Plus qu'un physiothérapeute... [Wooshka]

Annushka eut un petit rictus au coin des lèvres, un peu gênée, alors que Woody lui affirmait qu'elle ne voudrait certainement pas lui en parler. Elle ne savait pas quoi faire dans cette situation. Elle ne voulait pas le décevoir ou même aller contre lui. Elle était perdue.

-Je pourrais au moins te dire si... ça m'a manqué ou non.

Il l'emmena ensuite jusqu'aux machines et elle les détailla du regard, essayant d'identifier celles qu'elle avait déjà utilisé et les autres non. Elle hocha doucement la tête à sa question.

-Oui, quand j'étais ballerine on faisait un peu de renforcement musculaire.

Donc elle savait tout e même se servir de la plupart des machines.

Il hocha la tête, au lieu de hausser les épaules comme il en aurait eu le réflexe. Il ne voulait pas paraître je-m’en-foutiste, et surtout ce serait bien incohérent après toutes les questions et les réflexions intimes faites auprès d’Annushka. Clairement, il ne se foutait pas de sa vie sexuelle. C’est juste qu’il y était tout d’un coup moins intéressé puisque lui n’était plus d’intérêt. Il ne l’avait jamais été, au fond, pour elle. Il s’était fait mille et un scénarios, fantaisies, appelez cela comme vous voulez, pour mieux se faire fermer la porte au nez par Annushka. Ça ne lui arrivait pas souvent, à Woody, et peut-être était-ce pour cette raison qu’il avait repris une distance plutôt froide, pour ne pas perdre la face. C’était bien raté. « Tu pourrais. » Conclut-il à ce propos avant de les entraîner vers les machines où ils demeureraient pour le reste de la séance. Puisqu’elle savait se servir de la plupart des machines, Woody n’eut que très peu d’explications à donner et, au bout du circuit, elle maîtrisait déjà chaque mouvement associé à la machine. « Comme t’as pas ces équipements chez toi, j’imagine bien, tu peux travailler tes jambes avec des bandes élastiques ou des poids. Je peux te prêter de l’équipement si tu veux. On en reviendra aux machines à nos séances. » Il marqua une pause, comme hésitant, en réflexion. « On pourra les distancer de plus en plus, d’ailleurs, nos séances. Je ne pense plus que ce soit nécessaire qu’on se rencontre aussi souvent. » Et même si ce n’était pas faux, même si ses plans de traitement prévoyaient effectivement des rendez-vous de plus en plus espacés, cette affirmation sonnait présentement comme une sorte de rupture. Comme si quelque chose s’était effectivement brisé entre eux.

Annushka comprit qu'il valait mieux ne plus aborder le sujet. Enfin, elle aurait bien dit que ce n'était pas elle qui avait commencé, mais, ce n'était pas vraiment la question. Même si elle essayait de ne pas le montrer, et c'était quelque chose où elle était assez mauvaise, elle était attristée par la soudaine distance qui s'était créée entre eux. Elle considérait réellement Woody comme un ami, pas juste son médecin.

Ils finirent donc la séance sur les machines où Annushka écouta attentivement les conseils de son physiothérapeute. Elle hocha la tête alors qu'il concluait la séance en lui disant qu'il pourrait lui prêter du matériel si elle avait besoin. Elle hocha doucement la tête.

-Oui pourquoi pas, si ça me permet d'aller mieux plus vite.

Après tout, n'était-ce pas l'objectif de tout malade ?
Annushka acquiesça quand il lui dit qu'ils pouvaient espacer leurs séances. Elle avait une confiance aveugle en son jugement, s'il trouvait que c'était mieux ainsi, c'est qu'il avait raison, mais elle sentait bien le froid qui s'était créé entre eux.

-On fera comme ça te paraît le mieux.

Alors qu'il était maintenant le moment pour elle de rassembler ses affaires et de partir, elle décida de se rapprocher de Woody pour venir l'enlacer.

-A la prochaine fois alors.

Avec la réaction puérile qu’il adoptait face au refus d’Annushka d’aller plus loin, on aurait pu croire que les relations de Woody avec les femmes n’allaient jamais plus loin que la sexualité. Qu’il ne voyait pas d’autres intérêts à s’aventurer auprès du sexe opposé. Ce n’était pas tout à fait la réalité. Certes, ce n’était un secret pour personne : Woody était un coureur de jupons, un Don Juan des temps modernes qui ne se souciait guère de sa réputation auprès de la gente féminine, tant qu’elles continuaient à venir à lui. Sauf que lorsque venait le temps d’aller à elles et de se prendre une porte fermée en plein visage, Woody le vivait mal sur son orgueil. Toutefois, avec des femmes comme Annushka, qu’il considérait avec un peu plus de respect que d’autres, il aurait dû passer à autre chose. Pourtant, là, il n’y arrivait pas. Il n’aurait pas pu se l’expliquer sur le coup, peut-être était-ce seulement parce que ça venait tout juste de se produire. Il ne le saurait peut-être jamais, vu comment il semblait enclin à repousser le plus possible leur prochaine rencontre. Quel idiot. Pour une fois qu’il avait une amie, pour une fois qu’une femme le voyait pour davantage que l’imbécile qu’il s’entêtait à être. Annushka ne sembla toutefois pas reculer face à la distance et à la froideur de Woody, au contraire même, la jeune femme vint enlacer le corps raide qu’il était. Il vint quand même poser une main dans son dos, avant de reculer en même temps qu’elle. « À la prochaine fois. » Il l’accompagna, d’un pas un peu moins déterminé qu’à l’habitude, jusqu’à la sortie. C’était vide et silencieux. « N’oublie pas de faire tes exercices ! » Lui lança-t-il alors qu’elle ouvrait la porte et s’en allait. La porte se referma avec la petite alerte électronique, et puis plus rien. Que le lourd silence pesant sur la conscience troublée de Woody.