What a beautiful mess + Aino

Il y avait des soirs comme ça où Jackson avait envie de sortir, c'était assez rare pour l'ermite associable qu'il était, mais ça arrivait, comme des petits défis qu'il se lançait à lui-même histoire de tester ses capacités à appréhender le monde extérieur. La dernière fois ça n'avait pas été une franche réussite puisqu'il avait fini par se foutre sur la gueule avec un inconnu pour une fille au pied du casino, mais bon, on ne pouvait pas gagner à chaque fois. Alors en ce début de soirée il avait un peu déambulé dans les rues de Bowen, il était passé par la plage pour regarder le coucher du soleil, chose qu'il ne faisait jamais. Et puis il avait atterri devant le bar, avait hésité à en pousser la porte et s'était finalement dit pourquoi pas. Il n'y avait pas grand monde ce soir, ça n'était pas plus mal. Il s'installa sur un tabouret au comptoir et observa un peu la salle avant de remarquer la barmaid. Aino ? Il sourit maladroitement, plutôt content de trouver une tête connue mais surpris de la trouver là. Pourtant à leur première rencontre elle lui avait bien dit qu'elle était serveuse et il avait promis d'écumer tous les bars pour la trouver, ça datait de bien longtemps et il ne l'avait finalement jamais cherché. La dernière fois qu'il l'avait vu c'était à cette soirée parfaitement surréaliste à l'anniversaire d'Aisling et là encore, ça devait faire près d'un an, quelque chose comme ça. C'est donc ici que tu travailles ! Je t'avais dit que je finirai par te trouver. Après elle était en service alors elle ne serait peut-être pas la meilleure camarade ce soir, mais il ne comptait pas s'éterniser non plus, il allait sûrement prendre un verre et repartir.

Les années ne me faisaient pas plus apprécier mon travail, au contraire. Plus le temps passait et plus je m'ennuyais de voir les mêmes têtes chaque soir, de sentir les mêmes vapeurs d'alcool me monter à la tête jusqu'à m'en dégoûter, gérer les embrouilles lorsque deux clients décidaient d'improviser le bar comme une salle de combat. Il y avait tellement d'événements surprenants qui m'était devenu basiques et je m'ennuyais à venir au même endroit chaque jour, sauf que j'étais bloquée, je ne pouvais pas faire autre chose et je me sentais trop mal pour ma grand-mère qui m'avait trouvé ce travail pour m'en débarrasser. Les seuls moments où je m'amusais étaient lorsque je recalais quelqu'un, lorsque que je retrouvais une connaissance de l'autre côté de bar et que j'abandonnais mon travail pour quelques minutes pour ne m'occuper que de lui, faire semblant de faire quelque chose d'important, ou pas réellement, comme laver des verres. Ce soir, si ma soirée était un ennui total, une tête familière s'installait au comptoir. « Hey, Jax ! » Je ne l'avais vu que deux fois, mais le courant était bien passé. Je ne voyais qu'en noir ou en blanc, n'arrivant pas à ne pas me faire un avis direct, disons qu'avec mon comportement, soit ça passait, soit ça ne passait pas et les deux se ressentaient. Il y avait deux Aino et Jackson avait ‘la chance' de pouvoir connaître la plus agréable des deux. « Tu es officiellement l'homme le plus lent du monde pour trouver une femme. » Je haussais les épaules, grimaçant pour faire genre que j'étais désolée de lui dire. « Ou alors, il y a définitivement trop de bars à Bowen et il faut un an pour tous les faire. » J'hochais la tête en esquissant un léger sourire tout en le regardant. « Qu'est-ce que je te sers ? »

Le brun n'était pas certain d'avoir laissé à Aino un souvenir agréable vu leur dernière rencontre et les remarques qu'elle avait fait. Il avait tout de même réussi à la choquer en offrant un verre à Aisling en plein accouchement, en même temps fallait dire qu'il ne savait pas vraiment comment se comporter en de telles situations ! Mais visiblement elle ne lui en tenait plus rigueur parce qu'elle l'accueillait avec le sourire. Elle était particulière cette fille, elle avait un franc parlé que le peintre appréciait, au moins c'était facile avec une personne comme ça, elle ne s’embarrassait pas de futilités et lui appréciait ça parce qu'il avait tendance à être pareil. Il sourit à sa remarque en haussant les épaules, faussement contrit, elle n'avait pas tort, enfin encore aurait-il voulu qu'il chercher vraiment à la retrouver. Mais il était plutôt paresseux et c'était plus sympa de se dire qu'il la retrouverait peut-être, par hasard. Il y a clairement trop de bars à Bowen, oui ! J'ai cru ne jamais te retrouver. Assura-t-il, main sur le torse, faussement dramaturge. En entrant j'me suis dis "celui-ci c'est le dernier, après j'arrête !" J'ai eu de la chance faut croire... Il fronça les sourcils en se concentrant un instant. Une bière, pression, s'il te plait. Il se tourna pour observer à nouveau la salle peu fréquentée. Soirée calme ? Si tu veux j'peux jouer le pilier de bar pour t'occuper. Il sourit de toutes ses dents.

Je ne lui en voulais pas de ne pas m’avoir cherché, de ne pas avoir passé les pieds dans le bar où je travaillais plus trop. En réalité, j’avais presque oubliée cette histoire, avec l’alcool qui avait défilé dans mon sang le jour où en avait parlé, c’était un miracle que je m’en souvienne une petite partie. Mais ça ne m’empêchait pas de jouer avec le sujet, dire qu’il était nul pour trouver une femme. Je n’ose même pas imaginé le temps qu’il mettrait pour retrouver la femme de sa vie perdue dans cette ville, avec le temps, elle finirait par rencontrer quelqu’un d’autre avant même que lui sorte de chez-lui. « Ça fait un an que je regarde le visage de chaque personne qui passe cette porte en me demandant si c’est toi. » Je prenais un faux air triste et baissait les yeux. « Je commençais à perdre espoir. » Je riais légèrement en relevant mon regard vers lui, qui disait qu’il était le dernier bar sur sa liste dans l’espoir de me retrouver. « Tu es chanceux oui ! » Hors contexte, est-ce que c’était réellement de la chance de tomber sur moi ? Il faut dire que je me trouvais toujours à la même place, qu’il n’était pas difficile de me trouver ; chez-moi ou dans ce bar. Lorsqu’il me demanda sa bière, je ne tardais pas pour gérer la tireuse tout en l’écoutant. Je tournais la tête vers la salle, grimaçant au spectacle. « Considère qu’il fait chaud, qu’on est en été, les gens sont plus au bar de la plage en maillot qu’en centre-ville. » J’essayais de trouver des excuses qui semblaient les plus logiques pour ne pas me dire que ce bar était en train de couler et que bientôt, mon patron passerait la clé sous la porte. Je ne voulais pas me retrouver sans emploi. Puis de toute façon, ce n’était qu’une idée. « Toi tu préfères boire une bière avec vue sur la mer ou vue sur la place ? » Disais-je ironiquement, la première option vendait plus du rêve et c’était celle que je choisirais personnellement. Le verre remplis, je le posais face à lui sur le comptoir. « Enfin, si tu es là, j'ai la réponse. »

Il ne croyait pas un mot de sa petite mascarade mais c'était drôle d'entrer dans le jeu, une seule folle était capable d'attendre fébrilement que Jax se décide à la chercher et ça n'était clairement pas Aino. Et ce fut moi ! Tel un chevalier en armure, venu te sortir de ton éternel ennuie ! Il rit doucement, gonflant le torse, sa belle gueule en avant, telle une magnifique caricature de prince charmant. Jackson jouait mal la comédie mais pour une fois il la jouait jusqu'au bout, avec entrain. Pour une soirée où il voulait se sociabiliser, ça commençait plutôt bien, son psy serait fier de lui. Nous sommes chanceux tous les deux. Il roula des yeux, roucoulant presque de façon mièvre. Une fois installé et sa bière devant lui, Jax osa demander si la soirée était calme. La réponse de la blonde était logique, lui avait tendance à oublier le facteur du temps, la chaleur n'avait aucun effet sur lui, l'avantage d'être né à Los-Angeles en quelque sorte. Qu'il fasse chaud ou non il avait toujours son éternelle veste en cuir sur le dos et il évitait soigneusement les endroits pleins de foule qui le rendaient mal à l'aise. Ouais t'as ta réponse je crois... quoi que regarder des jolies filles en maillot de bain, j'avais pas songé à cette option. Il pinça les lèvres avant de sourire en coin, de là à passer pour un pervers il n'y avait qu'un pas mais elle comprendrait sûrement qu'il plaisantait. Non pas qu'il soit contre le plaisir des yeux, mais si ça obligeait à se foutre en maillot avec une serviette sur la plage ça n'était pas pour lui, Jax avait horreur de la mer, il s'y baignait rarement, pour ne pas dire jamais. Peut-être que tu devrais servir tes clients en maillot, ça attirerait le monde... Enfin il disait ça comme ça, pour aider !

L'ennui n'était pas un mot assez fort pour exprimer ce que je ressentais. Je venais au boulot parce que je devais m'y présenter pour avoir un salaire, j'y allais à reculons en pensant à tout ce que je pourrais faire en dehors de ce bar, tout ce que j'ai toujours voulu devenir lorsque j'étais plus jeune. Mais comme je le disais à Jim, je n'avais pas le courage de me lancer dans quelque chose de bancale et que je pourrais regretter. Si je me loupais, je n'avais aucun moyen de rebondir et retrouver un boulot convenable, or j'en avais cruellement besoin d'un boulot. « Trop charmant. » Je lui lançais un clin d'œil et un sourire un peu forcé pour rendre le spectacle un peu plus beau. Il n'y avait que lorsque des personnes comme lui, que je connaissais un peu et dont la présence ne me déplaisait pas, que je me sentais un peu mieux. « Et trop mignon en plus de ça, moooh, p'tit chat. » Je retenais mon sérieux deux secondes, avant de lâcher un gloussement, il se faisait trop rare que je dise des compliments aux autres. Si quelqu'un faisait quelque chose de bien, je préférais fermer ma gueule, ça m'épuisait moins que balançait des choses niaises. En comparant ce bar à celui de la plage, je riais presque. C'était normal quelque part, en été, d'avoir moins de clients, on ne pouvait pas rivaliser contre ça. « J'suis sûre qu'elles sont toutes plates. » J'étais mal placée pour parler, parce que j'n'avais pas de formes et mon caractère ne faisait pas penser à celui d'une femme, parfois, mais c'était un moyen de défendre mon camp. « Tu regrettes maintenant ? » Je le regardais presque avec un regard triste pour qu'il réponde que non. Je riais légèrement lorsqu'il disait que j'devrais plutôt servir mes clients en maillot. « Et puis quoi encore ? Que j'offre d'autres services que celui de servir des bières ? » Je secouais la tête en signe de réprobation.« De toute façon, y’a rien à voir ! » J’haussais simplement les épaules, avant de baisser mes yeux pour passer mon revu mon corps. Réellement rien à voir.

Monroe avait pour habitude de penser que les filles étaient trop compliquées, trop pleines de contradictions pour qu'il ait l'envie de se prendre la tête à les comprendre ou à s'entendre avec. En fait il pensait ça de l'espèce humaine en général, voilà pourquoi il se liait si peu avec les gens, pourquoi il restait en retrait, éternel solitaire. Il était la personnification du compliqué et du contradictoire alors il savait bien à quoi s'attendre avec les autres, il ne voulait déjà pas emmerder le monde avec sa vie alors que le monde ne l'emmerde pas. Il pensait que les filles étaient pires que les hommes, elles disaient ne chercher qu'à s'amuser et puis finalement elles en demandaient toujours plus, enfin c'était son point de vu. Pour Aino c'était un peu différent, il ne la connaissait pas vraiment assez pour le dire mais il avait l'intuition qu'elle n'allait pas lui prendre la tête, c'est pourquoi il se prenait à ces taquineries avec elle, parce que ça ne resterait qu'un jeu sans arrière pensée. Dans la bouche de la blonde comme dans la sienne, les compliments mielleux sonnaient faux et c'était d'autant plus drôle. Donne-moi du p'tit chat, j'adore ça. Il roula des yeux, lui qui détestait les surnoms niais, ça c'était pour les autres, ceux capables de sentiments et de douceur. Il risqua un coup d'oeil à la poitrine d'Aino et un haussement de sourcils quand elle attaqua les filles "plates". Oui c'est sûr qu'avec ton 95D tu les bats toutes. Un petit rire amusé sortit de cette bouche qui riait pourtant si peu. Non pas qu'il ait quelque chose à redire des formes de la barmaid, mais c'était carrément la poêle qui se moquait du chaudron, enfin il n'était pas là pour arbitrer un concours des filles les mieux roulées de la ville, il y perdrait sûrement la tête à la fin. Je regrette carrément, j'espère au moins que la bière est bonne, je n'aurais pas tout perdu. Jax et son franc parlé qui faisait toujours plaisir, en même temps elle le cherchait ! Il afficha une petite moue en faisant semblant de réfléchir. Nan, ça serait too much après, on ne pourrait plus appeler cet endroit "bar-resto", d'ailleurs c'est quoi ce nom ? On dirait un boui-boui en bordure d'autoroute. Il sourit alors qu'elle se reluquait devant lui. Ça suffit certainement à quelques hommes, t'as pas besoin d'être siliconée. 'fin c'est mon point de vue. Cette manie qu'avaient les filles de toujours se rabaisser comme pour quémander des compliments. Peut-être que s'ils étaient dans son atelier et qu'elle posait pour lui Jax se plierait à la flatter un peu mais ce n'était pas le cas. En tout cas il avait horreur des filles refaites ou artificielles, même celles qui se maquillaient comme des pots de peinture, la nature était bien faite, autant la respecter un peu.