All my senses come to life - Charliam

Charliam - All my senses come to life

Ces dernières semaines s'étaient déroulées dans un véritable flou artistique pour Liam. Même s'il avait retrouvé la vue, il était difficile pour lui de retrouver quelques repères destinés à le rassurer. Entre les visites incessantes, le départ difficile de Théia, le manque de Sasha et sa convalescence à l'hôpital, il n'avait pas eu d'instants de répit pour se poser et faire le point sur sa vie. Car il avait peur de l'après. Il craignait de vivre dans un monde où il ne trouverait pas sa place. Cette impression-là, il l'avait depuis son accident, à vrai dire, mais il s'était toujours caché derrière son handicap. A présent, il était seul, à attendre cette date fatidique qui était sa sortie de l'hôpital.

Pourtant, deux jours avant sa sortie, Charley était passée le voir et lui avait fait la plus belle proposition qu'elle pouvait lui faire : elle lui avait proposé (pour ne pas dire imposer... le charme Hawkes évidemment) de venir quelques temps chez elle, avec Sasha. Sasha, qu'il n'avait pas encore vu de ses propres yeux. Il l'avait eu au téléphone, tous les deux jours au moins, mais il avait insisté pour qu'il ne vienne pas le voir dans cet endroit austère qu'était l'hôpital. Charley avait accepté. Peut-être même l'avait-elle compris. Parce qu'elle savait, tout autant que lui, que cette rencontre entre Liam et Sasha, cet instant où il le verrait enfin de ses propres yeux, ne leur appartenait qu'à eux trois. Eux trois. Un portrait de famille qui était devenu envisageable dès l'instant où Charley avait posé ses lèvres sur celles de Liam, à son réveil. Ils n'en avaient pas reparlé, faisant l'autruche comme ils savaient si bien le faire. Mais face à cette proposition, il n'avait pu s'empêcher de lui répliquer : "Tu sais qu'en vivant sous le même toit, on risque de passer pour un vrai petit couple. Je dors du côté gauche, hein..." se récoltant au passage un coup de coude dans les côtes qu'il avait bien mérité. Mais il avait dit oui. Si bien que les deux dernières nuits s'étaient faites plus douces et sa sortie était devenue bien moins angoissante.

Le jour J était arrivé. Un taxi était venu le chercher sur les coups de neuf heures du matin. Liam avait déjà rassemblé toutes ses affaires et avait fait le tour du service afin de saluer toute l'équipe soignante qui avait rendu son séjour plus supportable. Bien sûr, il avait encore ce visage émacié et ces cernes sous les yeux, mais le regard du jeune homme s'était fait plus lumineux durant ces longues semaines. Quand il s'était vu la première fois dans le miroir, cela avait été un choc pour l'ex-policier. Il s'était rendu compte à quel point il avait maigri, à quel point il avait perdu de sa superbe. Il avait pris un sacré coup de vieux et son look de vieux baba-cool n'arrangeait pas la chose.

Le médecin le salua chaleureusement, osant même un trait d'humour en lui affirmant qu'il ne voulait pas le revoir de sitôt, ce qui arracha un sourire au jeune homme, qui ne contesta pas ses paroles. Le chauffeur de taxi prit son sac et Liam quitta cet hôpital, heureux de découvrir l'extérieur et cette nouvelle vie qui l'attendait. Le trajet jusqu'à la nouvelle maison de Charley se fit dans un silence apaisant. Liam ne quittait pas des yeux le paysage qui défilait, s'imprégnant de toutes ces images dont il se délectait. Beaucoup ne faisaient plus attention à la beauté du paysage, mais lui appréciait chaque petit détail parfois futile. La voiture s'arrêta devant un grand portail. "Vous pouvez me laisser là." lança-t-il au chauffeur qui acquiesça d'un signe de la tête, sortant du véhicule pour lui donner son sac. Liam régla la course et remercia le jeune homme, se dirigeant alors vers son nouveau lieu de vie. Il sonna à l'interphone et entendit la voix de Charley, très vite entrecoupée par les rires de Sasha. Un sourire vint se dessiner sur les lèvres de l'ex-policier, dont le coeur s'accélèra brusquement sous l'impatience de voir la belle blonde et son fils. "Salut, c'est ton nouveau colocataire !"

La blonde était passée voir son ancien binôme chaque jour, autant que son emploi du temps le lui permettait. Matthews ayant demandé à ce que ses « retrouvailles » avec leur fils ne se fasse pas dans ce contexte aseptisé, il lui fallait le faire garder. Un aménagement qui ne l'embêtait en rien. On ne pouvait pas en dire autant de Sasha : le gamin réclamait régulièrement son père, qu'il n'avait pas vu depuis plusieurs semaines. Charley s'étonnait chaque jour un peu plus de constater à quel point l'enfant s'était attaché à son blond préféré - après David Beckham, évidemment - et à quel point la réciproque était vraie. Deux ans sans s'être connus, puis, il avait suffi d'une rencontre ... Un amour comme on en connaissait tant dans le monde et qu'elle s'en voulait d'avoir réprimé, par peur et colère. Ou disons plus simplement, par égoïsme.

Qu'à cela ne tienne ! La jeune femme avait trouvé un excellent moyen de se rattraper !

Environ cinq mois plus tôt, Granny, la mère de son père, était partie de sa belle mort. La vieille dame un peu excentrique s'était endormie un soir pour ne plus se réveiller. Elle avait beau être âgée, sa petite-fille en avait été très affectée. Granny, c'était celle qui avait vécu à New York, Bali, Madrid, Athènes ... Elle avait connu Warhol, Saint Laurent, Piaf, Picasso, Hemingway et bien d'autres. Elle lui contait ses aventures de jeunesse, avant qu'elle ne vienne prendre sa retraite dans sa ville de naissance, Bowen. Son amour maternel fut limité, au contraire de celui qu'elle voua à ses petits-enfants, sa "Furie" en premier. Loin de la mamie gâteau, elle empestait l'air avec ses cigarillos, avait un gros faible pour le whisky pur-malt. Sans compter les - très - jeunes amants dont elle se parait régulièrement. En somme, Charley l'adorait.

Le deuil de cet être cher fait, passée une période de tristesse plutôt intense, le notaire de Granny leur avait annoncé qu'elle léguait sa fortune à sa famille. L'ex-flic, habituée à vivre chichement, s'était soudain retrouvée avec une somme dont elle ne savait que faire. Alors, après avoir dévalisé le rayon sucreries du supermarché, elle s'était achetée une maison. Une petite bicoque un peu branlante mais magnifique, située en bord de plage. Elle qui réalisait qu'elle n'avait offert à son fils qu'un pauvre appartement au troisième sans ascenseur, pouvait enfin lui donner mieux. A Liam également, durant sa convalescence. Pour Sasha, toujours. Evidemment ! Pour qui d'autre ? Le déni, encore.

« MAMA ! CA FAIT TOC TOC ! » brailla l'enfant, déjà planté devant la porte. Il savait que son père arrivait aujourd'hui et depuis six heures ce matin-là, il campait dans le vestibule en refusant obstinément de bouger. « MAMAAAAAAAAAAAA ! » Une voix toute aussi beuglarde lui répondit à travers la cuisine. « ET BAH OUVRE ! » D'habitude, sa mère ne l'autorisait pas à ouvrir quoi que ce soit - placard, porte, poubelle, boîte. Quand on s'appelait Hawkes, mieux valait se tenir loin de tout battant susceptible de se refermer sur vos doigts. Ou pouvant révéler un pervers. Le karma. Aussi Sasha ne se le fit-il pas dire deux fois. De derrière son comptoir, la blonde entendit un concert de petits cris de joie et de bisous mouillés. Ils s'étaient enfin retrouvés.

Tout sourire, un gigantesque plateau de cupcakes entre les mains, elle débarqua enfin dans le hall, lequel donnait sur le salon où une banderole Welcome home, daddy ! en couleurs criardes était accrochée, entourée de ballons tout aussi cheaps. Les gâteaux, dégoulinant de beurre fondu et semblant tenir par la grâce du Saint-Esprit, étaient aussi infects que son goût pour la déco d'accueil. Menfin, c'était l'intention qui comptait. Et de toute façon, son coeur battait si fort dans sa poitrine qu'elle se moquait bien du reste, tout à coup. Même du tee-shirt qu'elle avait enfilé et qui n'avait aucun trou. Même du jean repassé, pour une fois. Elle était seulement là, à un sourire de toutes ses dents, face aux vraies retrouvailles du père et de son fils. « Je suis nulle en cuisine, mais au moins, j'ai essayé. » fut tout ce qu'elle trouva à dire. Espèce de courge. Heureusement, ainsi chargée, elle ne pouvait pas lui sauter dans les bras. Ouf.

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Le geste un peu timide, Liam tapa enfin à la porte d'entrée. Il était tout près, tout près de voir son fils, de l'admirer de ses propres yeux, de voir enfin si les remarques de son entourage étaient vraies. On lui avait que Sasha ressemblait à Liam. Liam en avait été flatté, évidemment, mais cela restait flou. Le visage qu'il s'était fait du petit ne s'était basé que sur des vieux souvenirs de Charley et lui-même. Le coeur battant, il attendit impatiemment que cette porte laisse apparaître son fils. Enfin, la porte s'ouvrit sur un petit garçon, blond, aux deux billes bleues. Sasha courut vers Liam en hurlant un "PAPAAAAA !" enjoué. Il eut à peine le temps de se baisser et de lâcher son sac que le petit se jeta dans ses bras, bien vite rattrapé par son père qui l'amena contre lui. L'instant était fort en émotion. Il resserra l'enfant, comme s'il ne voulait plus le lâcher, alors qu'il sentit ses yeux s'embuer. Sasha entoura le cou de Liam de ses petits bras alors qu'il vint déposer un bisou sur la joue de son père. Mais sans crier gare, l'ex-policier attrapa son fils et s'amusa à le chatouiller, son rire étant une bouffée d'oxygène comme il n'en avait pas eu depuis des semaines. Puis, alors qu'il sortit la petite voiture qu'il avait acheté pour lui, il prit le temps d'observer le blondinet. La couleur de ses yeux était celle de Charley, mais la forme rappelait le regard des Matthews. Et il avait hérité des bouclettes parfois indomptables de Liam. Il était beau. Le plus beau de tous. Le subtil mélange entre Charley et Liam. Pour une fois, ils avaient fait les choses bien. Ils avaient mis un peu de perfection au sein de leurs vies chaotiques et imparfaites. Une larme coula sur la joue de Liam, qu'il essuya bien vite pour ne pas éveiller l'interrogation de son fils.

Charley arriva à ce moment-là et ce fut la deuxième plus belle apparition de sa journée. Elle était sublime. Une beauté sauvage qu'il avait toujours su apprécier. Il se releva et entra dans le hall, refermant la porte derrière lui alors que Sasha tenait à montrer la voiture que Liam avait acheté. Le jeune trentenaire releva la tête et posa un regard amusé sur Charley, qui tenait son grand plateau à cupcakes. Hawkes s'était-elle transformée en parfaite maîtresse de maison ? Non. Fort heureusement, elle lui confirma qu'elle était nulle en cuisine. Il s'approcha doucement d'elle, alors qu'il haussa des épaules, un sourire taquin sur les lèvres. "Je suis sûr qu'ils sont très bons. " Il prit le plateau des mains de Charley, afin de la décharger. Mais toujours régi par le flot d'émotions, il entoura son bras libre autour de la blonde, l'attira tout contre lui et déposa un baiser sur sa tempe. Sasha interpella Liam à ce moment-là et il relâcha Charley, les deux ex-partenaires reprenant leur place, comme si ces gestes d'attention étaient toujours aussi gênants. Ils avaient quand même fait un enfant ensemble, Charley lui avait fait une déclaration à l'hôpital, mais ils agissaient toujours comme deux ados qui faisaient face à leurs premiers émois ! Il écouta ce que Sasha avait à lui dire, le petit voulant lui montrer les super nouvelles baskets qu'il avait, avant de courir jusque dans le salon pour aller récupérer une quelconque trouvaille.

Liam eut enfin le temps d'apprécier la décoration de bienvenue. Elle avait mis les petits plats dans les grands. Il regarda Charley, ses lèvres ne pouvant se départir de cet énorme sourire qu'il affichait depuis son arrivée et lança : "Les cupcakes, la déco, je suis gâté !" Les plaisirs les plus simples étaient toujours les meilleurs. Liam était touché et cela se voyait dans son regard. "Je voulais te remercier de m'accueillir sous ton toit. Tu ne peux pas savoir à quel point ça fait du bien de partager ces moments avec Sasha et toi." Sasha revint enfin, dessin en main, qu'il tendit à Liam. Il crut comprendre qu'il l'avait fait chez Tonton Alex et que l'espèce de masse jaune n'était autre que Liam lui-même. Un futur Picasso probablement. Il remercia son fils, qu'il reprit dans ses bras et se tourna vers Charley. "Bon, tu me fais visiter ta nouvelle demeure ?"

C'était la plus belle scène qui lui avait été donnée de voir depuis bien longtemps. Elle surpassait même celle où Sasha avait appelé Liam « papa » pour la première fois. Les surprendre ainsi, serrés l'un contre l'autre, avait quelque chose d'inestimable. Elle dut se faire violence pour retenir un sanglot ému, craignant que leur fils ne la croit soudain attristée, alors que c'était bien tout le contraire. Et puis, elle aurait trempé les gâteaux. Déjà qu'ils étaient moches, inutile d'y rajouter une mare de larmes !

Quoi que sa belle assurance, déjà pas mal ébranlée, manqua bien voler tout à fait en éclats quand elle surprit le regard du blond. Profitant d'un répit laissé par le petit garçon, il la regardait elle. Elle lut enfin dans ses yeux sans voile, l'éclat lumineux qu'elle avait rêvé d'y retrouver. Et tous les sentiments que, malgré elle, la Hawkes lui inspirait. A peine se retrouvaient-ils qu'ils brûlaient déjà l'un de l'autre : on aurait dit qu'un courant électrique avait chargé toute la pièce comme pour les en informer. Aussi son coeur manqua-t-il d'éclater alors que Liam l'enlaçait et déposait un chaste baiser sur sa tempe. « Humf ... J'serais toi, je m'y risquerais pas hein ... » fut tout ce qu'elle trouva à bredouiller à son affirmation concernant le goût des cupcakes. Elle l'avait rendu aveugle, si en plus elle l'empoisonnait, elle ne se le pardonnerait jamais. « PAPA ! PAPA ! Regarde mes 'askets ! REGARDE ! » Heureusement -ou pas - interrompus dans leurs propres retrouvailles, elle se détacha bien vite, empêtrée dans une sorte de malaise. Quelque chose avait changé entre eux, elle le sentait et elle ne savait comment l'aborder. La déclaration spontanée qu'elle lui avait fait sur son lit d'hôpital lui semblait tout à coup lointaine, incongrue. Pas qu'elle la regrettait, non ! Seulement, l'adrénaline du miracle redescendue, et son ancien binôme n'ayant pas rebondi sur les trois mots malencontreusement lâchés, elle ne savait sur quel pied danser.

« Chez les Hawkes, on sait accueillir nos invités comme il se doit ! Remercie surtout ton fils, c'est lui qui a choisi ! » répliqua-t-elle avec un large sourire. Sasha avait adoré courir d'un rayon à l'autre du magasin et bourrer le panier de tous ces artifices de fête colorés. Elle avait dû râler un peu, sans quoi, ils seraient repartis avec l'intégralité du stock. « C'est normal, Matthews. Je sais que tu en aurais fait autant pour moi. » Elle attrapa doucement sa main, la serrant un instant avant que le garçon ne cavale une nouvelle fois vers eux, surexcité. Autant dire qu'il n'avait pas été question qu'il retourne dans sa caravane de bobo alors qu'il était en pleine convalescence ! Il serait beaucoup mieux dans une vraie maison. Avec sa famille. En parlant de demeure, Liam demanda à la découvrir et elle ne se fit pas prier. « Mais évidemment, mon cher ! Veuillez suivre le guide ! » Un ton faussement emprunté qui arracha un fou-rire enfantin à Sasha, lequel carillonna entre eux et acheva de détendre l'atmosphère.

Elle débuta par le salon, où une large baie vitrée ouvrait sur la plage. Au-delà s'étendait l'infini de l'océan, les rayons de soleil éclairant l'espace qu'elle avait commencé à aménager. Commencé, seulement. Que ce soit dans cette pièce ou la cuisine américaine attenante, des piles de cartons, parfois à moitié ouverts, remontaient le long des murs. De toute façon, elle n'avait jamais été très organisée, elle supposait donc que la déco ne devait pas spécialement choquer l'ex-flic. « J'ai un peu manqué de temps pour aménager hein. » déclara-t-elle tout de même en se grattant l'arrière du crâne, échangeant un sourire complice avec les deux hommes de sa vie. Leur fils, lui, était ravi de ce bazar. C'était comme une chasse aux trésors perpétuels quand sa mère lui annonçait qu'il partait à la chasse à la louche ! Le reste de la maison se composait d'une salle de bains et de pas moins de trois chambres. Après lui avoir montré les deux premières - et étonnamment, celle de Sasha était la mieux rangée -, elle ouvrit la dernière. Aussitôt, l'enfant dégringola des bras de son père pour aller sauter entre les monticules de linges, jouets et objets en tous genres. Car, oui, c'était un capharnaüm sans nom. La Hawkes aurait pu avoir le bon goût de rougir. Au lieu de ça, elle prit un air mutin. « A l'origine, je pensais te faire dormir là mais ... J'espère que tu n'as rien contre les canapés. » Taquine. Toujours. « Ou bien, tu devras supporter mes ronflements. » Après tout, il avait le choix. Et quand bien même, n'avaient-ils pas déjà dormi ensemble, en tout bien tout honneur ?

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En serrant son fils dans ses bras, Liam avait l'intime sensation que cette étreinte marquait le début de sa nouvelle vie. De sa nouvelle vie où il pourrait profiter pleinement de sa famille, où il pourrait voir Sasha grandir et évoluer de jour en jour, où il pourrait admirer Charley sans s'en lasser. C'était une sensation indéfinissable, mais tellement réconfortante. Sasha lui-même avait compris que quelque chose avait changé. Il n'hésitait pas à lui montrer tous ses faits et gestes, sous l'oeil attendri d'un Liam qui comprenait vraiment ce qu'était le rôle de père. Il comprenait pourquoi Charley avait tant changé, pourquoi la tornade était devenue une lionne protégeant son lionceau. Sasha était une boule d'énergie, un rayon de soleil qui avait atteint Liam avant même qu'il ne soit capable de le voir. Il était solaire, comme sa mère. D'ailleurs, le regard de Liam se perdit quelques secondes sur la blonde. On pouvait même dire qu'il la dévorait du regard, sans s'en cacher. Entre eux, c'était électrique, chimique. S'ils ne pouvaient mettre des mots sur cela, leurs corps, eux, savaient très bien faire passer le message. Ce décalage se perçut de nouveau entre leurs paroles et leurs gestes. Enlacés, ils débattaient sur les cupcakes de la jeune femme. Ils étaient fidèles à eux-mêmes, tout simplement. "Prendre des risques ne me fait pas peur..." souffla-t-il doucement. Parlait-il de ces cupcakes ou tentait-il de lui faire passer un autre message ? Liam n'avait pas oublié les mots de Charley sur son lit d'hôpital et il voulait le démontrer. Sasha revint à ce moment-là, se faisant une joie de lui montrer ses premières vraies baskets de petit garçon. Les deux ex-partenaires se détachèrent l'un de l'autre. Liam observa Charley du coin de l'oeil, percevant une gêne de la part de celle-ci. Il la connaissait par coeur, là était le problème pour Charley. A force de la côtoyer, Liam savait quand elle était triste, mal-à-l'aise ou en colère - ou était-ce parce qu'il était souvent le principal destinataire des émotions de la blonde - mais aujourd'hui, il ne savait pas comment prendre cela. Peut-être regrettait-elle ses paroles ? Cette pensée, qu'il préféra chasser de son esprit, lui laissa tout de même un goût amer. Il fallait qu'ils mettent les choses à plat, évidemment...

Un sourire vint se dessiner sur ses lèvres alors qu'elle évoqua l'accueil façon Hawkes, mais ce furent ses paroles suivantes qui touchèrent Liam. Il acquiesça d'un signe de la tête. Bien sûr qu'il aurait fait la même chose pour elle, ce n'était même pas la peine d'en douter. "Indissociables, comme toujours." répondit-il dans un murmure, alors qu'il serra sa main. Le retour de Sasha conclut cette conversation et amena en douceur une visite guidée de la maison. Liam joignit son rire à celui de son fils, alors qu'ils emboitèrent le pas de Charley. Le salon, lumineux, offrait une vue à couper le souffle. Liam s'arrêta d'ailleurs un instant, observant l'immensité de l'océan qui s'offrait à son regard. Un paysage qu'il retrouvait avec tant de joie, lui, l'australien qui avait aimé chaque journée passée dans cette ville. Ils continuèrent la visite, se baladant entre les cartons qui traînaient encore ici et là. L'excuse de Charley - accompagnée d'un sourire complice - fit rire Liam. "ça me rappelle ton bureau au commissariat. Je crois d'ailleurs que tu me sortais la même excuse." rétorqua-t-il avec le même sourire complice. Enfin, dans le cas présent, il savait qu'il était en quelque sorte fautif. Charley passait ses journées avec lui à l'hôpital. Raison pour laquelle il s'adressa à Sasha. "On aidera maman à tout déballer, d'accord ?" Le petit garçon hocha la tête, avec un grand sourire joyeux. Liam reposa son regard sur Charley et reprit, toujours avec ce sourire qui ne quittait plus ses lèvres : "Voilà, tu as deux hommes à ta disposition, Chef." Liam était un homme qui participait vivement au partage des tâches. A l'époque où il vivait avec Tara, il aimait aider sa petite amie, plutôt que de passer sa vie dans son fauteuil, avec une bière à la main. La visite se continua avec la salle de bains, les chambres de Charley et Sasha. La troisième chambre, quant à elle, ressemblait davantage à un garde-meubles qu'à une chambre. C'était visiblement la chambre qui lui était destinée à l'origine. Charley taquina Liam sur le fait qu'il allait dormir sur le canapé, ce qui en soit ne le dérangeait pas plus que cela. Mais elle lui fit ensuite une proposition plus intéressante. "C'est une invitation ?" répondit-il, taquin à son tour. Il fit mine de réfléchir un instant, reprenant avec un ton sérieux qui n'était pas crédible : "Je n'ai rien contre les canapés, je pense même qu'ils sont très confortables." Il se tut un instant, faisant croire qu'il optait pour l'option canapé. Et pourtant...  "Mais je dois avouer que tes ronflements restent l'option la plus agréable. Je pourrais toujours siffler ou te réveiller, vers deux heures du matin, en disant que tu ronfles." Il gardait son regard ancré sur elle, ses lèvres s'étirant davantage. "J'essayerai de ne pas prendre trop de place, mais je ne promets rien. Je suis du genre collant." ajouta-t-il, avec un ton malicieux. En tout bien, tout honneur, disaient-ils.

"C'est une invitation ?" A cette question que la blonde soupçonnait être pure rhétorique, elle éclata d'un large rire des plus sincères. Sans toutefois lui donner la satisfaction d'une réponse, puisqu'il lui semblait, sur l'instant, beaucoup plus drôle de laisser planer le doute quant à leurs intentions. Ou bien -et plus certainement- ne savait-elle simplement pas s'il y en avait une, d'intention. Après tout, elle avait aussi proposé le sofa. Et son lit. Tu as proposé ton lit à Matthews. Une bouffée de panique désormais familière à l'anguille Hawkes, toujours prompte à se défiler lorsqu'il s'agissait de se pencher sur ses ressentis, l'envahit. Malgré tout, elle parvint à maintenir le cap. Les azures de Liam, brillantes et vives, rivées aux siennes, l'y aidait beaucoup. Elle lui renvoya son sourire malin. « Réveiller Charley Hawkes à deux heures du matin, jouer les sangsues ... Et bah, on dirait qu'aucun de nous deux n'a perdu le goût du risque ! Challenge accepted ! » Tout à fait indifférent à ce qui se passait entre ses parents, Sasha réapparut, couvert de moutons de poussière, un petit seau en plastique dans une main et une pelle de la même composition dans l'autre. « M'man ! P'pa ! La plage ! » Charley lui lança une oeillade sévère. « J'ai pas compris. » « Siteuplaîîîît ! » Comment résister à ces yeux de Chat Potté et à cette petite frimousse blonde, je vous le demande ! Elle se tourna vers son compagnon, lequel s'avéra aussi vaincu qu'elle. « Allez, on va mettre le maillot et emporter les gâteaux que maman a fait pour papa ! Les mouettes les mangeront bien, s'ils sont aussi infects qu'ils en ont l'air ! » « OUIIIIIIIII ! » La petite fusée décollait déjà vers sa chambre, presque ventre à terre. Et dire que la journée ne faisait que commencer ...

Ils n'avaient pas eu à aller bien loin, la plage en question se trouvant juste en face de la maison. Sous l'amène soleil de Bowen, ni caniculaire ni timide, juste ce qu'il fallait, l'ex-flic passa alors l'une des après-midi les plus douces de sa courte existence. Le sable tremblait sous leurs courses effrénées jusqu'à l'eau, se sculptait sous les doigts du petit garçon et de ses châteaux maladroits pour lesquels il inventait maintes histoires et mettait les deux adultes à contribution. L'eau, quant à elle, accueillait leurs batailles et leurs plongeons. Et quand Charley se trouvait seule sur sa serviette, lunettes de soleil au bout du nez, les rayons se reflétant sur sa silhouette restée sportive malgré sa grossesse, elle ne pouvait détacher les yeux du père et du fils jouant ensemble un peu plus loin. Elle ne se rappelait pas la dernière fois qu'elle avait été aussi détendue. Aussi sereine. Ce parfait portrait de famille, auquel elle n'avait pourtant jamais aspiré, lui apparaissait soudain pourtant comme un accomplissement. Liam voyait. Il voyait et pouvait désormais accompagner Sasha dans toutes ces activités. Il pouvait être le père complet qu'il avait cru être incapable de devenir, à cause de ce sens manquant. Si la jeune femme, elle, n'avait jamais douté de ses capacités, elle ne pouvait que se sentir heureuse pour lui. Pour eux trois.

Sasha fut difficile à sortir de l'eau. Heureusement, c'était loin d'être un enfant capricieux, aussi ne se fit-il pas prier longtemps. Certainement grâce à la promesse du dîner qui les attendait une fois rentrés - un vrai ventre sur pattes. La Hawkes fit réchauffer le gratin de pommes de terre et courgettes préparé dans la matinée tandis que Matthews s'occupait d'accompagner le blondinet dans la salle de bain afin de le débarrasser de sa couche sablonneuse. Le repas fut à l'image du reste de la journée : très animé, Sasha ne pouvant résister à faire le pitre dans son pyjama Batman et sa mère, de lui répondre par les mêmes singeries. Pas un pour rattraper l'autre ! Aussi ne fut-elle pas surprise qu'à peine le dessert - le reste des infâmes cupcakes que les deux hommes de sa vie avaient fait mine d'apprécier - terminé, le garçon ne tombe telle une souche sur le canapé. A nouveau, elle laissa son ancien binôme se charger de le coucher. Il était à la fois étrange et agréablement nouveau de se voir ainsi déchargée de certaines tâches parentales. Le pire était sans doute qu'elle risquait de s'y habituer, à ce rythme-là ...

« La récompense des parents ! » scanda-t-elle avec bonne humeur quand il revint, une bouteille de Bordeaux débouchée dans une main, deux verres dans l'autre. Ils étaient installés sur la terrasse, toujours face à cette vue splendide. La nuit avait supplanté le jour, offrant une atmosphère intimiste avec pour seul bruit, la rumeur des vagues en fond. « Pas trop fatigué, papa Matthews ? » interrogea-t-elle, un brin malicieuse, tandis qu'elle les servait. Sasha réclamait beaucoup d'attention. D'ordinaire, il s'occupait plutôt bien tout seul, mais dans la mesure où il retrouvait son père, il s'était montré particulièrement actif. L'alcool carmin ondulant entre ses doigts, elle s'adossa à sa chaise sans quitter le blond des yeux. Maintenant qu'ils étaient seuls, ils pouvaient enfin parler sérieusement. « Alors, dis-moi tout, tu as réfléchi à la suite ? Des projets en tête ? » L'avenir devait lui paraître bien moins terne maintenant qu'il était débarrassé de son handicap. Elle était réellement curieuse de savoir ce qu'il envisageait.

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Les sourires malicieux effaçaient d'un revers de la main la gêne qu'il y aurait pu avoir face à une telle invitation. Certes, ce n'était pas la première fois qu'il partageait le lit de Charley, mais sur l'une des dernières fois - si on oubliait le lendemain du séisme à Bowen - les deux ex-partenaires avaient tout de même trouvé le moyen de faire un enfant. Alors, la meilleure solution était de tourner la situation en dérision, même si le simple fait de partager son lit et son quotidien avec Charley éveillait quelques sentiments chez Liam qu'il voulait réprimer. Il sourit face à ses paroles et ce challenge accepted qui, finalement, ne voulait rien dire parce que c'était plus Liam qui prenait le risque de se faire jeter du lit en jouant la sangsue. Sasha revint à cet instant, avant que les deux compères ne continuent à partir dans ces délires qui leur appartenaient si bien. Un seau à la main, le garçonnet supplia ses parents de le mener à la plage. Liam posa son regard sur Charley et haussa les épaules, en signe d'abandon. Le regard innocent de Sasha les avait bien eu !

Cet après-midi fut un véritable échappatoire. En compagnie de Charley et Sasha, Liam oublia les dernières semaines à l'hôpital et tous les soucis qui en découlaient. Malgré sa convalescence, les deux Hawkes lui donnaient l'énergie nécessaire pour assurer cette virée à la plage. Ils étaient son carburant. Château de sable, baignades, rires et plaisanteries furent au programme. Pour la première fois depuis longtemps, Liam se sentait complet. Enfin, il se sentait capable d'être père. Et quand il posait ses yeux sur Charley, il avait l'intime sensation d'avoir trouvé sa famille. Encore mieux : il avait envie d'être plus. Il n'avait plus l'envie d'être l'ancien binôme, l'ancien boss, celui avec qui elle avait fait un enfant, le temps d'un soir où ils s'étaient mutuellement perdus dans les bras de l'un et l'autre. Il avait envie d'être celui sur qui elle pouvait se reposer, confier ses problèmes, se décharger de quelques tâches parentales. C'était à croire qu'il ouvrait enfin les yeux sur cette relation si singulière où chacun avait gardé ses œillères pour se protéger, alors qu'ils fonctionnaient tellement mieux à deux. Alors que l'après-midi touchait à sa fin, la petite famille reprit la direction de la maison. Liam s'occupa de Sasha. Cet instant père-fils réjouit l'ex-policier qui découvrait ces nouvelles tâches, cette difficulté à laver la tête du petit blond qui, visiblement, n'aimait pas trop l'eau sur la tête. Mais dans la joie et les rires, ils parvinrent à leur but. Sasha était tout propre et en pyjama. Après le dîner, ce fut de nouveau Liam qui se proposa pour coucher leur fils. Après un bisou à maman, il l'entraîna jusqu'à la chambre, où il l'installa dans le lit. S'asseyant à ses côtés, Liam resta une bonne quinzaine de minutes, à raconter une histoire, un vieux conte qu'il avait en tête. Mais il n'arriva pas à la fin, coupé par le ronflement de Sasha. Il déposa un tendre baiser sur son front et sortit de la chambre, sur la pointe des pieds. C'était décidément bon d'être un papa d'enfer.

Il rejoignit Charley sur la terrasse, qui l'attendait avec une bouteille de vin. "ça tombe à point nommé !" Même s'il était en pleine découverte de ces tâches parentales, Liam comprenait aussi l'instant où les parents se laissaient aller, une fois que les enfants étaient couchés. Il hocha la tête à la question de la belle blonde, laissant échapper un rire : "Je ne savais pas que c'était si fatigant ! Faire attention à ce qu'il ne tombe pas, à ce qu'il ne se fasse pas mal, à ce qu'il ne mange pas n'importe quoi, sans compter les chateaux de sables à refaire parce que ce n'était pas comme il l'imaginait... un gamin, ça épuise." Son sourire ne quittait pas ses lèvres, alors qu'il ajouta : "Mais c'est de la bonne fatigue. Cet enfant est génial et je ne dis pas ça parce que c'est le nôtre, hein !" Il tenait à ajouter cela, histoire de montrer qu'il ne se plaignait pas de cette fatigue. Au contraire, l'air ravi qu'il affichait le démontrait à merveille. Liam posa son regard sur la vue qui s'offrait à eux alors qu'il but une gorgée de son vin. Vint alors la question fatidique. Et maintenant ? Le jeune homme reposa son regard sur Charley, laissant le silence s'installer quelques secondes. Il s'était posé plusieurs fois cette question et diverses éventualités s'étaient présentées à lui. Mais maintenant, tout avait changé. "Tu m'aurais demandé ça, il y a deux ans, je t'aurais répondu que quitter Bowen serait ma priorité. Mais maintenant, ce n'est plus vraiment d'actualité. Je crois que j'ai envie de me poser. Pour de bon." Il se tut encore un instant avant de reprendre une gorgée de son vin. "J'aimerai reconnaître Sasha. Être son père aux yeux de tous, de manière officielle... si tu ne vois pas d'objection." Et avant de tomber dans toutes ces paperasses et ce que cela engendrait, il reprit : "Que ce soit clair, je ne veux pas t'enlever le petit et instaurer des règles comme tous ces couples divorcés, à coup de garde alternée ou je-ne-sais-quoi. Ce que je veux dire par là, c'est que j'ai envie de t'accompagner au quotidien, de rattraper ces années où j'aurai dû être à tes côtés. Je veux être là... tous les jours" Il parlait plus vite, comme s'il ne voulait pas lui laisser le temps de répliquer. Et aussi parce qu'il était un poil plus nerveux. "Je fais évidemment allusion à ce que tu as dit quand je me suis réveillé à l'hôpital." Le fameux je t'aime. Sur le coup, Liam n'avait pas répliqué parce qu'il était dans le coaltar complet, mais il n'avait pas oublié. C'était ancré dans sa tête. Ses prunelles étaient rivées sur la blonde, avec insistance, assurance et émotion. Liam était on-ne-peut-plus sûr de lui. Toujours installé sur sa chaise, il se pencha de façon à se rapprocher d'elle. La voix chaude et suave, il questionna : "Tu regrettes ces paroles ?" Une question, une simple question. Quatre mots qui pouvaient aboutir à tant de choses. Les cartes étaient dans leurs mains, à présent. A eux de voir s'ils étaient prêts à faire tapis ou non.

A son affirmation selon laquelle Liam avait désormais envie de rester à Bowen, la blonde ressentit un certain soulagement. Car sans se l'avouer, elle avait craint qu'à peine la vue retrouvée, sa seule obsession fut de repartir faire le tour du monde, comme deux ans auparavant. Cette peur n'avait rien de rationnelle, dans la mesure où il était bien trop attaché à son fils pour l'abandonner mais ... Il n'empêchait qu'il était déjà parti. En théorie, rien ne l'empêchait de recommencer. Et cette perspective l'avait angoissé plus qu'elle ne s'était laissée aller à y penser.

En réalité, Charley n'avait pas pensé à grand-chose, ces dernières semaines. Enchaîner les services sans étrangler ce pauvre Strauss, s'assurer que Sasha serait à l'heure à la crèche et n'avait pas oublié son goûter, confondre un autre malheureux en ménage en plein adultère, vérifier que chaque facture avait bien été payée, se rendre à l'hôpital quotidiennement auprès de Matthews, déballer un carton au pif à la recherche d'une culotte propre ... Elle s'était abîmée dans son emploi du temps surchargé, s'empêchant ainsi toute introspection plus profonde que sans déconner, j'avais pas racheté cinq bouteilles de lait la semaine dernière ?. Et ça lui allait très bien. Pourquoi changer une équipe qui avait remporté tant de victoires ces trente dernières années ? La fuite en avant lui seyait plutôt bien.

Voilà pourquoi elle fut surprise du sérieux dont fit preuve son ex-binôme alors qu'il reprenait ses explications. Elle s'attendait à ce qu'il parle d'avenir professionnel, de ce qu'il pourrait entreprendre maintenant que son cinquième sens lui était revenu. Reconnaître Sasha ? Elle cligna des yeux, hébétée. Pour elle, Liam était son père et elle n'avait pas besoin d'un certificat de naissance à jour pour le prouver. Entre autres, parce qu'au vu de leur ressemblance, ça se voyait un peu comme le nez de la figure. Elle ouvrit la bouche, prête à répliquer, toutefois, le jeune homme n'en avait pas fini, coupant toute tentative par un discours enflammé que, là encore, elle n'avait pas anticipé. Je veux être là ... tous les jours. Oh. Bordel. Elle sentit ses doigts se crisper autour de son verre, son esprit entraîné au même rythme infernal - et nerveux - des mots de son compagnon. "Je fais évidemment allusion à ce que tu as dit quand je me suis réveillé à l'hôpital." Quoi ? Qu'est-ce qu'elle avait encore raconté comme conneries ? Les souvenirs se précipitaient, refusant de s'arrêter sur ce qu'elle avait déjà, bien évidemment, saisi. N'y avait-elle pas justement repensé quelques heures plus tôt, alors que leurs prunelles se trouvaient et que leurs corps s'effleuraient ? Il aurait été très tentant de profiter d'un bref instant de répit pour annihiler tout rapprochement, là, de suite. Si elle voulait, elle pouvait tout à fait arguer qu'elle avait sur-réagi sous le coup de l'émotion. Ou que oui, elle l'aimait. En tant qu'ami et co-parent. Ça paraissait pas mal, tout ça. Et ça semblait surtout tellement, tellement plus simple.

Sauf que la Hawkes commençait à en avoir marre, en réalité. Ce jeu du chat et de la souris, du suis-moi, je te fuis, on s'engueule mais on se retrouve à chaque fois, et ça fait douze ans que ça dure, oui, elle en avait raz-le-pompon. Son souffle si près d'elle, son corps qu'elle sentait s'embraser par la promiscuité qu'il avait créé à dessein lui rappelait chaque moment de frustration quand elle s'empressait de se détourner de lui à chacune de ses tentatives. Charley Hawkes en avait assez d'avoir peur. Surtout alors qu'elle ne s'était jamais sentie autant en sécurité que depuis qu'il était à ses côtés. Alors, non, elle ne regrettait rien et Liam pouvait le deviner rien qu'à l’œillade brûlante qu'elle lui lança. « Et toi, Matthews ? Quand est-ce que tu vas me le dire à ton tour ? » Elle se moquait bien d'avoir l'air présomptueuse avec sa question. Elle savait. Elle sentait. A dire vrai, elle l'avait réalisé depuis longtemps. « Tu peux signer tous les foutus papiers que tu veux et emménager définitivement demain. Sasha est ton fils. Cette maison, c'est aussi la tienne. Ça a toujours été toi et moi. Toi, moi et Sasha. Alors dis-le moi, si vraiment tu veux tout ça. » Sans s'en rendre compte, elle s'était avancée à son tour. Leurs lèvres se touchaient presque. Elle ne reculerait pas. Elle ne reculerait plus. Elle avait jeté toutes ses cartes sur la table, dévoilé tout son jeu. Mais lui, pourrait-il suivre ?

Charliam - All my senses come to life

Depuis son réveil, c'était la première fois que Liam était mis devant le fait accompli. A toute étape de la vie, l'avenir restait particulièrement indomptable. En dépit des projets souhaités, il pouvait reprendre le contrôle, pour le meilleur comme pour le pire. Aujourd'hui, Liam aurait pu rester sur des projets basiques : parler de son avenir professionnel, évoquer le fait de prendre un appartement, voyager un peu pour voir du monde. Mais il avait préféré parler famille. Son désir de reconnaître Sasha était important. Charley voulait sûrement répliquer à cela, peut-être pour lui dire que ce n'était pas la peine, mais il ne lui en laissa pas le temps. Il lui expliquerait, cependant, ses raisons. Ce n'était peut-être qu'un bout de papier, mais un bout de papier qui réparerait son erreur, cette absence de deux ans qui était retranscrite sur le certificat de naissance, au travers d'un nom de père non annoncé. C'était peut-être futile, mais il voulait être le père de Sasha Hawkes aux yeux de la loi. Il voulait qu'il porte son nom et expliquer lui-même son absence quand son fils sera en âge de comprendre. C'était bien une chose qui n'avait jamais changé chez Liam. Il assumait ses responsabilités. Cela avait toujours été comme ça, même si parfois il passait pour le lourd de service, le coincé qui n'était pas trop fun. Au moins, il était droit dans ses bottes et personne ne voulait le nier. Seulement, cette envie de reconnaître Sasha permit d'amorcer un autre sujet. Eux deux. Charley et Liam. Le jeune homme alla droit au but en lui rappelant les paroles qu'elle avait eues à l'hôpital. Avec Charley, il s'attendait à tout. Il s'attendait à ce qu'elle fuit de nouveau, qu'elle le rejette alors qu'il faisait de nouveau un pas vers elle. Des deux, Liam avait toujours été celui qui avait été le plus prêt à vivre une relation. Il n'avait pas peur d'être en couple. Mais il savait que ce n'était pas le cas pour Charley. Alors que lui s'était affiché avec Tara, lors des repas entre collègues, il avait vu plusieurs hommes au bras de Charley. Des hommes qu'elle avait vite éconduits, sûrement parce qu'ils n'étaient pas à la hauteur ou parce qu'elle estimait qu'ils étaient trop bien pour elle. Voilà pourquoi Liam prenait énormément de pincettes avec elle. Il avait peur de la brusquer, alors qu'au fond, l'un comme l'autre savaient qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Mais ce soir, la question était on-ne-peut-plus-directe, peut-être parce que Liam finissait par être impatient. Il était temps de passer à l'étape supérieure... ou tout laisser tomber.

Alors qu'il s'attendait à une question détournée, il comprit au regard de Charley qu'elle ne regrettait pas ses paroles. Un sourire se dessina sur les lèvres de Liam, en entendant les paroles de cette blonde qui le rendait fou. Cette question ne trahissait pas un quelconque doute. Elle savait qu'il l'aimait. Il avait réussi à exprimer ses sentiments sans brûler les étapes. "Tu veux vraiment l'entendre ?" Il s'amusait de cette assurance qui se dégageait d'elle, parce que c'était comme ça que ça marchait entre eux. En se moquant, en étant malicieux et légers l'un envers l'autre, ils abordaient du mieux qu'ils le pouvaient tous les sujets sensibles. Seulement, Charley marqua un grand coup. Elle lâcha les paroles qu'il voulait entendre. Il pouvait tout avoir, s'il le voulait. Il pouvait avoir la famille dont il rêvait au plus profond de lui-même. Il pouvait avoir la femme qui hantait ses pensées. Alors qu'elle s'était rapprochée, réduisant la distance entre eux, toute la nervosité de Liam s'était dissipée. Il pouvait sentir son souffle sur ses lèvres. Des lèvres qui vinrent frôler celles de Charley, avec une pointe de provocation. "Je crois que je serais bien bête de refuser tout ça. Toi, moi, Sasha... c'est tout ce que je veux." Sa main vint se poser sur la joue de Charley avant de se glisser jusqu'à sa nuque, ses doigts s'enroulant dans ses cheveux. Sans un mot de plus, il rompit le peu de distance qu'il restait entre eux et l'embrassa. Ce baiser, tout en douceur de prime abord, devint très vite plus fougueux alors qu'il passa ses bras autour de sa taille afin de l'étreindre. C'était des années et des années de sentiments réprimés qui s'échappaient enfin. C'était cette électricité et cette alchimie qui agissaient pour eux. Charley et Liam, c'était à la fois physique, psychique, moral. C'était le cocktail parfait. Celui qui lui donnait envie de la garder auprès de lui le plus longtemps possible. Alors, dans cette optique et tout contre ses lèvres, il murmura : "Je t'aime, Charley..." Elle avait enfin la réponse à cette question posée précédemment, avec un ton qui l'avait fait craquer.

Les relations sérieuses n'avaient jamais été le fort de notre furie blonde. Lorenzo ne comptait pas, dans la mesure où elle lui avait seulement servi de couverture à son homosexualité. Alors oui, il y avait eu Elijah. Durant plusieurs mois, elle s'était laissée aller à croire qu'il pourrait être un bon compagnon, un bon père de substitution ... Elle s'était faite avoir par la pression sociale, elle qui s'était jurée de ne jamais succomber à cette stupidité. Et puis, Liam était revenu dans sa vie. Il s'était fait une place dans celle de Sasha, aussi. Évidemment. Son instinct ne l'avait pas trompé quand elle avait appris qu'elle était enceinte et avait choisi de garder l'enfant, parce qu'elle savait parfaitement qui en était le géniteur. En réalité, elle n'aurait pu imaginer un autre père pour ce bébé, même si elle l'avait laissé longtemps, bien trop, à l'écart.

Liam, elle l'avait connu à dix-huit ans. Elle était encore une enfant, une jeune aspirante policière, encore plus fougueuse qu'aujourd'hui. Bien qu'ils se supportaient assez mal, l'un comme l'autre avait secrètement été ravi que la hiérarchie leur impose de travailler en duo. Ils se complétaient si bien ! Toutefois, il avait fallu attendre leur accident de voiture - qu'elle avait provoqué - pour que leur relation dépasse le stade professionnel. Petit à petit, ils s'étaient apprivoisés. Sauf que Charley n'avait pas suffi à l'aveugle qu'il était devenu. Elle aurait pu lui en vouloir, rancunière qu'elle était, comme lui aurait pu lui reprocher ad vitam aeternam de lui avoir caché l'existence de son fils. Mais c'était passé. A mesure que le temps s'égrainait, ils se cherchaient, se trouvaient, s'éloignaient à nouveau. Se disputer pour mieux se réconcilier. Ainsi allait leur fonctionnement.

Ils n'avaient rien perdu, finalement. Chacun avait simplement besoin de mener son existence de son côté, de grandir, de se réparer, avant d'être prêt pour l'autre. Et tandis que leurs lèvres se rencontraient enfin, la Hawkes sut qu'elle l'était. Totalement et irrémédiablement.

Trois mots, huit petites lettres qui lui firent l'effet d'une explosion dans sa poitrine, comme si elle les avait attendu depuis toujours. A peine les eut-il prononcés qu'un sourire éclaira son visage rougit par un désir qu'elle ne cherchait même pas à contenir. « C'est pas trop tôt. » ne put-elle s'empêcher d'ironiser, fidèle à elle-même et à leur mode de communication. Elle l'embrassa à son tour, fiévreuse, tout son corps réclamant Liam alors que ses bras s'enroulaient autour de sa nuque, ses doigts caressant ses cheveux blonds. Quand, quelques instants plus tard, elle daigna rompre l'échange, ce fut pour murmurer, le souffle court et la voix hachée : « Je sais pas toi mais ... J'ai vraiment très envie d'aller me coucher. Là, maintenant. » Peut-être qu'elle s'emballait un peu trop. Peut-être que cela allait trop vite. Pourtant, elle brûlait de l'entraîner dans une danse qu'ils n'avaient partagé qu'une fois mais qu'elle rêvait de vivre à nouveau. S'il était d'accord, bien sûr.  

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Douze ans. Douze longues années pour se rendre à l'évidence que Liam avait la femme de sa vie sous ses yeux. Il avait fallu qu'ils passent par tous les stades possibles pour comprendre que leur relation ne relevait pas de la simple amitié ou d'une complémentarité indéfectible à l'échelle professionnelle. Sasha avait été le lien, le fruit d'un amour dont ils n'avaient pas connaissance à l'époque. Mais Liam ne regrettait pas d'avoir pris son temps. ça devait se passer de cette manière, voilà tout, sûrement parce qu'il n'était pas stable précédemment, qu'il ne lui aurait apporté que des soucis. Tout était différent aujourd'hui, il se sentait prêt à aimer la furie Hawkes, à la protéger - encore plus qu'il ne le faisait déjà - à la soutenir en cas de besoin, à la rassurer quand il le fallait et même la recadrer quand cela serait nécessaire. Et il attendait la même chose de sa part. Parce qu'elle était son unique partenaire, sur tous les plans possibles. 

Ce fut avec un naturel déconcertant qu'il lâcha ces trois petits mots, si lourds de sens. Liam n'était pas dans l'effusion de ses sentiments, même s'il n'avait jamais eu peur de les dévoiler. Il le faisait à juste dose, au bon moment pour que ces paroles gardent justement ce sens si particulier, si agréable à entendre. Mais pas niaise pour deux sous - et fort heureusement, merci ! - Charley fit du grand Charley, en sous-entendant subtilement qu'il était temps qu'il le dise. "Tout vient à point à qui sait attendre, ma chère." avait-il répondu, ses lèvres contre les siennes, sur le même ton malicieux. "C'était bon de te faire languir." Ce n'était pas parce qu'ils étaient en pleine déclaration d'amour qu'ils allaient devenir des personnages de série B, mielleux et dégoulinants de sentiments. Liam ne se gênerait pas de la taquiner encore et encore. 

Seulement, l'instant était bien trop sérieux pour glisser d'autres taquineries. Liam reçut à son tour un baiser des plus langoureux, qui valait mieux que n'importe quel discours ou paroles futiles. Une nouvelle fois, leurs corps parlaient pour eux, se perdant dans un désir bien trop intense pour être contenu. Cette soirée, c'était comme les montagnes russes. La montée était toujours lente, à l'image de cet amour pour lequel ils avaient mis tant d'années pour se le révéler. Et puis il y avait cette descente, qui vous prenait aux tripes, où tout s'enchaînait vite. Très vite. La voix de Charley, enivrante, le poussa à se détacher d'elle, ses yeux verts brillants d'appétit pour cette blonde. Un sourire en coin, dévoilant ses fossettes, apparut de manière taquine sur ses lèvres. " Je crois aussi que j'ai très envie de me coucher." En effet, peut-être qu'ils s'emballaient trop. Qu'il valait mieux attendre. Etre raisonnable. Mais Charley et Liam étaient-ils connus pour être raisonnables ? Bien sûr que non. Ils agissaient tel qu'ils l'envisageaient, parfois au-delà de la raison, peu importe si cela se faisait ou non. 

Les doigts entrelacés, les deux ex-partenaires rejoignirent la chambre de la blonde, sans un mot, sans un bruit qui risquerait de réveiller Sasha. C'était leur soirée, celle qui leur appartenait jusqu'au petit matin. La porte refermée derrière eux, Liam alluma simplement la petite lampe sur le chevet. La douce lumière offrit une atmosphère tamisée à la pièce et un teint hâlé à Charley qui la rendait encore plus attirante. En un pas, il la rejoignit et l'attira tout contre lui. Le regard brûlant, il retrouva ses lèvres qui l'obsédaient pour un nouveau baiser tout en passion. Ses mains s'autorisèrent à glisser sous son haut, ses doigts sur ses hanches, sur son dos, entraînant avec eux le tissu qui semblait visiblement de trop. Lâchant ses lèvres et reculant son visage du sien, le regard de Liam sonda celui de Charley alors qu'il retirait la première couche. C'était comme s'il vérifiait qu'elle était toujours d'accord. Intimidé, ce cher Liam ? Probablement oui. Il était comme ça avec les femmes qu'il respectait. Il glissa ses lèvres dans son cou qu'il parsema de baisers jusqu'à remonter à son oreille où il susurra : "Tu sais que l'on ne fait absolument rien dans l'ordre ?" Sursaut de conscience ? Non, puisque avec toute la douceur possible, Liam entraîna Charley jusqu'à ce lit. Ce lit où il reprit la découverte de ce corps, avec un regard qui en disait long, qui savait apprécier chacune de ses courbes qu'elle lui dévoilait. Un regard qu'il n'avait pas la dernière fois et qui changeait la donne.

Dans ses relations avec les hommes, Charley était normalement plutôt du genre passionnée. Généralement, un baiser langoureux suffisait pour qu'elle intime le silence à son partenaire, le temps des discours lui semblant révolu. Comme si une parole risquait de lui faire changer d'avis. Car des hommes, il y en avait eu quelques-uns. Quelques heures, quelques semaines, quelques mois ... En somme, dans ses liaisons, tout se mesurait en « quelques », en ordre approximatif et rapidement oublié. Dans ce domaine et excepté l'interlude hasardeux d'Elijah, la maternité ne l'avait pas changé - son seul souci avait été de préserver Sasha de ses conquêtes présentant peu d'intérêts. Il n'aurait plus manqué qu'elle déséquilibre le pauvre enfant qui n'avait rien demandé.

Il était donc naturel que Matthews vienne perturber ce fonctionnement si bien ancré. Contre ses lèvres, elle souriait et répliquait, se perdant autant dans son souffle que dans ses traits d'humour. Elle ne pressa pas non plus le pas malgré l'ardeur de son désir, quand il s'agit de rejoindre la chambre à pas de loups. Tout juste poussa-t-elle le vice à planter un index sur sa bouche afin qu'ils ne réveillent pas leur fils. Et une fois à l'abri de la chambre, elle se surprit à attendre que le blond revienne vers elle ; elle se laissa observer, ses mèches désordonnées retombant devant son visage embrasé. Elle avait envie qu'il la regarde, qu'il la voit. La dernière fois, il n'avait évidemment pas pu et elle réalisait que cette œillade ardente qu'il posait ce soir sur elle, lui avait manqué. De même, tandis qu'il s'emparait à nouveau de sa taille, que ses baisers parsemaient sa peau, que les premiers vêtements tombaient, elle se rappela à quel point cette unique nuit partagée lui avait laissé un souvenir impérissable.  "Tu sais que l'on ne fait absolument rien dans l'ordre ?" Un frisson délicieux lui parcourut l'échine en même temps que le rire qui agita sa poitrine presque découverte. « On a jamais eu pour habitude de faire comme les autres. » répondit-elle sur le même ton. Un enfant avant de tomber amoureux, se montrer possessifs avant de comprendre qu'ils étaient déjà un couple ... Oui, ils faisaient tout à l'envers. Et elle adorait ça.

Le tee-shirt de Liam ne fit pas davantage long feu que le sien. Désormais allongée, la caresse de ses doigts redécouvrait une silhouette qu'il lui semblait avoir toujours connu sans réellement l'avoir apprécié. Ou du moins, pas ainsi qu'elle aurait dû. Sous ses mains, les courbes s'esquissaient différemment, formaient un dessin inédit, lent et appuyé. Cette fois, il n'y avait pas d'urgence. Cette fois, il n'y avait aucune dispute à oublier, pas de désespoir à compenser ou de départ prochain que l'autre devrait subir. En tout cas, elle l'espérait. Profitant qu'il remontait jusqu'à ses lèvres, elle s'empara doucement des joues du blond, plongeant ses yeux dans les siens. « Tu seras encore là demain matin, tu le promets ? » Sa question résonnait d'une anxiété et d'un besoin de réassurance qu'elle ne lui avait jamais communiqué jusqu'ici. Aussi ridicule que cela pouvait paraître pour une femme telle que Charley, si farouchement indépendante, si terriblement attachée à sa liberté, la perspective de le perdre à nouveau, que le schéma se reproduise, l'effrayait soudain. 

Charliam - All my senses come to life

Ce regard qu'elle avait ce soir-là, Liam s'en souviendrait sûrement à jamais. Lui qui était en pleine redécouverte de son cinquième sens ne pouvait rêver d'avoir meilleur tableau. Il en oubliait les douleurs, la fatigue et les questionnements. Charley était le meilleur antidote qu'il ne pouvait espérer. Elle l'avait toujours été, là était la nuance. Sur le plan professionnel, tout d'abord, puis sur le plan personnel, elle était celle qui l'avait toujours relevé quand il trébuchait. Ce soir ne dérogeait pas à cette règle. Inconsciemment, elle éveillait chez lui des sensations qu'il pensait avoir perdu. Bien sûr, il avait eu cette période où il s'était laissé aller dans les bras de nombreuses femmes - il n'avait pas jamais autant charmé qu'en étant aveugle - mais c'était resté purement physique, instinctif, voire même primitif. C'était coucher pour coucher, pour oublier l'espace d'une nuit cette solitude qui l'avait rongé. Mais avec elle, c'était différent. La vision de Charley qui se dénudait peu à peu affolait tous ses sens. Enfin, il se sentait pleinement vivant et chaque regard qu'il avait envers elle le trahissait. Il comprit cependant que c'était ce qu'elle attendait. Ses yeux bleus posés sur lui semblaient apprécier les regards envieux, admiratifs et fascinés qu'il lui adressait. Il n'y avait pas de gêne. Ils étaient passés au-dessus de cette étape parce qu'ils se connaissaient bien. Si bien que leurs actes précédents avaient fini par prendre tout leur sens. Liam venait de le dire : ils ne faisaient rien dans l'ordre. C'était comme si le destin leur avait lancé des signaux qu'ils n'avaient pas réussi à assimiler. Mais la réponse de Charley fit sourire l'ex-policier, qui répondit : "Et c'est comme ça que je nous aime..." C'était peut-être prétentieux, mais oui, ils n'étaient pas comme les autres.

Débarrassés de leurs hauts, les deux partenaires se trouvèrent rapidement sur le lit. Mais avant qu'elle ne s'allonge, il libéra sa poitrine, envoyant valdinguer derrière lui le soutien-gorge qui était lui aussi de trop. Les caresses s'enchaînèrent, dans des gestes à la fois tendres et assurés, tout comme ses lèvres qui parsemèrent le haut de son corps de longs baisers. Mais quand il voulut revenir à ses lèvres, elle le retint, emprisonnant son visage entre ses mains. Plongeant son regard dans le sien, Liam fut à la fois surpris et touché par sa question. Surpris, parce qu'il ne s'attendait pas à une telle question à un tel instant. Parce que cela lui rappelait sa lâcheté d'il y a deux ans, même si depuis, il s'était expliqué sur ses raisons. Et touché, parce que c'était la première fois qu'il voyait Charley éprouver le besoin d'être rassurée. Ce soir, elle se dévoilait dans toute sa splendeur. Elle se mettait à nu, au sens propre comme au sens figuré. Liam l'avait toujours vue comme la femme indépendante, libre et sans attaches. Ce soir, elle n'hésitait pas à lui montrer ses craintes et son anxiété, à lui prouver qu'elle était, elle aussi, vulnérable. A cet instant, il se sentit chanceux d'être celui pour qui elle éprouvait cela. Sans ciller et avec une sincérité indéniable, il murmura : "Je te le promets. Je serai là demain matin, après-demain et tous les jours qui suivront." Tant qu'elle voudra de lui. Il joignit de nouveau ses lèvres aux siennes, son corps pressé contre le sien, pour appuyer ses paroles, pour remplir toute la pièce de sa présence. Pour la rassurer une bonne fois pour toutes.

Le reste de leurs vêtements rejoignit rapidement les autres au sol. Malgré le désir ardent, ils prirent le temps de savourer chaque parcelle de leurs corps, où chaque minute retardant l'échéance rendait l'instant plus unique, plus désirable et attendu. Si attendu... et pourtant, Liam sembla soudainement réfléchir à autre chose, comme s'il était en proie à une certaine illumination. D'un geste, il l'invita à ne pas bouger alors qu'il se laissa tomber à ses côtés. Se penchant sur le bord du lit, il attrapa son sac et commença à fouiller dedans. Cela aurait pu être un vrai tue-l'amour, certes, mais il ne fallait pas oublier pas que Liam était une personne qui avait bien la tête sur les épaules. Alors quand il trouva enfin ce qu'il cherchait, il revint vers sa belle, avec un préservatif en main et un sourire amusé au bout des lèvres. L'instant n'était pas le plus propice pour parler contraception, alors il valait mieux aller vers la facilité. "Sortez couverts, nous disait-on..." répliqua-t-il, un poil désolé d'avoir rompu cet instant si précieux. Mais Liam avait aussi la facilité à réinstaurer une bulle autour d'eux. Tous les baisers et les caresses qu'ils s'offrirent ravivèrent cette flamme. Arriva enfin le moment propice. Les yeux rivés à ceux de Charley, il l'étreignit pour unir leurs corps; pour ne faire qu'un. Et ensemble, ils sombrèrent dans le plus doux des plaisirs, pour de longues minutes suspendus dans le temps...

"Je te le promets. Je serai là demain matin, après-demain et tous les jours qui suivront." La jeune femme sourit contre les lèvres de son compagnon, sentant son angoisse retombée comme elle était venue. Il avait suffi de deux phrases, de quelques mots, pour que Liam parvienne à l'apaiser. Alors que l'étau dans sa poitrine se desserrait, une vague de soulagement aussi chaude que douce parcourut ses veines. Pour toute réplique, son visage s'éclaira d'un nouveau sourire, à la fois tendre et rassuré. Elle réalisait en cet instant qu'elle le voulait depuis longtemps. Lui et tout ce qu'ils pourraient s'offrir l'un l'autre. Naturellement, elle l'avait compris auparavant, sinon, le discours qu'elle lui avait fait un peu plus tôt n'aurait aucun sens. Cependant, elle n'en prenait toute l'ampleur qu'alors que leurs corps étaient sur le point de se redécouvrir et que leurs regards se rencontraient, sans fards ni artifices.

Alors que la blonde plongeait dans les brumes délicieuses du plaisir naissant, Liam s'excusa et s'écarta. Elle se redressa sur les coudes, ses prunelles perplexes cherchant à comprendre ce qu'il fabriquait. Toutefois, elle rit franchement quand il revint s'allonger sur elle, le précieux rempart à une grossesse non désirée entre les doigts. Elle adorait Sasha. Vraiment. Elle aurait donné sa vie pour son fils. Néanmoins, dans le genre bonne surprise, elle se contentait désormais d'une promotion sur la lessive ou d'un happy hour improvisé. Maintenant qu'elle était comblée, elle n'envisageait pas d'avoir un second enfant et encore moins sans l'avoir voulu. « Heureusement que t'es là. » ria-t-elle contre ses lèvres tandis que ses mains retrouvaient les courbes du corps de Matthews. Oui, heureusement, parce que malgré la maturité acquise ces trois dernières années, il y avait encore des moments où elle se montrait aussi insouciante que lors de leur rencontre, douze ans auparavant. Plus d'une décennie. Autant de temps nécessaire à être prêts pour ce qu'ils avaient décidé d'impulser ce soir-là. Et tandis que la fusion entraînaient enfin leurs silhouettes, cadençaient leurs souffles courts et révulsait leur échine de frissons de plaisir, Charley se dit que l'attente en avait réellement valu la peine.