Mon corps est blesser, mais mon âme aussi - Jude

Jude avait commencé sa journée de travail à seize heures. Ce qui voulait dire qu’elle serait surement de service cette nuit. Beaucoup de personnes détesteraient ça, mais pas Jude, au contraire. La blonde n’était jamais vraiment du genre à sortir le soir, alors elle préférait avoir ses matinées tranquilles et se consacrer à son job plus tard dans la journée et la soirée. Elle était comme ça Jude, jamais comme les autres.

Elle n’avait même pas eu le temps de bavarder un peu avec ses collègues. Deux lycées étaient arrivés, transportés par les pompiers. Blessures suite à un match de football américains. Les blessures n’étaient pas jolies à voir, même si elles se remettraient vite. Jude avait désinfecté, recousu et bandé leurs jambes pendant pas mal de temps. D’ici une semaine, ça aurait cicatrisé. Et d’ici deux semaines, ils seraient comme neuf et oublieraient cette salle journée à l’hôpital.

A peine sortie de leur chambre et alors qu’elle comptait aller prendre un café, on la bippa. La blonde sortit l’appareil qui sonnait de sa poche, affichant alors le numéro de la chambre. Celle de Tom. Elle en était certaine. C’était la seule chambre dont elle connaissait le numéro par coeur. La jeune femme pressa le pas jusqu’à la chambre du jeune homme.

Tom était le frère de sa meilleure amie, Maddie. Il avait croisé Jude plusieurs fois, puisqu’elle et Maddie se connaissaient depuis petites. Il était ici pour des raisons assez sérieuses. Un cas lourd et dont les blessures devaient le faire beaucoup souffrir. Jude entra dans la chambre. « Tom ? Tout va bien ? Tu as besoin de quelque chose ? » En général, un patient ne bippait pas une infirmière sans raison.

Cela faisait mal au coeur de Jude de voir Tom en mauvais état. Après tout, ils se côtoyaient depuis longtemps, grâce à la grande amitié que la blonde entretenait avec Maddie. En général, Jude avait toujours de la compassion pour ses patients, malgré le fait qu’elle ne les connaissait jamais beaucoup. Mais s’occuper d’une connaissance, presque même d’un ami, c’était difficile. On trouvait la vie injuste et on voulait qu’il guérisse plus vite que les autres.

Son oreille bourdonnait, ça s’étendait en mal de crâne. Un enfer. Jude hocha la tête. Il avait souvent ces symptômes mais apparemment là, ça frisait l’insupportable. « Tu veux quelque chose contre la douleur ? Je sais que souvent on veut s’en passer, mais pour une fois je te conseille vraiment d’en prendre. » La jeune femme en sortit une boite. « Deux maintenant et si ça ne se calme pas, un autre d’ici quatre heures. » Elle s’approcha du lit du patient, posant les cachets sur la petite table à proximité du lit. « Ca me fait mal de te voir comme ça. J’espère vraiment que tout va aller mieux très vite pour toi. » Elle pensait chacun de ses mots. C'était dans des moments comme celui ci que la blonde prenait conscience de son métier difficile. Difficile certes, mais elle l'aimait son métier. Elle était faite pour ça. Elle l'avait toujours su.

Tom était un battant. Jude l’avait toujours su, elle en était convaincue. Il était soldat, protégeait son pays au point de risquer sa vie. Tout le monde pouvait lui en être reconnaissant. Jude savait qu’il s’en sortirait, même si cette fois, ça allait demander du temps. Il allait devoir s’armer de patience et ça n’allait pas être simple. Ses blessures étaient sérieuses, quant à son oeil gauche, on ne savait pas trop encore. Et ses douleurs ne lui permettaient même pas de pouvoir se distraire. La télévision et les écrans en général aggravaient largement les maux de tête. Et ça n’était pas des mots croisés qui allaient amuser Tom.

Tom n’était pas fervent des antidouleurs en général. Il fallait dire que cela pouvait rendre totalement stone parfois. Les antidouleurs, pris en trop grande quantité ou trop longtemps, pouvaient s’apparenter à de la drogue. Jude comprenait tout à fait qu’on veuille les éviter le plus possible, sauf que parfois, il n’y avait pas d’autres choix que de mettre ses principes de côté. « Courage Tom. Il faut que tu tiennes le coup. » Elle avait déposé les cachets près de lui et lui avait amené un verre d’eau. Il les prit sans attendre. Puis il lui demanda si elle pouvait rester un peu. Cela sonnait comme un supplice. Il n’en pouvait plus, cela se sentait. « Bien sur. » Annonça la blonde, déplaçant un fauteuil de la chambre pour s’assoir un peu plus près du lit du patient. De toute façon, elle ne comptait pas partir comme ça. « Tu sais, je te trouve très brave. » Elle lui fit un sourire gratifiant, sincère.

Brave. Brave de servir son pays, le défendre, le protéger. Brave de supporter la douleur, l’hopital et les médicaments. Evidemment qu’il l’était. Prétendre le contraire serait terriblement lâche. Jude ne croyait pas en toutes ces guerres, elle haïssait les conflits, rêvait d’un monde pacifiste… Mais elle se rendait compte que ça ne semblait pas possible. Alors des gens courageux comme Tom, il en fallait. « Tu l’es, pour tout un tas de raison. Tu t’en rendras compte un jour. » Répondit la blonde avec un timide sourire.

Il était pessimiste, très dur avec lui même, à se rabaisser constamment. Ca faisait de la peine à Jude. Déjà, son état n’était pas au mieux, mais si en plus de ça le mental était aussi faible… Il n’allait jamais tenir. « Ca ne sert à rien de penser à ceux qui vivent pire ou ceux qui vivent mieux. L’important c’est toi. Uniquement toi. » La blonde s’approcha plus. « Il ne faut pas que tu penses ainsi. Sinon tu ne tiendras pas le coup… Et moi je veux que tu tiennes. » Il y eut un petit silence, avant que Jude ne demande finalement : « Qu’est ce que tu voudrais le plus, là maintenant ? »