Keith ◘ You will see me in Hell

Pieds à peine posés sur le sol australien, tu sortis ton portable pour vérifier l’adresse à laquelle tu t’apprêtais à te rendre. Quatre heures du matin. Tu n’avais pas réussi à fermer l’oeil des presque quinze heures de vol. Trop occupé. Trop occupé à songer à comment tu allais buter ce connard. Tu le savais depuis que tu l’avais vu, qu’il était bizarre. Le même type de bizarre que toi. Un psychopathe, ayant réussi à manipuler à merveille son entourage. Même un psychiatre. Son père. Toi, tu étais probablement trop dérangé pour être capable de camoufler si longtemps ta réelle nature. Avec Keith, c’était facile. Tu te contentais de le laisser garder un oeil sur toi, raison pour laquelle il t’avait suivi à Bowen. Il y était venu pour y travailler aussi, mais ça, c’était un détail. Tu avais remarqué depuis plusieurs mois qu’il se souciait de toi de très près, trop. Et autant dire que savoir qu’un évident psychopathe avait l’intégralité de ton dossier psychiatrique dans les mains, tu étais loin d’apprécier l’idée. Sauf que, ta psychiatre refusant de te refaire ton ordonnance tant que tu ne lui parlais pas, et toi refusant de céder, tu étais incapable de t’attarder davantage sur ses désirs cachés. Tu étais juste désormais sûr que ce connard de fils de pute de Keith avait quelque chose derrière la tête, et qu’il avait exactement trouvé comment te faire péter un câble. Il avait osé toucher à ta mère. Pas directement. Mais tu étais convaincu qu’il était derrière sa mort. Il avait osé la tuer. Tu en étais sûr, la même bague que celle qu’il porte en permanence avait été retrouvée sur la scène du crime. T’allais juste lui rendre la pareille. T’allais juste le buter, le planter, le brûler, l’enterrer vivant, le noyer, n’importe quoi et tout à la fois. Arrivé à destination, tu tambourinas à sa porte jusqu’à ce qu’il daigne ouvrir. Pas un bonjour, rien, tu t’empressas d’entrer et refermas la porte pour éviter les éventuels témoins Sale enflure, tu vas crever, je t’assure que c’était ta dernière nuit !, hurlas-tu en saisissant sa gorge et le plaquant au sol. Pas le temps pour les explications, il savait très bien de quoi tu parlais de toutes façons.

Tes hallucinations t’y encourageant, tu resserras davantage ton emprise sur sa gorge, le peu d’ongles que ton anxiété permanente t’avait laissé s’enfonçant dans sa chair. Ca faisait longtemps que tu n’avais pas tué, bien longtemps, bien trop longtemps. La dernière fois, c’était celui où la police t’avait trouvé sur la scène du crime, après qu’un abruti - témoin dans le langage courant - les ait appelé. Ca avait trop duré, t’avais peut-être dit que tu contiendrais tes pulsions, mais il y avait des limites au raisonnable. Ta mâchoire se serrait au point que tu aurais pu avoir l’impression que la pression allait la briser, tandis que tes doigts l’étranglait toujours plus. Bouillant de rage au point de recommencer à trembler, encore plus quand il se mit à éclater de rire. Et pour couronner le tout. Tu sentais que quelqu’un voulait venir prendre ta place. Trop occupé à lutter pour garder le contrôle, sachant que Ryoku et Nemu ne s’attarderaient pas plus longtemps et prendraient la fuite s’ils venaient à apparaître, tu baissas ta garde à peine une seconde et demie. Ce fut suffisant pour que tu te retrouves à ton tour au sol, après t’être pris un genou dans l’estomac, qui te rappela au passage que ça faisait vingt heures que tu ne lui avais rien donné à digérer. Sonné par la chute et la douleur, tu n’eus pas le temps de réagir que tu vis le pied que tu avais sentis te coller contre le sol. Et voilà qu’il demandait de quoi tu parlais. C’est ça, c’est ça. Tu avais eu la preuve que tu attendais depuis des mois. Son masque venait de tomber, il s’était confirmé psychopathe. Mais pas le banal psychopathe n’ayant jamais songé sérieusement à tuer ou blesser quiconque, se contentant juste d’avancer dans sa carrière sans se soucier des autres. Le psychopathe du même type que toi. Il sortit son portable. Tu l’entendis à peine, lui et son ton innocent, trop absorbé par l’enregistrement. Tu revins rapidement à la réalité. Tuer. Tuer. Tuer. Tu tentas de te relever, en vain. Trop lourd, surtout comparé à toi. Tu attrapas sa cheville et la releva brusquement pour le faire tomber, ramassa le portable tombé avec lui, l’éteignis et sans lui demander une quelconque autorisation, partis dans la cuisine. Tu attrapas un couteau, le planta dans la batterie et la balanças dans l’évier où elle commença à siffler, fumer et s’enflammer tandis que tu retournais là où tu avais laissé ce connard de Keith. Rien à faire que ce soit un Iphone 8 ou que savais-tu d'autre, t'avais pas pris le temps de regarder la marque. Tu restas quelques secondes à le fusiller du regard, le couteau à la main, avant de finir par lui sauter dessus, lame vers lui.

Tu regretteras probablement longtemps de ne pas avoir été assez rapide à le planter. Car maintenant, tu te retrouvais à terre, incapable de bouger, sans avoir eu le temps de comprendre quoi que ce soit à ce qu’il venait de se passer. Peu à peu, les souvenirs te revinrent. Tu t’étais pris une décharge électrique dans l’épaule. Sensation qui te sembla étrangement et anormalement familière, tout comme l’état de confusion dans lequel tu étais. Eh bien Juuzô je te voyais plus résistant que ça. Tu voulus répondre - une insulte bien évidemment - mais tu en fus incapable. Tu étais certain qu’il avait ton dossier et savais que tu ne mangeais presque rien. C’était son père qui t’avait prescrit les compléments alimentaires. Donc forcément, pas d’alimentation = absence totale de résistance. Tu tentas à nouveau de te relever, tu devais le tuer, le choc électrique t’avait momentanément fait oublier pourquoi, mais tu avais rarement été aussi convaincu que tu devais faire quelque chose, la façon dont il riait te le confirmait. Il se tut, nouveau coup de taser, juste quand tu avais réussi à te redresser. Tu retombas, ta tête venant cogner contre le sol. Grimaçant encore de douleur, tu entendis ses pas revenir vers toi. Tu essayas de te relever, hors de question qu’il garde sa position dominante, surtout vu ta position. A terre, agenouillé face à lui, front sur le parquet, comme un esclave devant son maître. Alors ça fait quoi de perdre l'amour de sa vie ? Juste après ces mots, Keith éclata de rire. Sur le sol, tes poings se resserrèrent, à défaut de pouvoir venir se loger dans sa face. T’allais faire mieux que simplement le buter, t’allais chercher les personnes comptant pour lui et toutes les tuer. En prenant bien soin de le faire assister à chaque meurtre, et finir par lui. L’amour de ma vie ? J’crois que tu délires, là. Tu te fis trop tard la remarque que tu aurais dû garder le silence au lieu de lui donner un moyen de confirmer ses doutes. Tu tentas encore une fois de te relever pendant qu’il continuait de parler, tu t’agrippas à lui et le plaquas au sol, l’éloignant de ses armes, récupérant ton couteau. Va crever en enfer, connard, t’écrias-tu tandis que le couteau se dirigeait vers lui.

Ferme ta putain de gueule, lui ordonnas-tu, tentant de rapprocher le couteau de lui. Sa force ne rivalisait actuellement avec la tienne que grâce à l’adrénaline parcourant ton corps et dupliquant ta puissance physique. Il allait mourir, c’était sa dernière journée, tu le jurais à la Terre entière. T’allais le buter, et ce même si tu devais y passer la journée avant de réussir. Et c’était bien parti pour que la lutte dure encore pas mal de temps. A défaut d’arme, il avait ses mots. Qu’il savait maîtriser à merveille pour te faire encore plus péter un câble que tu ne le faisais déjà. Et là, il avait dépassé les bornes. Depuis longtemps, mais encore plus maintenant. T’es sourd ou quoi ? Je t’ai dit de la fermer !, crias-tu, ou plutôt hurlas-tu, ta voix déraillant presque. Tu commençais même à avoir mal à la tête, à cause de toute cette agitation inutile. T’aurais dû passer chez toi chercher un couteau avant de venir, t’aurais pu directement le tuer à peine la porte ouverte. Regain d’énergie, tu pris l’avantage, le couteau se rapprocha de nouveau de lui, toujours plus. Pour finir par venir transpercer sa gorge, d’un coup brusque. Juste à côté. La lame était venue se planter dans le parquet, à quelques centimètres de ses cheveux. En rage, tu arrachas le couteau du sol. Crève !, hurlas-tu à nouveau en t’apprêtant à le planter, encore une fois. La bonne, tu espérais. Tu en étais sûr. Sauf que nope. Au moment de descendre la lame, un gros vertige te prit. L’odeur de la perte de contrôle était immanquable. Ou alors t’avais juste épuisé toute ton énergie. Voire les deux. Ta vue vira au flou, Ryoku s’écrasa sur Keith avant de se relever, difficilement. Fais gaffe à ce que tu fais, te surestime pas, prévint-il de sa voix à l’accent japonais bien plus prononcé que le tien, qui avait disparu depuis longtemps. Micro syncope, tu revins à toi, main serrant de nouveau le couteau, dont la lame vint à nouveau rejoindre le sol. Cette fois, tu ne réussis pas à réagir assez vite pour garde l’avantage, pas encore entièrement revenu dans la situation.

Tu tentais de reprendre ton souffle, regard vers la lame qui s’était à nouveau plantée à côté de la cible, alors que normalement, tu réussissais à atteindre ta cible dès le premier essai. Peut-être les coups de taser qui influençaient encore sur tes capacités psychomotrices. Ou alors, Keith était un démon maîtrisant la télékinésie. Ca ne t’étonnerait même pas. D’ailleurs c’était sûrement l’explication la plus crédible. N’importe qui aurait dit que c’était juste l’émotion, le choc, et la différence de corpulence. Mais ce n’était pas la première option venant à l’esprit d’un schizophrène. A cause de ton inattention, tu te repris un coup dans l’estomac, puis dans le dos, avant de sentir au moins soixante kilos te bloquer au sol. Je te conseil de rester à ta place esclave. Tu ne pourras jamais me battre, je sais qui tu es depuis des années, et je vais te détruire, j'ai d'ailleurs commencer sur la bonne voie en détruisant ta mère, je pourrais aussi faire ton père même si tu ne tiens pas tant que ça à lui. Qu'en penses-tu ? Esclave ? Esclave ? Il était sérieux ? Chacun de ses mots amplifiait les envies de meurtres que tu avais envers lui. T’aurais dû le tuer dès que vous étiez arrivés en Australie, en le prenant par surprise. Je ne suis et ne serai jamais ton esclave connard, et j’ai rien à cacher donc arrête de faire autant de mystère sur ma soi disant identité secrète ou quoi. Maintenant tu me laisses te buter ou… ou je le ferai quand même !, assuras-tu en tentant de te redresser. Impossible de relever ne serait-ce que la tête.

Il osait te dire stupide ? Peut-être que toi, tu n’avais pas tenu un semestre en médecine contrairement à lui qui y avait passé dix ans, mais tu étais loin de l’être et tu allais lui faire regretter ses paroles, et même le jour où il était né. Une fois qu’il te laisserait te relever. Sauf que ça risquait d’être plus compliqué que prévu, car quand il te libéra, ce fut après avoir attrapé les cheveux. T’allais le buter pour tout ça, c’était une évidence, de plus en plus. Tu tentas de récupérer le couteau qu’il avait repris pour le planter dans son dos, en vain. Evidemment, à chaque fois que tu crus que tu allais récupérer l’arme si convoitée, il la retirait de ton champs de vision. Et, au moment où tu crus que tu allais enfin récupérer ta propriété, tu valsas de nouveau vers le sol, t’y cognant la tête, sans entendre le bruit de la serrure vous enfermant dans la pièce. Heureusement, car réaliser que tu avais perdu le contrôle sur une situation, c’était probablement la chose t’angoissant le plus. Mais bien derrière l’eau. Tu commenças à revenir à la réalité, à te souvenir de ce que tu devais faire. Tu cherchas le couteau du regard, sans te soucier de l’endroit dans lequel tu pouvais bien être. Ne le voyant pas, tu commenças à te redresser avant d’être interrompu par une nouvelle décharge électrique. Tu essayas de te relever, refusant de lui laisser le plaisir de te continuer de te voir à terre, mais ton corps avait lui abandonné depuis longtemps. A la frontière entre deux mondes que tu ne savais pas identifier, entre la conscience et soit l’évanouissement d’épuisement, soit la perte de conscience causée par Nemu ou Ryoku. Tes paupières se fermèrent l’espace d’un clignement d’yeux, quand elles se rouvrirent, tu réalisas que tu avais quitté le sol. Assis face à Keith. Tu voulus te jeter sur lui et l’étrangler. Un bruit métallique retentit alors que tes mains avaient tenté de s’avancer vers lui. Faudrait que tu penses à me dire ce que tu me veux. Et juste au cas où t’aurais oublié, je suis localisé en permanence, lui rappelas-tu en agitant la cheville où était installé ton bracelet électronique. Bon courage pour trouver une explication à ma présence ici à cette heure et si longtemps, déclaras-tu, ignorant sa remarque aussi stupide qu’inutile.

Tu grimaças en l’entendant t’exposer le début de son plan. Tu aurais pu le deviner. Tu aurais dû, même. Mais non. Tu n’étais déjà pas en état de contenir tes émotions, rare chose, alors faire preuve de prudence… ce n’était pas même envisageable. Maintenant, tout te semblait évident. Il avait tout prévu, et savait très bien que tu allais te jeter dans la gueule du loup sans même y être forcé. Il reprit la parole et tu ne compris pas un mot de ce qu’il racontait. La logique semblait avoir quitté les lieux. Me progra-quoi ? T’es complètement malade. T’as dû trop lire de science fiction. On est dans le monde réel au cas où t’aurais oublié. Oublié... quel inconsciemment bon choix de mot. C’était tout l’inverse. Lui, savait tout. Toi, avais tout oublié. Il poursuivit sur ce que tu qualifiais de son délire, t’arrachant un sourire en coin. Je peux même le tuer maintenant tu sais. Oh que oui. Depuis le temps que tu en rêvais, de buter ce con qui considérait que Masumi lui appartenait. Tu aurais pu le faire, avant de repartir en Australie. Mais tu étais encore trop sous le choc pour pouvoir faire quoi que ce soit.