(Rulfie) bad to the bones.

Il vient à peine arriver, il n'aura passé que maximum une heure à cette soirée et pourtant, voilà déjà qu'il tire Ruby jusqu'au parking comme s'il voulait s'en aller. Il n'a même pas pris le temps de lui demander si sa présence n'était pas indispensable à cette soirée, si elle n'avait pas des affaires à régler avec d'autres personnes que ces hommes qui ne cherchaient qu'à la draguer. À la place de réfléchir avec sa tête, il a comme trop souvent répondu à ses pulsions, à ses envies du moment, à cette chaleur qui montait en lui et qui le poussait à conduire sa si jolie cavalière jusqu'à en endroit où enfin, ils ne seraient pas entourés par des dizaines et des dizaines d'hommes fortunés, mieux que lui. Et lorsqu'elle s'est arrêtée pour complimenter sa voiture, lui s'est stoppé dans son élan parce que même si ça peut paraître stupide, c'est une remarque qui le touche sincèrement. Il a probablement passé plus de temps sur sa voiture que sur n'importe quoi d'autre dans sa vie. D'ailleurs, c'est peut-être même le seul projet qu'il a réussi à terminer sur toute son existence. Sa main sur la poignée, il s'apprête à ouvrir la portière mais se fait interrompre par un geste de la part de Ruby. Ses doigts se posent contre les siens, doucement, le stoppant pour lui faire comprendre que peut-être, sûrement même, il dépasse les bornes. Sans comprendre tout de suite, Alfie se redresse et laisse tomber sa main le long de son corps. « Je... » Il n'a pas le temps d'en dire plus qu'un homme crie après Ruby, l'interrompant dans une phrase qu'il ne savait de toute façon pas comment il allait la terminer. Sans broncher, il la laisse le tirer jusqu'à l'intérieur même si au fond, il n'est plus tellement emballé par l'idée de retourner à cette réception. Malgé la présence de Ruby qui pourrait suffire à lui faire oublier le reste du monde, il a ce sentiment d'oppression qui l'étouffe à chaque fois qu'il pose son regard dans un recoin de la pièce. Tant pis. Il le fera. Il restera le temps qu'il faut si ça peut suffire à lui faire plaisir à elle. « Je bouge pas, » lui promit-il, immobile sur son carré de sol. Il attend comme promis, s'amuse à observer le reste des convives tout en tendant d'identifier les sujets de leurs conversations. Puis rapidement, une voix s'élève par-dessus le brouhaha ambiant. L'attention d'Alfie se porte sur la scène, mais en particulier sur elle. Elle qui commence à chanter, vêtue d'une autre robe que celle qu'elle portait quelques jours plus tôt. Elle qui semble si confiante, et il ne peut s'empêcher de la regarder avec un fier, quoi qu'aussi admiratif. Et lorsqu'elle redescend, son premier geste impulsif et d'aller la trouver avant qu'un autre ne le fasse à sa place. « Premièrement, je sais pas comment t'as fait pour venir ici seule alors que clairement, les sujets de conversations ne vont jamais plus loin que "oh, vous avez gagnez le prix Nobel de la paix ? Moi j'ai sauvé un homme de la noyade hier matin!" Mais tu sais quoi, écouter ces types en costard parler de leurs exploits minables en valait la peine. Enfin, t'en valais la peine. T'étais... à couper le souffle. » Et il termine son monologue par un baiser qu'il dépose sur sa joue. Baiser pure, chaste, en si grande contradiction avec la tension qui l'électrisait encore quelques minutes plus tôt.

Je vois bien que ce n’est pas son truc. Alfie est quelqu’un de simple. il aime les soirées sans prise de tête et le voilà plongé dans mon monde. Je savais les gens superficiels. Un peu trop. Mais je faisais partie de ce monde malheureusement. J’étais actrice. J’avais fait part de mon désir de mettre ma carrière cinématographique au placard quelques temps. Juste après avoir fini de tourner le dernier film prévu. Et quel film. Le live movie de la petite sirène. On m’avait choisie pour mon innocence et ma rousseur mais l’annonce officielle serait faite lors du prochain comic-con. Bien sûr j’en avais fait part à tous mes proches. J’aimais tellement l’univers Disney ayant baignée dedans depuis mon enfance. C’est à contrecoeur que je quitte Alfie. Je dois faire mes obligations et depuis qu’on m’avait découvert une voix pas trop mal, on me faisait chanter à toutes les occasions. Vêtue de cette maudite robe trop ample pour moi, de ce micro qui me gênait. Mes cheveux étaient coiffés grâce à une pince et je pris une profonde inspiration pour entamer mon couplet. J’avais hâte d’aller chez Alfie pour regarder un film, manger une pizza, et passer la nuit dans ses bras. Je descends donc de scènes pour ôter le micro et chercher mon brun du regard. il ne tarde pas à me trouver et je le regarde. J’éclate de rire et je me sens comme une imposture. Alors, j’attrape délicatement sa main pour aller à l’arrière. Dans la cour et je m’asseois sur le muret. Il fallait que je lui dise. J’attrape sa main dans la mienne que je garde. « Je ne suis pas une belle personne que ça. Je… » je baisse doucement la tête, cherchant mes mots. « je ne veux pas que notre relation repose sur un mensonge. » Je détourne le regard un moment avant de passer une main dans mes cheveux pour défaire la pince. « Lorsque ma famille est morte, j’ai touché le fond. Et j’ai un peu vu la lumière grâce à toi. Puis tu es parti… » ma voix se brise. Je connaissais ses raisons, ils me les avaient dites. « tu voudras plus de moi après ça. » je sens une larme qui coule sur ma joue avant d’inspirer. « j’ai pas eu beaucoup d’amants dans ma vie. J’en ai eu quatre en te comptant. » Je fixe le sol, je savais qu’il avait foi en moi. « Après la mort de Sally, j’ai commencé à fumer comme tu as pu le voir. Une cigarette de temps en temps, un joint par ci par là. je n’avais jamais expérimenté ce genre de choses. Je voulais juste oublier. Et quand tu es partie, nous sommes sorties dans un bar avec Freja. » Je déglutis péniblement. « Elle a joué à « viens j’te présente Ruby » avec un de ces amis d’enfance, j’ai un peu bu et nous avons… enfin tu vois. » Une larme coule un peu sur ma joue. Trop grosse. Je l’essuie d’un revers de main. « Je venais juste de sortir de l’hopital. J’étais vulnérable et j’ai sans doute trop bu. Mais voilà, je suis… » je serre les dents. « je suis enceinte. Et j’ai décidé d’avorter. Tu as vu ma vie, tu m’as vue moi. je suis un champ de ruines. Mais je ne veux pas te mentir. J’y arriverai pas. » Je lâche sa main. « c’est pour ça que je t’ai dit que je valais pas la peine de monter dans ta belle voiture. Je suis qu’une trainée. Je mérite même pas tout ce que tu dis sur moi. »

Et pourtant, dans cet univers qui n'est pas le sien, elle lui permet de trouver sa place. Elle ne le met pas de coté alors qu'elle le pourrait, qu'elle connaît certainement bien du monde dans toute cette foule. Elle aurait pu rester un peu avec les musiciens, avec l'autre chanteuse, profiter d'un moment de répit afin de reprendre son souffle après cette performance qu'elle vient de leur offrir à tous. Et pourtant, il a eu l'impression que c'était à lui qu'elle était destinée, sa mélodie. Cette pensée peut paraître égoïste et pourtant, il se plaît à la tourner en boucle dans sa tête jusqu'à la rendre réelle. Il aime cette idée qu'elle puisse chanter pour lui, et qu'elle revienne vers lui dès l'instant où ses pieds ont décollés de la scène. Plus généralement, il aime savoir que Ruby puisse être en quelques sortes la sienne. Alfie se sent bien, léger. Ça lui change de cette pression qui a pesé de longs mois sur ses épaules et c'est agréable, tellement agréable de pouvoir respirer à nouveau. Et pourtant, quand elle l'entraîne sur ce muret, il comprend que son état d'euphorie n'est pas fait pour durer. Ses premiers mots lui font froncer les sourcils. Cette fois, il n'a plus envie de passer en revue toutes les possibilités. Il ne s'attendait pas à un revirement soudain de la situation, et il n'a même pas envie de se torturer l'esprit jusqu'à ce qu'enfin, elle cesse de tourner autour du pot pour lui dire ce qui la tracasse. À la place, il se contente de l'écouter sans broncher. Mais quand elle suppose qu'il ne voudra plus d'elle, il ne peut s'empêcher d'intervenir. « Dis pas de bêtise, » se contente-t-il de dire avant de venir essuyer le tracé de cette larme qui a roulé le long de sa joue. Il ne dit plus rien ensuite, l'écoute sans l'interrompre jusqu'à ce qu'enfin, la vérité tombe. Enceinte. Ruby est enceinte. Dans un premier temps, Alfie ne réagit pas. Ses pensées jusque là gelées se mettent à se bousculer dans sa tête, si vite et si fort qu'il n'arrive même plus à les comprendre. « T'es enceinte, » répète-t-il en installant soudainement et sans s'en rendre compte une distance entre elle et lui. Il se redresse, regarde le sol sans le regarder, passe une main dans ses cheveux avant qu'une mèche ne finisse par retomber devant son visage. Tout ce qui suit après le mot enceinte ne sonne que comme un bruit de fond à ses oreilles à cause de ses pensées trop bruyantes. « Mais t'es... enfin, t'es avec ce type ? Le gars du bar, tu... tu vas fonder une famille avec. Alors c'est que t'es... avec. » Top chamboulé par la nouvelle, par la réalisation que Ruby est petit à petit en train de lui filer entre les doigts, il sent son ventre se nouer douloureusement alors qu'il est incapable de raisonner normalement. Jusqu'à présent, Alfie n'a jamais eu l'occasion d'être jaloux. Il a été envieux, suspicieux, mais jamais il n'a ressenti les effets secondaires de cette putain d'émotion qu'est la jalousie. Ça lui prend aux tripes, ça brouille sa vision, comme un bad trip en cent fois pire. Et pourtant, dans tout ce brouillard, il continue de voir Ruby comme la lumière au bout du tunnel. « Est-ce que ça veut dire que je vais devoir te dire au revoir ? Je suis confus. J'ai pas envie de ça, je veux pas que tu partes. » Il lève les yeux vers elle et, pour la première fois, une lueur d'angoisse brille dans son regard. Lui qui a toujours fait un sorte que sa carapace soit assez solide que pour ne laisser personne voir à travers, il a ce soir l'impression d'être totalement vulnérable face à Ruby, et surtout face à l'idée qu'elle pourrait au final ne plus être sienne.

Après avoir dit le mot enceinte, je vois Alfie s’éloigner de moi. Et mon cœur se brise. Je savais que ce bébé allait se mettre entre nous. Il n’était même pas encore venu au monde qu’il se mettait entre nous. Je pose une main sur ce ventre plat pour baisser la tête. Je ne sais plus quoi penser, quoi répondre. Alors, je fais ce que je sais faire de mieux, je fouille dans mon sac et j’en sors une cigarette. Il fallait que j’arrête cette mauvaise habitude. De fumer. Je tourne ma tête vers lui pour froncer les sourcils et je me rends compte qu’il n’a rien écouté à ce que je lui ai dit. Je passe une main sur mon visage avant de sans réfléchir aller me mettre sur ses genoux. Allons-y pour les confessions parce que tourner autour du pot, je l’ai fait pendant neuf mois. Et je pense qu’il n’avait pas compris. Il ne voulait pas comprendre. « Stop, dis-je d’une voix plus forte. » Je me lève comme piquée par une anguille pour me mettre devant lui les poings sur les hanches. « T’es bête ou quoi ? » Il m’avait vu déprimé, il m’avait vu séductrice, il m’avait vu timide mais jamais en colère. « je ne suis pas avec lui puisque je suis avec toi. » Je tire sur ma cigarette pour lisser mes cheveux. Tics nerveux que j’avais lorsque je sentais monter en moi les affres de la colère. Je prends place sur ses genoux sans trop lui laisser le choix et je le force à me regarder. « Je t’ai attendu neuf putains de longs mois. Ça fait neuf mois qu’on se tourne autour. Neuf mois que j’attendais qu’une chose : que tu m’embrasses. » Sur le coup, j’en oublie les conseils de Freja. On repassera. « Je t’ai écrit une lettre d’adieu où je t’ai dit que je t’aimais bordel ! j’ai couché avec toi sur ton bar. Je viens de t’allumer à une soirée et on a failli le faire dans la voiture. Alors non, je ne vais pas me mettre avec lui parce que c’est pas avec lui que je veux être mais avec toi. » Je le pointe du doigt, mes yeux étincelant d’une hargne nouvelle. « Alors je vais nulle part sauf peut-être chez le médecin pour faire une attestation de la conception de cet embryon et partir dans un autre état me faire avorter car c’est illégal. » Je me lève pour inspirer doucement. C’est plus dur que je ne le pensais. « et si j’avorte c’est parce que je sais que si j’ai cet enfant, je te perdrai. Et j’ai pas envie de te perdre. Un bébé, je pourrais en avoir un autre. Mais des hommes comme toi, y’en a qu’un sur cette foutue planète et c’est toi. » Puis, je tourne les talons pour quitter cet endroit. J’avais eu bien des émotions pour la soirée. L’attirance irrépressible pour cet homme, l’aveu de ma grossesse, ma colère envers lui de croire que je me servais de lui, que mes sentiments n’étaient pas réels. Trop d’émotions pour une soirée. J’attrape un verre au passage avant d’aller jusqu’à ma voiture que je déverrouille. Puis, je me colle derrière le volant pour poser ma tête dessus et maudire Scout de tous les malheurs du monde.

Alors qu'elle sort une cigarette de son sac à main, il se retient de la lui prendre des mains. Quoi qu'en réalité, même avec la plus grande volonté du monde, il aurait été incapable d'initier un mouvement vers elle car son corps entier est comme gelé. À la place, il reste dans ce même état de confusion tout en essayant de mettre enfin un peu d'ordre dans ses pensées. Il est parti, il l'a laissée. Et elle est tombée enceinte. Si il était revenu un an plus tard, il l'aurait sûrement retrouvée avec un gosse dans les bras. Il délire complètement, mais le ton de la voix de Ruby suffit à le ramener sur Terre. Alors qu'elle s'assied sur ses genoux, lui déballant un second monologue qu'il doit encore une fois suivre sans l'interrompre, Alfie n'a d'autre choix que de l'écouter tout en prenant appui sur le muret de ses deux mains. Elle évoque les faits sur un ton colérique et il comprend que, d'une certaine manière, elle lui en veut. Elle lui en veut d'être parti, elle lui en veut pour sa réaction, elle est en colère alors que c'est lui qui vient d'apprendre qu'elle est actuellement enceinte de quelqu'un d'autre. C'est une bombe énorme qu'elle vient de lui lâcher et ça, elle ne semble même pas le comprendre. Lorsqu'elle s'éloigne, Alfie reste dans un premier temps sur son muret. Il assimile les paroles de Ruby, se les répète, puis finit par se redresser. Il la suit de loin, la voit rejoindre sa voiture et, avant qu'elle n'ait le temps de démarrer, il tire la portière passager afin d'y prendre place. « Sinon je peux donner mon avis aussi ou je suis censé te laisser partir sans rien dire ? Parce que désolé de te décevoir Ruby, mais c'est pas ce que je prévois de faire. Comment tu pensais que j'allais réagir ? J'aurais pu m'en foutre totalement tu sais, te dire que c'est ta vie et que de toute façon, c'était pas comme si j'allais encore y être dans neuf mois. Mais je le dirai pas, pour la même raison que tu me perdrais pas même si tu voulais de ce... bébé. » Le ton de sa voix est momentanément monté jusqu'à ce qu'il ne prononce le dernier mot. Bébé, un terme tellement plus réel que la simple appellation d'embryon. « Parce que je tiens à toi, et que t'es pas qu'une fille de passage. » La voilà, la raison. Celle qui le pousse à apprécier la présence de Ruby même en plein jour, celle qui l'aura convaincu de se rendre à cette foutue soirée. « Je peux pas aller contre tes envies, je veux pas être ce gars-là. » Il lève une nouvelle fois les yeux pour croiser son regard, ne réalisant que trop tard à quel point son rythme cardiaque est plus élevé que d'habitude.

Le ton est monté. J’étais quelqu’un de passionné à défaut d’être passionnante. Je me retrouve devant lui à débiter un second monologue mais j’en ai besoin. J’ai besoin de sortir tout ce que j’ai sur le cœur bien que Freja me l’ait déconseillé. Sur le coup, je m’en fous. Alors que je suis appuyée contre le volant de ma voiture, je me retiens de fondre en larmes. Mais je n’ai pas le temps que des bruits de pas se font entendre. Je relève la tête pour croiser le regard d’Alfie. Alors, je m’assois face à lui pour le regarder droit dans les yeux, sans ciller. Je sens de nouveau les larmes me monter aux yeux. trop d’émotions je vous dis. Je me mets alors sur mes deux jambes pour continuer à le regarder sans rien dire. Doucement ma main vient effleurer sa barbe. Il était venu à la soirée, on s’envoyait tout le temps des messages, je ne me battrai contre personne pour le garder. Si on m’avait dit il y a six mois qu’Alfie Bartholomew se tiendrait devant moi, me demandant de rester auprès de lui. je fais un pas en sa direction avant d’inspirer profondément. « J’ai envie d’être avec toi. Pas seulement pour se voir de temps en temps. C’est la seule envie que j’ai maintenant. » Je pose doucement mes lèvres sur les siennes pour finir par approfondir. Pour finir par lui faire ressentir ma hargne, ma rage, le fait que je lui en voulais, que je m’en voulais. Puis, je mets fin au baiser pour nouer mes bras autour de sa nuque, plonger ma tête dans son cou. Je me savais désormais plus digne de monter dans sa voiture alors je réfléchis. « On se rejoint chez toi ? pour une soirée détente. J’ai eu trop d’émotions pour ce soir et j’ai juste besoin… » C’est vrai, de quoi avais-je besoin ? « de toi, d’être avec toi et de te sentir en moi. » Je ne cesse de le quitter du regard, sans doute consciente que désormais nous étions ce qu’on appelait une sorte de couple. Un couple un peu bancal, un peu maladroit mais nous étions ensembles envers et contre tout.