like a good joke -r.

Quelle idée n'avais-tu pas eu là. Aller sur la plage en pleine soirée, prendre une bière sur le chemin et te laisser prendre au jeu d'un groupe de jeunes que tu venais de rencontrer. Ils proposaient de faire un bain de minuit, acceptant ça sans y réfléchir à deux fois. Arrivé près de l'eau, tu te déshabillais doucement laissant tout derrière toi, tu courrais dans l'eau, comme un idiot, un peu ivre aussi. Tu avais bu trop vite, l'alcool était monté rapidement et il n'allait pas tarder à vite redescendre surtout lorsque tu aurais compris ce qui se passait réellement. Tout cela n'avait pour but que te dépouiller et ils avaient réussi leur coup. Ton portefeuille disparaissait dans la nuit en même temps que tes vêtement mais tu n'avais pas encore vu tout ça. Tu avais encore la tête sous l'eau, tout content d'être dans l'eau, de profiter de la fraîcheur parce que tu avais eu un gros coup de chaleur. C'est en sortant la tête de l'eau, quand tu jetais un coup d'oeil et que tu ne voyais plus personne que tu compris. Tu sortais de l'eau en courant pour rejoindre l'endroit où tu avais laissé tes affaires mais il n'y avait rien. Juste du sable, rien que du sable, un ciel sombre, quelques étoiles et un quart de lune. Une sombre nuit qui s'annonçait en douceur. « Et merde ! » Tu pestais contre toi-même, contre le monde entier à vrai dire. Tu étais parfois si idiot, si naïf, tu n'avais pas du tout vu la fin arriver et maintenant tu te retrouvais nu, avec uniquement tes mains pour te cacher et une plage relativement déserte. Le retour chez toi allait être très sympathique, à moins qu'une âme charitable vienne te prêter main forte, ou te photographier pour te montrer partout sur la toile.

Vivre en étant aveugle. Ce n’est pas invivable. En fait les gens me surcouvent depuis qu’ils savent. Bon d’accord, Ciàran me surcouve car comme une mauvaise amie que je suis, je n’ai encore rien dit à CJ ou aux autres. Je savais mon ami en proie à la mélancolie depuis qu’il avait perdu quasiment toutes les femmes de sa vie (du moins la majeure partie des personnes avec qui il aurait pu avoir de potentiels rapports sexuels) donc il n’allait pas bien. Et lui dire que j’étais désormais aveugle pour une durée indéterminée, je ne saurai dire si c’était une bonne idée ou non. Armée de ma canne, de mon téléphone avec une application détecteur de danger, je me promenais dans la nuit. Je savais qu’il faisait nuit car il faisait plus frais. Le contact du sable sur mes pieds faillit me faire perdre l’équilibre mais j’inspirai grandement avant d’avancer en perdant les quelques repères que j’avais. Je ne pouvais pas me référer à ma canne car le sable est malléable et je risquai donc de tomber à l’eau. Des voix attirent mon attention et des gens passent en courant en m’envoyant dans le décor par la même occasion. « Oh bah zut alors ! » Je me redresse pour épousseter mes vêtements, entendant quelqu’un jurer. Je n’arrive pas à distinguer si je connais la voix ou non. J’ai encore du mal à prendre mes repères de chauve-souris. Moi qui pensais que mes talents d’aveugle développeraient mes autres sens comme Daredevil, fuck it. Je m’approche toujours la canne tendant. « Monsieur si ce sont vos affaires que vous cherchez, ils sont partis par… » N’y voyant rien, je suis forcée de m’aligner dans l’axe. « Par là. Il m’a semblé les entendre dire que ça serait une bonne blague à faire. » C’était répandu de faire des bains de minuit et qu’on nous vole nos affaires. Ainsi on se retrouvait à poil sur la plage. Le pauvre garçon !

Une jeune femme prit la parole, elle n'était pas très loin de toi, visiblement, elle avait assisté à toute la scène. Enfin, si on pouvait le dire comme ça parce que la première chose que tu remarquais c'était la canne blanche. Bien significative d'une situation peu enviable. Tu t'approchais doucement, ayant une vague impression de la connaître et tu ne t'étais pas trompé. « Lou Belle ? » demandais-tu doucement, dans la pénombre, un doute pouvait planer mais il était assez infime. Tu étais certain que c'était elle et tu voulais détendre l'atmosphère. « Une chance que tu sois aveugle, au moins tu pourras pas porter plainte pour nudité sur la voix publique ! »  Même si ça ne t'empêchait pas de garder tes deux mains devant ton sexe, elle n'y voyait peut-être rien mais n'importe qui pouvait bien débarquer à n'importe quel moment et ça serait bien ta veine. Tu imaginais surtout ça si jamais un enfant venait à voir la scène, tu espérais qu'ils soient tous au lit à cette heure là, mais il y avait aussi des parents irresponsable.  « Enfin, j'voulais pas dire ça comme ça.. » Tu aurais peut-être dû y penser à deux fois et faire tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de te lancer mais c'était trop tard. Au pire elle n'aura qu'à te donner un coup avec sa canne pour que tu comprennes à quel point c'était méchant. Involontaire, mais blessant quand même. « Qu'est-ce qui s'est passé depuis l'autre jour ? » Parce qu'il n'y avait pas que sa vision qui avait changé, il y avait aussi son ventre, qui semblait bien rebondi. Comme si elle était enceinte. Elle l'était sûrement mais tu ne voulais pas mettre une nouvelle fois les deux pieds dans le plat, tu venais déjà de manqué de tact pour son handicap alors tu n'allais pas le faire une nouvelle fois.

Affalée sur le sol, je maudis ma condition d’aveugle tandis que les mecs se tirent en courant, à moitié mort de rire. Mais oui, rions de l’aveugle qui a la tête dans le sable. « Bande d’imbéciles ! » Après une vague inspection pour m’assurer que Flocon et moi n’avions rien, je me dirige vers une voix masculine… Qui semble me connaitre. Je fronce les sourcils n’arrivant pas à mettre un visage sur ce que j’entends. Visiblement, plus qu’une conquête d’un soir puisque je leur donnai à tous des fausses identités. « La nudité ne m’a jamais gêné, dis-je en affichant un petit sourire narquois. » Alors la canne dans la main et le bras tendu, je m’approche pour effleurer les contours du visage de celui qui semblait se souvenir de moi. « Même si je déplore avec ma condition de ne plus pouvoir admirer de pénis. » Une ampoule s’illumine alors dans ma tête tandis que mon sourire s’agrandit. « Salut Adrian, toujours à poil à ce que je constate ! Tu sais que ce n’est pas pour me déplaire. » Je préfère ne pas relever la gaffe sur ma cécité. Tout le monde me la faisait et j’avais l’habitude. « Bah je suis aveugle comme tu le vois et enceinte par-dessus le marché. » J’avais complètement oublié que ma main était toujours sur son visage, je ne le retire pas. Mes hormones me dictent de la laisser là et je décide de me laisser guider. Le meilleur moyen de résister à la tentation est d’y céder. Wilde était un pur génie ! « Je te rassure tu n’es pas le père. J’étais déjà enceinte lorsqu’on a couché ensembles et bien entendu, j’ai fait un déni de grossesse. Oh mais pardon, mes manières ! » Je frappe mon front du plat de ma main trempée avant de glisser ma canne entre les jambes pour fouiller dans mon sac et en sortir un caleçon –propre- Des fois j’étais moi-même surprise de ce que je trouvais dans mon sac. « Il doit appartenir à mon colocataire mais il t’ira je pense ! » Je lui tends avant de suspendre mon geste. « En échange, tu me laisses toucher ton corps, vu que je ne peux plus t’admirer danser c’est le moins que tu puisses faire pour la jouvencelle en détresse que je suis. » Bien que dans le fond, c’était lui la demoiselle en détresse et j’étais Médor, le clébard qui trouvait toujours des solutions à tout.

Lou-Belle avait peut-être perdue la vue mais pas son sens de l'humour. Tu avais esquissé un léger sourire quant à l'évocation d'un petit souvenir mais ce n'était pas vraiment l'endroit idéal pour être nu. Sauf si on avait après de quoi se rhabiller parce que les bains de minuit, ça se faisait assez souvent à Bowen. Il faisait tellement beau à tout moment de la journée que ça semblait normal. « Oui mais c'est mieux dans un endroit fermé. » ajoutais-tu doucement. Tu aurais été timide, tu serais rouge de honte mais tu ne l'étais pas. Tu n'étais pas très fier de te trouver dans cette position face à elle mais c'était peut-être qu'on appelait l'ironie du sort. « On dirait que la vie ne te gâte pas.. » Tu te pinçais doucement les lèvres. Pour le fait d'être aveugle, tu pouvais très bien comprendre mais la façon dont elle t'annonçait sa grossesse et son déni ne semblait pas très enchanteur pour elle. Tu ressentais presque une pointe de jalousie parce qu'elle ne mesurait pas la chance qu'elle pouvait avoir à côté de toi, qui était condamné à ne jamais avoir d'enfants naturels. Et jamais d'enfants tout court parce que tu ne t'imaginais pas en adopter. « Tu sais bien que je n'aurais pas pu être le père. Labellisé  100% stérile ! » Tu levais le pouce en l'air avec un gros sourire débile sur le visage. Mais elle ne pouvait pas le voir de toute façon. « C'était pas désiré ? Et maintenant, comment tu te sens par rapport à ça ? » demandais-tu doucement, encore un peu dérouté par tout ça. Tu pouvais faire l'idiot par moment, mais tu savais aussi retrouver ton sérieux et prêter l'oreille. Tu n'étais pas de bon conseil, mais tu savais écouter. Ce n'était qu'une bonne chose sur le deux. « Tu te promènes avec un caleçon dans ton sac ? » demandais-tu en rigolant, pas vraiment certain de ce que tu voyais mais de toute évidence c'était bien réel puisque tu attrapais le bout de tissu, l'enfilant aussi vite que tu pouvais avant qu'un enfant ne débarque de nul part. Heureusement qu'à Bowen il faisait bon en toute saison. « Là t'es tellement ma sauveuse, je ne peux rien te refuser ! » Tu t'approchais doucement d'elle, attrapant une de ses mains pour la poser sur ton torse. Elle ne pouvait peut-être pas voir, mais elle pouvait toucher et se rappeler, après tout elle le connaissait déjà.

J’éclate de rire à la remarque de mon ami. Décidément. « Ton étroitesse d’esprit me surprend. Vu ce que j’ai d’imprimé dans la rétine, tu n’as pas à avoir honte de ton corps, même en public ! » Je hausse les épaules à sa remarque. Oui la vie n’a pas été tendre mais après tout, les vaches souffrent avant qu’on n’ait les meilleurs morceaux de steak. Mon bébé sera beau. Et même s’il y a peu de chances que je puisse le voir un jour, je ne doute pas un instant que Flocon sera unique. Comme sa maman. J’avais peu de chances de réussir à procréer vu le fait que je ne mangeai pas mais j’avais ce bébé-ci et je m’efforçai de le bichonner comme je le pouvais. « Si, j’ai ce petit être qui grandit en moi. C’est mon cadeau. » Je réalise que je dois avoir l’air d’une débile profondément niaise ou d’une gamine. Il n’y a pas si longtemps, on m’a prise pour une ado enceinte. Ce qui n’est pas le cas puisque j’ai la majorité mais tout de même. « Bah au moins t’auras pas de pension alimentaire à verser, vois les choses du bon côté. Et puis, il te reste l’adoption. » Je m’approche un peu de lui. Pas de manière franche car je savais que les femmes enceintes pouvaient rebuter certains hommes. « J’ai plus de mal à assumer parce que je suis toute seule. Je n’ai pas encore dit au père de l’enfant, ni à mes amis que j’étais devenue aveugle. J’ai plus de mal à assumer le fait de vivre sans voir un beau corps d’apollon qu’une grossesse. » J’éclate de rire pour éluder le sujet. Ma grossesse. Je m’y suis faite mais pas au noir perpétuel. Au contraire. J’ai toujours préféré le jour à la nuit, les ténèbres me rappelant mes vieux démons. « Si tu savais ce que j’ai dans ce sac tu serais surpris ! » Je lui tends, consciente que je lui sauvais ainsi la mise. Qu’est-ce que les hommes sont pudiques quand ça concerne leur engin. Je ne parlais pas de sexe, pas très à l’aise avec le sujet, mais il s’agissait de quelque chose de naturel. La nudité. N’étions-nous pas tous nus dans le ventre de nos mères ? Je me laisse faire lorsqu’il s’approche et prend ma main. La fraicheur de son corps encore humide m’arrache un frisson. Le bébé semble être calme pour le moment alors je laisse courir ma main sur le corps puissant de l’apollon qui me faisait face. « Attention à ce que tu dis Adrian, je pourrais te prendre au mot tu sais, murmurai-je en esquissant un sourire en coin. »

La voir là, te rendait heureux. Tu n'avais pas pour habitude de revoir les femmes avec lesquelles tu avais passé du bon temps, parce que tu ne voulais pas que l'un de vous deux puissent s'attacher. Tu pensais surtout à la femme dans ce cas là parce que tu n'avais jamais été amoureux, tu n'avais jamais ressenti ce besoin là. Mais avec Lou-Belle, tu avais l'impression que c'était différent, comme si elle était comme toi. « Je n'en ai pas honte mais j'aimerais vraiment que des enfants ne puissent pas me voir comme ça. » ajoutais-tu doucement en rigolant même si c'était quand même vrai. Tu ne voulais pas non plus prendre le risque de croiser des flics parce que tu faire arrêter pour nudité sur la voie publique, ça ne t'enchantait pas non plus. « Ce n'était pas comme si j'avais envie de former une famille. » C'était une idée qui t'avait quitté depuis bien longtemps maintenant. Bien sûr, tu avais pensé à l'adoption, mais pour avoir ça, il faudrait déjà que tu trouves quelqu'un avec qui partager ta vie. Sauf que ce n'était pas vraiment un but dans ta vie. « Je suppose que tu as tes raisons mais tu devrais peut-être leur en parler, ce n'est pas évident comme situation. » Tu faisais une petite moue, pas vraiment satisfait de sa réponse mais c'était sa vie, c'était son choix et si elle ne voulait pas leur en parler, tu ne pouvais pas la forcer à le faire. Tu te dépêchais d'enfiler ce qu'elle t'avait donné avant de t'approcher d'elle doucement pour qu'elle puisse toucher ton torse. « Je t'avoue que je suis curieux maintenant, tu voudrais pas m'en dire plus ? » Tu dessinais un léger sourire sur ton visage, sa main se promenait lentement sur ton corps et tu ressentais des frissons. Tu t'approchais encore un peu plus d'elle, posant un des tes mains dans le bas de son dos et l'autre sur sa joue. « Ce soir, tu le peux. Je suis là pour toi, avec toi et on peut bien profiter de ce moment tous les deux. » Te rapprochant encore un peu plus, tu venais l'embrasser sur la joue. Puis au coin des lèvres, dans la nuque avant d'attendre, la regardant fixement dans les yeux. Tu ne t'étais pas encore fait à l'idée qu'elle ne pouvait plus te voir, qu'elle ne pouvait plus lire ton expression sur ton visage.

C’est toujours un choc de se montrer comme ça devant une ancienne aventure. D’arriver enceinte et aveugle. Encore le « enceinte » pouvait passer parce qu’Adrian étant stérile, il n’en avais sans doute cure mais le « aveugle » … Je redoutais énormément la réaction des gens, moi qui n’en avais que faire auparavant. J’ai toujours été comme lui. Nous étions deux électrons qui ne croyaient pas en amour. Lorsque j’étais adolescente, j’y ai cru. Pendant un quart de seconde et avant qu’on ne me vole mon innocence pour toujours. Je ne tenais pas mon oncle responsable de mes désillusions mais plus mes parents. Et puis, avec la souffrance qu’engendrait l’amour et l’attachement, j’essayai de m’en maintenir le plus loin possible. Ignorant que l’attachement que j’avais pour mes amis australiens se rapprochaient sans doute d’une forme d’amour complexe et redoutable. « Ah oui, c’est vrai. ne va pas choquer les esprits ou te faire insulter de pervers alors que tu as été victime d’un coup du sort. » Je lui souris de celui que j’avais de plus innocent. Dotée d’un visage angélique et d’un air mutin, je pouvais facilement faire moins que mon âge, ou faire moins démoniaque que je ne le suis. « T’auras pas le choix puisque tu feras partie de la mienne que tu le veuilles ou non, clamai-je sur le ton de la rigolade, tous mes amis font partie de ma famille. Ça m’évite de me sentir seule… » Bien que souvent, je m’excluais de manière délibérée. J’avais écarté mes deux amis pour la simple et bonne raison de leur protection. J’ignorai encore comme m’y prendre pour venir à leur en parler. J’avais peur de mal faire. Et Cupidon était si fragile en ce moment. J’avais lu une détresse dans son regard qui m’avait brisé le cœur. Je ne voulais pas lui porter le coup de grâce. Je m’étais promise d’être sa fée, celle qui lui redonnerait le sourire et je me doutais que le même prénom, le même handicap et ma grossesse allaient sans doute le mettre à terre pour de bon. Mon visage se fit plus grave et mon sourire s’effaca peu à peu. Ce dernier passant du visage renfrogné de Ciàran à celui de CJ. « Mes deux amis, le père de mon enfant et celui qui… qui compte énormément pour moi, j’ai peur de leurs réactions. » Je marquai une pause, passant une main dans mes cheveux trop ébouriffés et trop épais. « Et puis Ciàran tuerait sans doute l’homme responsable de l’accident alors que ce n’est pas de sa faute, c’est le destin. Et CJ… » Je tâchai de trouver mes mots, voulant respecter la douleur et le jardin secret de mon ami. Ne pas trop en dire, ne pas trop en faire. « CJ est une belle personne. Il est très sensible et j’ai peur de… enfin, je ne veux pas lui faire du mal. Je pense que je ne le supporterai pas et que ça me tuerait de l’intérieur. » J’avais conscience que je me dévoilai plus que de raisons à Adrian. Je me cachai trop souvent derrière mes blagues, évitant les sujets sérieux mais j’avais conscience d’être une mauvaise personne. De ne pas être assez bien pour mes deux amis. Et bien qu’ils me soutenaient tous les deux de façon bien différente, j’aurai pris la fuite s’il n’y avait pas eu mon handicap et celles récentes de Nevaeh et l’autre fille dans la vie de Cupidon. « Ils se porteront mieux sans moi. » Mal à l’aise, j’entrepris de fouiller dans mon sac pour en sortir à la grande surprise générale, un caleçon. J’appréciai plus les vêtements d’homme que de femme des suites de ma grossesse et de mon involontaire prise de poids. « Bah, j’ai… des munitions si je dois découcher, un téléphone portable, un archet sans le violon qui va avec, un tazer, des tongs même si je ne porte jamais de chaussures et des préservatifs. Même si je n’en ai plus réellement l’utilité puisque maintenant que je suis enceinte, je ne risque plus d’avoir des relations sexuelles. » Le corps d’une femme devenu sacré. J’étais réduite à être un incubateur et une fille fragile. Si j’avais été violente et pour la violence, j’aurai distribué des bourre-pifs mais ayant grandi avec quatre frères, j’arborais ce genre de comportement. La seule chose me mettant hors de moi serait sans doute qu’on s’en prenne à un de mes amis. Ma main se pose sur le corps bien musclé et encore humide d’Adrian. Et tandis que j’en effleure les contours, je me rends compte que la sensation est différente que l’admiration. Le toucher à quelque chose de plus intime, de plus proche. Je sens le jeune homme frissonner sous mes caresses et je remonte peu à peu vers son visage, essayant d’en comprendre les expressions. Sa main glisse dans mon dos et je frémis à mon tour avant de relever la tête. Perplexe, je le laisse faire sa parade amoureuse, ma main se perdant dans ses cheveux. « Tu sais, je disais ça en rigolant, ne te sens pas obligé de devoir flirter avec le monstre difforme que je suis devenue. » Car c’est comme ça que je me sens désormais. Ayant perdu ma vue et mon corps, je n’étais plus qu’une enveloppe corporelle possédant un fœtus. Rien de plus. Je me sentais peu à peu disparaitre sous le poids de ma culpabilité et de ma peur. Celle de perdre tous ceux que j’appréciai, Adrian compris. Car même si nous ne l’avions jamais dit, je le considérai comme un ami.

Un coup du sort, ou trop idiot pour réaliser ce qu’il allait se passer parce que tu étais tellement content de faire un bain de minuit. Tu ne profitais pas assez de ça, de ses instants là et pour une fois que tu avais voulu le faire, tu te retrouvais nu sur la plage. Ca aurait pu être pire, tu pourrais être piquer par une méduse par exemple. « J’en serais ravi. » Tu affichais un grand sourire sur le visage. On disait qu’en général on ne pouvait pas choisir sa famille et que c’était pour cette raison qu’on prenait le soin de choisir nos amis mais quand on avait pas de famille, on pouvait très bien faire de ses amis sa famille, ils étaient parfois plus important que les liens du sang. Tu ne connaissais pas vraiment ça, de ton côté tu avais toujours ton père et même si aujourd’hui il ne se rappelait pas tous les jours de toi, il serait toujours ta famille. « Si ce sont de vrais amis, tu ne devrais pas avoir peur, au contraire. Je pense qu’ils t’acceuilleront toujours à bras ouverts et si ce n’est pas le cas, alors ce ne sont pas tes amis. » Tu ne voulais pas être aussi cynique mais parfois il fallait savoir voir les choses en face et être réaliste. Tu avais envie de croire que les deux garçons dont elle parlait seraient parfaitement conscient de ce qu'elle traverse pour ne pas lui en vouloir mais parfois les sentiments sont difficiles à dompter. « C’est ce que tu crois mais leur as-tu demandé pour être sûre avant de le clamer haut et fort ? » demandais-tu un peu surpris. Tu n'aimerais pas que quelqu'un déclare être mieux sans toi si ce n'était pas ce que tu pensais mais tu connaissais Lou-Belle depuis un petit moment pour savoir comment elle pouvait fonctionner. « Un archet de violon et un tazer, ma foi, c’est surprenant mais ça peut toujours servir ! » Tu voyais de l'utilité aux deux, l'archet si elle avait oublié ou paumé le sien, puisque tu savais qu'elle était violoniste au conservatoire, tu ne l'avais jamais entendu jouer encore, il fallait que tu prennes le temps d'aller la voir un jour. Et puis le tazer, si jamais elle se faisait agresser, ça n'était pas de refus. Surtout quand on tombe sur quelqu'un qui fait deux fois notre taille et trois fois notre poids, les chances de s'en sortir dans ce cas là sont assez minces. « Tu n’es pas un monstre, tu n’es pas difforme. Je ne suis pas un grand séducteur, tu le sais bien, mais tu es une très belle femme Lou-Belle, et même si tu es enceinte, je ressens un grand désir pour toi. » Ta main venait se poser sur son visage, tu laissais tes doigts glisser le long de ses lèvres jusqu'à sa nuque. « Mais si tu ne veux pas, je ne te forcerais pas, je ne voudrais pas être le premier à expérimenter le tazer ! » ajoutais-tu doucement en rigolant, tu n'étais pas un mauvais bougre et tu ne forcerais jamais une fille à faire quoique ce soit. Cela devait être un acte consentis par les deux parties.

Je ne suis pas le genre de femme qui se confie facilement. J’ai souvent tendance à garder enfoui au plus profond de moi ce que je ressens. Comme le fait que je vais avoir un enfant, loin de ma famille, loin de ma mère. Elle a toujours été un modèle pour moi et je me retrouvai sans elle. C’est donc tout naturellement, après avoir été rejetée par les miens, que je tente de me reconstruire une famille. Et comme dirait Lilo : elle est petite et un peu cassée mais elle est là quand même. J’y avais inclus Ciàran, le premier membre puis ensuite CJ. Aucune femme à part moi. Je souris doucement à Adrian pour finalement en faire le 4ème membre. J’en viens à me confier concernant les deux C. C’est d’ailleurs étrange de se dire que les deux êtres les plus proches de moi ont une lettre en commun. Et rien d’autre. Je baisse un instant la tête, comme honteuse pour réfléchir. « Ciàran, le père de Flocon, est un homme froid et autoritaire. Il a besoin de tout contrôler… » Car oui, Ciàran était un homme. « J’étouffe avec lui. » Je savais que je me servais du prétexte de ma cécité pour m’éloigner de lui. Pour respirer. Ciàran aurait pu être celui dont j’aurai pu m’éprendre un instant mais sa froideur et sa colère m’ont fait fuir. « L’autre garçon, c’est l’inverse. Il est cassé et je sais qu’il compte sur moi pour le recoller. » Brisé par les femmes de sa vie qui sont toutes parties. « Sauf que je ne sais pas si j’en aurai la force. » Pourrais-je supporter une grossesse ? La perte de mes yeux ? Et sa dépression ? Je passe alors une main dans mes cheveux pour déglutir. « Je n’en suis pas capable. Je ne peux pas affronter la colère de Ciàran et la tristesse de… de l’autre homme. C’est impossible. Je suis déjà enceinte, anorexique et aveugle. » Mon anorexie qui m’affaiblissait de jour en jour, d’heures en heures. J’avais fait plusieurs malaises, j’avais perdu le peu de couleur dans mon visage selon mes amis et je me retrouvai à porter tout le monde à bout de bras. Enceinte parce que j’avais voulu consoler Ciàran après le passage de la tornade blonde et déprimée à cause de CJ et de sa mélancolie. « J’avais le violon mais j’évite de le prendre la nuit et un archet ça peut faire très mal quand on sait où viser. » Je ne relèverai pas le tazer puisque c’est un cadeau de mon frère ainé. Je n’avais pas envie de parler solitude avec Adrian. J’ai quelques limites. Parler des hommes avec un homme me permettrait sans doute d’avoir de bons conseils. Surtout qu’Adrian est une bonne oreille et généralement assez compréhensif. « Merci, dis-je d’une toute petite voix. » Je frissonne lorsque je sens sa main se poser sur ma joue, caresser mes lèvres et glisser dans mon cou. Alors, je m’approche un peu plus de lui pour venir passer ma main dans ses cheveux. « Ai-je dit que je n’en avais pas envie ? Je suis certaine que faire l’amour avec toi sera différent maintenant que je n’ai plus que quatre de mes sens. » J’incline légèrement la tête sur le côté, un sourire sur mes lèvres, l’invitant donc à poursuivre sa parade sexuelle, ne pouvant réprimer mes hormones plus longtemps.

Elle te parlait du premier homme, celui qui serait le père de son enfant. Puis de l'autre, que tu ne connaissais pas non plus mais à qui la vie ne semblait pas sourire en ce moment. Tu ne chercherais pas à apprendre plus parce que ça n'avait pas la moindre importance pour toi. Ce que tu disais Lou-Belle par contre, ça en avait plus. Vous n'étiez pas spécialement proche mais vous n'étiez pas non plus des inconnus et savoir que tout ça la tourmentait, ne te plaisait pas vraiment. Même si tu ne pourrais pas faire grand chose pour lui venir en aide. « Alors concentre-toi sur toi, je pense que l'enfant doit être ta priorité et ta mission c'est de le protéger si je ne me trompe pas. Alors protèges-toi de tout ça. » Tu ne savais pas vraiment ce que tu disais. C'était bien la première fois que tu faisais fasse à quelqu'un que tu connaissais et qui était enceinte. Toi qui n'aurait jamais de famille, toi qui ne serait jamais père, tu pouvais bien parler mais c'était des choses qui resteront inconnues pour toi. « Je n'aimerais pas être victime de ça un jour ! » Tu affichais un léger sourire. Tu la voyais bien dans le noir, viser les parties de quiconque essayerait de s'en prendre à elle. Cela devait être douloureux et tu avais les images suffisamment dans la tête pour vouloir le vivre en vrai. « Je te ramène chez moi ? Ou veux-tu être plus aventureuse ? » soufflais-tu doucement. Toi qui parlait de ne pas montrer tes parties juste avant, là ça ne semblait plus être gênant. Sûrement parce que tu ne voyais personne aux alentours. Et quand il s'agissait d'amour, tu étais un peu différent. « La plage est déserte et un soir de semaine, vu l'heure qu'il doit être, personne ne viendra. » Pour l'heure, tu ne savais pas ce qu'il en était vu que tu venais de te faire voler tes affaires, dont ton téléphone. Heureusement que tu avais laissé ton porte-feuille chez toi, prenant juste un peu de monnaie. Que tu avais dépensé dans la bière un peu plus tôt ce même soir.

Les paroles d'Adrian n'étaient pas tombées dans l'oreille d'une sourde. Je savais que je devais prendre soin de moi, que je devais dormir et manger. Mais avec CJ dans ma vie, je savais qu'il avait besoin de moi. tout était si compliqué entre ma situation et celle de mes amis. Je n'arrivai plus trop à faire la part des choses et à savoir qui était de mon côté ou non. qui ne me jugeait pas ou non. T'as sans doute raison mais c'est plus facile à dire qu'à faire. je souris à Adrian car je savais la situation compliquée pour lui. J'aurai pu caresser sa joue si j'y avais vu clair mais je suis dans le flou. Dans le noir le plus complet, ne pouvant rien faire. Je soupire avant de baisser la tête. Promis, je t'en mettrai pas un coup dans la figure, mon chat. Je me rapproche un peu plus de lui, posant mes mains à plat sur son torse musclé et encore trempé. Doucement, je commence à le caresser sans me soucier du regard des autres. Je pense que tu connais déjà la réponse.  je n'étais pas le genre de femmes qui appréciait le confort d'une chambre. Au contraire. Je ne sais pas l'heure qu'il est de toute façon. Alors séduis-moi, encore.  Car ce n'était pas la première fois et ça ne serait sans doute pas la dernière.