i knew you were trouble when you walked in (aisling)

Dix-huit heures, la journée de travail d'Elias s'était enfin achevée. Il n'avait qu'une hâte, rentrer dans son appartement et se débarrasser de son costume trop classe pour enfiler quelque chose de plus confortable. En costume, il n'avait pas du tout l'impression d'être lui même. Hélas, c'était là la tenue obligatoire quand on réceptionnait dans un hôtel plutôt guindé. Vivement qu'il démissionne. Arrivé à son immeuble, il n'eut pas le courage de gravir les six étages à pied. Il pouvait bien s'accorder un peu de répit en prenant l'ascenseur cette fois... « Attendez ! » Il l'eut de justesse, alors que celui-ci allait se refermer. A l'intérieur, une jeune femme, blonde, jolie, qu'il salua d'un rapide mouvement de tête sans trop s'en préoccuper. Il appuya sur son étage, le sixième. Les portes se refermèrent. Aucun d'eux ne savait encore qu'ils allaient passer plus de quelques minutes là dedans. L'ascenseur démarra, et sembla s'arrêter rapidement, trop rapidement. Ils n'étaient pas aux étages demandés. Le brun lança un regard furtif à la blonde. C'est drôle, son visage lui disait quelque chose. Un bruit sourd se fit entendre. « C'est pas vrai... Tout mais pas ça bordel ! » Bloqués dans l'ascenseur. Et ça n'avait rien d'un film érotique pour le coup. Tout ce qu'Elias voulait, c'était rentrer chez lui. Et ôter cette foutue cravate.

C'était la fin des cours d'Aisling et il fallait qu'elle passe chez quelqu'un pour un projet de groupe stupide. Elle détestait travailler en groupe, il fallait concilier les emplois du temps de tout le monde mais surtout... Supporter les autres. Et ça c'était clairement insurmontable pour la jeune femme. Mais bon, elle prenait sur elle. Enfin, plus ou moins. Elle n'était pas sympathique avec les autres pour autant.
Elle entra donc dans l’ascenseur de l'immeuble de son binôme, s'appuyant contre le mur, accordant à peine un regard à l'homme qui entra après elle. Alors qu'elle ruminait, elle ne put s'empêcher l'inconnu du coin de l'oeil. Sa tête lui disait drôlement quelque chose. Elle avait plutôt une bonne mémoire, si elle fouillait un peu, elle devrait le retrouver... Mais elle n'en eut pas le loisir, l'ascenseur venait de s'arrêter brusquement. Il semblait... être tombé en panne ?!

-Mais c'est une blague ?

Il n'en fallait pas plus à la blonde au sang chaud, déjà contrariée, pour la mettre dans tous ses états. Aisling commença par mettre un grand coup de pied dans la porte. On ne sait jamais, des fois que ça fonctionne, non ?

Ca faisait bien plus de deux mois qu’Elias vivait dans cet immeuble et jusqu’ici, l’ascenseur n’avait jamais posé de problème. Pourquoi fallait-il que cela démarre une fois qu’il se trouvait dedans ? Si ça n’était pas de la malchance ça… Le seul point positif, c’est qu’il n’était pas seul. Il y avait cette blonde aussi. Cette blonde qui lui disait quelque chose, comme si il l’avait déjà croisée… Et ce fut en l’entendant parler, ou plutôt s’énerver qu’il se rappela. Quelques années en arrière, en Nouvelle Zélande. Une bousculade, fatale pour le téléphone portable neuf d’Elias. Il était tellement énervé qu’il ne se souvenait même pas des excuses de la blonde. Il se rappelait seulement qu’elle l’avait bien énervée et qu’il l’avait traitée d’emmerdeuse. Il était plus jeune, plus con à l’époque. N’empêche qu’encore une fois, elle était là quand il lui arrivait malheur. Quel était le pourcentage de chances qu’ils se croisent ici, en Australie ? Elias s’adossa contre le miroir de l’ascenseur et poussa un soupir. « Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. » Commenta t’il simplement. « Va falloir appeler un numéro, ils viendront dans genre 2 heures… La galère. » Heureusement qu’il n’était pas claustrophobe. « C’est dingue, j’ai l’impression que tu portes la poisse. » Il se mit à rire, pas sur qu’elle se souvienne de leur altercation passée.  

Elle leva les yeux au ciel quand elle entendit son colocataire forcé lui dire que ce n'était pas la meilleure solution. Sans blague... Il n'avait pas besoin de le souligner. Elle tourna un regard loin d'être amical, enfin, comme d'habitude quoi, sur le jeune homme puis décida de s'asseoir également. Elle fronça les sourcils alors qu'il lui dit qu'elle portait la poisse, le fixant longuement avant de se rappeler.

-Ouais, ou vous avez juste la poisse tout le temps.

Être le chat noir de quelqu'un n'était pas ce qui allait l'empêcher de dormir la nuit, vraiment pas. Posant sa tête contre le mur, elle lâcha un soupire.

-Je vous propose d'appeler, parce que si c'est moi je vais les insulter et ils risquent de ne pas venir.

Et puis surtout, c'était pas chez elle. Et moins elle parlait à des gens, mieux elle se portait.

-Sauf si vous voulez encore décréter que tout ça est ma faute.

Aller Aisling, met l'ambiance.

La poisse tout le temps ? Pourquoi cette fille était-elle toujours aussi antipathique ? Certes, Elias n’avait pas été des plus sympas. Mais c’était surtout la faute à cette situation. Qui serait ravi de se faire enfermer dans un si petit espace ? Il se contenta de lui lancer un regard noir, exaspéré. Elle ne voulait pas appeler, prétextant qu’elle s’énerverait sans doute. Elias soupira. « Je vais le faire » Il sortit son téléphone et composa le numéro. Ca sonna une… Deux, trois fois. Rien. Il raccrocha avec rage. « Putain mais ça répond pas ! » Un bon gros coup de pied dans la porte lui ferait du bien mais Aisling s’en était déjà chargé sans succès alors autant tenter de se calmer immédiatement. « Je dis pas que c’est de ta faute. Seulement que la malchance s’abat sur moi à chaque fois que l’on se croise. » Il haussa les épaules. « Allez fais pas la gueule. Je vais rappeler et on va sortir de là... Peut-être pas tout de suite mais on sortira. » De toute façon, ils allaient rester là un moment, alors autant tenter de bien s’entendre.

Aisling, pour toute réponse à son regard noir, haussa les épaules. Il ne lui faisait pas peur. Et puis, il pouvait bien être contrarié, elle l'était aussi.
Et le téléphone ne répondait pas, évidemment. Elle lâcha un profond soupire avant de laisser sa tête retombée contre la porte. Quelle joie.

-Bien heureusement que ce n'est pas ce que tu dis...

Parce que clairement, ça ne l'arrangeait pas non plus. Elle leva les yeux vers lui alors qu'il essayait de... réchauffer la situation.

-J'espère bien qu'on va pas mourir là, parce que c'est quand même pas ouf comme mort.

Cette fille était le pessimisme incarné. Soupirs, regards noirs et phrases agressives semblaient être son quotidien. Etrange pour une fille aussi jeune. Qu’est ce qui pouvait la blaser autant, si ce n’était la situation actuelle ? « Pourquoi heureusement ? Qu’est ce que t’oserais me faire ? » Lança t’il avec un sourire en coin, soudainement joueur, amusé par le comportement de la blonde. Il n’avait pas peur d’elle, mais si il se prenait une baffe, il le comprendrait. Et évidemment, il ne répliquerait pas. « On va pas mourir voyons ! » Il se mit à rire. Quoique, et si ça ne décrochait jamais au bout du fil ? « Pourquoi t’es à Bowen en fait ? » Lança t’il, recomposant le numéro, prêt à appeler une seconde fois.

A sa question, Aisling lâcha un nouveau soupire avant de plonger son regard dans le sien.

-Te tuer bien sûr.

Puis elle leva les yeux au ciel.

-Sérieusement, qu'est-ce que tu veux que je te fasse ?

Elle avait bien saisi son sourire moqueur, et il pouvait bien rire si lui ça l'amusait, mais elle, elle avait plutôt envie de se mettre en PLS dans un coin. Mais, oui, elle savait bien qu'ils n'allaient pas mourir. Enfin, il était quand même assez rare de mourir dans un ascenseur. Sauf si on se retrouve coincé avec un tueur en série, mais elle n'avait vraiment pas l'impression que c'était son cas.

-Pour mes études. Et toi ?

Autant faire un semblant de conversation.

Le tuer. Il se mit à rire. Décidément ! Quel genre de démon était cette fille à l’allure pourtant si angélique? « Wow ! » Lança t’il juste avant qu’elle ne fasse part de son agacement. C’était fou, ils étaient coincés là et elle ne voulait même pas plaisanter. Pourtant, ça relâcherait un peu la pression. « Bah j’sais pas. T’as l’air cruelle quand même… » Promis, après celle là, il arrêterait de l’emmerder. Elle avait vraiment pas l’air d’humeur. « Besoin de changer d’air. » Avoua t’il à propos de sa présence à Bowen. « T’es bizarre comme fille. » Il lança l’appel, et cette fois quelqu’un décrocha. Il expliqua rapidement la situation et donna l’adresse de l’immeuble. Il raccrocha, l’air blasé. « Ils seront là d’ici 20 minutes. 40 minutes au plus tard. » Il soupira et décida de s’assoir par terre.

Elle se doutait bien que tout ce qu'il disait était ironique. Il n'avait sûrement pas peur d'elle. Parce qu'il ne savait pas qu'elle avait un couteau mais autre histoire.

-Un vrai monstre.

Ce n'était pas entièrement faux, disons, mais avec sa fille, à présent, elle s'améliorait. Et avec Isaiah, aussi. Si Ciàran l'avait rendu plus mauvaise qu'elle ne l'était, certains êtres avaient su la rendre meilleure.
Il lui avoua avoir eu besoin de changer d'air et Aisling acquiesça d'un léger signe de tête. Elle ne savait rien de cet homme, et elle n'avait pas spécialement envie d'en savoir plus, même si elle ne pouvait pas nier qu'elle était un peu curieuse. Elle arqua un sourcil quand il constata qu'elle était bizarre. Qu'est-ce qu'elle venait de faire qui méritait ça ?

-Ouais, je sais, j'ai gagné un Boward pour ça.

Et elle avait fait un discours sous ecstasy, mais c'était une autre histoire. Elle soupira à son tour quand il lui dit qu'ils allaient arriver entre 20 et 40 minutes.

-Toujours mieux que 3h.

C'est qu'elle faisait preuve d'un peu d'optimisme !

« Un monstre à l’allure d’ange. C’est intriguant. » Elle n’avait pas l’air de vouloir en dire beaucoup sur elle. Elle semblait avoir un caractère atypique et cela donnait envie d’en savoir plus. Mais c’était mal parti. Surtout qu’avec cette situation, elle était de mauvaise humeur. « Un Boward ? » Demanda t’il, sans savoir ce que c’était. Il n’était pas là depuis assez longtemps pour savoir ce qui se faisait dans cette ville. Il devinait à l’aide du nom qu’il s’agissait d’un prix, qu’apparemment la blonde avait gagné pour sa bizarrerie. Tout ce qu’il avait vu pour le moment, c’était ce blog ou des rumeurs étaient répertoriées. Un truc ultra intrusif dans la vie privée, un truc qui ne lui plairait sans doute pas. Bon, apparemment, elle paraissait contente que l’équipe de dépannage arrive bientôt. Elias ne put à nouveau s’empêcher de la taquiner : « Ma compagnie te déplait tant que ça ? »  

Aisling eut un très léger soupire quand il fit la remarque qu'elle avait des allures d'ange. L'histoire de sa vie. Heureusement qu'on lisait assez bien l'expression de son visage pour savoir qu'il valait mieux ne pas trop l'approcher. Ça pesait énormément à la blonde, son visage fin, sa corpulence frêle.

-Je suppose que si je te dis que ma mère s'appelle Angie, tu vas trouver ça encore plus drôle.

Et elle ne se moquait même pas de lui. Cela dit, mieux valait que ce soit son prénom à elle que le sien. Elle comprit assez rapidement qu'il n'avait aucune idée de ce qu'était les Bowards et esquissa un maigre sourire.

-Ouais, c'est... tous les ans je crois ? Ou un truc comme ça. La ville attribue des catégories et on doit élire le plus représentatif de la catégorie. Y a des trucs cool genre "celui et celle qui font le plus rêvé sur la plage" et des un peu moins cool genre "celui qui s'est prit le plus gros râteau".

Elle haussa doucement les épaules quand il lui demanda si sa compagnie le dérangeait tant que ça. Être enfermée dans un ascenseur, et de surcroît avec quelqu'un, la dérangeait. Et elle n'avait pas l'impression que ce soit si anormal que ça.

-Je pense que tu aurais préféré être enfermé dans un ascenseur avec une autre femme.

Puis comme un déclic dans son cerveau.

-Ou un autre homme d'ailleurs.

Elle n'était pas sectaire, Aisling.

Sa mère s’appelait Angie. Elias ne put réprimer son sourire même si il aurait préféré rire très fort. Quelle ironie ! « Effectivement, c’est très drôle. » Elle lui expliqua les Bowards. Elias se demandait bien comment on pouvait se faire décerner un prix de la sorte, surtout que cela avait l’air de concerner tous les habitants. Quelle horreur. Autant un prix positif pouvait flatter l’égo, mais un prix négatif… Bonjour la réputation. « Ca craint un peu comme truc non ? » Peut-être qu’elle trouvait ça marrant après tout, et qu’il n’aurait l’air que d’un rabat-joie. « Si tu pouvais m’attribuer un Boward du coup, ça serait lequel ? » Ouais Elias, toujours joueur, dans l’optique de faire passer le temps plus vite. Elle devait le trouver vraiment insupportable. Elle n’avait pas l’air d’avoir envie de parler et lui la poussait sans cesse à le faire. D’ailleurs il eut un regard surpris lorsqu’elle admis qu’il aurait sans doute préféré la compagnie de quelqu’un d’autre. Il la regarda dans les yeux et haussa les épaules. « Pourquoi tu dis ça ? C’est toi qui semble vouloir être vraiment ailleurs. » Il préférait largement être avec elle que tout seul, ou même avec l’un de ses voisins bizarres. D’ailleurs, ça lui faisait penser à quelque chose. « Mais en fait, tu vis ici ? Il me semblait pas, je t’ai jamais croisée dans l’immeuble en tout cas. »

Comme il était nouveau, Aisling lui expliqua les Boward et approuva d'un signe de tête alors qu'il faisait remarquer que "ça craignait". Ce n'était clairement pas une idée qu'on pouvait qualifier de géniale. Surtout que les gens qui voyait ne connaissaient pas forcément les candidats alors... Les critères pouvaient être parfois assez bancal.

-Plutôt. Mais j'étais sous ecstasy alors ça passe mieux.

Et tout Bowen avait pu avoir le droit à son grand discours. A sa question, la blonde arqua un sourcil surprit avant d'esquisser un léger sourire, amusé par sa demande. Il n'avait pas peur qu'elle lui dise quelque chose de méchant ? Sûrement s'en fichait-il en fait.

-Celui du mec le plus malchanceux sans doute.

Elle le regarda quelques secondes alors qu'il faisait remarquer qu'elle avait sûrement bien plus envie d'être avec quelqu'un d'autre que lui.

-C'est toi qui as dit que je te portais la poisse.

Aisling n'était pas vraiment susceptible, mais disons qu'il ne fallait pas grand chose pour qu'elle classe les gens dans la catégorie de ceux qui l'emmerdaient. Aisling était toujours mieux seule de toute façon, ou presque toujours. Alors, ouais, elle serait mieux sans lui, et ailleurs. Elle eut un léger sourire quand il lui demanda si elle habitait là.

-Non, panique pas, je venais voir quelqu'un. T'auras pas à me supporter pour... tapage nocturne ou je sais pas quoi.

Sous ecstasy ? Wow, elle ne faisait pas dans la demi mesure, cette nana. Elias n’avais jamais consommé de substances aussi illicites. Quelques joints plus jeune lui avaient suffi. Elle avait l’air spéciale, cette blonde. « Ca a du être épique. » Commenta t’il, essayant de l’imaginer ne serait-ce que deux secondes sous substance. Il avait voulu jouer, la questionnant sur le Boward qu’elle lui donnerait. Le mec le plus malchanceux. Il hocha la tête. « Pas faux… » En vrai, il n’était peut-être pas si malchanceux que ça… Enfin, il ne savait pas vraiment. Il espérait ne jamais gagner un véritable Boward en tout cas. « Avoue que c’est vrai non ? Première rencontre : on se bouscule et mon nouveau téléphone se casse. Deuxième rencontre, on se retrouve coincé là. Y a quelque chose qui fait que quand on est à deux les choses se passent… Mal. » Sacré coup du destin. « Tapage nocturne… Y en a déjà beaucoup ici, une de plus ou de moins… » Sa façon à lui d’avouer que ça ne le dérangerait même pas qu’elle vive ici. « Alors, c’est quoi ton nom, miss bizarre ? »