like a hell day -r.

Tu avais longuement hésité avant de venir ici. Ne sachant pas si c'était vraiment une bonne idée. Il y avait toujours des risques, de croiser des gens que tu connais et qu'une rumeur naisse à ton propos, une rumeur qui pourrait détruire une nouvelle fois ta personne. Tu avais beaucoup plus de mal à faire en sorte que ton nom n'apparaissent pas. Mais c'était comme un besoin viscéral, tu avais besoin de te rendre sur place, besoin de le voir par tes propres yeux. Tu te mettais dans un coin de la pièce et tu attendais. Tu le regardais entrer, commander un verre et rester assis au bar sans rien faire. A ton tour d'entrer dans l'action, tu te levais pour le rejoindre. « Jorge ? » demandais-tu doucement en t'approchant encore de lui pour te retrouver juste en face. Tu prenais alors place sur le siège a côté de lui sans même lui demander son accord. C'était bien la première fois que tu te montrais aussi grossier, sans manières et ça te surprenait l'aisance avec laquelle tu le faisais. « Bonsoir ! » t'empressais-tu alors de dire avec un charmant sourire. Tu faisais comme si alors que tu étais quand même venu là pour jeter un coup d’œil au jeune homme. S'il l'apprenait, tu perdrais sûrement le peu de confiance qu'il avait en toi et ça briserait sûrement quelque chose lié au secret et de l'anonymat que vous avez au groupe des alcooliques. Mais tu n'étais pas un très bon menteur, tu avais pas mal de problème à tromper les gens alors s'il était plus fin observateur que toi, il n'aurait pas de mal à percer ton mauvais jeu.

Très vite installé à côté de lui, tu remarquais son visage. La première chose qui t’avait frppé lorsqu’il t’avait été présenté pour être son parrain, tu n’avais pas osé aborder le sujet de ce qu’il avait pu lui arriver mais vu l’état, tu savais très bien que ce n’était pas quelque chose de joyeux. Tu avais pensé à un accident de voiture, à un règlement de compte qui avait pas mal dérapé. Puis tu avais estimé que ce n’était pas quelque chose qui se demandait, ça devait être déjà assez difficile à vivre pour lui au quotidien. « Je vais bien et toi ? » Bien, tout était relatif, ta relation avec Annushka prenait de l’ampleur et il y avait des choses dont tu ne lui avais toujours pas parlé, des choses qu’il fallait que tu lui dises avant que tout ça n’aille plus loin, des choses qui ne seraient pas facile à confesser et rien que d’y penser, tu avais la trouille, tu avais la tramblotte. Te trouver dans ce bar ne t’aider pas vraiment, la tentation te semblait si grande, si facile. Tu pensais pouvoir prendre un verre comme si de rien n’était mais tu savais que ça ne serait pas aussi facile que tu le pensais. « Oh je suis pas là pour jouer le flic tu sais, les réunions c’est quelque chose que chacun gère comme il peut. » Tu n’étais pas son père et tu n’allais pas le sermonner parce qu’il avait manqué une réunion. C’était sa convalescence à lui, son problème s’il ne le prenait pas au sérieux, s’il estimait qu’il pouvait manquer une réunion et que tout irait bien par la suite. Toi-même tu n’avais pas toujours été très sérieux pour ça. Tu n’aimais pas vraiment ce genre de réunion et tu pensais toujours avoir mieux à faire mais lorsque tes démons venaient te tourmenter, tu étais seul et à leur merci. Depuis que tu avais rencontré Lennox, qu’il était devenu ton parrain, tu ne prenais plus ton problème à la légère. Tu avais envie de changer, d’être un homme meilleur, pour ta fille, pour Annushka mais surtout pour toi-même. « Et puis quand c’est pour le boulot, c’est parfois plus important, je suis bien placé pour connaître ça. » Tu n’avais pas vraiment d’horaires pour travailler sauf quand tu étais à la boutique, tu faisais beaucoup d’extras pour travailler sur des contrats indépendants comme avec Hugo Boss.

Même si ce n'était pas obligatoire, ces petites réunions avaient un caractère assez sacré et avec la parrainage, c'était pire. Parce qu'une personne était prête à se mouiller pour toi, une personne était prête à n'importe quoi pour te sortir de là, quitte à te fliquer. La preuve, tu le faisais avec Jorge et tu te sentais vraiment coupable. Tu te rappelles qu'au début Lennox n'était pas très ouvert à toi et qu'au fur et à mesure, ça allait bien mieux. « Alors c'est honorable de ta part ! » Après rien ne te permettait de dire qu'il ne te mentait pas, mais tu étais parfois assez naïf et aujourd'hui, tu avais envie de vraiment croire en ce qu'il te disait. Tu n'avais pas de raison de douter parce que s'il n'était pas venu pour aller boire en cachette, il serait sûrement déjà ivre mort. Quand on retombe, la chute est toujours plus violente. « Je n'avais pas mis les pieds dans un bar depuis plus de trois mois et j'ai eu un haut-le-cœur en rentrant. » L'odeur de l'alcool, du tabac, de la sueur, de la mal bouffe, parce qu'ici, tu pouvais boire et manger. Au moins ça évitait de faire un coma éthylique mais d'un autre côté, tu bouchais tes artères avec de la graisse. « Je voulais voir ce que ça faisait de s'asseoir à nouveau au comptoir, de voir si j'arriverais à résister. C'est con comme idée, je sais, ça serait le meilleur moyen de rechuter. » Même si ce soir, tu n'étais pas vraiment là pour toi, mais pour lui. Après cette expérience, tu étais à peu près certain de ne pas retenter le coup parce que tu ne voulais pas jouer avec le feu. C'était parfois difficiles d'assister à tous les évents de la ville, de vouloir boire rien qu'une coupe pour être comme tout le monde et de devoir se promener avec une bouteille d'eau à la place. Mais c'était surtout pour ton bien être à toi. « Je crois que je vais rien prendre pour le moment ! » L'idée même de commander un jus de fruit te faisait un peu peur, comme si quelqu'un pouvait glisser quelque chose dans ton verre à ton insu. Ce serait complètement dingue et tu étais peut-être un poil parano sur ça mais valait mieux éviter le moindre risque.

L'odeur ne te plait pas tellement, elle te chatouille le nez, te retourne le coeur. Tu n'aimais pas te trouver juste là mais tu le faisais parce que tu voulais avoir Jorge à l'oeil. C'était complètement intrusif dans sa vie privée et tu le savais. Mais tu n'avais pas pu le contrôler, pas pu t'en empêcher. « On oublie vite tout ça quand on vient pour boire, j'ai l'impression. » Quand on entre dans un bar, on vient pour boire, pour jouer au billard et boire. En général, une fois qu'on avait un verre dans le nez, plus rien n'avait la moindre importance. Sauf que ce soir, tu allais rester sobre. Tu n'allais pas prendre le moindre verre ici. Tu n'étais pas certain de rester plus longtemps. Il avait l'air bien, c'est tout ce que tu voulais vraiment savoir, maintenant que tu le savais, tu pouvais être soulagé. « Je suis venu seul et j'avoue que j’espérais un peu tomber sur toi. » ajoutais-tu doucement. Après tout, tu n'allais pas ignorer qu'on était jeudi et qu'il avait cette habitude là. Même s'il n'en parlait pas souvent, tu le savais. Et tu n'en avais pas parlé à qui que ce soit parce que tu savais qu'on te trouverait étrange. Déjà qu'il t'avait lancé un regard bizarre lorsque tu lui avais donné une raison à la con, si tu avais dit la vraie, ça aurait été pire. « Le boulot ça va, les amours, ça commence à peine et j'flippe un peu mais rien de vraiment particulier. » Avec Annushka, tu te sentais vraiment bien. Mais il y avait tout ton passé dont tu devais lui parler et tu savais que ça n'allait pas être facile, surtout quand tu aborderais le sujet Teresa. Tu l'avais dit à deux personnes dans cette ville, Adilyn et ta fille. La première t'avait fuit et la seconde avait eu beaucoup de mal à encaisser le coup. Ce n'était pas un sujet sur lequel tu allais t’épancher avec Jorge, surtout pas dans un bar rempli de monde. « La dernière fois que je suis sorti, c'était avec une femme pour aller dîner et même dans le resto, la tentation avait été grande ce soir là. J'étais habitué à vivre enfermé chez moi. Si ce n'est qu'avant, j'avais des bouteilles cachées un peu partout et qu'aujourd'hui, il y a des bouteilles d'eau ! » Merci Martha pour ça d'ailleurs, elle tenait à te garder en vie et elle ne faisait que respecter les ordres que tu lui avait donné.

L'odeur te chatouille encore les narines, un mélange de transpiration et de bières. Peut-être même qu'ils transpiraient de la bière à force d'être là à boire. Tu avais oublié ce que ça faisait de venir ici. Oublié ce que ça faisait d'aller dans un bar et retrouver des amis. Peut-être parce que tu n'avais pas vraiment d'amis dans cette ville. Après tout, tu étais partenaire avec ton ex-femme. « Je suis pas sûr de retenter l'expérience un jour. » Même si l'expérience en question était de comprendre pourquoi il venait là et pourquoi il commandait un verre sans jamais le boire. Au moins, il permettait au barman de faire un meilleur chiffre d'affaire. Pour une fois qu'un mec paye un verre sans le boire, c'est mieux que l'inverse. Tu parlais alors de femmes, plus particulièrement de celle qui avait le mérite de faire battre ton cœur et d'occuper tes pensées. Au moins, pendant ce temps là, tu ne pensais pas à boire. « Annushka. » ajoutais-tu avec un léger sourire. Ce n'était pas un prénom commun alors peut-être qu'il la connaîtrait. Ou pas. Avec son physique, tu te doutais bien que ce n'était pas évident pour lui de se promener dans les rues de la ville sans se faire juger. « C'est moi ton parrain et c'est toi qui a les yeux plus ouverts sur la situation que moi ! » Tu en riais légèrement mais tu en pensais le moindre mots. Ce n'était pas toi qui avait les conseils les plus avisés ce soir. Et ce n'était pas grave, le monde n'allait pas s'arrêter de tourner parce que tu étais un alcoolique. « Elle le sait oui, elle est même du genre à se retenir de boire pour pas me tenter justement. » C'était une attention délicate, ça voulait dire qu'elle se souciait suffisamment de toi, qu'elle ne voulait pas être une source de tentation. Même si tu étais bien plus résistant maintenant qu'avant. Tu avais une réelle volonté de ne pas  

Il te disait que si tu voulais partir, tu étais libre. Tu le savais bien, jamais il ne te retiendrais ici si tu ne le voulais pas. Son but n'était pas de te faire replonger, bien au contraire, il serait même prêt à te mettre son pied dans tes fesses pour te mettre hors de là si jamais tu venais à commander la moindre goutte d'alcool. C'est pas parce que lui résistait que tu saurais en faire autant. « T'en fais pas, j'pensais pas rester très longtemps. » Au début tu disais quelques secondes puis ça devenait plutôt quelques minutes. Tu ne savais pas combien de temps tu arriverais encore à supporter l'odeur de l'endroit. Contrairement à ce qu'il t'avait dit, plus le temps avançait, moins tu te faisais à cette odeur. Elle te retournait l'estomac et tu avais envie de vomir sans avoir bu pour une fois. ce n'était pas des plus agréables. « Disons plutôt que j'affronte rarement les choses. » Tu es le premier à prendre la fuite et à éviter de te confronter. C'est bien pour ça que tes mariages ont toujours fini par décliner. Que tu t'es enfoncé dans l'alcool et qu'aujourd'hui, même si tu reconnais que tu as un problème, tu continues de le cacher comme si c'était un secret. Peut-être qu'il fallait que tu arrêtes de vivre ta vie de cette façon. « Je ne sais pas, si elle ne boit pas c'est qu'elle doit avoir peur pour moi. » C'était un peu maternisant d'un côté. ce n'était pas parce qu'elle buvait un verre que ça allait te déranger. Ce n'était pas elle qui avait un problème et ça ne devait pas en devenir un. Elle ne devait pas avoir à se sentir obligée de le faire, même si elle te dirait sûrement qu'elle le fait parce qu'elle en a envie. Et la question qui te posait, te déstabilisait pas mal. « Et pas depuis que je suis sobre, je ne sais pas si je supporterais ça. » Autant être honnête, lui mentir ne mènerait à rien. Tu avais déjà du mal avec l'odeur, alors si tu venais à le sentir dans l'haleine d'un autre pendant l'échange d'un baiser, tu ne savais pas si ça ne te perturberait pas plus qu'autre chose. Mais sans l'avoir vécu, tu ne pouvais pas vraiment savoir. 

Tu étais un peu idiot de venir là ce soir. La première fois depuis plus de six mois. Tout risquer pour ton filleul, c'était fou. « A un moment, il faut accepter la vérité, aussi moche soit-elle. » Tu n'aimais pas le dire à voix haute mais tu ne le cachais pas non plus. Tu avais besoin de le dire avant d'être tenté par quoique ce soit, ou par qui que ce soit. Tu ne voulais pas prendre le risque d'une possible rechute. Et puis c'était le moins pire de tes secrets, il y avait d'autres choses que tu avais peu envie de parler. Notamment de Teresa. De tes mariages catastrophiques et des raisons qui ont fait qu'ils l'ont été. « J'imagine qu'elle pourrait s'en vouloir mais ce ne serait pas de sa faute. Je pense juste que c'est le genre de chose difficile à expliquer.. » Tu ne voulais pas qu'Annushka se prive de quoique ce soit juste pour ne pas te mettre en difficultés. Effectivement, elle était libre de boire, mais tu ne savais pas si tu pourrais l'embrasser une fois qu'elle aurait bu. Il y aurait l'haleine et le mélange de salive qui pourrait te mettre en difficultés. Mais tu ne savais pas non plus comment tu pourrais aborder le sujet. « Je n'ai pas vraiment envie d'en faire l'expérience, je t'avoue. » Pourtant, ça arriverait bien un jour. Tu ne pourrais pas toujours passer à côté sauf si elle acceptait de ne pas toucher une goutte en étant avec toi. Ce qui te semblait fou, comme un sacrifice. « Je crois que je vais me rentrer, c'était agréable de pouvoir discuter avec toi ! » En même temps, c'était le but de la manœuvre, venir là et discuter avec lui. Même si tu n'avais pas réussi à être vraiment honnête et lui demander clairement ce qui le poussait à venir là tous les jeudis soirs. Ce qui le poussait à se torturer. Parce qu'il n'y avait pas à dire, pour un alcoolique, se rendre dans un bar c'était comme jouer avec des allumettes quand on était pyromane. C'était prendre le risque de se brûler les ailes et de retomber dans ses vices.