(andeallen) you're my everything

Quitter l'entreprise de son père pour se bâtir son propre projet ressemblait à un nouvel abandon. La moitié de sa vie, elle l'avait passée à fuir ce pays pour visiter de nouveaux horizons. Dès qu'elle en avait saisi l'occasion, elle s'était envolée pour de nouvelles terres, sans s'occuper de ce que pouvait ressentir ses proches, s'ils étaient tristes ou s'ils se sentaient trahis. Posée depuis deux ans à Bowen, elle s'était rendu compte qu'elle n'avait fait qu'assouvir ses caprices, ses pensées égoïstes. Et que la famille qu'elle avait abandonnée à sa majorité, elle ne la retrouverait jamais complètement. Depuis combien de temps ils ne s'étaient pas tous retrouvés ? Une éternité. Et aujourd'hui, elle avait l'impression que l'atelier de son père était un lien entre les deux, ce qui leur permettait de se sentir proche, d'avoir quelque chose en commun même s'ils n'étaient plus dans la même commune. Andeana répondait à son ancien amant par une simple esquisse de sourire. Avant de se lancer dans une nouvelle direction, elle allait plutôt attendre de se remettre sur pied, de se sentir aussi bien dans son crâne que dans son corps. Laisser sa maladie s'échapper même si elle n'avait aucune idée de combien de temps ça pouvait prendre, mais elle attendrait. Pour aller mieux avec elle-même, il fallait simplement qu'elle pardonne aux autres, elle l'avait toujours fait. Elle n'en voulait pas à grand-monde, c'était de l'énergie gaspillée. Et dans la liste des personnes qu'elle avait du mal à pardonner, le nom d'Allen y apparaissait. Parce qu'il avait ouvert une nouvelle plaie dans le cœur de la blonde, qu'elle avait essayée de colmater comme elle pouvait, en confiant son cœur à des nouvelles personnes. Peut-être qu'en disant qu'ils reprenaient à zéro son ressentiment s'effacerait. Ça faisait un temps qu'ils n'avaient pas passé de temps ensemble sans se prendre la tête, rien qu'à deux à s'occuper et à parler, alors même si elle ne s'était pas installée pour rester, elle n'arrivait pas refuser d'être à ses côtés. « Si je réussis ce sera uniquement parce que t'auras été à mes côtés. » Quand elle était sous les conseils d'autres personnes, elle ne pouvait que réussir. « Si demain je réessaye de refaire ce qu'on va faire, ce sera forcément loupé. » Continuait-elle dans un rire. Ce n'était pas un manque de confiance en soi, simplement elle savait qu'elle n'y arrivait pas avec la cuisine, entre l'inattention et les problèmes de dosage, elle ne pouvait que se louper. « J'aime pas tellement m'imposer alors, partons sur ce que tu préfères ! » Elle ne voulait pas le faire subir ses préférences et quitte à cuisiner avec Allen, autant ce que ce soit quelque qu'il aime. « Tu bosses avec quelqu'un ici ? Ça doit te prendre du temps de gérer tout ça. »

La vénézuélienne voulait se détacher de l'entreprise familiale, et tu comprenais très bien son envie. Avoir son nom connu seulement parce que son père l'était, c'était une chose, le subir tout le temps, s'en était une autre. Alors tu voulais la pousser à réaliser ses rêves comme toi, de ton côté tu avais réalisé les tiens. Certes, ce n'était pas à la même échelle mais pour y arriver, il fallait se donner du courage. Et puis, tu pourrais lui en donner, si elle ne croyait pas assez en elle, tu avais assez d'espoir pour deux. C'était indéniable. Vivre dans l'ombre de sa famille, tu connaissais que très peu. Dans la votre, vous aviez toujours tous été mis sur le même piédestal, et pour chacun des enfants c'était la même chose. Aucun d'entre vous n'avez été privilégié pour quoi que ce soit. Trêve de mondanité. Tu te retrouvais alors avec Andeana, face au couché de soleil sur la plage à déguster ta bière mais en la finissant très vite quand même. Dans ta tête, tu espérais qu'un jour elle te pardonne de tes erreurs, et que vous puissiez vous voir sans vous embrouillez. Recommencer à zéro semblait être une bonne idée, pour une fois que tu avais de bonnes idées. Peut-être que de faire connaissance à nouveau vous permettrez de vous retrouver et de cesser de vous entretuer encore et toujours. Alors tu proposas à la jeune femme de vous préparer quelque chose à manger pendant que vous admiriez ce couché de soleil. Et tu lui avais proposé de t'aider à faire à manger. Quelque chose de simple, de la pizza. Un brin de pâte était encore dans un tupperware, qui datait d'aujourd'hui, alors autant le finir pour vous mettre quelque chose sous la dent. « Ne te sous-estime pas quand ça, enfin » répondis-tu à la vénézuélienne qui ne cessait de dire que si elle y arriverait se serait parce qu'elle serait sous tes conseils de cuisinier. Tu attrapais le nécessaire pour finir cette pizza et tu lui demandas alors ce qu'elle voulait à l'intérieur. « On va faire simple, tomate, mozzarella, huile d'olive et basilic » répondis-tu à la jeune femme tout sourire. La bonne pizza de chez toi que tu aimais tant. Tu sortais alors toutes les boîtes utiles à la préparation et tu tendais l'un d'entre elle à la blonde. « Prends ce couteau, et essaye de me couper ce fromage en lamelle » dis-tu à la blonde en parlant de la mozzarella. Ici, tu étais dans ton élément et tu ne te posais plus de question. Tu savais ce que tu faisais, pour une fois. Alors tu te concentrais sur la recette et tu déposais une sauce tomate sur la pâte à pizza pour avoir une base. « J'ai un employé, mais il ne travaille pas souvent, j't'avoue. Mais j'aime tellement mon boulot que ça me dérange pas de travailler tout le temps » répondis-tu en haussant les épaules et en tartinant ta pote de tomate.

Cent fois elle s'était imaginée une vie aux côtés d'Allen, des jours où cette porte ne vibrerait pas de son acharnement lorsque son cœur avait pleuré de la trahison qu'elle avait subi, mais ces pensées rouvraient ses plaies, ranimait cette souffrance. Au premier regard Andeana était tombée en amour et n'avait jamais réussie à se défaire de cette affection si forte, jamais elle n'avait fait le deuil de cette relation. Pourtant elle était passée dans les bras d'autres hommes, elle avait décorer ses doigts de bague, mais il restait l'ombre de son ex qui lui avait montré ce qu'était l'amour sans désordre. Une personne qui n'abusait pas moralement ou physiquement de son être, une qui rien que de par sa présence la réconfortait. Ça ne voulait pas dire qu'elle regrettait ses autres relations, c'était simplement différent, parce que chaque amour était unique, mais celui d'Allen avait un goût plus appréciable que les autres. Malgré le douloureux souvenir de leur séparation, elle acceptait d'essayer de mettre sa rancœur de côté, de repartir à zéro même si elle ne savait pas où ça allait les mener. Peut-être qu'après aujourd'hui ils ne se retrouveraient plus et n'arriveraient plus à se dire un mot. Au moins, l'un comme l'autre aurait la paix dans l'âme. Andeana acceptait de passer du temps avec lui et prendre un repas malgré les restrictions qu'elle se mettait question nourriture. Elle l'accompagnait et attendait ses instructions. « Toi tu n'as jamais goûté un de mes plats. J'ai plusieurs bonnes raisons de n'avoir aucune confiance en moi en cuisine. » Un léger rire fuyait. Sûrement qu'elle n'avait jamais cuisiné pour lui lorsqu'ils étaient encore deux amants, elle n'avait pas le souvenir d'avoir été satisfaite d'une recette qu'elle avait confectionnée et toute sa famille l'éloignait de la cuisine lorsqu'ils se retrouvaient. « D'accord chef. » Ayant toujours peur de se couper une partie de son corps, l'art du couteau n'était pas ce qu'elle maîtrisait le mieux, mais elle l'écoutait même si au final ses lamelles étaient trop épaisses et que tout ce qu'elle venait de faire devait être rattrapé. « ¿ Así ? » L'espagnol n'était pas une de leur langue commune, mais c'était celle qui lui venait naturellement. « Je pose ça directement sur la pâte ? » Comme si elle n'avait jamais mangé de pizza de sa vie. C'était à la limite de l'insulte pour les italiens, mais tout ce qu'elle faisait était dans l'innocence la plus totale. « Tu payes quelqu'un à s'amuser ailleurs ? Tu ne serais pas le meilleur patron de Bowen, toi ? » Un doux sourire venait décorer ses lèvres alors que ses yeux se relevaient vers lui. À vrai dire, elle trouvait ça beau que quelqu'un s'investisse autant dans son affaire et son travail.

Pendant des mois, tu t'en étais mordu les doigts. Et encore aujourd'hui. Tu avais fauté, d'un manière que l'on ne peut pas pardonner. Enfin, à ton sens. Andeana avait raison, tu l'avais trahi, ce soir-là d'une douce nuit parisienne. Mais tu ne voulais pas t'avouer vaincu. Elle le savait pertinemment, que tu ne lâcherais pas l'affaire. La vénézuélienne représentait tellement de choses pour toi, elle te donnait cette impression que tout n'était pas perdu et que tu ne te battais pas en vain. Cette amour avait été si immense, si beau et si intense, qu'il ne s'oubliait pas en un claquement de doigt. Et tu espérais, au fond de toi, que la blonde ressentait la même chose que toi. Mais là, il fallait mettre les sentiments de côté, pour que vous puissiez enfin vous retrouvez déjà en tant qu'ami avant tout. C'était un premier pas vers la réconciliation. Après le mariage de Freja, tu ne l'avais pas re-croisé, de peur de faire une autre bêtise surement. Mais là, vous vous retrouviez tous les deux dans ton camion, prêt à faire quelque chose à manger et passer du bon temps ensemble. « Je suis sûre qu'à nous deux, on va arriver à faire un truc pas trop mal » dis-tu à la blonde avec un clin d'oeil. Tu voulais lui apprendre ce que tu savais, après tout, ce n'était pas compliqué. Alors tu lui donnais quelques instructions pendant que de ton côté, tu faisais de même pour lui montrer. C'était un bon moment à partager ensemble. Laissant échappé une petit rire lorsqu'elle t'appela chef, tu continuais à couper tes ingrédients pour la pizza. Du coin de l'oeil, tu regardais toujours si la jeune femme ne se couperait un doigt avec la lame du couteau si aiguisée. Tu t'en voudrais si un accident arrivait dans ton camion, et encore plus si c'était en ta présence. « Bene » répondis-tu instinctivement dans ta langue natale, comme réponse à la sienne. L'espagnol et l'italien n'était pas des langues communes, mais tu parlais un minimum la sienne pour la comprendre. « Oui, vas-y, et après on enfourne ! » dis-tu à la jeune femme en la regardant poser les ingrédients aléatoirement sur la pate que tu avais badigeonné de sauce tomate au préalable. A sa réponse, tu riais légèrement. C'est vrai que tu étais assez cool comme patron. « Il vient quand même lorsque je ne peux pas bosser, hein. Et que j'ai besoin de repos. Mais j'avoue que j'suis un boss plutôt cool » dis-tu en haussant les épaules. Tu aimais ton travail, ton affaire était ton bijoux, ton bébé. Et tu y faisais attention. Tu attrapais la pizza pour la mettre dans le four. « Dans 15 minutes, ça sera prêt ! Tu veux boire quelque chose en attendant ? » proposas-tu innocemment à la jeune femme après avoir fermé le four.