lennox ∇ i see fire burning the trees...

Andreas ne terminait pas trop tard ce soir. Contrairement à bien des soirées au cours d’une semaine, ils auraient la chance ce soir de pouvoir manger en tête-à-tête. Quand ça arrivait, Lennox n’hésitait pas une seule seconde à proposer de l’attendre, jusqu’à son retour, même si c’était un peu plus tard que l’heure de repas habituelle. Il en avait profité pour ressortir son autocuiseur reçu de sa mère quelques années auparavant. Il n’avait jamais pris la peine de l’utiliser, l’ayant automatiquement rangé dans un placard. La motivation d’essayer de nouvelles recettes et de nouvelles techniques, quand il était seul, n’avait jamais été bien présente. Et puis, à un moment, que ce soit avec Lou ou avec Andy, le rythme de sa vie s’était vu complètement accélérer et il s’était doucement laissé glisser dans ce quotidien tout nouveau. Avec les cours de cuisine qu’Andreas et lui avaient débuté, toutefois, la curiosité culinaire de Lennox était réapparue, et cuisiner pour son homme était devenue une assez belle excuse pour essayer de nouvelles choses. Il avait donc placé toute la recette dans l’autocuiseur, suivant à peu près les indications du dépliant de sécurité, ne comprenant pas toutes les directives avec clarté. On aurait presque pu croire que c’était un juriste qui les avait rédigées, et tout était laissé à l’interprétation, ou à peu près. Il appuya toutefois sur le bouton on et rien n’explosa. Pour le moment. Il hocha la tête, rangea le reste de la cuisine avant de passer à l’étage pour se préparer pour la soirée à venir. Il avait passé la journée à faire du ménage, cuisiner et courir un peu à droite et à gauche, en plus d’avoir été promener Roxy. Forcément, une douche était de mise. Il apporta ses vêtements à la salle de bains, et se glissa sous l’eau chaude. Les minutes passèrent. Roxy aboyait, comme d’habitude d’ailleurs, et il profita du bruit du jet d’eau qui couvrait le son afin de vivre ne serait-ce que dix minutes de paix. Il l’aimait, ce chien, mais c’était du boulot de l’avoir constamment dans les pattes. En sortant, Lennox sentit l’odeur, ressentit la chaleur, et fronça les sourcils en sentant son cœur s’accélérer tout légèrement. Roxy était montée à l’étage. Ses griffes grattaient contre la porte close de la salle de bain. Il enfila rapidement son caleçon et son chandail, avant d’ouvrir la porte. La fumée se répandait déjà partout en bas des escaliers. À tel point qu’il ne voyait qu’à peine les flammes dans la cuisine et dans le hall d’entrée. Ses yeux avaient du mal à rester ouvert dans toute cette fumée, il eut tout juste le temps de voir Roxy s’élancer vers le bas des escaliers. « Roxy ! Reviens ! » Son téléphone portable était en bas, le logement était bien trop haut dans le bloc à condos pour seulement songer à passer par les fenêtres de l’étage, et ouvrir les fenêtres était-ce sans doute la pire idée avec un incendie d’une telle taille. Lennox était pris au piège, avec leur chien qui venait d’aller se foutre, complètement en panique, au beau milieu des flammes. Il remonta son t-shirt jusqu’à son nez, se protégeant les voies respiratoires avec ce dernier, avant de descendre les marches de l’escalier, à la recherche de Roxy. Quand il l’eut trouvée, il la prit dans ses bras pour s’assurer qu’elle ne lui échapperait pas à nouveau, et s’avança en direction de la porte d’entrée. La cuisine étant adjacente au hall, les flammes s’étaient déjà répandues au couloir. C’était un suicide que d’essayer de le traverser, et si Lennox avait à plusieurs reprises songé à mourir, là, à ce moment précis, tout ce qu’il voulait, c’était au contraire survivre. La barrière créée par le morceau de vêtement ne suffisait déjà plus. Il sentait la fumée pénétrer ses voies respiratoires, ses poumons. Et son souffle s’épuisa plus rapidement encore que son espoir, et avant même qu’il ne puisse s’accrocher à quoi que ce soit, il s’effondrait au sol, rendant sa liberté dévastatrice à Roxy.

Au moment où son corps avait percuté le sol, au moment où sa tête avait rebondi sur le plancher, Lennox avait senti sa poitrine s’alourdir par la fumée qui pénétrait son corps, juste avant que son esprit ne s’engourdisse au complet et qu’il soit propulsé dans un brouillard affolant. Plus rien. Le silence total, la chaleur brûlant presque sa peau malgré la distance des flammes, mais il ne le sentait même plus. Roxy aboyait encore et toujours, elle s’était même précipitée vers son maître inconscient, mais la pauvre ne pouvait plus rien faire pour l’extirper de cette lente mort. Quelques minutes passèrent pendant lesquelles les flammes se répandaient, ravageant les meubles, leurs souvenirs. Et puis on souleva le corps inerte de Lennox, ses bras et ses jambes pendaient de chaque côté du dos d’un pompier qui le transporta jusqu’à l’extérieur du logement en proie aux flammes. On le déposa rapidement sur une civière pour le prendre en charge, lui installant sans plus tarder un masque à oxygène et en prenant ses signes vitaux. Plus l’oxygène rentrait dans son corps, dans ses voies respiratoires, dans ses poumons, plus Lennox reprenait peu à peu conscience, même s’il avait l’impression que le brouillard se dissipait lentement. Comme la fumée qui s’élevait dans les airs au-dessus d’eux, emportant avec elle leurs souvenirs d’entre quatre murs isolés. La voix lointaine d’Andreas parvint jusqu’à ses oreilles, alors qu’il demandait au pompier de secourir leur chien. Roxy. Il se souvenait de l’avoir laissée tomber au sol au même moment où lui-même s’écroulait. La main d’Andreas glissa de la sienne et un froid intense s’installa là où sa paume était posée quelques secondes auparavant. Lennox se sentait soulevé, et il ne savait même plus dire si c’était son âme qui s’élevait ou s’il était physiquement relevé. Il était complètement désorienté. Ce n’est qu’en sentant le sol réapparaître sous les roues de la civière qu’il réalisa qu’on venait de le transférer dans l’ambulance, où on lui installa des équipements encore plus spécialisés. Les portières se refermèrent, et l’angoisse gagna le notaire jusqu’à ce qu’il entende de nouveau la voix d’Andreas lui annoncer qu’on le conduisait à l’hôpital, en raison de son inhalation de fumée. Sa main s’éleva dans les airs, à la recherche de celle d’Andreas, puis lentement, il ouvrit ses paupières. Il avait l’impression que ses yeux étaient desséchés, il ne voyait que flou le décor autour de lui, mais il arriva à poser le regard sur Andreas, sur sa silhouette mal définie qu’il aurait malgré tout reconnue n’importe où. « Roxy ? » Parvint-il à articuler malgré sa voix rauque et la toux qui s’en suivit.

La tête de Lennox alla lentement de bas en haut, presque imperceptiblement. Il tenta de se convaincre que son esprit lui avait joué des tours, quelques minutes plus tôt, qu’il n’avait pas entendu Andreas demander qu’on porte secours à leur chienne. Il était dans les vapes, c’était le cas de le dire, et qui sait ce que toute cette fumée inhalée pouvait lui faire voir, lui faire croire. Il était à demi-conscient et la réalité semblait lui échapper. Alors il laissait le bénéfice du doute à Andreas. Une partie de lui-même espérait qu’il lui disait la vérité, qu’il n’allait pas lui mentir cette fois, et que Roxy était en sécurité chez le vétérinaire, ou en direction de ce dernier. Tout comme eux était en direction de l’hôpital. Le reste du trajet se passa dans le silence venant de Lennox, qui lui se laissait bercer par les paroles rassurantes d’Andreas. Il avait refermé les paupières, le sentiment de brûlure sur ses yeux asséchés étant bien trop douloureuse. Sa gorgée lui donnait cette même impression d’être complètement irritée, et à chaque fois qu’il avalait, il grimaçait de douleur. Il se concentra sur sa propre respiration, et sur l’odeur déplaisante de l’oxygène provenant du masque qui couvrait presque tout son visage. Le son de la voix d’Andreas était tout ce qu’il entendait, tout ce qui guidait ses inspirations, ses expirations. Il ne laissa pas ses pensées déviées des mots qui sortaient d’entre les lèvres du norvégien, autrement, il sombrerait dans le cauchemar des dernières images qu’il avait enregistrées avant de s’écrouler. Une fois à l’hôpital, on lui passa une batterie de test, puisque les conséquences d’une aussi grande inhalation de fumée pouvaient parfois être mortelles, et qu’il fallait écarter tous les risques avant de le laisser repartir. On le gardait d’ailleurs sous observation, sous surveillance, pendant les prochaines heures avant de lui donner congé. Au bout de nombreuses consultations et de nombreux médecins rencontrés, on le conduit finalement à une chambre, partagée avec d’autres personnes mais un peu plus tranquilles déjà. Il avait le lit au bout, près de la fenêtre, et les rideaux étaient tirés pour leur offrir un peu plus d’intimité. Ce dernier poussa sans doute Andreas à poser cette question qui avait dû lui brûler les lèvres. Qu’est-ce qui s’était passé ? « Je sais à quoi tu penses. Et la réponse est non. » Il soupira, attristé d’être à ce point vulnérable que même Andreas le savait constamment au bord du gouffre. « Je n’ai pas bu, je n’ai rien pris, je n’ai rien … je ne voulais pas … c’était vraiment un accident. » Lâcha-t-il avec l’émotion dans la voix, ayant du mal à enligner les mots, à justifier ce qui aurait pourtant pu arriver. « J’ai ressorti l’autocuiseur offert par ma mère … Je pensais avoir tout bien installé, je suis allé sous la douche et … j’ai rien … j’comprends pas, quand je suis ressorti c’était … » Le chaos infernal. Les flammes dévorant leur vie. Il éclata en sanglot, Lennox, se cachant honteusement le visage dans la paume de sa main. « Je suis désolé … » 

Tout s’était passé tellement vite, sous ses yeux les flammes avaient tout emporté mais la surprise, la panique, même l’adrénaline, avaient comme enveloppé son esprit d’un brouillard et il n’avait plus été qu’un robot en état d’urgence, en état d’alerte. Il avait cherché à rattraper Roxy, à les sortir de là, jusqu’à ce que la machine surchauffe comme le restant de leurs souvenirs et que son corps s’écroule. Et plus rien. Le noir total, à la chaleur de l’enfer. C’était bien là où il avait eu l’impression de sombrer, Lennox. À trop jouer sur le fil de la vie, tanguant à droite comme à gauche sans jamais se décider, Lennox avait joué avec le feu. C’était le karma. C’était la vie qui lui faisait un doigt d’honneur et qui choisissait pour lui. Et puis il s’était réveillé. Il vivait encore, Lennox, et quand les tests furent terminés et que les docteurs lui laissèrent enfin le temps de respirer – de vraiment respirer -, c’est là que toute l’émotion parvint jusqu’à ses esprits. Le temps avait repris son rythme normal, et il ressentait de nouveau. Sauf qu’il n’était pas prêt, Lennox, à cette cruelle vague de tristesse, de colère contre lui-même, de déception, de détresse. Ils avaient tout perdu. Il avait Andreas devant lui et pourtant il ne pouvait s’enlever de la tête qu’il avait tout perdu, alors que les larmes roulaient sur ses joues à une vitesse folle. Il avait mal, il avait tellement mal, et s’il avait eu l’impression de s’étouffer de par la fumée quelques heures plus tôt, il avait maintenant l’impression de se noyer à l’intérieur de lui-même. Andreas ne tarda pas à accourir à ses côtés, encore et toujours en train de le réconforter, d’apaiser son âme tourmentée. Il ne le méritait pas. Il ne le méritait tellement pas. « J’ai pas fait exprès, mais c’est de ma faute. C’est totalement ma faute. C’est ma faute si on a tout perdu. Oh … Oh my god, Andy … tout a brûlé … tout a brûlé pas vrai ? » Demanda-t-il en relevant son regard embrouillé par les larmes sur son amoureux. Quand lui avait perdu conscience, le hall, la cuisine et le salon étaient la proie des flammes, mais il ne lui faisait plus aucun doute maintenant que tout y était passé. Que leur vie entière n’était plus que des cendres. Poussière dans l’air. Dissipée à travers cette ville qui n’avait jamais semblé être familière à Lennox. Andreas tenta de détendre l’atmosphère en lui défendait à présent d’utiliser l’autocuiseur, mais le notaire n’avait pas le cœur à rire. Il ne l’avait jamais vraiment eu, mais encore moins en ce moment. Il continua à sangloter dans les bras d’Andreas, secouant juste la tête, face à ses paroles mais aussi face à tout. Le téléphone du norvégien sonna alors, et Lennox le délivra de son étreinte de désespoir pour qu’il puisse décrocher. Il écouta d’une oreille attentive toutes les paroles de son homme, pour être au courant de tout ce qui se passait. Andreas était parti en même temps que lui, et donc avant que le feu ne soit maîtrisé dans leur immeuble. Il fronça les sourcils quand l’ambulancier sembla pleurer de joie, remerciant la personne à l’autre bout de la ligne. Et quand il lui avoua avoir menti pour Roxy, son cœur se serra. Il ferma les yeux, les larmes menaçant de repartir de plus belle. « Je ne t’en veux pas. Tu me promets qu’elle va bien ? » Il avait dit qu’elle avait l’air d’aller bien, mais il cherchait tout de même confirmation qu’il ne venait pas, en plus de détruire tous leurs avoirs, tué le premier être qui aurait partagé leur vie à deux. « Plus de froid, ok ? Je ne veux plus de froid. Parce que je ne veux plus … je ne veux plus jamais qu’on risque de … qu’on risque de se laisser pour toujours sur des paroles qu’on … qu’on regretterait à jamais. » Bégaya-t-il entre quelques sanglots rebelles. Il s’essuya les yeux. « Je t’aime. » Lâcha-t-il à son tour en serrant les mains d’Andreas dans les siennes.  

Plus rien. Ces paroles résonnaient dans la tête de Lennox, sans jamais s’arrêter, comme pour le tourmenter à tout jamais, pour lui rappeler ses profondes erreurs. Le karma, c’était le karma. Il avait si longtemps tourné le dos à la vie, la voilà qui se vengeait enfin de ne jamais avoir été assez bonne pour lui. Sauf que c’était Lennox qui n’avait jamais été à la hauteur, et non la vie. Il n’avait jamais su comment vivre, et cet incident en était certainement la preuve irréfragable. Pour Andreas, le matériel n’était pas si important, mais pour Lennox, le matériel était tout ce qu’il avait connu. Il n’avait jamais su comment gérer ses émotions, il n’avait jamais su comment laisser les autres l’aimer, et lui les aimer en retour. Il n’avait jamais eu énormément d’amis. Il avait toujours été laissé à sa propre solitude. Il s’était créé une vie autour du matériel, autour du superficiel. Autour de ce qui ne faisait pas mal. Il pensait à tous ces tableaux qui ornaient la résidence. Au Steinway & Sons de quelques dizaines de milliers de dollars qu’il avait offert à Lou sur un élan de folie. À tous ses avoirs maintenant envolés en fumée. Et lui qui était en vie. Si cela sonnait comme une bénédiction dans la voix d’Andreas, aux oreilles de Lennox, c’était une punition. « J’n’ai plus rien, Andy … et les assurances ne couvriront pas le tiers de ce que j’avais … » Il avait encore de l’argent mis de côté, certes, mais ses objets de valeur représentaient également des placements, et par sa faute, ils n’auraient plus rien de ça. Andreas ne s’en préoccupait pas autant que lui, ou alors ne voulait pas le lui montrer. Il parla plutôt de Daemon qui avait gentiment accepté de les héberger le temps qu’ils se remettent debout. « C’est gentil de sa part … Il a toujours été là pour moi. » Il aurait voulu sourire en guise de remerciement pour Daemon, même s’il n’était pas là, mais ses traits n’arrivaient pas à se détendre. Encore moins quand il apprit qu’il avait quand même failli laisser aussi leur chien derrière, de par son insouciance. « On la ramènera chez Daemon, elle aussi ? » Demanda Lennox, ne sachant pas si elle faisait partie de l’entente. Mais il ne s’imaginait pas la laisser là-bas, pas après ce qui s’était passé. Il voulait qu’ils soient ensemble tous les trois. Un semblant de normal dans ce qui ne le serait plus. « Je te crois. Je suis tellement désolé d’en avoir fait toute une histoire. On a chacun une vie d’avant, un passé, moi autant que toi, d’une certaine manière … » Après tout, même au moment de rencontrer Andreas, Lennox était fiancé à une autre … femme. Et si Andreas était capable de gérer cette situation, alors Lennox n’avait rien à dire. Lennox releva les yeux vers le norvégien à ses dernières paroles. Il serra un peu plus sa main dans la sienne. « Alors qu'est-ce qu'on attend ? Faisons-le. » Lâcha-t-il, contre toute attente.  

Effectivement, Lennox n’aurait jamais eu de tels propos s’il n’était pas certain de ce qu’il était en train d’envisager. Il savait à quel point cette demande était importante aux yeux d’Andreas, à quel point il attendait le moment où il lui ferait signe, si bien que Lennox avait fait bien attention de ne pas envoyer de signaux qui auraient pu porter à confusion. Aujourd’hui, il n’y avait pas place à l’erreur ou à une mauvaise interprétation : le trentenaire était bel et bien en train de lui demander qu’il fasse la grande demande. Il savait, de toute façon, qu’Andy portait la bague autour de son cou depuis que Lennox était tombé dessus à Noël. Le notaire s’endormait souvent avec la paume posée contre le torse d’Andreas, posée sur la bague qui reposait au creux de sa main. Et maintenant, il la porterait à son doigt. Le norvégien retira la chaîne d’autour de son cou et s’agenouilla à côté du lit, ce qui soutira un sourire à Lennox. En raison de la hauteur du lit, la position n’était sans doute pas des plus confortables pour lui. Il le laissa prendre sa main et la serra dans la sienne, comme pour s’assurer que tout cela était la réalité. Il espérait de tout son cœur que ce n’était pas la fumée inhalée qui le faisait halluciner ou complètement flipper. Et surtout, il espérait ne pas regretter le lendemain, quand la réalité reprendrait doucement sa place après le drame. Mais à entendre le discours que lui réservait Andreas, ces belles paroles qui coulaient d’un naturel qui ne pouvait que prouver tout l’amour qu’il lui portait, Lennox se rendit à l’évidence : drame ou non, cet homme était l’homme de sa vie. Ce qui s’était passé aujourd’hui ne venait que confirmer une chose : il voulait passer sa vie en tant que son époux, et cette vie pouvait s’écourter à tout moment. Ils n’avaient pas de temps à perdre. « Andreas Eriksen, à moins que tu me caches un deuxième prénom aussi ignoble que le mien … » Il eut un léger rire. La joie. La joie qui s’emparait de lui. « … C’est moi qui seras le plus heureux des hommes à tes côtés. À travers tous les doutes, toutes les peurs, toutes les épreuves que j’ai pu mettre sur notre chemin de par la personne que je suis, tout simplement … tu as su garder le cap, pour nous deux, tu as su me réconforter, me guider, tu as su me faire comprendre que plus jamais je n’aurais à être seul. Tu es la seule personne en ce monde à ne jamais avoir baissé les bras devant moi, à s’être battu pour mon bonheur mais au fond, ce que tu ne réalises pas, c’est que mon bonheur, c’est toi. Alors oui, oui, mille fois oui, je veux t’épouser. » Lâcha-t-il avec émotion dans la voix, serrant la main d’Andreas dans la sienne.  

La réponse était évidente, elle l’avait toujours été au fond mais encore plus maintenant que Lennox avait presque supplié Andreas de passer à l’acte. De faire le grand pas. Et ils le sautaient ensemble, ce pas, enfin. Lennox avait juste eu besoin d’un peu de temps, mais surtout d’une sorte d’illumination. Et si l’incendie aurait énormément de répercussions négatives, au moins, il lui aurait permis d’ouvrir les yeux. « Tu sais, plus personne que toi ne me touchait depuis plus d’un an. Et ça n’était pas près de changer. Et maintenant, ça ne changera jamais. » Souffla-t-il avec un sourire scotché au visage. Quand Lennox parler de toucher, il le disait dans un sens encore plus large qu’Andreas. Le norvégien avait d’abord touché son âme, son cœur, et puis son corps. Comme personne n’avait su le faire. Il lui redonnait une confiance en la vie, une joie de continuer à s’épanouir dans ce monde dont il n’avait jamais vraiment voulu auparavant. Il lui apprenait à mettre un pied devant l’autre sans tanguer à droite et à gauche sans cesse à la recherche d’un équilibre inatteignable. Pour une fois dans sa vie, Lennox ne se sentait plus comme un funambule raté. « C’est toi qui me dis que t’es pas facile à vivre ? » Il eut un léger rire. En la présence de Lennox, on ne pouvait jamais dire cela de qui que ce soit sauf de lui-même. « Un petit mariage, ce serait parfait. De toute façon, je n’ai pas beaucoup de personnes à inviter. Que les plus importantes. Et elles se comptent presque sur les doigts d’une main, et l’une d’entre elles sera avec moi à l’avant de la salle, alors … » Il inviterait évidemment Daemon, Andeana, Rosa, et sans doute Léo et Emrys s’ils acceptaient de venir. Avec ses parents, c’était à peu près le compte total. Et c’était amplement suffisant pour Lennox. Un médecin vint alors troubler leurs réjouissances et préparatifs prématurés, pour prendre des nouvelles de Lennox et faire quelques tests afin de suivre l’évolution de son rétablissement. Il se sentait bien, Lennox, comme sur un nuage, mais il se doutait bien que ça n’était pas dû à sa santé. Une fois le docteur ressorti, Andreas se réjouit qu’il puisse sortir bientôt. « Tu sais, je crois que j’ai passé l’âge où on autorise les proches à rester pour la nuit. » Un rire s’échappa d’entre ses lèvres, avant de se faner pour ne devenir qu’un sourire. « Mais j’espère que son bientôt n’impliquait pas la nuit. Je ne serais pas capable de dormir sans toi à mes côtés, encore moins avec cette bague pour me rappeler tout ce qui nous attend. » Fit-il remarquer en regardant sa main gauche, caressant doucement l’anneau de son pouce droit.