs parce que j'avais toujours quelque chose en rapport avec les autres. Il avouait qu'il n'avait jamais eu d'autres rendez-vous que celui-ci, que c'était le premier. Tout comme moi. Si j'avais eu un ex romantique pendant plus d'un an, ce n'était pas pour autant qu'il m'invitait à aller quelque part, avec moi, c'était plus passage à l'improviste et il repartait quand il voulait. « Je dois le prendre comment ? » Je tournais la tête vers ma tenue, j'avais peut-être l'air d'une fille facile au final, c'était peut-être pour ça qu'il m'avait invité. Même si j'avais du mal à voir Emrys sauter le plat pour arriver tout de suite au “dessert”. Puis j'partais trop loin dans mes réflexions certainement, j'avais le cœur qui tambourinait dans le crâne depuis mon arrivée parce que j'angoissais de peur de le décevoir sur la personne. Ça pouvait même être un compliment au final, tourné d'une étrange manière, mais ça fonctionnait quand même. « Je dois être convoitée, mais pas de la même manière que tu le penses. » Plus à base de main sur le cul, sifflement, paroles dégueulasses. Sans doute qu'il parlait de ce genre de convoitise en fait et que c'était moi qui me trompais. J'me trompais toujours, de toute manière. Un simple mouvement positif de la tête à sa question. « Oui. » C'était pour ça que j'étais là, bien qu'un dîner c'était juste pour prétexte pour se revoir, je crois. Je le suivais avant d'observer sa table, si c'était quelque chose de normal pour lui de peaufiné chacun des coins parfaitement, ça ne me gênait qu'encore plus. Parce qu'il faisait que trop d'efforts pour une personne qui n'en valait clairement pas la peine d'en faire la connaissance, le simple m'allait très bien. Les attentions à mon égard me déstabilisaient de trop ou peut-être bien que c'était cette soirée qui me faisait penser ça. « Tu es du genre perfectionniste ? » Je tournais mon regard azur vers lui, échappant un énième rire nerveux.

Avoir une autre vision des choses permet de remettre en cause sa propre vision, ce que fait Aino en lui disant que tout le monde ne parle peut-être pas ses passions comme lui peut le faire. Il est vrai que s’il n’est pas très bavard de manière générale, Emrys peut très bien d’étendre un long moment sur des sujets qui lui tiennent à cœur. Il n’a pas vraiment pensé que d’autres personnes pouvaient être passionnées tout comme lui sans pour autant en faire étalage. Il s’en veut un peu de juger si attentivement les autres, cela fait parti de ses défauts. De manière générale le jeune homme a du mal à comprendre les personnes qui font des choses à l’encontre de ses principes, il peut se montrer très dur et parfaitement intolérant parfois. Être plus souple est une chose qu’il devrait apprendre en plus d’aller de l’avant. La blonde lui apprend par exemple qu’elle apprécie la peinture ce qui leur fait au moins une passion en commun. Il est vrai que de toutes les fois où ils se sont vus ils n’en ont jamais parlé mais il faut bien avouer que jusqu’à maintenant ils n’ont pas vraiment parlé des choses qui leur tiennent à cœur, à chaque fois ils se rencontraient dans des contextes bien particulier qui laissaient peu de place à une discussion d’ordre culturelle. Emrys hoche la tête se disant qu’ils pourront toujours évoquer l’art si jamais un blanc vient dans la conversation. Il lui indique ensuite qu’il pensait qu’elle soit une femme convoitée par les hommes, sa réponse le surprend. A aucun moment il a voulu être méchant ou qu’elle prenne mal sa remarque, il se sent honteux de ne dire que des choses maladroites. Cela ne doit faire que cinq minutes qu’elle est là et il enchaîne les bourdes. « Je ne pensais pas à quelque chose de déplacée...c’est juste que...tu es une belle femme. » avoua-t-il en baissant la tête. A aucun moment il n’a pensé d’elle qu’elle était une femme facile, aguicheuse ou autre. Seulement il la trouve sympathique et il se dit qu’il ne doit pas être le seul. Le jeune professeur pense que contrairement à lui les autres hommes ont plus de facilité à inviter en rendez-vous une femme qui leur plaît. Ils s’approchèrent ensuite de la table où tout était parfaitement aligné et Aino lui demanda s’il était plutôt du genre perfectionniste. « On peut dire que oui, d’une certaine manière. » dit-il avant d’ajouter « Je ne voulais pas que tu sois déçue. » Pour éviter toute gêne supplémentaire, il partit dans la cuisine, à peine à quelques mètres et qui était ouverte sur le salon salle à manger afin de préparer l’entrée. Il s’agissait de quelque chose d’assez simple au final mais plutôt délicieux. Un toast au beurre avec un œuf poché sur le dessus, quelques rondelles de tomates et feuilles de roquettes accompagnée d’une boule de glace à la tomate et aux épices. Il ne mit que quelques minutes à préparer le tout et revint avec les deux assiettes dans les mains, disposant chacune d’elle à un bout de la table. « J’espère que tu aimeras. » dit-il avec un mince sourire nerveux.

« Excuse, je pense vraiment à n'importe quoi. » Je me faisais trop de films, j'allais bien trop loin. Lui me rassurait, disant que ce n'était pas que je ressemblais à une fille facile, que c'était juste que j'étais une belle femme. J'affichais un maigre sourire, m'ôtant les mots parce que je n'avais rien à répliquer face à ce genre de compliment venant tout droit de mon erreur. Seulement qu'au moins j'arrivais à être jolie quelque part, que mon physique ne représentait pas vraiment mon esprit. C'est bien la dernière chose que je lui dirais, avouer que j'étais une personne horrible avec certaines personnes. Ça ne ferait que l'éloigner, même si nous n'étions pas vraiment proches. En fait, je ne savais même pas qu'est-ce qu'on était pour l'autre, des simples connaissances qui s'inviteraient à se revoir ? Moyen. Des amis ? Peut-être bien. Ou juste des curieux qui veulent en connaître plus sans vraiment rien avoir derrière, pas d'amitié, juste de l'intérêt. Je sortais de mes pensées, je devais vraiment commencer à me détendre parce que je balançais des conneries à chaque seconde et que je devais devenir qu'un peu plus gênante à ses yeux à chaque minute qui passait. On s'approchait de la table où tout semblait aligner comme dans un magasin de vente, il ne semblait rien avoir de travers. Je lançais un regard à Emrys qui me répondait qu'il ne voulait pas de décevoir, avant de partir. Pas le temps de lui dire que même le plus simple me plaisait, que je n'étais pas une personne difficile sur ça, de toute manière, je n'avais aucun intérêt à en être une. J'ai toujours vécue dans le bordel et ça l'était même dans la tête. Le moindre effort m’aurait tout aussi plu. Ça avait au moins le mérite d’avoir une réaction de ma part et que je le remarque, c’était déjà ça, je suppose. Je m’installais en observant ce qu’il y avait autour de moi, à défaut de ne pouvoir rien faire d’autre mit à part paniquer de faire une bourde. Puis c’était en partie grâce aux éléments d’une maison qu’on découvrait une personne parfois, alors si j’avais l’occasion de le connaître sans lui parler, pourquoi pas. Peu de temps après, il revenait avec deux assiettes dans les mains. Je portais mon attention sur lui quand il parlait avant de replonger les yeux dans l’assiette. « Tu as passé ta journée enfermé chez-toi pour ce dîner ou comment … ? » Un léger rire s’en venait. Si je n’aimais pas manger et que j’étais pratiquement parano de le faire en compagnie de gens, il fallait juste que je trouve une diversion. « Ça a l’air délicieux en tout cas. » Si j’étais extrêmement mauvaise en compliment, je pouvais au moins décrire ce que je pensais de la plus simple des manières. Même avec tout l’effort du monde, j’arriverais jamais à sortir ça. « Cuisto … c’était le métier dangereux ? » Disais-je en référence à notre dernière rencontre. Si je faisais ce boulot et que je devais maîtriser quelqu’un, ce n’était plutôt à base de couteau sous la gorge. Mais j’étais sans doute trop violente pour ce monde.

Emrys ne lui tenait pas rigueur de dire n’importe quoi car il le fait également. De plus ils sont tous les deux stressés par l’événement alors il n’est pas étonnant qu’ils puissent mal interpréter certaines choses. Bien qu’elle ne soit pas habituée à ce genre de rendez-vous, il ne sait pas vraiment ce qui fait qu’elle est mal à l’aise ou gênée. Est-ce lui ? Son appartement ? Sa façon d’être ? Est-elle naturellement comme ça ? Il n’en sait, il ne la connaît pas assez pour le dire. Lui n’est pas à l’aise, même en étant chez lui, car c’est la toute première fois qu’il fait ça, non seulement un rendez-vous mais également entrevoir la possibilité d’un autre futur. Non pas forcément amoureux, il ne se voit pas débuter une nouvelle histoire pour le moment mais c’est une éventualité qui jusqu’à maintenant n’a jamais réussi à se frayer un chemin dans son esprit. Mais cette fois il a fait un pas en avant en l’invitant, en se disant qu’il doit aller de l’avant, ne plus regarder dans le passé. Peut-être trouver quelqu’un non pas pour remplacer sa femme mais quelqu’un de différent. Peut-être Aino, peut-être quelqu’un d’autre, peut-être personne également, il n’en sait rien. Cependant il ne rebute pas l’idée d’un jour être heureux avec quelqu’un d’autre alors qu’il y a encore quelques semaines cette perspective lui semblait bien impossible. Quelques minutes plus tard le jeune homme revint avec deux assiettes qu’il posa sur la table. En les voyant Aino lui demanda s’il avait passé la journée à cuisiner. Il eut un rire nerveux avant de répondre. « Presque, j’adore cuisiner. » dit-il comme pour se justifier d’avoir passé une partie de la journée à tout préparer bien que ce soit le plat qui a pris plus de temps car il l’a laissé mijoter un long moment. La jeune femme le complimenta sur l’apparence de son plat sans pour autant le goûter, il se demanda alors si quelque chose clochait avec ce qu’il a préparé. Pourtant il lui avait demandé si elle avait des allergies ou des choses qu’elle déteste. Il espère ne pas avoir fait d’erreur si tôt. La blonde lui demanda ensuite si cuisiner était le métier dangereux qu’il avait effectué avant de devenir professeur. « Non, je n’ai jamais été cuisinier, c’est seulement une passion. » Pourtant il y a des cuisiniers bien balaises comme Steven Seagal dans piège en haute mer, il arrive à échapper à tous les méchants en étant coincé sur un bateau en plein milieu de la mer donc. « Si tu veux tout savoir, comme ça tu ne repartiras pas trop déçue, j’ai travaillé pour le MI6, les services secrets britanniques mais rien à voir avec James Bond. » Qu’elle ne s’en imagine pas trop à son sujet sinon elle serait bien trop déçue. Il ne faisait pas des cascades comme James Bond, n’est pas non plus un dragueur invétéré comme lui, il aurait fait un personnage de film bien ennuyeux. « Tu peux manger. » lui dit-il avec un mince sourire, bien que lui n’ayant pas non plus touché à son assiette, il attend seulement qu’elle commence, par politesse.

Il semblait vraiment ne vouloir mettre aucun détail de côté, s'il avait presque passé une journée dans sa cuisine pour un simple dîner avec moi. J'aurais beau y mettre toute ma passion dans un repas que ça finirait par être la chose la plus simple au monde. J'étais nulle en cuisine et la nourriture en elle-même ne m'attirait pas, alors ça faisait un mauvais combo pour vouloir appâter les papilles des autres. Et chez-moi, le problème de cuisiner n'était pas présent, puisqu'il y avait toujours quelqu'un pour vouloir nourrir le peuple, ce n'était pas le même niveau qu'Emrys, mais ça restait toujours aussi appréciable. Lui, si jamais il arrivait sans boulot, ce que je ne lui souhaitais pas, il n'aurait aucun mal à se reconvertir. « Je vois, tu es juste doué de tes mains. » J'esquissais un sourire maladroit. « Pour la cuisine. » J'avalais presque ma phrase tellement je me pressais pour me rattraper, il ne fallait pas qu'il se mette à penser n'importe quoi sur mon sujet. Et même-là, j'avais l'impression de l'avoir insulté en insinuant qu'il n'était doué dans rien d'autres. Merde. J'aurais pu trouver des millier de façons de lui dire qu'il faisait de belles choses et je prenais la plus offensante. Alors que mes yeux complimentaient encore mon assiette comme si elle était une œuvre d'art, lui me disait avoir travaillé pour le MI6. Mon regard se posait sur lui, cherchant à savoir s'il était sérieux ou qu'il voulait se donner un genre. Je restais interdite quelques secondes, ne sachant pas si je devais lui dire que ça avait quand même la classe ou si je ne devais rien dire. « Oh, sympa ! » Du moins, l'image que je me faisais de ce genre de métier, si on enlevait James Bond, ça ne changeait rien. En même temps, il avait attisé ma curiosité, j'avais une tonne de questions qui me traversaient l'esprit, mais s'il travaillait pour le secret, aucun doute qu'il ne pourra pas répondre. « Si tu travaillais pour les services secrets … tu as quand même le droit dire que tu as bossé pour eux ? » Cette question était complètement stupide, mais j'y connaissais rien, le métier le plus classe que j'avais eu à mon sens était d'être vendeuse dans un disquaire. Et à côté de lui, je ne pouvais pas vraiment me vanter. « Normalement je ne raconte rien, mais si un jour ça fuite d'entre mes mots, tu devras me tuer moi et toutes les personnes qui le savent ? » Je riais sur l'instant. De toute manière, je n'allais parler d'Emrys à personne, pas comme si je voulais le garder pour moi de toute manière, ça, j'en avais pas d'intérêt, juste parce que je ne parlais jamais des autres. Je hochais la tête quand il me disait de manger, finalement ma diversion n'aura pas marché, jamais il ne mangerait avant moi. Je prenais une première bouchée, m'interrogeant plus sur quand je devrais complimenter sa cuisine que sur le goût, parce que me répéter plusieurs fois d'affilés, ce n'était pas mon genre. Au pire, s'il m'observait attentivement, j'aviserais en lui disant ce que je pense. Et clairement, bien que je n'ai pas le palais d'un critique gastronomique, c'était vraiment bon, j'aurais peut-être moyen de finir l'assiette plus rapidement que ce que je pensais. Je relevais les yeux vers lui, ne sachant pas quoi dire parce que je ne savais pas de quoi il aimait parler et je ne voulais pas faire une connerie, sauf que manger dans un silence, c'était bien trop gênant.