Toujours là. {Naveen}

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Ne pas envisager d’avoir un enfant, tout court, ça n’était pas une perception que Naveen avait déjà eue. Et sans doute personne de son entourage non plus, ou alors ils ne le disaient pas. Les rues d’Alep grouillaient d’enfants, avant que ça ne devienne trop dangereux ne serait-ce que de pointer le bout de son nez dehors. Les familles s’agrandissaient à chaque année, les femmes passaient la majeure partie de leur vie le ventre rond. Certes, ce n’était pas vrai partout, mais c’était tout de même une généralisation plutôt juste. Naveen savait toutefois que c’était ailleurs un choix de plus en plus adopté, d’ailleurs il avait vu défiler à Bowen, à bord de son taxi, de nombreuses personnes âgées de plus de trente ans qui n’avaient pas d’enfants, et n’y songeaient pas trop non plus. Toutefois, les justifications données par Wyatt étaient plutôt compréhensibles, sans doute Naveen n’aurait pas été porté sur l’idée de mettre des enfants au monde dans un climat comme celui qui régnait en Syrie. Condamner un être humain avant même de lui donner une seule chance. « En même temps, un enfant, ça te change … Ça pourrait t’aider, comme ça pourrait effectivement … avoir l’effet contraire. » Il ne se berçait plus de fausses illusions, Naveen, pas depuis que le monde lui avait montré que ça ne servait à rien de faire un souhait sous une étoile filante. Il ne mentirait pas à Wyatt non plus, en le rassurant alors qu’il n’y croyait qu’à peine aussi. « Peut-elle attendre quelques mois encore ? Je sais bien que c’est peu de temps pour ce que tes yeux ont pu voir, mais … tu seras déjà à quelques pas plus près de la guérison. » Mais pouvait-on réellement guérir un jour des horreurs de la guerre ? Naveen en doutait de plus en plus, et pourtant il ne pouvait que souhaiter voir Wyatt atteindre la lumière au bout de ce long et sombre tunnel.

Les deux hommes atteignirent enfin le café, et ce qui se passa ensuite n’avait tout d’un coup plus rien d’aussi doux que leurs premiers instants. Naveen avait de plus en plus l’impression que Wyatt se sentait obligé de l’aider, financièrement comme moralement. Cette dernière manière de faire, le syrien ne pouvait que l’accueillir, mais au niveau monétaire, le trentenaire avait déjà assez de l’aide gouvernementale qui le faisait sentir comme un fardeau pour la société. Il n’avait pas besoin que les personnes de son entourage commencent à le voir comme le pauvre réfugié qui n’avait rien, ni d’amour ni d’argent. C’était pourtant le cas. Naveen n’avait rien. Mais il se bornait quand même à se fondre dans le décor, à ne pas montrer aux autres sa grande faiblesse, à ne pas montrer cette vulnérabilité qui était désormais tout ce qu’il connaissait. Si Naveen s’était ouvert à Wyatt de ce côté-là, ça n’était certainement pas pour quêter quoi que ce soit. Ni de la pitié, ni de l’argent. Il se confiait parce que Wyatt était son ami. Et il les croyait sur un même pied d’égalité, jusqu’à maintenant. Sa générosité sans limite n’était pas normale, et Naveen ne pouvait mettre cela que sur le dos de sa situation précaire qui attirait la compassion partout où il allait. « Je ne sais pas, ou plutôt je ne comprends pas, pourquoi tu ferais ça, si ce n’était pas pour cette raison-là. » Répondit Naveen, la tristesse et déception dans le regard. Il pouvait lire la même chose dans les yeux de Wyatt. Puis, ce dernier les détourna de lui. Pour une énième fois, ils se fuyaient. « J’ai besoin de m’en sortir par moi-même, Wyatt. Ce n’est pas en me sentant redevable envers tous ceux qui m’entourent que je me sentirai bien ici. J’aurai l’impression de ne pas avoir avancé par moi-même, j’aurai l’impression d’avoir dépendu de tout le monde. Sais-tu quel sentiment c’est, pour un homme, de se faire tout donner alors qu’il n’a rien fait pour le mériter ? Je n’ai rien fait, si ce n’est que d’être né dans le mauvais pays, au mauvais moment. » Il était syrien, il était réfugié, et pour ça, Naveen était à part des autres. Et même si ça pouvait parfois lui procurer des avantages, comme celui-là, le trentenaire n’en voulait pas. « Je suis désolé aussi, Wyatt. Je sais que tes intentions étaient bonnes. Elles le sont toujours. Mais … je ne peux pas accepter. Je peux par contre … prendre des arrangements avec toi ? Je te rembourserai, on peut faire une sorte de … plan de paiement ? » Proposa Naveen, en esquissant un faible sourire, question de tâter le terrain.

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J’avais tellement de doutes sur ma capacité à être un père convenable. Le mien n’avait pas été un modèle à suivre, toujours absent. La seule relation que j’avais entretenue avec le mien était loin d’être un bon souvenir. Elle était conflictuelle. Si mon père avait fait plusieurs tentatives pour revenir vers moi ces dernières années, je l’avais toujours rejeté et encore plus depuis mon retour du front. L’idée de ne pas être à la hauteur en tant que père m’effrayait et j’avais la conviction que je devais d’abord aller mieux pour pouvoir m’occuper d’un enfant, et ne pas faire d’enfant en espérant qu’il m’aiderait à aller mieux. « Je ne sais pas. Je ne veux pas… avoir un enfant dans le but d’aller mieux. » dis-je pensif. « Ce serait injuste pour l’enfant de naître dans le but de soigner les blessures psychologiques de son père, non ? » lui demandais-je doucement. « Et encore plus si ce sont des blessures inguérissables. » ajoutais-je avec calme. Je ne me leurrais pas. Rien ne pourrait jamais effacer les traumatismes qui résultaient de la guerre Je ne pouvais pas me mentir là-dessus et j’avais la conviction que Naveen pensait la même chose. « Je ne pense pas que quelques mois y changeront quelque chose… Il y aura toujours des… cicatrices pour me ramener à ce que j’ai vécu en Irak. » marmonnais-je doucement. Oublier ? J’avais cru durant un moment, qu’avec une volonté de fer, j’arriverais à « oublier » l’enfer. Mais les souvenirs ne sont pas que dans ma tête… Sur moi, les cicatrices que je porte me ramènent toujours à là-bas. Il y aura toujours quelque chose pour me rappeler.

Faut-il toujours que tout soit bras de fer entre nous ? J’aurai rien du lui dire, taire cette partie là et le laisser croire qu’il s’agissait d’un terrain public. Ca aurait été plus simple. Je soupire alors que Naveen ne comprends pas pourquoi je m’investi autant pour lui. Il prends ça comme de la pitié, de la charité, et ça me fait mal. Mais je vois bien qu’il est blessé lui aussi et je ne voulais pas ça. Il veut juste comprendre mais je ne peux pas lui dire, même si ça lui permettrait de comprendre, en quelque sorte. J’hésite un moment mais non. Je ne peux pas lui dire. Lui avouer mes sentiments alors que je viens de lui montrer la stèle d'hommage à sa famille. A ses enfants. A sa femme. « Peut-être que tu m’as sauvé la vie sans même t’en rendre compte et que c’est moi qui te suis redevable. » lui dis-je doucement à mi-voix. Mais tu n’oses pas aller plus loin. A sa question, je fais non de la tête, même si je suppose que c’est rhétorique. « Je comprends ton point de vue. » De toute façon, tu es tellement las que tu acquiesces en soupirant « On fera comme tu veux Naveen. » lui dis-je, calais le dos contre le banquette, résigné. De toute façon, je ne voulais pas être en conflit avec Naveen, je savais que j’allais bientôt le perdre définitivement alors autant passer le temps qu’ils nous restaient dans les meilleures conditions.

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Certes, avoir un enfant pour soi-même, pour des raisons personnelles et presque égoïstes, ça n’était jamais une belle fondation pour une famille. Ça se ressentirait, peut-être, au fil du temps. Naveen avait eu une famille, lui, parce que c’était tout ce qu’il avait toujours connu, c’était une valeur des plus importantes dans son entourage, il n’avait jamais même eu à se poser ce genre de questions. Ça n’était pas pour bien paraître, ça n’était pas pour se sentir lui-même accompli ou pour se donner une raison de vivre. C’était ancré en lui, écrit dans le ciel, et Naveen avait accueilli ses enfants les uns après les autres comme des évidences. Si la situation en Syrie s’était montrée plus paisible, si la guerre n’avait pas éclaté comme elle l’avait fait, sans doute qu’Amena et lui auraient eu encore d’autres enfants. Combien, il l’ignorait. Ça n’était pas forcément le genre de questions qu’ils se posaient, son épouse et lui. Et quand la guerre avait commencé à faire rage tout autour, c’était devenu même inconcevable de se poser ce genre de questions. Alors quand Wyatt semblait lui demander conseil, Naveen était un quelque peu désemparé et pourtant, pour lui, pour son ami, il essayait du mieux qu’il le pouvait d’aider. À sa manière, selon ses propres connaissances, réflexions et mentalités. « Ce serait injuste pour l’enfant … et pour la mère, et pour le père, aussi. » Rectifia Naveen, lui adressant un regard désolé. « Neala ne s’attend sans doute pas à une réponse positive si c’est un tel motif qui te pousse à le faire … et pour toi-même, ne serait-ce pas aussi injuste envers toi-même que de remettre ta guérison entre les mains d’un enfant ? » Il devait trouver un moyen, de lui-même, par lui-même, de s’en sortir. Certes, les autres pouvaient avoir un rôle à jouer dans le processus – Naveen lui-même ignorait être à la fois partie au problème et à la solution -, mais au bout du compte, c’était Wyatt qui avait le contrôle sur son propre sort. « Tout comme il y aura toujours des cicatrices pour me ramener à ce que j’ai vécu et à ce que j’ai perdu en Syrie, et en Jordanie. Mais je me laisse aller au désespoir si je commence à me convaincre que jamais, jamais ça n’ira mieux. » Il était rare d’entendre Naveen être un tant soit peu positif, mais dans de telles circonstances, c’était à lui de l’être pour eux deux. Et peut-être qu’à force de nourrir Wyatt d’espoir, il y croirait aussi.

Malheureusement, tout n’était jamais aussi facile, et bien vite ils furent ramenés dans une de ces délicates situations. Wyatt et Naveen ne semblaient jamais trouver un terrain d’entente plus d’une heure. Il fallait toujours que leurs différences ressortent, que leurs comportements s’éloignent et se défient. C’était comme ça qu’ils avaient appris à se connaître et à s’attacher. C’était aussi comme ça qu’ils risquaient à toutes les fois de se perdre. Pourtant, un lien unique, invisible, les unissait. Le genre de lien que rien ne peut rompre. « T’avoir sauvé la vie ? » Demanda Naveen dans un rire gêné, décontenancé, surpris. Il fronça les sourcils. Wyatt disait-il cela seulement pour le contredire, ou était-il sincère ? Ça n’était pas le genre de l’américain de ne pas l’être, Naveen le savait, ça. « Je n’ai pas l’impression d’avoir fait quoi que ce soit … pour ça.. » Quoi que ce soit d’aussi grand, d’aussi beau, qui aurait pu soulever Wyatt et l’élever haut, bien plus haut. Naveen avait plutôt eu l’impression d’être un fardeau, celui qu’on devait traîner, remettre à sa place – mais quelle place ? « Je suis désolé, Wyatt. Je suis vraiment désolé. Je ne voulais pas briser ce moment, cette belle surprise. Je ne voulais pas te décevoir et gâcher toutes tes démarches. Crois-moi quand que je te dis que ça me touche, au plus profond de mon cœur, ce que tu as fait. Le fait que je n’arrive pas à l’accepter totalement ne change rien en la beauté du geste. Et je l’apprécie à sa juste valeur, je te prie de me croire … » Le supplia presque Naveen, voyant bien que Wyatt se renfrognait dans sa déception.

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Les paroles de Naveen avait du sens pour autant je gardais toujours en tête l’importance qu’avait Neala à mes yeux. Je me sentais tellement redevable vis-à-vis d’elle, et je n’oubliais pas non plus les sentiments que j’avais longtemps gardé pour elle. Même encore maintenant j’en gardais des tendres. La seule différence était qu’ils étaient dominés par ceux que j’éprouvais à présent pour Naveen. Mais je suis blessé par son allusion. Si Neala n’attends pas de réponse positive de ma part, pourquoi m’aurait-elle demander ce service ? « Donc… d’après toi, elle m’a demandé ça en sachant que j’allais refuser ? » tiquais-je en fronçant les sourcils, plus froidement que je ne le pensais. J’en voyais pas du tout l’intérêt, autant ne rien me demander du tout dans ces cas là, ça aurait été bien plus logique. J’ai du mal à saisir le fond de la pensée de Naveen, comme bien souvent d’ailleurs. Il n’est pas l’homme le plus communicatif qu’il est était donné de rencontrer, mais le peu de paroles qu’il prononce parviennent à m’ébranler plus que de raison. Il ne pense pas que je puisse être un père convenable, c’est comme ça que je le vois. Je sais qu’il n’a pas tort, mais ça fait mal de se prendre cette vérité en face. « Ma guérison ? on ne guéri pas de ça Naveen. » lui fis-je plus durement. « Tu es le mieux placé pour le savoir… » soufflais-je avec bien plus de douceur cette fois-ci. « On ne guéri pas… de la guerre. » marmonnais-je lentement. « On peut la fuir, apprendre à vivre avec les horreurs qu’on a vu, mais on ne peut pas effacer les traces indélébiles qu’elle a laissé. » marmonnais-je. « Je… Pardonnes-moi d’être aussi brutal mais… te reconstruire ici ne te rendras pas ce que tu as perdu. » murmurais-je doucement ne voulant pas l’accablé, même si je m’y prenais vraiment mal. « Et… avoir un enfant ne me rendra pas non plus ce que j’ai perdu là-bas. » dis-je en baissant les yeux. Parce que dans l’enfer de la guerre, j’ai perdu une part de moi, mon âme. Pour une fois, c’était moi le défaitiste. J’avais cessé un instant d’être fort pour m’enfoncer dans les abymes de ma détresse. Sombrer.

Naveen a écrit:: « Tout comme il y aura toujours des cicatrices pour me ramener à ce que j’ai vécu et à ce que j’ai perdu en Syrie, et en Jordanie. Mais je me laisse aller au désespoir si je commence à me convaincre que jamais, jamais ça n’ira mieux. »

Mes yeux se perdent dans les siens, perdus. Le regard lourd de sens, j’essai de me raccrocher à ses paroles, de redevenir le roc que j’essaie de paraître à défaut d’être. Inébranlable. Foutaises, j’ai juste lair d’un gosse vulnérable, terroriser à l’idée d’entre-apercevoir un avenir. Je ferme les yeux, tentant de chasser mes idées noires de la tête, m’accrochant aux paroles de Naveen. Je n’avais pas le droit d’être faible, pas devant Naveen. De nous deux, c’était lui qui avait le plus perdu. « Désolé. » soufflais-je en me reprenant, honteux de mon moment d’égarement.

J’aurai du me taire, le laisser croire que c’était un endroit public. Je me maudis d’en avoir trop dit, mais en même temps, si je lui avais menti et qu’il l’avait découvert ? ça aurait sans doute était pire que ce bras de fer. Et las des querelles entre nous, je le laisse gagner, non sans lui avoir fait comprendre qu’il m’a sauvé la vie d’une façon qu’il ne peut même pas imaginer. Qu’il m’a permis de me sentir vivant pour la première fois depuis longtemps. Mais lui en dire plus reviendrait à lui révéler ce que je ressens et je peux pas. Simplement pas là, pas dans ces conditions. Pas en sachant qu’on vient d’avoir une hausse de tension par rapport à la stèle. Pas lorsque aujourd’hui, on a implicitement dédié ce jour à la famille de Naveen. Je pense que ce serait irrespectueux vis-à-vis d’eux. « Et pourtant Naveen… » marmonnais-je doucement. « Quand on s’est rencontré… J’étais… vraiment pas bien… » commençais-je doucement. « si je vais mieux aujourd’hui, tu y es grandement pour quelque chose » ajoutais-je en restant évasif. Je suppose qu’il a compris de quoi je parle. Je sais que le suicide est très mal vu dans les religions et lui avouais implicitement que j’y ai déjà songé, c’est à double tranchant. Je n'avais jamais eu le courage d'aller au bout de ma pensée, les rares fois ou j'avais manqué de le faire, j'avais toujours le sentiment de culpabilité qui me tiraillait à la pensée que les hommes que j'avais perdu en Irak, eux n'avaient pas eu le choix, et auraient sans doute préférer vivre. Et à chauqe fois, je m'étais ravisé, me maudissant de ma lâcheté. Je suppose que si nous venons à aborder le sujet une autre fois, je finirais par tout lui révéler. Je ne pourrais pas cacher ça indéfiniment de toute façon, je suis surpris qu’il n’est pas compris avec ce qui s’est passé durant le festival de l’igloo.

Et Naveen s’excuse, il se confond en excuse et assure avec conviction à quel point il apprécie le geste. Je ne peux que culpabiliser devant lui, surtout qu’à sa place j’aurai probablement réagi pareil. Je soupire et me redresse doucement, accordant un faible sourire à Naveen. Faible, parce que je suis émotionnellement vidé. « T’en fait pas Naveen. Je sais. Et je comprends ton point de vue. T’as pas a être désolé de quoique ce soit… J’aurai du t’en parler avant de… tout faire. » assurais-je alors afin qu’il ne culpabilise pas lui non plus. Ça n’enlève rien au fait que je pense avoir toucher son égo. « Je ferais avec les conditions que tu veux d’accord ? » capitulais-je avec calme.

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Dans une langue autre que sa langue maternelle, il était vrai que de base Naveen avait tendance à moins communiquer. De toute façon, il ne savait la plupart du temps pas quoi dire à ces gens qui ne lui ressemblaient pas vraiment. Et avec Wyatt, il n’était pas rare que ses paroles soient mal interprétées, parfois par de mauvais choix de mots, de traductions, et d’autres fois parce qu’ils n’étaient pas sur la même longueur d’ondes. Encore une fois, Wyatt sembla vexé, blessé, et son ton de voix devenu bien froid d’un coup donna un indice à Naveen à ce sujet. Il se tourna vers le visage fermé de son ami et secoua la tête, fronçant les sourcils à son tour. « Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je disais seulement que Neala préfère sans doute une réponse négative plutôt que tu dises oui pour de mauvaises raisons … Je ne dis pas qu’elle s’attend à ce que ce soit le cas, je dis seulement que c’est sans doute ce qu’elle préférerait … » Il avait l’impression de se mettre les pieds dans les plats, Naveen. De s’enfoncer encore plus dans ce sable mouvant qui finirait par les engloutir au complet, tous les deux, à force qu’ils se débattent ainsi. « Je suis désolé, j’ai du mal à élaborer ma pensée … » Ce n’était pas le sujet de conversation le plus facile, non plus. Et Naveen n’aimait pas particulièrement s’étaler sur ses pensées, sur ses opinions. Pas ici. Il savait que trop bien que ses idées et ses conceptions n’étaient pas les mêmes que la plupart des gens. Il valait mieux se taire. Il ne faisait que s’emmêler les pinceaux, Naveen, et encore une fois. Il attaquait Wyatt sans même s’en rendre compte, ou peut-être était-ce lui qui réagissait trop vivement. Ses paroles atteignirent à leur tour Naveen, qui sentit son cœur se briser et le sol se dérober sous ses pieds quand l’américain lui dit que sa nouvelle vie ici ne lui redonnerait jamais ce qu’il avait perdu là-bas. « Ne crois-tu pas que je le sais, ça ? Je ne retrouverai jamais ce que j’avais, inutile de me le rappeler. Je me le rappelle moi-même assez souvent ! Je n’ai jamais dit qu’on pourrait effacer les traces, qu’on pourrait effacer ce qu’on a vécu. But is HAS to get better. It has to. » Lâcha-t-il dans une plainte de désespoir. Si sa vie ne devenait pas un peu plus légère, un peu plus belle, alors à quoi bon avoir cherché un havre de paix là où il ne pourrait jamais en avoir une en lui-même ? « Tu sais quoi, je ne suis pas la personne à qui demander conseil. Je suis désolé. » Lâcha-t-il sèchement, dépassé par les réactions de Wyatt alors que cette journée, après cette belle surprise, aurait dû amener un doux vent de nostalgie qui le pousserait vers l’avant, pour une fois. Au lieu de ça, ils tournaient en rond. Et ne se retrouveraient jamais. Wyatt s’excusa alors, et le syrien garda le silence. Ils continuèrent leur chemin jusqu’au restaurant, et tentèrent de retrouver un certain calme entre eux, alors qu’ils s’asseyaient à une table. Puis, les événements s’enchaînèrent encore une fois sans prévenir et à une vitesse telle que Naveen n’arrivait pas vraiment à avoir un certain contrôle sur les dérapements. Jusqu’à ce que Wyatt lui confie qu’il lui avait sauvé la vie, lui qui n’avait pas l’impression d’avoir fait quoi que ce soit d’autre que de continuellement le tirer vers le bas, avec lui. Pourtant, sans que Naveen ne comprenne encore jusqu’à quel point c’était vrai, il apprenait aujourd’hui l’avoir élevé bien plus haut encore. Plus haut que les idées noires et les doutes. « Eh bien, je … je ne pensais pas, Wyatt. C’est toi qui as tellement été là pour moi, c’est toi qui as fait … tant de choses pour moi, pour m’aider. C’est moi qui devrais te dire tout ça. Mais si j’ai pu t’aider d’une quelconque manière, j’en suis … très heureux. » Il esquissa un faible sourire, avant de revenir sur le sujet principal, c’est-à-dire l’offre que lui avait fait Wyatt. Il hocha la tête quand ils arrivèrent enfin à un terrain d’entende. « D’accord. Merci encore. » Il lui tendit sa main, cette approche valait sans doute mieux que l’étreinte un peu plus tôt.

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Une fois de plus, j’avais loupé une occasion de me taire. S’il y avait bien une chose que je ne voulais pas, c’était bien blesser Naveen. Je soupire doucement, frustré de toujours faire tout foirer. Pourtant, tu pensais que cette journée serait différente. « Je ne voulais pas dire ça Naveen, je… suis désolé. » marmonnais-je dans un soupire. « Je m’exprime mal, je n’avais pas l’intention de… te blesser. » soufflais-je, culpabilisant de lui avoir renvoyé sa perte en pleine figure.

Naveen a écrit:: « Tu sais quoi, je ne suis pas la personne à qui demander conseil. Je suis désolé. »

Sa réponse était sèche, désarmante. Et je baissais les yeux, conscient que j’avais provoqué ce malaise entre nous. Je me sentais coupable. Coupable d’avoir été faible, et je tentais de me ressaisir. Je ne voulais plus que la gêne s’instaure entre nous, plus à cause de moi. Je me confiais alors à lui, avec une certaine pudeur quand même. Je ne voulais pas le choquer non plus. « toi qui doit me dire ça ? » souris-je avec amusement. « J’ai plus passé mon temps à te créer des soucis qu’autre chose visiblement, alors je vois pas tellement ce que j’ai fait pour toi… hormis peut-être aujourd’hui… » ricanais-je avec malice, bien que c’était surtout le constat que j’en tirais « Quoique… dans c’est cas-là, peut-être que nos divergences d’opinions peuvent être considérées comme… une distraction ? » souris-je amusé. Bon tourner nos prises de tête en distraction, ça peut paraître gonflé, mais après tout pourquoi pas. « Mais oui Naveen, tu m’as été d’un grand soutien » affirmais-je avec un sourire doux.

Je pris donc sur moi lorsque Naveen refusa d’accepter ce que j’avais fait souhaitant me rembourser pour montrer qu’il pouvait se débrouiller seul. Je pouvais comprendre même si ça me blesser tout autant que je l’avais blessé en faisant cette démarche sans même lui avoir demander son avis. Je souris lorsque je le vois tendre sa main vers moi, main que je m’empresse de serrer, concluant notre accord verbal au-dessus du dossier.

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Ils se blessaient sans le vouloir, culpabilisaient de susciter la froideur chez l’autre, mais en rajoutaient avec autant de distance. Ce jeu, cette danse qu’interprétaient Wyatt et Naveen, elle était dangereuse. Ils ne savaient pas dans quoi ils s’embarquaient en laissant ainsi leurs flammes intérieures prendre trop souvent le contrôle de leurs esprits. Ils imploseraient. La pression deviendrait trop forte, et tout éclaterait, eux-mêmes en premier. Plutôt que de se laisser tomber encore plus bas, plutôt de risquer de perdre pied pour de bon et de ne plus pouvoir s’accrocher à quoi que ce soit de beau et de bon entre eux, Naveen préféra balayer du revers de la main cette dernière conversation qu’ils venaient d’avoir. Le syrien n’était pas sur la même longueur d’ondes que Wyatt, ou peut-être l’était-il justement un peu trop pour être objectif. Il n’en savait rien. Il savait juste qu’il se mentait autant à lui-même qu’à l’américain en tentant de le rassurer. Wyatt ne se voilait pas la face, et il n’avait pas hésité une seule seconde à le lever du regard de Naveen. Sans dentelle, sans douceur. « Non, c’est tout à fait ce que tu voulais dire. Et ce n’est pas grave. C’est juste la vérité. » Répondit-il, ni doux, ni froid. Une cruelle constatation que ce monde qu’il tentait en vain de se bâtir ne le sauverait jamais de lui-même. Jamais. Heureusement, il existait encore en quelques détails certaines lueurs d’espoir, et l’offre que lui avait finalement fait Wyatt une fois au restaurant avait de quoi égayer ses sombres pensées. Ce lieu lui appartiendrait, un jour. Ce lieu serait son havre de paix, de recueillement, le seul endroit où il pourrait se sentir réuni à sa famille, même si ça n’était que spirituel, abstrait. Et même s’il ne pouvait apprécier le geste de Wyatt comme ce dernier aurait aimé se le faire reconnaître, Naveen lui prouverait au fil du temps à quel point il venait, à son tour, de le sauver d’une infime partie de ses démons. « Tu as cru en moi. C’est déjà une chance que tu m’as donnée, contrairement à bien d’autres. Tu as vu en moi bien plus … bien plus que ce que je ne suis réellement, peut-être. Peu importe, tu m’as vu, et exister à nouveau dans la vie d’un autre, ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps. » Avoua Naveen. Quand sa famille était passée de l’autre côté, Naveen n’était plus devenu qu’un fantôme errant dans un camp de réfugiés surpeuplé d’âmes comme la sienne. Perdues. Égarées. Il existait à nouveau. Il eut un léger rire quand Wyatt parla de distractions. « Il en existe de moins confrontantes, je crois. J’espère. » Et il espérait qu’ils les trouvent un jour. Pour le moment, ils conclurent cette sorte d’entente verbale d’une poignée de main sérieuse, le regard rivé dans celui de l’autre. Un sourire aux lèvres. Un sourire d’espoir.

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Je tiens à Naveen sans même savoir pourquoi. Sa rencontre à changer ma vie, mais plus le temps passe, plus je me dis que je lui fais plus de mal que de bien. Au début, je pensais que ce que nous avions vécus au Moyen-Orient pouvaient que nous rapprocher, mais c’est ce qui nous raccroche ostensiblement au passé. Et c’est pas forcément la meilleure solution pour aller de l’avant. Je reste silencieux face à ses paroles criantes de vérité malgré tout et devant cette distance qu’il impose entre nous, une fois de plus. Conscient d’en être le responsable, je culpabilise.

Dans le café, l’ambiance s’allège étonnamment, comme si la conversation a l’extérieur n’avait pas existée. Je tente de lui faire comprendre que sa présence m’a aidé, et il me retourne la pareille. Je savais que Naveen avait quelques difficultés à s’intégrer ici. Il dénotait à Bowen et bien que la population était assez hétéroclite, avec tout ce que les médias véhiculaient à propos de la guerre en Syrie, Naveen était mis à l’écart, coupable d’être nait dans le mauvais pays. « ça viendra Naveen, les gens finiront par se rendre compte de qui tu es » dis-je avec douceur « d’ailleurs, tu fais de nouvelles connaissances ? » l’interrogeais-je avec intérêt, espérant dévier sur une conversation plus légère. Après notre accord scellé par une poignée de mains et un regard l'un pour l'autre, nous reprimes sur une discussion plus légère.

Je ris malgré moi, même si c’était pas vraiment drôle. « Y a pas de raison… » dis-je en souhaitant aussi que nos rencontres cessent d’être animés par certaines paroles difficiles « D’ailleurs, ça fait un an que tu es à Bowen… Alors faut fêter ça ! » balançais-je en réfléchissant avant que mon visage ne s’éclaire, « Dis-moi Naveen… Tu sais que le sport populaire en Australie, c’est le surf ? T’en as déjà fait ? » lui demandais-je curieux et avec une petite idée derrière la tête. Un petit cours de surf, ça pouvait être pas mal, et une journée sans prise de tête, en théorie.

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Il s’était ouvert, Naveen, comme rarement il l’avait fait depuis la guerre, depuis sa fuite. C’était aussi ça que lui permettait Wyatt : une possibilité de ne plus tout garder pour lui, une façon de libérer un peu de sa tension qui aurait eu raison de lui, autrement. Wyatt ne se rendait peut-être pas compte de la solitude dans laquelle était plongé le syrien depuis deux années, mais voilà qu’il en était en quelque sorte le sauveur, parmi quelques personnes en cette ville. Personnes qui se comptaient sur les doigts d’une main, et encore. « Yeah, I guess. » Lâcha l’homme quand Wyatt lui répéta pour une énième fois qu’avec le temps, les gens verraient son vrai visage. Pas le visage de l’homme aux traits sévères, au teint plus foncé, à la barbe au poil dru, aux yeux tristes comme si plus rien d’autre que le vide ne l’habitait. Non. Le visage de l’homme doux et bon qu’il avait jadis été au grand jour, le visage de l’homme pas mieux, et pas pire qu’un autre. Le visage d’un homme comme eux. « Pas vraiment. Il y a cette jeune femme, Mathilda. Je l’ai eu dans mon taxi à deux reprises, mais … elle a une condition particulière, sa mémoire à court terme ne fonctionne plus, ou quelque chose comme ça. J’ai bien peur que jamais elle ne se souviendra de moi, peu importe le nombre de fois qu’on se rencontre. » Avoua d’abord Naveen, avant de se souvenir qu’il avait déjà également parlé d’Andeana à Wyatt. « Et cette jeune femme dont je te parlais l’autre fois, je pense bien avoir mis un terme à notre amitié avant même qu’elle ne débute vraiment. » Ajouta-t-il avec tristesse. Il haussa les épaules, las. « Comme quoi, il n’y a pas qu’avec toi que je me prends la tête, Wyatt. » Il esquissa un faible sourire. Naveen avait, surtout certains points, une vision tellement différente des autres. C’était ce qui avait eu raison de sa relation avec Andeana. Les deux hommes parlèrent ensuite de quelque chose d’un peu plus joyeux, si on veut, parce que même si l’arrivée de Naveen à Bowen n’était pas pour des raisons à se réjouir, il y avait quand même de quoi fêter son nouveau départ. « Le surf ? Non, non, je n’en ai jamais fait. J’ai bien vu qu’ici, c’était plutôt populaire, oui … Tout le monde a l’air de savoir s’y prendre. Tu ne voudrais quand même pas que j’essaie de tenir là-dessus ? » S’étonna Naveen, lui qui n’avait même pas encore seulement profité de la mer depuis son arrivée.

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Je suis confiant pour Naveen, même s’il a des difficultés d’intégration à surmonter, il finira par y arriver. Je lui demande d’ailleurs s’il a fait de nouvelles connaissances depuis la dernière fois, mais on peut pas dire que ce soit très concluant. Je ne peux m’empêcher de rire lorsqu’il mentionne le problème d’une mathilda « Quoi ? » lui demandais-je en riant, « T’es entrain de me dire qu’elle ne souvient pas de toi ? peut-importe le nombre de fois ou tu l’as rencontre ? » synthétisais-je alors avec un sourire en coin. « Franchement Naveen, tu as le chic pour faire des rencontres insolites. » sourire-je amusé. Quoique, y a aussi des bons côtés, il peut s’inventer une vie à chaque rencontre qu’elle n’y verrait que du feu du coup. Enfin, ça reste pour lui qu’une cliente, donc on peut pas vraiment la qualifier d’amie… Sauf si Naveen la voit ainsi… après tout, c’est ce que j’ai du être pour lui…

Lorsqu’il mentionne Andeanna sans même la nommée, je me tends malgré moi, retenant légèrement ma respiration. Bien que je sais pertinemment qu’il n’y aura jamais rien de plus qu’une amitié entre lui et moi, je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine jalousie et une forme de tristesse que je n’ai jamais connu auparavant. C’est indescriptible. Pourtant, j’essaie de prendre sur moi, et je lui demande sur un ton qui ce veux dégager « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » l’interrogeais-je sans comprendre, peinait pour lui, mais… égoïstement heureux pour moi. « Sauf que moi, j’suis toujours là » soufflais-je dans une murmure à peine audible, réalisant trop tard que j’avais prononcé ma pensée. J’avais presque envie de lui dire que cette fille en valait pas la peine, pas si elle lui tournait le dos au premier problème.

S’il doit s’intégré à Bowen, autant qu’il prenne le pli directement. Les sports populaires dans la région ce sont les sports nautiques avec en haut du podium, le surf. Alors pour fêter ses un an en ville, autant l’initié à la vie locale comme il se doit. Et lorsqu’il semble comprendre son raisonnement il ne peut m’empêcher de me poser une question… rhétorique. Vu le sourire sournois sur mon visage, il a compris. « Bah… si. » répliquais-je sans me départir de mon sourire en coin. « Allez ça va être marrant. Y a des profs de surf pour débutant ! ça va le faire ! J’suis rouillé aussi, une leçon ne me fera pas de mal ! Allez Naveen ! j’suis sur que ça va te plaire ! » l’encourageais-je avec enthousiasme. « ou pas… Mais bon pour le savoir, faut que t’essaie au moins une fois ! » lui dis-je avant de croquer dans ma tarte aux pommes, soudain animé par une sorte de motivation mystique.

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Ce qui avait semblé être le comble du malheur pour Naveen, semblait plutôt amuser Wyatt. La condition de Mathilda n’avait rien de drôle, au contraire, ce devait être un calvaire que de vivre comme elle le faisait jour après jour, se replongeant à chaque réveil dans son accident mais surtout dans toutes ces journées perdues. Toutes ces heures qui n’étaient plus qu’un souvenir égaré sur du papier, dans ses notes. Certes, c’était sans doute assez ironique, lui qui cherchait à ce point à se faire une place dans cette ville, lui qui voulait tellement s’intégrer et se former enfin un nouveau réseau, il rencontre la seule femme de Bowen qui ne pourrait jamais garder un seul souvenir de lui. « Elle oublie à chaque matin, ou un truc du genre. Alors, non, elle ne se souvient pas de moi. Peu importe ce qui s’est passé, peu importe ce qu’on s’est dit. Je disparais à chaque fois. » Il haussa les épaules. Il fallait se faire à l’idée, et peut-être qu’ils ne seraient de toute façon jamais amenés à se rencontrer de nouveau. Elle n’était qu’une cliente, c’est vrai. On ne pouvait pas en dire autant d’Andeana, et son absence se ferait bien plus sentir. Et dans sa tête à elle, Naveen ne voulait pas être effacé. Il ne voulait pas devenir un souvenir volontairement égaré. Oublié. « On s’est rendus à la falaise, quand il y avait les étoiles filantes, tu sais ? Et c’est là qu’elle m’a dit qu’elle avait un fiancé. Et … I don’t know, je sais bien que ce n’est pas vu du même œil ici, mais pour moi … être avec une femme qui est promise à un autre, même si c’est en toute innocence, en toute amitié … ça ne se fait pas. » Il secoua doucement la tête. « Alors je suis parti. Et on ne s’est pas parlés depuis. » C’est alors que Wyatt lui souffla, à peine audible, que lui était toujours là. Naveen releva un regard surpris vers lui. Oui, Wyatt était toujours là. Mais il ne pourrait pas, à tout jamais, ne reposer que sur lui. « Je sais. » Dit-il avec douceur, avec reconnaissance dans la voix. « J’vais essayer de ne pas tout gâcher avec toi non plus. Même si c’est plutôt mal parti. » Il eut un rire peu convaincu, avant de boire une gorgée de son café. Il faillit toutefois s’étouffer quand Wyatt proposa qu’ils aillent faire du surf ensemble. Toujours question de l’intégrer et de lui changer les idées. « Ahhh … » Lâcha-t-il, hésitant. « Bon, et puis, pourquoi pas ! » Peut-être que ça lui permettrait de renouer un peu avec l’océan. De ne plus voir la mer comme la faucheuse.

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Bien qu’il n’y a rien de drôle dans ce que traverse Mathilda, je trouve ça tellement ironique vis-à-vis de Naveen. Pourquoi faut-il qu’il fasse se genre de rencontre, lui qui essaye tant bien que mal de s’intégrer. J’ai pas pu m’empêcher de rire, mais devant l’air blasé de Naveen, je reprends mon sérieux. « Désolé. » marmonnes-tu en te mordant la lèvre inférieure. « On peut pas dire que tu es beaucoup de chance, dans tes rencontres. » fis-je en tentant de garder mon sérieux malgré le sourire qui tentait de se dessiner sur mon visage.

Il me raconte ce qu’il s’est passé avec Andeanna, me remettant dans le contexte. Les étoiles filantes ? Le… 14 février ? Donc il a passé la Saint Valentin avec elle, sur les falaises ? face à la mer ? On peut pas dire qu’il manque de romantisme. Même si ça me fait mal au cœur, je suis heureux pour lui… Sauf pour la suite. Donc elle est fiancée. Et en toute amitié ? J’ai du mal à tout suivre. Je sais que Naveen m’a confié ne pas être prêt à se lancer dans une histoire, sa femme restant encore très présente dans son esprit, mais je sais aussi qu’il est un homme qui peut plaire et je ne suis pas sur de supporter de le voir avec une femme. Pourtant, l’important c’est qu’il trouve sa place dans cette société et qu’il soit heureux, alors après un petit soupire, je lui dis. « Je comprends Naveen » affirmais-je en connaissant très bien ce point sociétaire bien ancrée dans la société orientale. « Mais tu n’as rien à te reprocher tu sais. » soufflais-je doucement « Tu l’as dis, ici, c’est pas mal perçu et puis, elle était contente de passer ce moment avec toi, non ? » marmonnais-je en me passant une main dans les cheveux. Je suis certainement maso à l’encourager comme ça, mais ce que je veux est secondaire. « Et puis, tu l’as recroisera certainement… Bowen n’est pas très grand » affirmais-je doucement.

Je fronce les sourcils et je fais non de la tête, comme si ce qu’il me dit est complètement absurde. Depuis le début, c’est moi qui foire tout. Que ce soit dans mes paroles ou dans mes actes, j’ai l’impression d’être toujours à côté de la plaque vis-à-vis de Naveen. « Ne t’en fais pas, ça risque pas. » lui répondis-je en souriant, me voulant rassurant.

Et puis, motivé, je lui propose un cours de surf prochainement. Sa réaction me fait rire mais j’insiste quand même. C’est une occasion de passer un bon moment ensemble. Sur le moment, j’ai pas tellement réfléchi, si j’avais été un peu plus posé, j’aurai su que c’était une mauvaise idée, entre Naveen et son rapport dramatique avec l’océan qui lui avait pris sa famille, et mon complexe lié à mes nombreuses cicatrices, ça promettait. Mais sur le moment ça m’est complètement passé au dessus de la tête ! « Génial ! tu bosses ce week-end ? Ou bien la semaine prochaine en fin de journée, comme tu préfères… » lui suggérais-je avec enthousiasme avant de terminer mon café.

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Encore une fois, ils ne riaient pas pour les mêmes choses, ils s’emportaient chacun de leur côté. Heureusement, ils commençaient presque à s’habituer à cette dualité qui les composait, et ils ne réagissaient pas aussi vivement lorsqu’il s’agissait de choses aussi futiles. Et puis, Wyatt n’avait jamais rencontré Mathilda, alors il ne pouvait pas comprendre jusqu’à quel point sa condition était attristante, accablante. Naveen ne l’avait pas non plus assez bien saisie, la première fois, jusqu’à ce qu’il y soit confronté une seconde fois. Le syrien haussa les épaules quand l’ancien soldat releva qu’il n’avait pas beaucoup de chance, dans ses rencontres. « Oui et non. Je ne baisse pas les bras. C’est en y donnant un peu du mien que j’arriverai avoir davantage de relations comme la nôtre. » Il esquissa un sourire. Il aurait également ajouté et comme celle avec Andeana si leur dernière rencontre ne s’était pas soldée par un aussi grand échec. Malheureusement, ils ne s’étaient pas parlé depuis des semaines. Le réfugié savait fort bien qu’Andeana n’avait sans doute pas envie de le joindre pour prendre de ses nouvelles ou renouer avec lui. Ce serait à lui de faire les premiers pas, s’il désirait les faire. Mais si le problème de la dernière fois hantait encore ses pensées, qu’est-ce qui serait différent cette fois ? Elle serait encore et toujours fiancée, et lui serait bien malgré lui ancré dans ses positions déraisonnables. « Oui, je crois qu’elle était plus que contente. On s’entendait vraiment bien, elle et moi. Et la tristesse dans ses yeux quand j’ai tout foutu en l’air … Oh, Wyatt, tu ne peux même pas savoir combien je m’en veux. » Il secoua doucement la tête, ne réalisant même pas tous les efforts que l’américain faisait pour ne pas que son visage se décompose complètement devant lui. « Je ne sais pas ce que je pourrais bien lui dire, si j’en viens à la recroiser. Je suis un imbécile, et je ne sais même pas si je suis prêt à ne plus l’être. Pour moi, la relation qu’on avait, c’était … très étrange. » Pas parce qu’il avait des pensées romantiques, pas parce qu’il imaginait quoi que ce soit de plus, mais bien parce qu’il n’avait jamais eu d’amie aussi proche. Amie au féminin. Les femmes de qui il avait été le plus proche, étaient des membres de sa famille ou de celle d’Amena. Bref, après cette ouverture du cœur de la part de Naveen, Wyatt sembla trouver une géniale idée pour célébrer un peu et essayer une nouvelle activité. Le surf. Le syrien était beaucoup moins enchanté que son ami mais, contre toute attente, il accepta tout de même. « Oui, je suis de service tout le week-end, mais … une soirée la semaine prochaine, ça m’irait. » Il hocha la tête, un sourire aux lèvres légèrement amusé, dépassé par cette folle proposition qu’il venait d’accepter. Il termina à son tour son café, qui n’avait plus un goût aussi amer maintenant que Wyatt et lui semblaient prêts à se quitter en de biens meilleurs termes.

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Naveen faisait beaucoup d’efforts pour s’intégrer dans une société aux antipodes de celle ou il était originaire. Il devait faire face à une culture totalement différente de la sienne et j’avais conscience que ses efforts pouvaient passé inaperçu aux yeux des personnes les plus fermées d’esprits. Si je saluais ses efforts, j’eus quand même un pincement au cœur lorsqu’il me fit comprendre que notre relation était quelconque et qu’il cherchait à en établir d’autres comme la notre. Rien de surprenant mais ça restait quand même douloureux à entendre pour moi. Et il renchaine sur Andeanna, me donnant des coups de massue que je trouvais aussi violent que certains moments difficiles que j’avais traversé déjà.

Je reste silencieux me forçant même à sourire alors que je laisse tomber mes mains sur mes cuisses, sous la table. Si je laisse un sourire fané appparaître sur mon visage, mes poings sous la table se crispent, laissant apparaître l’effort surhumain que je fais pour masquer mon émotion sur mon visage. L’entendre parler de sa relation si particulière avec cette femme, c’est un déchirement. Ca me rappelle à la dure réalité. Celle que je ne pourrais jamais rivaliser avec une femme, pas à ses yeux. Et je me maudis pour ce que je vais dire, sachant que je me donne le coup de grâce. « Appelle-là Naveen. » lui dis-je en prenant sur moi malgré ma voie qui déraille un peu. « Va la voir. » ajoutais-je en reprenant le contrôle de mes émotions et de ma voix. « Si cette relation compte autant pour toi, ne la laisse pas voler en éclat. » affirmais-je douloureusement en lui adressant un sourire encourageant avec les dernières forces que j’avais. Quand bien même c’était douloureux pour moi et que j’aurais pu me satisfaire de savoir cette relation brisée avant même qu’elle n’est prit son envol, je souhaitais quand même que Naveen puisse s’épanouir à nouveau, et c’était le plus important. C’était bien plus important que ma jalousie et que ma volonté de le garder pour moi.

Je lui adressais un sourire résigné alors qu’il acceptait ma proposition de se retrouver pour une séance de surf. J’étais heureux quand même de pouvoir partager quelques moments privilégiés avec lui. « Génial ! » lui dis-je avec enthousiasme, « On se tient au courant. » lui dis-je en souriant « Va falloir que j’y aille par contre, je te laisse les papiers. Je t’appelle pour le surf? » lui dis-je après avoir jeter un coup d’œil à ma montre. Je me levais et déposait un billet sur la table. Je fuyais… un peu. Lâche. J’avais trop peur que mes barrières et de lui balancer tout ce que j’avais sur le cœur, tout ce qu’il ne pourrait ni comprendre, ni accepter. Alors je préférais rentrer chez moi.

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Il ne voulait pas lui faire de mal, à Wyatt. Naveen n’avait jamais cette pensée envers lui, ni envers qui que ce soit d’autres, d’ailleurs. Ses paroles ne se voulaient jamais blessantes, encore moins maintenant qu’il lui disait vouloir se créer de belles amitiés comme celle qu’ils avaient tous les deux. Parce qu’ils auraient beau croire et dire qu’ils se prenaient sans cesse la tête, qu’ils se brusquaient et se braquaient, au final, Wyatt était la personne la plus importante qu’il avait ici, à Bowen. Et partout dans le monde, au final, puisque la vie lui avait retiré toutes les autres. Par ces paroles, donc, Naveen avait juste voulu lui faire comprendre toute l’importance qu’il avait pour lui, et toute son appréciation de leur relation, aussi. S’il n’aimait pas ce qu’ils étaient ensemble, il ne chercherait pas à tisser d’autres liens similaires. Il ne réalisa pas toutefois à quel point cette affirmation avait pu affecter Wyatt, lui qui n’en laissa rien paraître. Lui qui ne répondit rien. Et il continua à le marteler de coups sans même le savoir, se ruant sur son âme de ses poings imaginaires, en parlant d’Andeana. Le syrien hocha la tête aux conseils de Wyatt. « Elle compte à ce point pour moi, oui. » Il soupira. « Je vais prendre du temps pour mettre de l’ordre dans idées et … peut-être, oui peut-être que j’irai la voir. » Il hocha encore une fois doucement la tête, à quelques reprises, lentement, comme si le mouvement était un simple automatisme. Pensif, il se laissa doucement glisser vers la proposition de l’américain en ce qui concernait le surf. Au moins, il pouvait se réjouir de ravir Wyatt en acceptant cette folle idée. « Oui, on réglera les détails dans quelques jours. » Affirma-t-il, avant de se lever quand Wyatt fit de même, annonçant son départ. « D’accord, je lirai ça attentivement et … et je te reviendrai avec le reste. » Naveen voulait faire les choses correctement et bien, alors peut-être chercherait-il à faire un contrat pour officialiser sa dette. « Oui, j’attends ton coup de fil ! À bientôt, Wyatt. » Eut-il à peine le temps de dire avant que son ami ne s’éclipse. Il se rassit, soupirant tout légèrement, peu pressé de retourner dans sa solitude.

TERMINÉ

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» Toujours plus vite toujours plus loin
» your special feat Naveen
» feels like home (naveen)
» it’s a kind of a magic (naveen)
» Tu pourras toujours compter sur moi [Maddie ♥ ]