(Mishlana) Courage little girl!

J'étais arrivée un peu plus tôt au cabaret. Le semestre n'ayant toujours pas commencé, j'oscillai entre le logement que je partageai avec la famille Baratti qui m'hébergeait gentiment avec mes crocodiles, le zoo et le cabaret. J'essayai de me faire embaucher en tant que stagiaire pour avoir un autre emploi et être auprès des félins. Car il s'agissait avant tout de félins. Aujourd'hui était un jour particulier puisque j'avais décidé de faire sortir Brutus et Néros mes deux crocodiles nains de la maison. Le gérant savait que j'étais un peu bizarre et il n'était pas là. alors que je les tenais en laisse, je vis une jeune fille inconnue qui se tenait en retrait. Elle était jolie mais semblait hésitante. Alors, je m'approchai d'elle pour poser une main sur son épaule. " Bonjour, dis-je d'une voix que j'essayai de faire paraitre enjouée, t'es nouvelle ici ? " J'avais conscience qu'une femme aux cheveux gris, au teint de cadavre et avec deux crocodiles en laisse, ça pouvait effrayer deux personnes. " T'inquiètes mes sacs à main sont pas méchants, ils sont taille adulte. "

Nouvelle. Cet adjectif lui colle à la peau, pourrait limite être inscrit sur son front que ça ne changerait certainement rien puisque tout le monde est déjà occupé à la détailler. Pour la première fois depuis déjà de nombreuses années, Misha se sent hésitante. Elle regarde les lieux, les détaille, cherche sa place dans ce petit monde qui semble déjà installé depuis bien longtemps. Alors qu'elle reste plantée à l'entrée du cabaret, occupée à admirer la scène, une voix dans son dos la tire de ses pensées et la fait se retourner. Une femme se tient à présent devant elle, jolie avec ses cheveux gris et ses yeux immenses. Mais lorsque Misha remarque les crocodiles au sol, elle a un mouvement de recul pendant que son cœur se soulève. « Hum, oui, je suis nouvelle, » répond-elle sans quitter les animaux des yeux, ce que l'inconnue semble remarquer vu qu'elle vient mettre le sujet sur le tapis. « C'est original, je ne savais pas que les australiens avaient comme coutume d'adopter des... crocodiles. On est plus traditionnels dans mon pays, on se contente de chiens ou chats, parfois perruches pour les plus extravagants. » Un rire léger s'échappe d'entre ses lèvres avant qu'elle ne relève enfin les yeux vers la demoiselle. « Je m'appelle Misha, » lui dit-elle dans l'attente que l'autre se présente à son tour.

Elle était jolie. Ce genre de beauté timide qu'on ne croisait pas partout. Un peu exotique aussi. Il faut dire que ça ne serait pas compliqué vu mon teint de cadavre et mes cheveux quasiment blancs. Winter. Ce surnom qui me collait à la peau autant par ma peau translucide que par mon cœur qu'on racontait de glace. Hypothétiquement, on ne pouvait pas vivre avec un cœur de glace. Et on ne choisit pas la pathologie avec laquelle on vit. Je remarque que la jeune femme a un mouvement de recul en voyant Brutus et Néron. Ils sont inoffensifs. Sa remarque aurait pu m'arracher un sourire mais je reste de marbre. Je souris intérieurement. " Je suis un cursus en zoologie donc j'aurai bien aimé des félins mais ils ne m'ont pas autorisé alors j'ai pris des crocodiles nains. " Je me penche pour attraper Brutus en lui serrant le museau pour éviter qu'il ne fasse ses dents sur mon index. " ils sont inoffensifs. Et très petits. " C'est seulement lorsque je redresse le regard vers elle que je comprends qu'elle m'a prise pour une australienne. En avais-je l'air ? je n'en avais aucune idée. " je suis canadienne. " Et malpolie en plus. " Svetlana. Voici Brutus et Neron. Comme dans le disney : Bernard et Bianca. Alors, tu vas faire quoi comme numéro, t'es danseuse ou chanteuse ? " Je m'assois sur les marches, mon bébé crocodile toujours dans une main tandis que l'autre s'approche pour monter sur mes genoux. Comme des gros chats. Et beaucoup mieux question défense qu'un chien.

Rapidement, son mouvement de recul laisse place à un regard intrigué suivi d'un pas en avant. Elle n'a pas envie de faire ami-ami avec les mini-tueurs qui se trouvent à ses pieds, mais les paroles de la demoiselle face à elle combiné à ses traits immobiles suffisent à attiser sa curiosité. « T'es dans l'atypique, » dit Misha avant d'ajouter « J'aime bien. » Elle a beau les qualifier d'inoffensifs, Misha continue de les regarder d'un drôle d'oeil avant de radoucir son regard lorsqu'elle croise celui de Svetlana, la québécoise. Après qu'elle ait fini de se présenter elle et ses animaux, l'italienne se permet un commentaire quant-à son pays natal. « Je n'ai jamais vu le Canada, il paraît que c'est un beau pays. » Tout comme l'Italie, mais Misha a fini par s'habituée à Rome ou à Venise. À la question de Svetlana, elle porte son attention sur la scène qui se trouve face à elle et sent un sourire venir étirer le coin de ses lèvres sans même qu'elle ne le contrôle. « Danseuse, je pense que je me débrouille pas trop mal. » Des années déjà qu'elle danse, elle avait même réussi à se faire un nom dans le cabaret de sa ville, à Milan. « Et toi ? Tu performes aussi ici je suppose, » hasarde-t-elle en haussant un sourcil curieux.

Je constate que la jeune femme n'est pas rassurée vis-à-vis de mes animaux de compagnie. je pousse un soupir non retenu. Malheureusement, les gens sont emplis de préjugés. Tout animal peut être dressé y compris l'Homme. Nous descendons du singe donc nous sommes des animaux, des mammifères éprouvant le besoin de nous reproduire ou de nous exercer dans l'art de la reproduction. " Je suis apathique. Ça commence pareil, ça sonne pareil mais c'est différent. " Tout le monde le savait ici. La jeune femme aux cheveux argentés se baladant avec son look de pseudo gothique et ses sacs à main miniatures sur pattes. Oui, en quelque sorte, j'étais atypique. Mais qu'est-ce que la normalité dans le fond ? je ne pense pas qu'on puisse ranger une personne dans la case normale mais pas dans la case exceptionnelle non plus. faut pas rêver. " C'est un pays où il y a des arbres et du froid. Pas comme ici où l'on risque de se liquéfier après chaque coup de rein. " Je fixe ma nouvelle amie en lui faisant un petit clin d'œil. Comme on dit tous les chemins mènent à Rome et toutes les discussions mènent au cul. Amen. " Faudra que tu me montres ça. " je continue de caresser mon bébé croco avant de froncer les sourcils. " Chanteuse. On dit que j'ai une voix transcendante comme les sirènes. Alors au Canda on m'appelait Winter dû à mon incapacité à ressentir quoique ce soit et ici on m'appelle la sirène. Les gens sont étrangement pathétiques avec ce besoin de donner des surnoms à tout le monde. "

En même temps, qui ne serait pas méfiant face à un animal dont l'homme a été des années durant conditionné à le craindre ? Ne voulant pas passer pour une moins que rien aux yeux de sa nouvelle rencontre, Misha se détend petit à petit et se force à regarder les crocodiles jusqu'à plus ou moins échanger un regard avec chacun d'eux. Si ça se trouve, ceux-ci ne la voient même pas. Elle relève ensuite une nouvelle fois les yeux vers Svetlana. « Atypique et apathique, ça doit bien donner sur les CV, » plaisante-t-elle avant de s'intéresser au Canada, son pays. On dit que les étrangers aiment parler de leurs origines, elle-même devient souvent nostalgique lorsqu'elle mentionne sa ville, sa maison. Ou du moins, la familiale. Pourtant, Svetlana ne bronche pas. Atypique a-t-elle dit, Misha le note dans un coin de sa tête pour ne pas oublier ce détail. Elle par contre ne se retient pas de rire suite à sa remarque. « Je n'ai pas encore pu tester le charme australien, dommage. » Elle pousse un soupir avant de retrouver son léger sourire. Après s'être modestement qualifiée de danseuse, elle écoute Svetlana lui parler de son talent à elle et des différents surnoms que ça lui aura valu. « Je suis passée de "la grosse binoclarde" à "la strip-teaseuse", ça doit plaire aux genre d'étiqueter les autres, » ajoute-t-elle en haussant les épaules, se foutant éperdument de ces surnoms qu'on a pu lui donner à elle. « On a qu'à faire un échange. Tu me fais écouter ta voix transcendante et moi, je te montre de quoi je suis capable. » Elle plante son regard dans celui de Svetlana en haussant un sourcil, curieuse de savoir si elle acceptera ou non son marché.

J'ai un haussement d'épaules lorsque la jeune femme parle de ma condition. Elle est pourrie, je le sais. On m'a assez rejetée pour ça mais j'en avais cure. A vrai dire, ça me servait à quoi de m'épancher sur ce que les autres pensent de moi, je suis comme je suis point barre. On parle alors de mon pays et je me perds un peu dans le fil de mes pensées. J'ai tellement envie de rentrer chez moi, de ne pas rester sous cette chaleur étouffante. Je n'ai jamais aimé le soleil et ça se voyait. Comme un canif l'aurait fait dans un arbre, le manque de soleil était présent sur ma peau. " Homme ou femme, deary ? " Je croise les mains sur ma poitrine. Après tout, si je pouvais l'aider à trouver un compagnon de lit, je le ferai. " Les gens sont débiles. On me traite de garce, de trainée tout ça parce que je ne sais pas mentir. Pour quoi faire ? " Je lève les yeux au ciel avant de laisser mon corps imiter le mouvement. " ça marche ! " Je me rends près du micro avant de réfléchir à ce que j'allais pouvoir lui chanter. Je choisis une chanson bien connue pour être passée dans un film récompensé. The fool who dream. Je commence à la chanter sans bouger, sans quitter cette sublime jeune femme du regard.

Les mots qu'elle a prononcés étaient loin du jugement. Au contraire, Misha a toujours préféré les personnes qui s'éloignaient du commun des mortels. Elle aime ceux qui crient à travers le silence, ceux qui n'ont pas peur de se faire remarquer. Après tout, ce n'est pas pour rien qu'elle est sur le point de faire ses premiers pas dans le cabaret de Bowen après des années à danser dans celui de sa ville, en Italie. Elle qui arbore un sourire si confiant, la question de Svetlana lui fait cependant légèrement les sourcils. Cet air incertain ne dure pas longtemps, bien vite un nouveau sourire vient étirer ses lèvres. « J'aurais répondu hommes sans hésiter des années plus tôt, mais aujourd'hui je me laisserais bien aller à un peu de variété. » Elle hausse ensuite les épaules dans un air de "pourquoi pas". Lorsqu'elle mentionne les insultes auxquelles elle a dû faire face, Misha se contente de lever les yeux au ciel par agacement envers ces crétins à la langue trop pendue. Elle ne réplique cependant pas et, à la place, préfère passer un marché avec Svet afin de pouvoir porter son propre jugement. Un talent contre un talent. Pour son plus grand plaisir, Svetlana accepte et décide de passer première lorsqu'elle se dirige en direction de la scène. Pendant qu'elle s'empare du micro, Misha tire une chaise et prend place à seulement quelques mètres de la scène. Elle reconnaît immédiatement la chanson pour avoir vu le film au cinéma à deux reprises et ne retient pas son sourire qui se fait de plus en plus grand à mesure que la chanson retentit dans la pièce. Effectivement, la voix de Svetlana est sublime. Douce et puissante en même temps, une mélodie qui vole dans les airs jusqu'à atteindre ses oreilles. « Waw, » souffle-t-elle après la performance de la chanteuse. « Je comprends maintenant pourquoi ils te surnomment la sirène, je n'ai pas intérêt à me lancer dans une séance de karaoké avec toi comme adversaire, » ajoute-t-elle avec un rire léger.

Elle avait l'air attachante cette petite. Un peu paumée dans un monde luxuriant. On avait plusieurs fois qualifié cet endroit de bordel. Sauf que nous n'étions pas des putes. Nous ne couchions pas pour de l'argent et surtout nous ne couchions pas dans l'enceinte de l'établissement. Pour ma part, j'avais veillé à de ne pas en avoir. J'avais vu Adàn sur son bateau et Mason dans une chambre d'hôtel. Je n'avais revu ni l'un, ni l'autre après. Le premier n'en ayant pas eu l'occasion et le second, je l'avais abandonné au petit matin. il faut voir le monde avec les yeux du désir et de l'amour, dis-je en souriant, après tout, les animaux ne sont pas exclusivement hétéros ou homos. Ils ne font pas de différence. J'ai un petit sourire envers cette jeune femme avant de me relever. Je pose les crocodiles sur mes épaules. Ainsi ils enfoncent leurs petites pattes dans mes épaules. Je ne ressens pas la douleur. Je commence à chanter cette chanson sublime que je ne faisais que dans le privé. Je regarde Misha en souriant avant d'éclater de rire à sa remarque. Je suis certaine qu'on ferait avoir pas mal d'éréctions à des mecs présents dans la salle. J'esquisse un sourire avant de descendre pour aller me chercher un verre de soft et me placer sur une chaise. La scène est à toi, ma chérie*

Sa façon de parler la fait sourire. Misha est ravie, elle a le sentiment que Svet est facilement le genre de gonzesse avec qui elle pourrait s'entendre. Ouverte d'esprit, flexible dans sa manière de voir les choses, elle n'a pas non plus l'air de vouloir trop en savoir puisque, jusque là, elle ne lui a pas encore posé la moindre question personnelle. Ca lui plaît, elle a le sentiment qu'elle peut repartir de zéro et qu'elle pourrait même être une toute autre personne que celle qu'elle a été si elle le désirait. « T'as bien raison, » dit Misha en hochant la tête avant de se poser sur une chaise afin de l'écouter. Entendre rire Svetlana est différent de lorsqu'elle se montre aussi neutre dans ses émotions, presque insensible, comme deux faces de sa personnalité que, de toute façon, Misha apprécie qu'elles quelles soient. Elle avait raison de penser que cette demoiselle était atypique, différente de ceux qu'elle a déjà rencontrés à Bowen jusqu'à présent. À sa réponse, les lèvres de Misha s'étirent en un sourire immense. « Tant qu ça se limite à l'érection, » soupire-t-elle, repensant à quelques lourds venus la trouver après ses spectacles dans le but de gratter son numéro de téléphone. Ou pire. En voyant Svetlana prendre place sur une chaise comme elle l'a fait plus tôt, Misha quitte son siège et marche en direction de la scène. Elle prend son portable hors de sa poche, fait défiler les titres avant de trouver la chanson qu'elle cherchait. « I love this one, » murmure-t-elle presque pour elle même. Alors que le début de "All That Jazz" de la célèbre comédie musicale Chicago emplit la salle, Misha dépose son portable et commence à remuer ses hanches en suivant une chorégraphie qu'elle a elle-même inventée. Elle se permet même d'accompagner la chanteuse sur quelques parties de la chanson alors qu'un sourire immense illumine ses traits. La musique accélère tout comme ses mouvements, ses talons claquent sur le sol et sa robe virevolte à chaque fois qu'elle tourne sur elle-même. Quand elle danse, Misha n'a plus les pieds sur terre.