Une routine lassante [Feat. Maddie Ryan]

Il y a des jours où Lisandro regrette d'avoir quitter sa terre natale, il y est extrêmement attaché, ce sont ses originies et il tient énormément. Cependant, il n'a pas vraiment eu le choix à l'époque, déjà passionné de football, c'était soit il suivait l'équipe pour les divers championnats et compétitions un peu partout, ou bien il restait chez lui et mettait un terme à sa carrière à peine débutée. Personne ne le retenait en Italie, alors il a accepté de suite le mouvement. Ce même mouvement qui l'a finalement conduit à Bowen, et aujourd'hui il y vit, pas forcément par envie mais, de toute manière, il ne pourra pas partir de ci-tôt, plus maintenant en tout cas.

" - Me débrouiller seul ? Pas vraiment non, à partir de là" il désigna son bassin " - Je n'ai plus aucune sensation. Imaginez-vous prendre une douche alors que vous ne pouvez pas vous levez. Imaginez vous enfiler un pantalon alors que vous êtes assise. Et je vous passe la casse wc."

Maddie n'avait pas l'air de se rendre compte de la difficulté que cela apportait dans sa vie. Sa maison n'était pas aménagé pour son handicap alors forcément, ça rendait encore plus compliqué la progression de l'italien qui désirait être le plus autonome possible. Pour le moment, il restait encore un long chemin avant d'y parvenir. Il ne lui en voulait pas, de l'extérieur tout paraissait assez simple, juste une adaptation suffisait pour que la personne soit autonome, mais en vérité c'était bien plus complexe que ça.

Lisandro lui énumère alors ses occupations dans la journée, en dehors de sa toilette, de ses séances de kiné et ses rendez-vous à l'hôpital. Lorsqu'il évoque la musique, il a comme l'impression de voir une lueur dans le regard de son interlocutrice, et au vu de sa question, il semble avoir vu juste. La musique est un sujet qui intéresse visiblement la jeune femme.

" - J'ai écris quelques textes, mais j'ai arrêté par manque de temps avec ma carrière, mais je n'ai jamais eu la chance de jouer d'un instrument. Fut un temps j'aurai aimé jouer du piano et de la guitare mais l'opportunité ne s'est jamais présenté." fit-il avec un léger sourire avant de retourner la question à Maddie " - Et vous avez déjà ecris des textes ou vous êtes plutôt du genre à composer une mélodie ?"

Le jeune homme a plusieurs passions, bien que celle pour le sport et le football en particulier prenne toute la place. Mais la musique est un domaine qu'il apprécie énormément, tout comme la photographie. Plus jeune, quand il avait un peu de temps entre ses entraînements, il aimait aller se balader pour observer des paysages exceptionnels.

Lorsque Lisandro évoque de nouveau le sujet du frère de Maddie, il lui donne certains conseils, mais au final, c'est comme s'il parlait de lui-même. Il essayait de lui donner des conseils pour que son frère ne reproduise pas les mêmes erreurs que lui avait fait mais surtout, qu'il profite de sa famille pendant qu'elle est encore à ses côtés. Ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir cette chance.

" - Bel homme ? Je ne me considère pas comme tel, mais c'est gentil merci."

Au fond, Lisandro avait tellement peu d'estime de lui-même qu'il ne pensait pas plaire à la gente féminine, encore moins maintenant qu'il était en fauteuil, et pourtant, il venait, pour la première fois de recevoir un compliment d'une femme, et ça lui faisait tout drôle mais ça lui prouvait au fond, même s'il avait du mal à l'avouer, qu'il pouvait plaire aux femmes, de quoi lui redonner confiance en lui ? Peut-être.

" - Votre frère a bien de la chance, enfin après ce n'est qu'un avantage, mais bon, quand on est dans un lit tous les jours, on ne pense pas forcément à regarder les jolies infirmières." fit-il en rigolant.

Il venait de se rendre compte qu'ils parlaient de son frère, de sa carrière à lui, mais il ignorait ce que Maddie faisait dans la vie.

" - Et vous, vous faites quoi dans la vie ?" fit-il avec un semblant de sourire.

Lisandro n'avait jamais été très à l'aise à l'idée d'avoir une personne au quotidien pour l'aider. C'est un peu comme laisser rentrer un inconnu chez soi, c'est difficile, mais il avait dû s'y plier sous peine de retourner à l'hôpital. Bien qu'il appréciait les efforts que faisait son aide à domicile, il n'avait pas été tendre envers elle, malgré cela, elle était restée auprès de lui. Peut-être qu'avec un homme il aurait eu plus de facilité à se mettre à nu, au sens strict du terme, mais hélas, c'était une femme, et désormais elle connaissait son corps quasiment par coeur, plus que n'importe qui. En écoutant les propos de Maddie, elle semblait se rendre compte que c'était compliqué sans vraiment pouvoir se douter de la difficulté de la situation. Il avait constamment besoin d'une personne pour le coucher, pour le lever, pour l'asseoir. Voilà aussi ce qui réduisait considérablement sa confiance en lui et en son corps.

" - Je ne saurai même pas vous répondre.. À vrai dire, je n'en ai pas vraiment conscience. J'ai perdu la moitié de mon corps et celle qui était le plus musclée, était la partie que j'ai perdu.."

À cause du football, forcément le jeune italien avait des mollets assez prononcés et une physionomie athlétique pour le bas de son corps. Bien qu'il faisait un peu de musculation avant son accident, il n'était pas pour autant un bodybuilder. Alors certes, il avait perdu de la puissance dans ses muscles puisqu'ils avaient été inactifs durant un an, c'est pour cette raison que son kiné avait décidé de lui faire travailler le haut du corps afin qu'il puisse avoir un peu plus de contrôle sur sa vie et son handicap.

Dès lors qu'il avait prononcé le mot musique, c'est comme si son interlocutrice c'était réveillée. Elle semblait passionnée par ce domaine, enfin un sujet que l'italien pouvait aborder et qui ne semblait pas délicat.

" - Oui pourquoi pas.." fit-il en dodelinant de la tête avec une moue peu convaincue.

Il n'était pas très enclin à se balader en ville avec son fauteuil. Encore une fois, c'est le regard que les gens portaient sur lui qui le gênait et qui lui empêchait de faire réellement ce qu'il avait envie de faire. Accepter son handicap est un gros travail sur lui-même et c'est ce que son psychologue essaye de lui faire faire, mais jusqu'alors, c'est plutôt mal parti.

" - Et vous avez appris le piano seule ou avec des cours ?"

D'aussi loin qu'il se souvienne, le jeune homme n'a jamais été fan de la célébrité qui s'était emparé de lui. Bien sûr, c'est plaisant de voir des personnes vous reconnaître dans la rue, vous demandez une photo ou un autographe, mais il n'avait pas pour autant pris la grosse tête. Il était resté humble, c'est une qualité indéniable pour lui. Il n'ai pas du genre à draguer tout ce qui bouge et essayé d'obtenir un numéro pour une soirée. Rien de tout cela. Il n'a jamais rien pris pour acquis, et aujourd'hui plus que jamais, il est conscient que rien n'est jamais totalement acquis dans la vie.

[Color=#669999]" - Et bien en dehors de fans qui m'ont déjà dit ce genre de choses sans pour autant être sincère, si. Vous êtes la première, et encore depuis.."}/color]

Il baissa la tête pour considérer son fauteuil. C'est peut-être de ça dont il avait besoin pour se prouver qu'il pouvait être séduisant, même avec son attirail.

" - Tous les métiers ne font pas rêver, mais du moment que vous aimez ce que vous faites, c'est l'essentiel." fit-il avec un fin sourire.

C'est important de faire un métier que l'on aime, on y passe les trois quarts de la journée, alors autant que ça plaise, sinon la journée risque d'être longue et les heures interminables. Soudain, la question posée par Maddie lui fit perdre son sourire. Parler de lui était quelque chose d'assez complexe, mais il travaillait dessus. Parler de son rêve, il aurait pu lui en parler pendant des heures, en tout cas avant tout ça, aujourd'hui, certes ça lui rappelle qu'il ne pourra plus le vivre, mais il faut qu'il s'y habitue non ?

" - Non non ça ne me dérange pas.." fit-il un sourire gêné au coin des lèvres.

Et puis, son psychologue lui avait conseillé d'en parler justement, alors ce pourrait être un début de thérapie.

" - Disons que comme tout petit garçon, j'avais une idée bien précise que je voulais faire. Certains voulaient devenir pompiers, policiers ou militaire. Moi c'est footballeur. J'ai tout de suite été passionné par cette discipline."

À son réveil, après un an dans le coma, Lisandro était passé par plein d'émotions différentes. D'abord la stupeur de découvrir ce qu'il était, la peur de ne plus sentir la moitié de son corps, même s'il avait beau essayer d'une manière ou d'une autre. Puis lentement était venu la colère contre cette personne qui l'avait percuté, la rage de voir que son rêve venait de se briser, et petit à petit, l'italien s'est mis à glisser sur la pente sur jamais s'accrocher, sans jamais essayer de remonter. Il avait totalement baissé les bras et faisait le moins d'efforts possible, que ce soit avec son psychologue, son kiné ou tout autre personnel médical cherchant à le remettre en forme.

La proposition de la jeune femme est une bonne idée, mais depuis tout ce temps, Lisandro a tout simplement perdu goût en la vie. Le bien, le mal, tout ça lui paraît bien abstrait. Il s'est créé une bulle dans laquelle il vit depuis son accident. Désormais, il est dur de l'en sortir, mais s'il veut y arriver, il va devoir faire des efforts et s'ouvrir un peu plus aux autres. Ce n'est pas gagné.

" - C'est toujours mieux de jouer une chanson que l'on apprécie, c'est plus simple de progresser dessus plutôt que quelque chose que l'on nous impose."

Ça va de soi, que ce soit dans la musique ou ailleurs, ce discours est le même. On prend plus de plaisir à faire quelque chose que l'on aime qu'avec quelque chose que l'on doit faire sans réellement en avoir envie.

Le sujet revient à ce que le jeune homme avait dit plus tôt, à savoir les compliments qu'il avait fait à la jeune femme. Est-ce qu'il était totalement serein à l'idée de tenir de telles paroles maintenant qu'il était ainsi ? Déjà en temps normal, Lisandro est quelqu'un de timide et réservé, ce n'est pas le genre à montrer son assurance et jouer le fanfaron pour attirer les femmes. Mais sa timidité est encore plus extrême maintenant qu'il est réduit à ce fauteuil. Il a toujours peur des moqueries, des critiques et du regard des gens, un peu comme aurait peur un gamin de dix ans des moqueries de ses camarades de classe. Sur certains points, l'ancien sportif était encore un enfant. Un enfant peureux.

" - Je pense avoir déjà assez de soucis pour ne pas avoir à rajouter l'audition à la liste. Donc non, je n'ai aucun soucis d'audition aussi étrange que cela puisse paraître." fit-il avec en haussant les épaules.

Bien évidemment, vu de l'extérieur, Lisandro pouvait plaire aux femmes, mais c'est quelque chose dont il n'avait jamais réellement pris conscience. Pour lui, le simple fait d'avoir des femmes autour de lui était le résultat de sa carrière. Forcément, quelqu'un qui attire les regards, alors il n'a jamais vraiment cru à tous les compliments que l'on pouvait lui faire, c'est ça aussi avoir une notoriété élevée. Bien que souriant, il était constamment sur ses gardes de peur que quelqu'un puisse se rapprocher de lui, non pas par envie, mais par simple intérêt. Aujourd'hui, il n'y avait plun aucun intérêt à le complimenter ou bien à vouloir être vu auprès de lui. Tout cela était tombé en même temps que tout le reste.

" - Qu'est-ce qui ne vous plaît pas dans ce domaine ? Après c'est comme tout, lorsque l'on devient un peu connu, la célébrité devient dangereuse, beaucoup de personnes semblent vous appréciez, mais lorsque vous n'êtez plus en haut du podium, ces mêmes personnes vous délaisse. C'est les aléas de la notoriété, il faut toujours être à l'affût des personnes qui voudraient simplement vous utilisez, mais ça marche aussi pour la musique, pour le cinéma et dans pleins d'autres domaines."

Il suffisait de repérer la poule aux oeufs d'or et après le tour était quasiment joué. Les proies sont souvent des jeunes en quête de célébrité, il suffit pas de beaucoup pour les convaincre, alors que Lisandro avait toujours eu la tête sur les épaules contrairement à d'autres. Le soucis avec le football, c'est que l'image qu'il renvoit devient de plus en plus négative, comme si ce n'était qu'une question d'argent, certes ça l'ai, comme partout, mais c'est tellement d'autres choses qui ne sont pas montré au grand public, ce qui crée une image fausse de ce sport célèbre.

Lisandro n'avait jamais voulu se lancer dans le monde du sport de haut niveau pour la célébrité ou autres inconvénients que cela apporte. Certains étaient là pour l'argent, pour profiter de la notoriété, mais lui il a toujours évolué dans ce milieu pour l'amour du ballon, c'est la seule chose qui l'a toujours fait vibrer jusqu'à maintenant.

En parlant de musique, le jeune homme venait de trouver une passionnée. Lui ne l'était pas, mais il devait bien avouer qu'écrire quelques textes lui permettait de se canaliser, de faire le vide et surtout, d'extérioriser ce qu'il n'arrive pas à dire.

" - C'est sûr, la motivation est toujours plus grand quand on fait quelque chose que l'on aime. L'apprentissage se fait plus rapidement grâce à la détermination."

C'est pour cette raison que Lisandro avait évolué très rapidement, parce qu'il était passionné par ce qu'il faisait. Mais c'était valable pour n'importe qui, comme un enfant passionné par les métiers de l'art ou autre. La passion nous donne des ailes et nous permet de faire des choses que l'on aurait pensé impossible ou en tout cas, inaccessible.

Suite au compliment qu'elle lui a fait, le jeune homme n'en croît pas vraiment ses oreilles. C'est la première fois qu'il entend une telle chose, d'autant plus maintenant qu'il est coincé dans ce fauteuil, est-ce sincère ? Il a toujours du mal à accorder sa confiance aux personnes, et surtout à penser que les personnes pouvaient être sincères avec lui, il avait été généralement habitué à se méfier de tout le monde dans sa courte carrière.

" - C'est donc une bonne preuve que je n'ai aucun soucis de ce côté là."

Même si généralement lorsqu'il y a quelque chose qui ne va pas ou une mauvaise nouvelle qui tombe, c'est la chaîne. Une puis une autre et encore une. Mais là, Lisandro avait bien assez à gérer avec son handicap actuel qui était largement suffisant pour qu'il est d'autres soucis de santé.

Lorsqu'il avait évoqué le sujet du football professionnel et son rêve brisé, Maddie avait rajouté qu'elle ne pourrait très certainement jamais être dedans et qu'elle n'aimait pas cela. Sans vouloir créer de réel débat ou de polémique, il voulait avoir l'avis de quelqu'un d'extérieur et savoir ce qui la rebutait tant que ça, c'était la première fois qu'il pouvait parler tout en étant lui-même, sans devoir jouer un rôle devant une caméra où les mots sont dictés à l'avance. Il l'écouta alors avec attention.

" - Je comprend tout à fait votre point de vue et je le partage sur certaines choses. En revanche concernant le salaire, il ne faut pas croire que l'argent nous revient à nous, joueurs, directement. Avant il passe par plein d'étapes, enfin je ne veux pas rentrer dans des détails complexes, mais au final, disons que la somme annoncée est divisée par deux par rapport à la somme initiale même si c'est déjà très conséquent je le reconnais."

Le domaine du sport et du football en particulier était très médiatisé, et par conséquent, il était suivi dans beaucoup de pays et les transferts de joueurs importants ou prometteurs d'un club à un autre devenait monnaie courante. Tout était une question d'argent même si l'italien ne s'en était jamais préoccupé parce que ce n'est pas pour cette raison qu'il aimait son statut.

" - Après c'est vrai que chacun à son train de vie et se voit mal en vivre un autre." fit-il en souriant.

Il est vrai que lui-même ne s'imaginait pas vivre une vie "normale" et pourtant il allait devoir s'y habituer désormais, parce que c'était la seule option qui lui restait.

" - Non jamais. J'y suis arrivé avec mon club, après avoir quitté ma ville natale pour ma carrière sportive, et finalement le destin m'a mené ici pour préparer un championnat. Je ne connaissais rien en arrivant ici et je dois avouer que je connais assez peu la ville encore et puis, ce n'est plus maintenant que je vais pouvoir la visiter convenablement.."

Au fond, il avait fini par accepter de vivre ici. Ici ou ailleurs, ça ne changeait pas grand chose, il n'avait aucune famille, aucune attache sur place.

" - Et vous, vous avez déjà quitté votre terre natale pour en visiter d'autres ?"

Comme l'Italie par exemple. Parler de ses racines, de ses origines pouvaient faire vibrer le jeune homme, il en était réellement fier et il ne les renierait pour rien au monde.

HRP:

Spoiler:

Dans sa vie antérieure, Lisandro n'était pas comme ça, il prenait le premier motif qui lui passait par la tête pour plaisanter même s'il avait toujours su rester discret. Il n'avait jamais été très à l'aise en société dès lors qu'on le sortait de sa zone de confort. Inutile de dire que désormais sa zone de confort se situe uniquement chez lui, quand il en sort c'est tout de suite la panique qui l'envahit.

" - Après tout ça peut être le cas, mais ce serait triste parce qu'il me semble bien que vous êtes plus jeune que moi, mais il n'y a pas d'âge pour devenir sourd."

Wahou, première blague venant de l'italien, ce serait à marquer d'une pierre blanche sur le calendrier. La raison pour laquelle il s'était renfermé autant sur lui, c'est simplement qu'il avait perdu tout goût en la vie, il passait son temps à broyer du noir chez lui, et avec Maddie c'était bien la première fois qu'il agissait de la sorte. Peut-être que c'était le début de sa guérison ?

L'italien à beau avoir beaucoup de défauts, bien plus que de qualités d'ailleurs, mais ça n'empêchait qu'il n'était pas fermé comme certains de ses anciens coéquipiers sur le sujet du football. Chacun avait son point de vue, et Lisandro aimait voir que chacun pouvait le défendre avec ses arguments. C'est toujours mieux que de se contenter de dire une chose sans même avoir quoique ce soit pour le prouver. De plus, il n'était pas vraiment rancunier, donc même si Maddie pouvait avoir des propos plus durs, il ne lui en tiendra pas véritablement rigueur.

" - Je comprends votre indignation, il est vrai que certains exhibent leur fortune et trouve encore le moyen de pouvoir se plaindre tandis que d'autres dorment à la rue."

Elle avait raison, ils vivaient pas dans le même monde, pourtant Lisandro était désormais dans leur monde avec ses quelques zéros sur son compte en banque et qu'est-ce que ça changeait ? Rien, il était malheureux et l'argent qu'il avait touché ne lui servait pas à grand chose hormis aider les plus démunis, mais ça, il ne le dirait pas, parce qu'il ne cherche pas à passer pour un bon samaritain.

Le jeune homme ne peut s'empêcher de hocher la tête lorsqu'elle lui parle d'un changement de vie, il en est plus que conscient que c'est compliqué. Il est en plein dedans, et contrairement à d'autres, ce qui lui manque le plus ce n'est pas les fans, ni même les projecteurs qui faisaient sa célébrités. Lui ce qui lui manque le plus c'est l'amour du ballon, taper dedans, s'entraîner des heures durant sans lâcher tant qu'il n'ai pas satisfait de sa performance. Il a toujours été très exigeant avec lui-même alors qu'aujourd'hui il a baissé les bras.

" - Un jour je suis persuadé que vous trouverez quelqu'un pour vous accompagner."

Il se serait bien proposé puisque les moyens il les avaient, mais il doutait qu'elle accepte étant donné qu'ils ne se connaissaient pas et surtout, qu'elle allait devoir se le trimballer avec son fauteuil au quotidien. Il se mit à sourire quand elle lui parla de ses "voyages".

" - Je dois avouer que certains de mes coéquipiers prenaient le temps de sortir, d'aller en soirée, rencontrer des filles et profitez de leur célébrité, moi je restais toujours à l'entraînement jusqu'à ce que je sois satisfait de mon entraînement, donc pour les découvertes des lieux je n'ai jamais vraiment eu le temps, même si j'ai pu découvrir quelques petits endroits, mais il faut dire que généralement ce n'était que deux ou trois jours de déplacement, après je retournais en Italie, jusqu'au prochain match donc ça restait très court pour une découverte complète des lieux."

Il n'y avait que lorsqu'il était venu ici à Bowen pour le championnat qu'il y était resté plus longtemps. Ironie. Aujourd'hui il était bloqué dans cette ville dans laquelle il n'avait jamais demandé à venir, aucun repère, comme forcé de commencer une nouvelle vie.

Le jeune homme n'avait pas du tout dans l'idée d'être indiscret ou même irrespectueux envers elle. Et puis, son âge n'était pas un secret d'état bien qu'il savait parfaitement que d'après les dires, on ne demande son âge à une femme.

" - Ce n'était pas vraiment mon intention, je ne me permettrai pas une telle chose." fit-il en esquissant un sourire.

Mais c'était bel et bien réel, Lisandro était trop respectueux pour des femmes pour se permettre un tel écart de conduite.

" - J'avais donc raison, vous êtes plus jeune. J'ai trente ans." répondit-il en échange à la jeune femme.

Les deux évoquent finalement leur point de vue respectif concernant le domaine du football professionnel, et il doit bien avouer qu'il est d'accord avec ce qu'elle pense, même s'il en avait fait parti, il n'était pas forcément d'accord avec les méthodes employées. Et concernant les salaires, c'était toujours le même soucis, certains faisaient ce sport uniquement pour l'argent et la célébrité et quoiqu'on en dise, il y aura toujours ce genre de personnes qui font du football plus pour l'argent que pour l'amour même du sport.

" - C'est sûr, il y aura toujours des choses qui nous déplairons mais malheureusement on a pas le pouvoir de changer le cours des choses, il faut s'y faire." fit-il en haussant les épaules.

Que ce soit le sport ou un autre domaine, il y a toujours qui ne nous conviendrons pas mais la société est comme telle et ce n'est pas deux ou trois individus qui changeront les choses.

" - C'est une philosophie oui, mais vous êtes encore jeune, vous avez toute la vie devant vous, profitez en pendant que vous avez encore le temps. Il suffit d'un rien pour que la vie bascule."

Bien souvent, comme lui l'avait fait auparavant, il avait pensé que sa jeunesse lui serait suffisante pour qu'il puisse faire ce qu'il veut. On pense souvent qu'on a toute la vie devant nous, mais la vie en décide parfois autrement et ça, on ne peut pas le prédire. Si Maddie voulait faire un tour du monde, alors qu'elle le fasse pendant qu'elle en avait encore la possibilité, il sera trop tard pour avoir des regrets après.

" - C'est ça oui, le soir c'était quartier libre, mais certains préféraient aller s'amuser plutôt que prendre au sérieux leur entraînement. Mais effectivement, je ne suis pas du genre à faire le mur pour aller en boîte ou même aller draguer des filles en profitant de la célébrité que nous offre notre carrière."

Il ne l'avait jamais fait et il ne le ferait plus maintenant puisqu'il il n'était pas réellement connu. Il y aurait toujours des personnes qui utiliseront leur statut pour obtenir ce qu'ils veulent, Lisandro n'avait jamais agit de la sorte.

" - Il est vrai que je ne serai pas contre observer un coucher de soleil sur la mer, ce doit être un magnifique spectacle.."

Avant aujourd'hui, il n'avait pas pris le temps de voir ce spectacle, et aujourd'hui, c'était beaucoup plus complexe avec son fauteuil.

" - Oh oui pas de soucis, je ne veux pas vous retenir c'est déjà ... gentil à vous de m'avoir sorti un peu d'ici.. Il s'appelle comment votre chien ?"

Il est évident que si son client l'attendait à la maison, Lisandro se voyait mal la retenir ici pour une quelconque raison. Lui n'avait personne qui l'attendait alors il pouvait bien passer le temps qu'il voulait en dehors de sa demeure.

Certaines personnes ne cessaient de voir leur âge comme un signe à interpréter, la trentaine est un cap que beaucoup de personnes ont dû mal à franchir. La crise de la trentaine, le début de vieillesse et toutes ces choses qui se disent sur cette période, l'italien s'en fiche un peu au fond. En réalité, ce qui le gêne le plus, c'est qu'il se sent vieillir de jour en jour et pourtant, il n'a rien construit. Ni famille, ni femme, ni même de travail, comme la sensation d'avoir échoué dans sa vie avant même qu'il est pu pleinement la commencer. Mais sur le moment il n'en dit rien parce qu'il refuse de briser l'humour de son interlocutrice avec son éternel sérieux. C'est ça son soucis, c'est qu'il n'a jamais pleinement profité de la vie, toujours obnubilé par son travail, en l'occurrence sa carrière sportive pour s'octroyer du temps pour lui. Au moins désormais, il a tout le loisir de profiter du temps qui lui ai donné.

Le sujet sensible des footballeurs est alors clos, au travers celui-ci, peut-être que Maddie a pu changer d'avis les concernant. Certes il y en a beaucoup qui profitent de leur fortune, mais il y a ceux comme Lisandro qui sont restés simple malgré la célébrité qui les a frappé. Le jeune homme n'avait jamais espéré être adulé comme ça par des milliers de personnes, il voulait simplement transmettre son amour pour le sport à d'autres. Il a pu vivre une expérience unique, bien que celle-ci ce soit achevé de manière brutale.

Le tour du monde est un projet ambitieux et beaucoup de personnes y pensent, mais le soucis reste toujours le même : le financement. Lisandro n'a jamais hésite à donner de l'argent à des associations afin de venir en aide à des personnes qui en ont besoin, après tout, toute sa fortune ne lui servira pas, autant en faire profiter les autres. Et c'est ce que toutes les personnes avec autant d'argent devrait faire, mais ça aussi, c'est un sujet sensible.

" - Bien sûr qu'un tour du monde à quarante ans est possible, il n'y a pas d'âge pour réaliser les projets que l'on a en tête."

Quarante ans, Lisandro en était plus très loin, une dizaine d'années à peine, mais c'était comme s'il avait vieilli d'un coup avec son accident, comme si la vie lui avait été coupé sous le pied. Est-ce qu'il serait en mesure de connaître l'amour à nouveau ? Aurait-il une chance dans le monde du travail sans diplôme ? Tant de questions qu'il se pose et dont il n'a jamais trouvé les réponses.

" - Je suis tout à fait d'accord avec vous, je ne juge pas ces personnes là, tant quelles ne viennent pas embêter les autres, ils font bien ce qu'ils veulent."

L'italien ne les jugeait pas mais ce n'est pas pour autant qu'il comprenait ces jeunes ou même ces moins jeunes, vouloir accumuler des histoires d'un soir par peur de s'engager. Après tout, chacun fait ce qu'il veut tant que ça lui convient, mais lui n'a jamais été comme ça et ne le sera jamais. Il n'est pas du genre à avoir un tableau des conquêtes, la preuve, la seule qu'il a eu la planté en apprenant son handicap. Peut-être qu'il était trop exigeant dans ce qu'il recherchait ou bien, trop exigeant avec lui-même. Ça pourrait être une réponse du pourquoi il n'est pas capable de retrouver une femme pour une relation sérieuse.

" - Non je n'ai jamais pris le temps.."

C'est à cet instant qu'il se rendait compte qu'il avait passé trente ans à s'occuper des autres, à vivre son rêve sans prendre le temps d'apprécier la vie autour. Maintenant qu'il était cloué dans son fauteuil, c'était peut-être l'occasion de s'occuper de lui et de profiter des choses qu'il n'a pas eu le temps de faire avant.

" - Faudrait-il encore que vous sachiez où j'habite pour venir me tirer de force." fit-il en lui adressant un clin d'oeil.

La vérité c'est que Lisandro n'avait pas envie qu'elle parte, c'était, depuis son accident, la seule personne avec qui il avait réussi à avoir une conversation correcte qui ne tourne pas autour de son handicap. Maddie ne l'avait pas vu comme un handicapé et n'avait pas eu cette pitié que beaucoup ont à son égard. C'était rare qu'il ne voulait pas perdre ce petit quelque chose.

" - Vous auriez un papier et un crayon à tout hasard ?"

Bien qu'il aurait pu la recroiser dans cet hôpital à coup sûr, il voulait lui permettre de garder le contact même en dehors de ce bâtiment. Puis, Woody lui avait bien dit de s'intéresser aux femmes, de les complimenter. C'est ce qu'il avait fait parce que Maddie était charmante et il ne pouvait pas le nier. Cette rencontre sonnait peut-être le début de sa guérison. Un long chemin semé d'embûches auquel il allait devoir faire face, mais à deux c'est toujours plus facile que seul.

" - Je.. Oui.. Je veux bien juste que vous me laissiez après les pavés."

Il n'avait aucune envie de retourner dans ce bâtiment où les odeurs lui levaient parfois le coeur, le temps était idéal pour qu'il y reste encore un peu. Mais surtout, pour qu'il puisse se remettre en question après la discussion qu'il venait d'avoir.