(Maslana) In your eyes, I'm alive.

Si tu ne vas pas voir ton neurologue, je te coupe les vivres. Comme si un traitement miracle ponctué d'éléctrodes allait trouver le remède miracle contre mon apathie. J'ai eu beau argumenter pendant de longues minutes avec mon père, la bataille était perdue d'avance. La raison était que j'avais beau avoir ce job secret, je dépendais encore financièrement de ce connard et de sa femme assez superficielle. Je soupire alors en détachant mes longs cheveux argentés que je laisse tomber de manière négligée sur mes épaules. Comme à mon habitude, j'avais enfilé une robe noire. Puisqu'on m'avait vu comme une sorcière durant une majeure partie de ma vie, autant jouer le jeu jusqu'au bout. Ayant lassé mes Doc martens aux pieds, veillant à ce que Brutus et Néron ne manquent pas de nourriture, je suis partie en direction de l'hopital. J'avais bien entendu mis mon casque sur les oreilles. Pour deux choses. Pallier au bruit à cause de mon hypersensibilité auditive et ensuite pour apprendre ma nouvelle chanson par cœur. Un duo. Sans doute une grande nouvelle me concernant. J'arrivai dans l'endroit aseptisé pour me faire indiquer le bureau de cet Anderson. Prénom ou nom de famille. Like I care. Arrivant dans le service neurologique, je donnais ma carte pour aller m'asseoir dans la salle d'attente, les mains posées à plat sur les genoux, étudiant de près les fissures du plafond en attendant qu'on vienne me chercher. Je ne m'étais pas rendue compte que je chantais la musique que j'avais dans les oreilles. Comme si je me souciais du regard des autres…

Une apathie.
Je me rappelle d'avoir lu une étude du psychiatre Marín à ce sujet. Il disait qu'il fallait considérer cela comme un symptôme,  depuis j'ai jamais ignoré cette maladie (qui reste assez rare car je n'en ai pas souvent vu durant ma carrière). En effet, elle a été souvent associée à des maladies neurologiques, neuropsychiatriques même voire un accident vasculaire cérébral qui risque de survenir à tout moment. Sauf que ce cas-là, c'est une jeune femme de 24 ans, aucun antécédent de maladie ou quoi ce que ce soit qu'ils aient pu trouver. C'est un cas assez intéressant et Muller a bien fait de me passer le dossier.

Ceci dit, j'ai enfin le temps de voir cette patiente. Il n'a pas été facile pour nous deux de caler un rendez-vous entre tous les autres patients que je dois voir et les interventions chirurgicales...! Le dossier à la main, je marche le long du couloir, je me retiens de siffloter même si c'est vide, cela ne reste pas professionnel. Je croise la secrétaire qui me signale la présence de ma nouvelle patiente. Je souris pour la remercier et passe par la salle d'attente. " Mademoiselle Valentine ?" l'appelais je avant de remarquer qu'elle est seule dans cette salle, mes autres collègues ne reçoivent pas après manger, j'avais oublié ce détail. Cependant, une chose m'est curieuse, je fronce les sourcils à la sensation du "déjà-vu" et j'entre dans la salle comme si j'étais attiré par sa silhouette ainsi que la musique dont elle écoute. Quand je croise son regard, je me suis figé et mon dossier aurait pu tomber. Sauf que je grogne plutôt et soupire d'exaspération.

Bon sang. Non.
Il suffit que nos regards se croisent que je refais à nouveau face à la désagréable sensation qui m'accompagne toujours quand je suis en compagnie de ma femme. Je ne pensais pas croiser Winter, la femme avec qui j'ai trompé Joyce en tant que patiente. Elle est seule dans cette salle d'attente donc ça ne peut pas être quelqu'un d'autre. " Svetlana Valentine hein...?" fis je avec un air bien exaspéré à ma façon.

Ma tête dodeline au rythme de la musique tandis que je continue de fixer le plafond. Je me surprends même à murmurer les paroles de la musique que je suis en train d'apprendre. Pour cause qu'on m'a mise aux défis de chanter la chanson de ce film nullissime, cinquante nuances de je-sais-plus-quoi. Je consulte ma montre en me disant que j'aurai eu le temps de nourrir les lions du zoo au moins cent fois le temps que Anderson truc nuche daigne ramener ses fesses de neurochirurgien ici. Lorsque je sens la présence de question, je baisse la tête pour croiser un regard familier. Tiens, tiens. Le mec avec qui j'avais passé la nuit récemment. Il était sympa. Mason Anderson. Ah. Je sens que lui ne semble pas ravie de me revoir. Forcément. Un détail me saute aux yeux lorsque je pose mon regard sur ses mains. Une alliance. Il avait dû la retirer l'autre soir car je ne l'avais pas vu. Je fronce les sourcils avant de penser la tête sur le côté. Tu pensais quand même pas que je m'appelais Winter ? Je suis canadienne et apathique ok, mais ça serait un peu cliché d'appeler l'arbre mort par la saison qui l'a tué. Je secoue la tête avant de lever les yeux au ciel pour me lever. J'attrape sa main sans aucune gêne de mes doigts glacés pour examiner l'alliance. Elle était éraflée donc le mariage n'était pas récent. Je comprends mieux maintenant. Je n'allais pas étaler notre passif sexuel dans une salle d'attente. Bon, j'ai plus qu'à changer de neurologue je pense. ça serait pas très déontologique… Mais je doute qu'il me laisse partir. J'étais un cas rare après tout. Je le fixe en croisant les bras sur ma poitrine, attendant son approbation.

J’ai une chance sur deux millions pour la croiser. Et faut que je la croise aujourd’hui, en tant que nouvelle patiente... Forcément, je dois avoir fait quelque chose de mal au bon ciel pour que je me retrouve dans une situation assez embêtante, voire absolument pas avantageuse parce que ça peut avoir des conséquences pour mon avenir. Je soupire encore en arquant un sourcil face à sa réponse. ” Tu serais surprise de savoir qu’il y a des gens qui portent vraiment le prénom Winter. Et tu n’es pas un arbre mort.” Il faudrait qu’elle arrête de penser négativement et qu’elle est un arbre mort, elle n’en est pas un, elle est atteinte d’une apathie. Ceci dit, j’aurai dû m’en douter qu’elle m’ait donné son faux prénom… Raah.

Je ne cache pas ma surprise face à sa familiarité du geste et observe sa réaction. Je retire ma main de la sienne et tourne la bague de cette même main autour de mon doigt plus par stress que par habitude. ” Il n’y a rien à comprendre.” répliquai-je fermant ainsi la discussion. Oui j’ai trompé ma femme, pas besoin qu’on me le dise que ce soit directement ou indirectement. Je n’ai pas envie d’expliquer pourquoi j’ai fait ça et je me sens déjà assez mal à cette idée. ” Mhmh.” répondis-je négativement par la moue, je secoue la tête pas d’accord à son idée. C’est mal me connaître: l’apathie étant un cas rare, voire même le St-Graal pour moi. Ce serait louche aux yeux de tous les collègues que j’abandonne aussi rapidement son cas et ça éveillera les soupçons si j’expliquais que c’était pour les raisons déontologiques… Dont j’en ai peut-être rien à faire. ” Tu as peut-être raison, mais non. Je ne te conseille pas de changer de neurologue, si mon collègue m’a passé ton dossier, c’est qu’il savait que personne d’autre ne gèrera mieux ton cas que moi… Laisse-moi au moins établir l’origine de ton apathie.” Sur ces mots, je fais un geste d’invitation pour sortir la salle d’attente et fais signe de me suivre jusqu’à mon bureau.

Oh ça allait être long et chiant. Je ne peux m'empêcher de fermer les yeux en faisant un constat de cette situation. Se retrouver en face d'un ex-plan cul, ça passe encore. mais un homme marié. Je ne fais pas dans les hommes mariés, ni dans les femmes. ça n'apporte que des problèmes. Je pousse un profond soupir lorsqu'il ne me qualifie pas d'arbre mort. Ouais, t'as raison. J'avais dit ceci de manière ironique. Je ne pense pas que tu saches ce que ça fait Mason. Je fais un pas en avant alors que lui essaie de se dérober à mon contact. Je ne ressentais rien. un vide intersidéral au fond de mon ventre, sensation désagréable. je ne ressens rien. toi t'es en colère parce que t'es un crétin. Mais moi, je ne ressens rien. ça m'ennuie. il m'ennuyait aussi. Il fallait arrêter de réagir comme un gamin et qu'on sache ce qu'il y avait de mieux pour nous deux. A savoir ne pas se revoir et mettre de la distance. Waouh, je suis un cas. Je pense que j'aurai pu rire mais j'en avais assez de me faire insulter. Je lève alors les mains. Elles me trahissaient encore en tremblant de plus belles. J'irai nulle part avec toi, Mason. Je le dépasse alors, vexée pour le pousser d'un coup d'épaule. J'en avais marre qu'on me prenne pour un cas. Je ne fais pas dans les hommes mariés, ajoutai-je en me tournant vers lui avec mon regard mauvais, et ensuite si je suis là c'est parce que mon père m'y force. Ma main tremble de plus belle contre mon corps. Puis, je dégage aussi sec pour aller me poser à l'extérieur de l'hôpital et sortir le téléphone. Coupe-moi donc les vivres, Papa. Vu la manière dont Mason m'avait regardé, je préférai ne plus mettre les pieds dans cette salle d'attente. Il m'avait regardé comme si j'étais un cafard, une vulgaire trainée. Et c'est plus que je ne peux le supporter…

Je soupire encore une fois et finis par croiser les bras. Je n'aime pas croiser les bras ceci dit, mais ça s'est fait sans que je l'ai décidé, encore une réaction que je ne contrôle pas. Je n'ai pas la moindre idée de ce que ça fait de vivre sans émotions, sans sentiment et ce serait égoïste dans le fond que je rêve d'avoir ça par moment parce que c'est fatiguant de ressentir tellement de choses. " Eh." réagissais-je à l'insulte en m'approchant d'elle sur le coup. " Raison de plus d'être ici alors..." Raison de plus de vouloir savoir contrôler au moins ça et améliorer ses conditions de vie. "Ce n'est pas ce que je veux dire." Soupirai-je à sa réaction sur le mot cas. Je fronce immédiatement les sourcils quand mes yeux tombèrent sur les mains tremblantes et ça m'a bien figé quelques secondes alors qu'elle en profite pour me dépasser. " Ça tombe bien, je ne fais pas mes patientes." répondis-je du tac au tac sans me contrôler alors que dans la seconde suivante, je voulais me taire. Encore heureux que tout le monde soit parti manger et que personne nous entend discuter. " Eh ! Attends !" fis-je sans me retenir une fois de plus maintenant que j'ai vu à quel point ses tremblements étaient incontrôlables. Ce n'était pas de la colère sur le coup, y a une différence entre trembler de colère et trembler de ... Raaah.

Je soupire et grogne en même temps, je passe les mains dans mes cheveux et serre la mâchoire. Bordel, si j'avais que c'était elle, je me serai bien préparé et j'aurai fait ce que j'ai pu pour garder mon calme. Bon si je n'avais pas gardé mon calme, elle n'aurait pas tremblé et... Faut que je me reprenne, reprends toi Mason ! Faut que je me calme et l'empêche de partir, ce n'est pas le moment de taper sur quelque chose. Je passe dans mon bureau et en profite pour me débarrasser de ma blouse, c'est impossible de sortir dehors sous cette chaleur assez couvert. Ici il fait froid à cause des climatiseurs.

Je finis par la rejoindre quelques minutes plus tard, je l'ai retrouvée en train d'attendre quelque chose et devant son téléphone. " Hey." fis-je pour signaler ma présence. Je lève la main en guise de paix alors qu'elle doit sûrement se tendre comme un ressort ou quoi. "Je ne suis pas venu pour qu'on se prenne la tête à nouveau... Je peux ?" Qu'elle ne veuille ou pas, je m'assieds quand même à côté d'elle sur ce banc, en maintenant une distance respectable. Je n'ai pas la moindre idée de comment elle est venue ici, mais ça ne me regarde pas, quoique dans tous les cas je devrais faire vite si elle prend un bus. " Désolé pour tout à l'heure, j'ai agis comme un con et ça m'arrive un peu trop souvent. Ce n'était pas professionnel de ma part tout à l'heure de laisser ma colère prendre le dessus." Sur ces mots, je sors de ma poche de ma chemise le paquet de cigarettes avec le briquet et en coince une entre les doigts. Je lui en propose en lui tendant le paquet. Quoi ? C'est ma façon d'enterrer la hache de guerre... " Tout à l'heure, quand j'ai dit que personne ne gèrerait mieux ton cas que moi, je parlais purement du cas médical et non de ta personnalité en général. C'était maladroit." Une pause. Je soupire et mets la cigarette dans ma bouche, je l'allume et en aspire un coup. Je suis médecin, je sais, mais j'aime bien fumer. " Écoute, j'ai besoin que tu me laisses faire mon boulot et qu'on mette de côté notre rencontre de nuit le temps que je suis ton neurologue, il ne se passera rien entre nous. Est-ce qu'on peut faire ça ? Parce que j'ai remarqué autre chose tout à l'heure quand tu t'es énervée et je crois que ça a un lien avec ton Apathie et je ne peux pas te laisser partir comme ça... " Surtout que j'ai bien compris que vivre avec l'ennuie totalement, mais d'un autre côté, je trouve ça intéressant, mais c'est égoïste aussi.

Je ne mens jamais. Une grande qualité comme un immense défaut. Mon apathie ne me permettait pas d'énoncer des mensonges. Seulement ma franchise m'avait coûté pas mal de choses ces dernières années. je le regarde avec impassibilité. Je n'étais pas en colère, ni même déçue. Je m'en foutais pas mal. J'ai pas envie d'être ici, dis-je de ma voix la plus calme. C'était vrai. je n'appréciais pas les médecins. Depuis que j'étais enfant, je passais mon temps dans les hopitaux. J'ai vu plus d'IRM qu'un gynéco a vu de vagins. J'ai eu tellement d'éléctrodes sur la tête que je me faisais l'effet d'être une petite souris. Un rat de laboratoire. Pourquoi cette femme ne ressent rien ? Quel monstre ! Sorcière ! Sirène ! Va te faire foutre, lui sifflai-je avant de quitter son antre. Je ne pouvais pas rester ici une minute de plus. mais pour aller où ? Vêtue d'un large chandail noir et d'une robe tout aussi sombre, je détonai une fois de plus avec le soleil. Encore une fois, je m'étais façonnée un personnage. Je me pose sur les marches à l'extérieur sous cette chaleur étouffante avant de regarder mes mains. en plus de trembler, elles étaient désormais cripées. Je ne pouvais plus bouger mes doigts comme he le voulais. Je me concentre dessus lorsque la voix de Mason me fait sursauter. J'aurai envie de lui crier de dégager mais son signe de paix me pousse à ne pas réagir. Je détourne le regard avant de m'écarter un peu pour lui laisser une place. J'allonge mes jambes pour cacher mes mains dans les poches de mon gilet et regarder droit devant moi. Je finis par voir son offrande et j'ai beau ne pas fumer. On m'a souvent dit que c'était impoli de refuser. Et bon, j'allais sans doute crever avant de contracter un cancer. Je me penche pour attraper une clope avec mes dents ne pouvant me servir de mes mains. puis après qu'il me l'ait allumé, je fais une grimace pour délier ma main droite dans un craquement. Je hausse les épaules, glissant sur ses excuses. Je ne suis pas rancunière, murmurai-je. C'était vrai. il n'y avait pas de place pour ça dans ma vie. Je n'étais rien du tout en fait. Mais t'as rien compris. Je me tourne vers lui pour le fixer. j'en ai assez d'être un cas. Un cas médical. Ça fait 24 ans que j'en suis un. Et tu m'as regardé comme si j'étais une trainée. J'en suis pas une, Mason tout comme je ne suis pas un " cas " je suis un arbre mort, certes mais je ne suis pas un foutu dossier. J'avais un prénom, j'avais un nom de famille et un cœur qui battait même s'il ne ressentait rien. J'éclate de rire après avoir tirée sur la cigarette pour la première fois. Bien sûr que non. Je me penche un peu pour poser ma main froide sur la sienne, plongeant mon regard dans dans ses yeux aussi noirs que mon âme. Tu me désires encore et tu me désireras pour longtemps, je pense. Je relève la main pour la passer sur son visage. Ma main qui tremblait un peu trop. C'est ça que t'as remarqué ? je sais déjà que je vais mourir. Je ne sais pas de quoi mais je sais que je vais y passer et tant pis écoute. je retire ma main pour la poser sur ma cuisse et détourner le regard, mettant fin à la connexion. Tu pourras écrire un article dans un revue médicale sur moi quand je serai plus là. j'te cède le droit à ma maladie.

Je lui ai allumé la cigarette. Mine de rien on s'est tous les deux calmés et j'ai essayé de m'excuser au mieux que j'ai pu, mais il est vrai que j'ai tendance à considérer les gens comme des dossiers, des noms que je vois souvent sur des papiers et que j'essaye de soigner pour qu'ils s'en sortent. Je vois assez souvent les gens comme des portes qui me permettent de me rapprocher de Dieu. Savoir enlever une tumeur, sauver la vie d'une personne durant une opération lourde de cerveau après un accident de voiture, être acclamé... Invité à des conférences, des fois en animer et tout ce qui s'en suit. J'étais très vite confronté à des cas médicaux que j'en oublie souvent le côté humeur. Même Joyce me l'a reproché et les fois qu'elle me fait ça, je me rattrapais auprès des patients, montrant que je peux être ce médecin humain. " On me l'a souvent reproché."

Dans tous les cas, il nous fallait être clair. Ce n'était qu'une nuit et rien de plus. Chacun retourne dans son train train de vie, que je retourne vers ma femme et elle, qu'elle vive sa vie comme elle le veut, mais sûrement avec des émotions. Je soupire en laissant la fumée sortir et je tourne mon regard vers elle avant de la baisser sur sa main. La mienne bouge, non pas pour la repousser et c'était insciemment pour réchauffer le bout de ses doigts froids. Comment peut-elle avoir aussi froid avec du soleil et 24° dehors ? Est-ce dû à la mauvaise circulation sanguine aux extrémités...? Je redresse mon regard vers le sien et perd tout rythme de respiration avant de murmurer. " Peut-être... Mais, non. Maintenant, ce n'est plus le cas. Sérieusement Win...Svetlana." Si ça dérape à nouveau, je serai obligé de devoir la remettre à Muller avec mes directives et les examens à faire. Cette main froide touche mon visage et à ses paroles, je la récupère dans un geste qui se veut attentionné, pas pour la repousser mais pour l'observer. Bon, je n'ai pas forcément mes affaires de médecins, mais ce n'est pas grave, je peux faire sans. " Honnêtement, si c'est ce dont je pense, tu n'en mourras pas... Du moins, pas de suite, mais ça te rendra la vie assez handicapante plus qu'elle ne l'est déjà actuellement." Je relève mon regard et j'eus le temps de voir qu'elle le détourne et je soupire tout en fumant ma cigarette. " Ne t'enterre pas trop vite, je n'ai pas l'intention de te laisser mourir. " Une pause et je lui tends la main, de quoi susciter une interrogation de sa part et ça me fait sourire un peu avec la cigarette à la bouche. " Svetlana, est-ce que ça te dérangerait vraiment que tu essayes de pianoter avec ta main sur la mienne ?" fis-je un peu amusé. "C'est purement clinique et change totalement des examens que tu as dû faire jusque là. J'ai lu ton dossier et ils n'ont rien trouvé dans l'IRM, tu es même passée aux électrodes... Je n'aime pas ça." soupirai-je.

je la sentais de nouveau. Cette connexion entre nous deux. Alors qu'il se pose à mes côtés, je sens mon intérêt pour lui. comme si un lien invisible nous reliait. Je l'avais senti avec Jaeden l'autre soir sans que ça aille forcément plus loin mais avec Mason, c'était différent. Sans doute parce qu'il ne voulait pas de moi et qu'il était marié. On veut toujours ce qu'on ne peut avoir, chuchotai-je sans détourner le regard. C'était une étrange vérité. J'ai un petit sourire avant de commencer à caresser sa main d'un geste distrait. Tu te mens à toi-même. J'inspire profondément. Fais attention à ce que tu n'ouvres pas les yeux trop tard. Je ne me suis jamais menti, tout comme je disais tout ce que je pensais. C'était un mal certes. Mais je lui avais dit lorsque nous nous étions rencontrés. Que je percevais les auras et que je disais tout ce qui me passait par la tête. ma main remonte le long de son visage pour venir caresser sa joue et je le laisse faire lorsqu'il l'attrape. Avec douceur comme l'autre soir. Je me mordille légèrement la lèvre inférieure tandis qu'il m'examine avec son regard de médecin. Une perspective bien réjouissante en somme, ajoutai-je en expirant la fumée. Je laisse ma main entre la sienne avant d'avoir un petit rire froid et rauque. Ça c'est parce que tu tiens à moi mais si mon heure vient, tu devras me laisser partir. Une nouvelle vérité quand on y pense. J'allais finir par le mettre mal à l'aise ou trop dans le confort. Je tourne de nouveau la tête vers lui avant d'arracher mes doigts de son contact. Je fais glisser l'étoffe de mon gilet pour découvrir mes épaules avec ma petite robe. D'un geste, je replis l'étoffe que je pose à côté. J'attrape sa main avant de la poser sur ma cuisse dénudée. Je fronce les sourcils avant de me concentrer sur ma main qui ne tremble presque plus. Je ferme un instant les yeux avant de commencer à pianoter maladroitement sur le dos de sa main. Elle était plus chaude que la mienne. je suis un cas desespéré que veux-tu. Atypique jusque dans ma santé. Alors dis-moi love, t'as beaucoup pensé à moi depuis la dernière fois ? Je relève la tête avant de lui sourire. Oh et désolée d'être partie, je devais aller travailler.

« Mais on finit par toujours se lasser quand on n’arrive pas à obtenir ce qu’on n’a pas. » lui répondis-je avec un petit sourire au coin gêné. Je sais que si je résiste et que je tiens bon, elle finira par se lasser et passer à autre chose tandis que moi, je vais essayer de me remettre de la culpabilité qui n’arrête pas de me suivre depuis que nous nous sommes rencontrés à cette soirée. Je n’aimerai pas être trahi par mon propre corps à l’idée que je me mens moi-même, à l’idée que je la désire toujours. Ce n’est absolument pas vrai, je devrais arrêter cela. « Comme quoi, tu finiras par passer à autre chose un moment donné. » Et ma main arrêtait de la caresser au final, sur ces mots. Je ne peux pas entretenir cela, lui faire comprendre qu’il y a de l’espoir, ce n’est pas possible parce que je suis marié, j’ai une vie déjà bien entamée, elle est jeune et même si elle n’a pas une vision optimiste pour sa vie, elle a quand même un avenir.  « Ouais… Mais il y a des médicaments qui améliorent les conditions de vie en plus d’être dans l’époque où le progrès médical est constant. » Oui, je parle de nouveaux traitements même si j’ai conscience qu’une personne peut avoir des besoins tout à fait différents des autres en fait et tout dépend de la maladie qu’elle a. Svetlana reste assez réaliste malgré son pessimisme, on meurt bien tous un jour et on ne laisse pas toujours le choix de devoir laisser les autres partir quand l’heure est venue. « Oui, mais pour l’instant nous en sommes pas là. » Alors autant profiter du moment présent de ce que la vie nous offre.

Je laisse mon côté médecin reprendre le dessus, c’est ce pour quoi elle est venue plus qu’autre chose. Je ne cherche pas à reprendre contact avec elle, elle non plus de base, elle ne m’a rien laissé et est partie comme une voleuse. C’est qu’elle est passée à autre chose tout comme moi qui essaye sauf qu’elle semble s’en amuser, mais j’ai l’impression que c’est plus que ça. Elle retire son gilet alors que je lui avais tendu la main, contre toute attente et comme je m’en suis douté contradictoirement… Elle la prend alors que mon regard s’était un moment attardé sur ses épaules. Je récupère ma cigarette de l’autre main et continue à fumer. J’aurai pu m’étouffer dans ma fumée à la réalisation: elle a déposé ma main sur sa cuisse. J’en profite pour remarquer elle est douce, plus douce que celle de ma femme… Ah, merde. Je ne vais pas me mettre à comparer… Je ne retiens pas ma grimace perturbé à cette idée et me focalise au final sur sa façon de pianoter ma main tout en ayant remis la cigarette à la bouche.

C’est trop maladroit, elle n’a pas assez d’appui et encore elle est froide. Comment peut-elle avoir aussi froid ? Je laisse échapper une petite moue après qu’elle ait arrêté et je relève mon regard pour croiser le sien quand elle me pose la question et qu’elle s’excuse de son départ précipité. Le boulot… Forcément. Je soupire face à mon coeur qui se resserre de culpabilité, je déteste ce sentiment et ça m’agace assez que je retire la main de sa cuisse et récupère la cigarette. « Suffisamment pour me faire culpabiliser. Est-ce que tu peux arrêter de me poser les questions de ce genre ? Et ces gestes ? C’était une nuit, c’est tout, on tourne la page, on passe à autre chose. » Je ne veux pas atteindre le point de non retour . Je me gratte le front par la même occasion quand elle m’explique. Je lève les deux mains devant moi pour imposer la distance et le fait qu’on doive arrêter là « Laisse-moi être ton médecin, à moins que tu veuilles changer et retourner auprès de ton ancien neurologue ?»

Tout dépend de la personne et du challenge à relever, répondis-je. Ma voix était aussi froide que mon corps, aussi dénuée d'intonations. Une voix grave, caverneuse qu'on disait enchanteresse. Je ne suis pas stupide au point de lui faire des avances de but en blanc. Au contraire, on pourrait juste me prendre pour une gosse qui discutait avec un adulte. Une gamine ayant besoin de réconfort parce qu'elle venait d'apprendre sa mort soudaine. Je n'ai aucun geste déplacé, aucun mot. Comme l'avait dit Charles, j'étais douée avec les mots. Pour faire ressentir ce qu'il fallait à un mec. C'est très mal me connaitre Docteur Anderson. Je suis très tenace. Et ça me fait une distraction. J'avais dit cela sans réellement réfléchir. Je ne voulais pas foutre la vie de cet homme en l'air pour mon bon vouloir. Je sais très bien ce qu'il veut. Il était évident que sa femme le privait de choses qu'il avait trouvé à mon contact. La passion qui nous avait animé cette nuit-là n'était pas éteinte. Elle transpirait tout son être et il devait se faire violence pour ne pas agir comme un animal, aller à l'encontre de son intuition de ses besoins. J'ajuste donc ma position pour défaire mon gilet. Je sens le regard de Mason caresser ma peau trop laiteuse, trop blanche. J'étais ici depuis longtemps et je n'avais pris aucune couleur. Un autre méfait sans doute. Même ma peau était apathique. Je saisis sa main du bout des doigts pour la poser sur un morceau dénudé de mon corps. Je la positionne bien avant de me concentrer. Mon pianotement était maladroit. J'avais l'impression d'être une enfant à qui on apprenait à tenir un crayon. Je pousse un grognement de frustration avant de soupirer. Je hausse un sourcil avant de me rapprocher de lui. encore une fois sans un geste déplacé. Je me penche alors pour sonder son regard. Je peux arrêter mais ton cerveau n'arrêtera pas lui. Une autre vérité. Je prends la cigarette d'entre ses lèvres pour la glisser avec un geste sensuel entre les miennes. Je ne te demande pas de te défaire de ta vie d'antan. Petite référence à la femme. La situation avait tourné à mon avantage. Je repose la cigarette entre ses lèvres avant de caresser sa joue du bout de mes doigts glacés. Je me penche alors pour le prendre dans mes bras, encore une fois comme une patiente qui viendrait d'apprendre une mauvaise nouvelle.T'as pas envie d'être mon médecin. Ou du moins, ton corps n'en a pas envie. Ça va faire très mal Mason. Ça commence par des fantasmes, des manifestations physiques. Quand tu coucheras avec ta femme, tu penseras à mes mains glacées sur ta peau brûlante. Quand tu me verras dans un endroit clos, t'auras envie de moi. ça s'appelle de la chimie. Il y a un corps pour lequel le notre est fait. Il répond à des phéromones propres comme une combinaison ADN. Je dépose furtivement mes lèvres sur sa joue avant de me redresser complètement. Une fois debout, je tire un peu sur ma robe avant de balancer mon gilet sur mon épaule. C'est une attirance génétique. Je glisse une main dans mon décolleté avant d'en sortir un billet pour le zoo que je lui tends du bout des doigts. Quand t'en pourras plus, tu pourras venir me voir. En ce qui concerne les neurologues, je vais voir. J'aime pas les médecins. Je préfère un mec -ou une nana- dénudé plutôt qu'avec une blouse. Après, je lui tends la main en signe que cet entretien était terminé. Après tout, il semblait souffrir le martyr le pauvre chaton. Il fallait tout de suite le libérer pour qu'il puisse aller se masturber…

Voilà ce que c’est donc, ce dont je suis: une distraction. C’est sûr que ça doit bien être jouissif de foutre la vie de quelqu’un en l’air, surtout quand je suis le genre de personne à avoir tout à portée de main: l’argent, le métier dont j’ai la reconnaissance, une belle voiture, une magnifique femme, une tortue (même si un chien aurait été pas mal) et tout ce qui se suit. Dès qu’il y a la moindre erreur, les gens n’hésitent pas à sauter dessus pour m’enfoncer. Les erreurs, j’en ai fait pas mal, mais pas cette erreur-là. Pas celle où j’ai trompé ma femme et cette pensée là, elle va me hanter jusqu’au bout, que je le veuille ou non. Et revoir Winter … Ou Svetlana ne fait qu’accentuer ces pensées et ça ne m’aide pas à rester professionnel, avec ces avancer, je ne peux pas exercer mon travail et encore, ce n’est pas sous les yeux de Joyce. Pas dans ces conditions, alors soit elle arrête ces avances, soit elle change de neurologue et je pense qu’elle restera sur la seconde option. C’est ainsi que je vois ma plus grande occasion en or, celle qui pourrait m’aider à embellir encore plus mon cv partir, m’échapper entre mes doigts. Elle peut arrêter, mais mon cerveau n’arrêtera pas, c’est ce qu’elle me dit et même si ça m’agace dans le fond (elle doit bien le voir), elle sait que je sais qu’elle a raison. J’en ai même fait des études là-dessus. Mais la théorie n’a rien à voir avec la pratique.

Je soupire en même temps qu’elle me prend la cigarette de la bouche, je souffle de la fumée sans dire un mot, sans essayer de reculer pour garder une distance respectable. Mon regard ne quitte pas la cigarette, ni ses lèvres ensuite, la fumée. Je la récupère ceci dit et je l’avais à peine remarquée, il a fallu que la fumée entre dans ma bouche pour que je réagisse et que je bouge enfin. Sa main froide contre ma joue rugueuse avant d’être penchée vers elle pour une étreinte. Je pose la main sur son dos, je touche du bout de mes doigts son épaule dénudé et je serre la mâchoire malgré moi à ses mots. Je viens de lui apprendre une mauvaise nouvelle et elle cherche du réconfort, voilà ce que les gens peuvent interprêter. Ce genre de geste je l’ai déjà fait avec d’autres patients… Au moins, je l’ai fait sans avoir la pensée que j’ai couché avec eux. Cependant, je l’écoute parler, balancer tout le processus de ce qu’on appelle le désir, même si elle appelle ça la chimie (dû à son apathie sûrement).

Et le pire dans tout ceci, c’est que j’en ai même perdu mon répondant. Tout ce que j’ai fait, c’est de la regarder, sans dire un mot alors que je me sens parfaitement tendu et que j’avais les mots au bout de ma langue, mais rien ne semblait m’aider à parler. J’ai mis la main sur le banc alors qu’elle prend la distance après un autre contact qui fait que ça l’aidait à savoir à quel point j’étais tendu. Et franchement je ne suis pas des plus aidés là. Je récupère ma cigarette et l’écrase sur le banc avant de la jeter quelque part sur le sol d’une pichenette. ” Ou ton imagination.” répondis-je avant de prendre assez intrigué sa carte, comme si elle avait préparé cette entrevue depuis longtemps. Je lis la carte et arque un sourcil, un zoo ? J’ai une tête à aller au zoo moi ? Apparemment oui, si on savait comment j’ai obtenu ma tortue… Enfin, je ne compte pas retourner au zoo quoique… Non, je ne viendrai pas la voir parce que je n’en pourrai plus. C’est la porte ouverte pour m’enfoncer en fait et je ne m’en sortirai jamais. La réponse est vite trouvée: je ne viendrais pas. Je soupire un peu à sa remarque. ” Pourtant t’auras quand même besoin d’un médecin pour t’aider avec les tremblements en plus de ton apathie. Sérieusement, tu ne peux pas vivre avec ça sans un traitement.” Et sur ces mots, je lui serre la main. Je la regarde partir alors que le bus arrive maintenant. Je reste toujours assis alors que je sors une autre cigarette que j’allume sans perdre du temps. Je la regarde partir, du moins son bus disparaître et je soupire, mais je ne suis pas pour autant détendu. ” Eh merde…” grognai-je, agacé par ce qui vient de se passer. C’est pas le genre de rencontre que je voulais et est ce que je viens tout juste d’avoir une patiente me glisser entre les doigts là ? Je me tape moi même le front avec un air blasé. ” Quel con.” Mais surtout, je me sens pas prêt à me lever de suite.