we didn't start the fire, it was always burning (oscar)

Ivy était chez Rafael, les garçons, eux, avaient accepté de laisser l'appartement à Beth le temps d'une soirée, après de longues tentatives d'amadouer ses colocataires. Ça lui avait coûté une promesse de pancakes sur demande et un service chacun en banque, mais elle avait fini par les convaincre de lui laisser un peu d'intimité. C'est que ce soir, elle avait prévu d'inviter Zak à la maison, de partager un repas ensemble, de passer du temps seuls, eux qui n’en avaient jamais quand elle avait la garde d'Ivy, son attention toujours un peu divisée entre sa fille et sa nouvelle flamme. Mais pas ce soir-là. Ce soir, eux étaient prévus à l'honneur. Et Zak étant cuisinier, Beth avait choisi de tenter de l'impressionner avec de nouvelles recettes, végétariennes, évidemment. Elle était plutôt douée aux fourneaux, ses colocataires raffolaient de ses petits plats, mais pour une raison qu'elle ignorait encore, aujourd'hui, elle faisait tout de travers. À un tel point que l'alarme d'incendie s'était mise à crier dans tout l'appartement, suivi d'une fumée noire. Le coupable ? Probablement un morceau d'aubergine tombé sur l'élément du four, calcinant petit à petit jusqu'à créer la cohue dans tout l'appartement. Paniquée, Beth attrapa un linge à vaisselle, toujours incertaine de la provenance de cette fumée, mais quelque peu rassurée de ne pas voir de feu. Avec son linge, elle faisait du vent à la fumée, essayant ainsi de la dissiper. Et de faire taire ce système d'alarme qui ferait débarquer les pompiers s'il ne s'éteignait pas rapidement.

La garde à la caserne d'Oscar n'était prévue que dans quelques heures puisqu'il faisait partie de l'équipe de nuit cette semaine. Alors il avait décidé de mettre ce temps à profit pour aller courir un peu tant que la météo était clémente. Après une bonne heure de course, il avait bien transpiré et il était tout dégoulinant. Vivement qu'il rentre chez lui prendre une douche. Mais avant cela, il était important de faire descendre le rythme cardiaque et un peu de marche ne ferait pas de mal. Les yeux se baladant un peu partout, il remarqua une fumée noire sortir d'une fenêtre. Pas forcément inquiétant mais ses réflexes de pompiers prenaient immédiatement le dessus. Se rapprochant du batiment en question, la fumée continuait de se dissiper même si elle semblait moins abondante. Pourtant une alarme incendie se faisait entendre. Surement un simple accident ménager de rien du tout mais il fallait en avoir le coeur net. Un petit coup d'oeil à la fenêtre de l'appartement concerné il compta histoire d'estimer l'étage et quel numéro d'appartement cela pourrait être. Petit problème, il allait falloir entrer dans l'immeuble. Il ne fallait pas croire que les pompiers avaient des techniques exprès pour cela. Alors il sonna à tous les numéros jusqu'à ce que la porte s'ouvre parce qu'un habitant craque. Montant les escaliers quatre à quatre, une porte semblait correspondre. Ni une ni deux il tembourina à la porte. « Est ce que tout va bien là dedans ? » cria-t-il derrière la porte. Si ce n'était rien, il aurait rapidement une réponse. Et il espérait que ça soit le cas.

L'alarme retentissait si fort que, clairement, on l'entendait dans tout l'immeuble. Une telle chose n'était jamais arrivée à la belle Anglaise. Dans la panique, elle tentait de faire partir le plus de fumée en faisant aller son linge à vaisselle, mais elle dut vite se rendre à l'évidence, cette technique était tout sauf efficace. Elle ne faisait que gaspiller toute son énergie, l'alarme qui criait toujours au-dessus de sa tête, la centrale qui serait vite au courant si elle ne trouvait pas le moyen de la faire taire. Seulement, Beth, elle n'avait jamais éteint une alarme d'incendie, jamais elle n’avait fait brûler un truc ou s'était retrouvée dans une situation pareille. Elle cherchait donc comment faire taire le bruit strident, montant sur une chaise pour tenter de s'approcher du système et y remarquer, peut-être, un bouton sur lequel appuyer, mais au même moment, on toqua avec vigueur à la porte. Une fois d'homme perçante se laissait entendre au travers du bruitage du système. Et merde, elle avait alarmé les voisins. Et merde, elle se faisait passer pour une demoiselle en détresse. Et, au fond, elle l'était, en détresse. Beth se dirigea alors vers la porte d'entrée, l'ouvrit laissant un nuage de fumée s'y échapper au même moment où la silhouette d'un homme qu'elle n'avait jamais vu avant aujourd'hui se dessina. « J'ai fait cramer un truc, je crois... », annonça-t-elle, sans même saluer l'inconnu. Dans ses yeux, on voyait un peu l'exaspération. Et ce morceau d'aubergine, lui, il était encore en train de brûler dans le fond du four.

En attendant devant la porte que celle-ci s'ouvre, Oscar se demanda s'il n'avait pas surréagit. Après tout ce n'était qu'un petit peu de fumée comme n'importe qui pourrait provoquer avec un petit accident de cuisine mais pourtant, il n'avait pas pu s'empêcher de venir frapper. D'autant plus que tout le monde le savait, les détecteurs à incendie étaient souvent capricieux. Heureusement, une jeune femme vient enfin ouvrir la porte. Non sans être accompagnée d'une volute de fumée. Comme il se l'était imaginé, il s'agissait simplement d'une erreur de cuisine. « Pas qu'un peu cramé je dirais. » Bon, ce n'était rien de grave c'était le principal, mais la demoiselle avait l'air bien embêtée. Mais pendant ce temps, l'alarme continuait de retentir avec ce bruit strident bien désagréable. « Vous avez besoin d'aide ? » Il avait bien conscience qu'un inconnu débarquant à l'improviste et qui voulait rentrer chez elle pour aider était un peu incongru alors il tenta de se justifier comme il le pouvait. « Je pense que ça ne changera pas grand chose à la situation mais je suis pompier. C'est pour ça que je me suis permis de toquer... » avoua-t-il en tentant de sourire pour rassurer la jeune femme.  

Elle était gênée, Beth, vêtue de son tablier de cuisine. De quoi avait-elle l'air devant l'étranger viking qui volait à son secours de son ossature à en faire trembler plus d'un ? Elle avait l'air d'une débutante, de ne pas s'y connaître aux fourneaux alors qu'en réalité elle prenait plaisir à cuisiner un peu et tout le temps, à tenter de nouvelles recettes sans jamais les faire cramer. Elle avait l'air de la demoiselle en détresse, l'alarme d'incendie qui criait encore aussi fort qu'à son premier avertissement, la chaise en arrière plan qui, elle, témoignait de sa tentative à l'éteindre alors qu'en réalité, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait, Beth. Elle souriait en coin, ne sachant quoi dire, quoi faire, alors que le morceau d'aubergine continuait de cramer et de faire crier l'alarme qui ne pourrait s'éteindre si on ne le retirait pas le l'élément du four. L'inconnu proposa son aide, Beth arqua un sourcil, incertaine, craintive, comme ses parents le lui avaient toujours appris : ne jamais laisser un inconnu entrer chez elle. Mais ce dit inconnu se justifia rapidement, se présentant comme pompier de métier. Elle douta, mais le cri de l'alarme qui tapait sur ses tympans la convainc assez rapidement d'accorder une chance à cet homme. « Ça serait trop vous demander ? », fit Beth avec une moue désolée, presque coupable de lui demander un coup de main alors qu'ils ne se connaissaient pas et qu'il n'était pas en service. « J'ai tenté de l'éteindre, mais je n'y comprends rien... », ajouta-t-elle pour justifier la chaise posée sous l'avertisseur.

Il fallait dire que la situation était plutôt cocasse. Lui en tenue de sport encore dégoulinant de sa course, elle complètement perdue avec son petit tablier de cuisine. On aurait presque pu croire à un début de film pour adulte. Mais la réalité était bien différente et ce bruit d'alarme incendie commencait à faire vibrer les tympans d'Oscar et des voisins également. C'est pour cela qu'il proposa son aide à la jeune femme désarmée. Aide qu'elle sembla accepter sans trop hésiter. Oscar ne saurait jamais si c'était l'argument du pompier qui l'avait convaincue mais elle le fit rentrer et lui montra le boitier de l'alarme et une chaise placée en dessous. Apparemment elle avait tenté de stopper la sonnerie de l'appareil mais en vain. Oscar hocha la tête. « Normalement je dois être capable de vous arranger ça. » annonça-t-il en grimpant à son tour sur la chaise. En théorie cela n'était pas compliqué, il suffisait de trouver un bouton de réinitialisation qui permettrait d'éteindre plus facilement l'avertisseur. Une petite astuce puisque le simple bouton on/off était bloqué dans ce genre de situation.  « Je crois que j'ai trouvé ! » dit-il un peu fort pour couvrir le son de l'appareil.  « Laissez moi encore deux petites secondes. » Une fois le bouton magique localisé, Oscar appuya sur une succession de boutons et l'appareil se tu enfin. Il poussa un soupir de soulagement. Ce n'était vraiment pas un son agréable. Descendant de sa chaise, il envoya un sourire à la jeune femme. « Une fois la fumée dissipée, il faudra bien penser à le rallumer. » Histoire de ne pas causer un sur-accident.  « Bon, maintenant vous voulez qu'on aille voir ce qui ne va pas dans votre cuisine ? » La fumée s'était amoindrie mais il y en avait encore un peu qui s'échappait du four.

Normalement, je dois être capable de vous arranger ça, lâcha Oscar en entrant dans l'appartement, alors que Beth lui cédait le passage, désespérée devant le bruit tétanisant du détecteur de fumée. « J'espère bien, si vous êtes pompier », fit-elle, le doute dans la voix. Cet homme n'aurait sans doute pas menti que pour profiter de la situation et attaquer une jeune femme en détresse, non ? Beth ne ferait tout de même pas la une des journaux dans un article dramatique intitulé : Une femme agressée par un supposé pompier alors qu'elle n'arrivait pas à éteindre son système d'incendie, non ? Elle le regarda faire, monter sur la chaise et atteindre l'appareil sans trop de difficulté. Il finit par faire taire le bruit qui aurait pu leur faire saigner des oreilles tant il était strident. Et en redescendant, il ne manqua pas de lui préciser de remettre le tout en ordre une fois la fumée dissipée. Beth hocha la tête docilement, comme s'il venait de lui donner un ordre, mais sur son visage on pouvait lire la reconnaissance face au silence dans l'appartement. Elle remerciait le ciel que Ivy n'était pas à la maison, sans quoi la petite, elle, n'aurait pas terminé de leur crever les tympans de ses pleurs de peur. « Merci », souffla-t-elle en guise de soulagement, mais aussi de reconnaissance. « Allez-y, je vous suis », décréta Beth, le tablier noirci, la peur de toucher à nouveau le four et de déclencher, cette fois, un réel incendie.