Forget it (Niels)

« Fallait y penser avant. » Il resta silencieux, haussant simplement les épaules, plutôt d'accord avec elle. Mais c'était trop tard maintenant, ils le savaient autant l'un que l'autre. Bien sûr qu'ils en avaient abusé, tout au long de leur relation, et ils savaient aussi que la nuit de la dernière fois n'avait rien arrangé à leur cas. Ça l'avait même empiré même si c'était plus facile de fermer les yeux dessus. « Et s'il est performant ? Bon tu me diras, tu pourrais rester, c'est pas comme si j'avais l'habitude de me réserver pour qu'une seule personne. Enfin, généralement. » Niels plissa les yeux à la fin de sa phrase, faisant semblant de la suspecter d'avoir été voir ailleurs pendant leurs deux mois de relation. Il savait évidemment que ça n'avait pas été le cas parce-qu'il n'aurait, dans le cas contraire, sans doute pas hésité à casser la gueule de n'importe quel type s'approchant un peu trop près d'elle. Autant il était comme elle lorsqu'il s'agissait de s'envoyer en l'air, autant il n'aurait jamais supporté le fait qu'elle se tape d'autres mecs durant leur relation. « Ouais bon, les plans à trois c'est pas trop mon truc tout compte fait. » Il ajouta, amusé, se rendant compte que la scène en question n'était pas des plus plaisantes à imaginer. Aelya, il l'avait voulu pour lui seul, ça avait toujours été comme ça. L'idée qu'elle puisse se complaire dans les bras d'un autre lui était difficilement supportable. Mais ça encore une fois, il ne l'admettrait certainement pas. Même pas à lui-même. Parce-qu'il refusait qu'elle puisse avoir autant d'emprise sur lui et que lui, puisse se montrer finalement si vulnérable. Non, c'était toujours plus facile de penser que ça ne lui faisait ni chaud ni froid. Il sourit néanmoins aux paroles qui suivirent, se retenant de lui dire qu'elle lui plaisait dans beaucoup plus de situations qu'elle ne devait certainement le penser. Le désir qu'il avait pour elle lui collait à la peau, comme un parasite dont il n'arrivait pas à se défaire, et il ne faisait qu'accroître ces derniers temps, à chaque fois que son esprit avait décidé de le torturer en lui rappelant leur dernière étreinte. « Je suis d'accord. C'est pas de tout repos de gérer des cas comme le tien. » Lui dit-il, plus directement, avec un sourire en coin. Est-ce qu'il faisait référence au fait qu'elle lui avait mené la vie dure depuis son arrivée à cause du fait qu'elle refusait ses soins ou bien au fait qu'il avait surtout du mal à gérer l'effet qu'elle lui faisait ? Il laissait la question en suspens, préférant jouer la carte de l’ambiguïté, histoire d'entretenir cette tension qui ne faisait que de grimper entre eux. Et ce n'était pas bien difficile de la ressentir cette tension, à en voir la façon dont il la dévorait des yeux lorsqu'elle eut finit de se déshabiller devant lui. « Ça aurait été dommage que tu loupes ça. » Il arqua un sourcil, continuant de faire trainer ses yeux sur elle avant d'accrocher son regard. « Ouais, surtout que pour le coup, je suis sobre et en pleine possession de mes moyens. Dommage que ça ne soit pas ton cas. » Parce-qu'une côté cassée, c'était un frein à bien des choses et Niels le savait pour en avoir déjà vécu l'expérience. Il la laissa filer dans la pièce d'examen, restant en retrait jusqu'à ce qu'elle ne finisse par revenir vers lui. « Tu vois dans ces moments où j'ai juste envie de frapper quelqu'un, j'aurais bien fait l'amour à la place et je peux même pas ! » Il sourit à sa remarque, remettant le brancard qu'ils avaient utilisé en place avant de se retourner vers elle. Il jeta ensuite un coup d’œil à sa montre, avant de reprendre la parole : « Je suis pas certain de vouloir être ton punching-ball, ni de vouloir t'inciter à remettre le couvert mais techniquement j'ai fini ma journée et... je sais que j'ai pas mal de remèdes en poche pour faire oublier la douleur. » Il dit, d'un air amusé et malin, persuadé qu'elle ne verrait que le sous-entendu sexuel dans sa réplique. « J'te rassure, c'est à base de pizzas et de joints. » Il ajouta, l'air de rien, comme s'il voulait volontairement rayer la possibilité qu'il puisse la soulager d'une toute autre façon, façon qu'ils avaient néanmoins tous les deux bien en tête. « Ça te dit ? » Il la fixa, pas certain qu'elle juge son idée aussi bonne que lui la clamait, bien qu'il savait pertinemment qu'il ne devrait pas se risquer à ce genre de jeu avec elle.

Sûrement que la présence de l'autre leur avait toujours suffi. Et pourtant, le nombre de femmes qui lui avaient fait des avances n'était pas ce qui avait manqué, il n'avait tout simplement jamais été tenté de se perdre dans les bras d'une autre. Parce-qu'Aelya lui faisait suffisamment tourner la tête pour qu'il ne puisse s'intéresser à une autre femme. Et c'est dans leurs étreintes qu'il voulait lui faire ressentir tout cela, lorsque son corps rencontrait le sien, il voulait lui montrer qu'il lui était voué, corps et âme. « Ça aurait pu mettre du piquant dans notre relation » elle ajouta, ce qui eut pour effet de le faire rire légèrement. Autant il n'aurait pas été contre l'idée de se défouler avec deux femmes si l'une d'entre elles était son ex petite-amie, mais il n'aurait certainement pas accepté ce genre de choses si la troisième personne se serait avérée être un autre mec. C'était égoïste, il l'admettait. Quoiqu'il savait aussi qu'Aelya pouvait très bien se complaire aussi avec les courbes d'une autre femme. « Ça aurait fini dans un bain de sang cette histoire » il lui répondit, à la fois amusé mais tout aussi sérieux. C'était comme ça entre eux. Niels appartenait à Aelya et Aelya appartenait à Niels. Aucune autre personne n'aurait pu s'immiscer entre eux. C'était sûrement un peu malsain lorsqu'on y pensait. Niels n'avait jamais ressenti ce besoin qu'on lui appartienne avant qu'Aelya ne débarque de nul part, lui qui était plutôt du genre à ne pas instaurer de règles lorsqu'il était en couple. Ils jouaient dangereusement avec le feu, manquant de se brûler à chaque fois qu'ils se risquaient à plaisanter avec ce qu'ils aimeraient pourtant faire ensemble. La vue sur le corps d'Aelya éveillait pas mal de sensations en lui, même s'il était meurtri par cette côte cassée. « J'espère bien... » il lui répondit, avant de s'éclipser plus loin, préférant s'échapper avant d'être tenté de lui sauter dessus. Il redoutait autant qu'elle le verdict de la radio, comprenant très bien qu'une Aelya forcée au repos n'était jamais bon signe. Et d'ailleurs, pour éviter qu'elle ne commence à broyer du noir, il lui fit une proposition, l'invitant à venir se détendre chez lui. Sans la moindre arrière pensée en tête. Ou presque pas. « On va pas prendre de risque, c'est pas notre style. » Il lui dit, bien ironiquement, un sourire en coin sur les lèvres. Il hocha la tête à la remarque suivante. Oh que oui ça pouvait arriver, c'était bien ça le problème. Ils allaient devoir calmer leurs ardeurs pour une fois, même si la convalescence allait leur sembler longue. Très longue. Son sourire s'élargit lorsqu'elle accepta finalement de le suivre, plutôt satisfait de l'avoir convaincu avec ses arguments. « Bouge pas, j'en n'ai pas pour longtemps. » Il lui fit un clin d’œil avant de se dépêcher de retourner à son casier, se débarrassant de sa tenue de travail pour remettre ses vêtements. Il récupéra le reste de ses affaires avant de retrouver la jolie brune qui l'attendait, ravi de voir qu'elle n'avait toujours pas changé d'avis. Il prit les devants, se dirigeant avec elle vers sa voiture pour s'installer du côté conducteur tandis qu'elle prenait place du côté passager. D'ailleurs, c'était assez bizarre pour lui de se retrouver avec Aelya dans cette voiture, qui avait elle aussi était témoin de leurs ébats. En même temps, ce n'était pas comme s'ils avaient déjà porté la moindre importance aux endroits où ils avaient consumé leur amour. « Va falloir que tu trouves un moyen de tuer le temps pendant ta convalescence » finit-il par dire, sans se rendre compte qu'il remuait encore un peu plus le couteau dans la plaie. « Je pourrais te rendre visite... de temps en temps » il croisa ses yeux dans le rétroviseur, son regard allumé d'une lueur joueuse, avant de mettre le contact et de prendre la direction de son appartement. Léonie n'était pas présente ce soir et Niels n'était pas mécontent qu'elle décide de prendre un peu de temps pour elle, elle qui s'acharnait quotidiennement au boulot. Ils arrivèrent assez rapidement dans le quartier où habitait Niels, plus rapidement que s'il avait adopté une conduite un poil plus prudente. Il sortit de la voiture en premier, se dépêchant d'aller servir d'appui pour aider Aelya à se redresser. « Ne te fais pas d'illusion, j'suis pas devenu galant. T'es juste mal en point. » Il rit légèrement, verrouillant la voiture derrière lui avant qu'ils ne montent ensemble à l'étage, Niels finissant par leur ouvrir la porte avant de la fermer une fois qu'ils eurent pénétré dans l'appartement. Il balança ses affaires au loin avant de se retourner vers la jeune femme. « Tu connais bien les lieux, fais comme chez toi. Et fais pas gaffe au bordel, j'ai profité que ma coloc' ne soit pas là pour bricoler. » Aelya était plutôt habituée à ce que Niels étale son matos de skate un peu partout, parce-qu'il trouvait toujours quelque chose à refaire, à perfectionner sur ses planches.

C'était dur pour Niels de se rendre compte qu'Aelya avait toujours ce même effet sur lui. Peut-être que son attirance pour elle ne s'était jamais envolée depuis tout ce temps, peut-être qu'il avait surtout réussi à bien la réprimer depuis leur rupture. Si bien qu'il s'était lui-même persuadé qu'elle n'avait plus aucune importance pour lui et qu'il était passé à autre chose sans trop de difficultés. Sauf qu'aujourd'hui, il se rendait bien compte qu'il se mentait à lui-même. Et ces derniers jours, ça le frappait de plein fouet. Parce-qu'il ne cessait de revoir ces scènes de chaleur à chaque fois qu'il fermait les yeux, comme des flash incessants dont il ne pouvait se débarrasser. Et même s'il n'avait pas été dans son état normal ce soir-là, ça n'empêchait pas qu'il puisse continuer à ressentir l'effet que lui avait procuré sa peau contre la sienne, comme si Aelya continuait d'être auprès de lui, sans cesse. « Pas du tout, c'est pas comme si on était pas créatifs pour trouver le moyen de faire des conneries » lui répondit-elle, continuant d'entretenir ce petit jeu entre eux. Ils se moquaient de leurs petits défauts, de cette mauvaise habitude qu'ils avaient de toujours choisir l'option dangereuse et pas du tout raisonnable. Valait mieux en rire qu'en pleurer ceci dit. « Et c'est pas comme si on se fourrait toujours dans les pires situations toi et moi. » Il sourit, amusé en repensant à toutes ces fois où ils avaient dû se tirer d'un foutoir pas possible à cause de leurs conneries. C'était du "Niels et Aelya" tout craché. « On va trouver de quoi s'amuser, t'inquiète pas pour ça. » Finit-il de dire, accompagné d'un petit clin d’œil plein de malice. C'est avec satisfaction qu'il avait pris la direction de sa voiture, accompagné de près par la jolie brune, ravi de voir la tournure que prenait les évènements. « Fais pas ça, sinon je te laisserais plus partir. » Il s'arrêta au feu, tournant la tête vers elle, un sourire en coin, tandis qu'il approcha dangereusement son visage du sien. « C'est peut-être le but... » lui murmura-t-il à l'oreille, ses lèvres frôlant sa joue pour se rapprocher un peu plus de ses lèvres, jusqu'à ce que le feu ne reparte au vert, l'obligeant à se remettre en place pour se reconcentrer sur la route. « Arrête de te donner des airs, Niels, t'arrives à être galant des fois aussi, pas à moi. » Il roula des yeux, finissant de lui tendre la main pour l'aider à se relever. « Ouais bon, tu peux contenter de me remercier, ça m'ira très bien aussi. » Râla-t-il, préférant ne pas s'éterniser sur le sujet de sa possible galanterie. Ils rejoignirent rapidement l'appartement, Niels fermant la porte derrière eux. Il laissa tomber ses clés sur la table, à travers le bordel qu'il avait étalé. Il sourit à sa remarque, tandis qu'il reporta son attention sur ses planches. « Ça t'allait bien pourtant » il répondit, se rappelant de ces moments où elle avait accepté de monter sur un skate. « J'aimais bien quand tu venais, ça me mettait encore un peu plus de pression. » Bon... Niels, à quoi tu joues là ? Arrête ça tout de suite. Il ne voulait pas paraître nostalgique, ça serait trop dangereux de lui montrer que quelque part, tous ces moments lui manquaient. « Bon, t'as faim ? » Il dit, coupant court à la conversation. Et en attendant qu'elle lui réponde, il sortit de quoi rouler un joint, comme il l'avait promis. Il tendit le matos à Aelya, lui faisant un clin d’œil. « Tu sais encore les faire, n'est-ce pas ? » Certainement qu'elle devait se demander comment il arrivait encore à se payer des consommations, lui qui gagnait très modestement sa vie. Il avait trouvé de quoi arrondir ses fins de mois, en trainant comme d'habitude dans des petites affaires pas très nettes, et encore moins légales. Rien de comparable avec ce qu'il avait déjà fait par le passé, mais tout de même, il n'en était pas pour autant très fier.

S'il y avait bien deux personnes qui n'auraient certainement pas du se rencontrer, c'était bien Aelya et Niels. Leur relation n'aurait jamais du voir le jour, trop dangereuse, trop toxique pour deux âmes comme les leur. Ils n'avaient pourtant pas choisi, rien prémédité, c'était arrivé en leur tombant dessus, un peu comme deux tempêtes que le vent avait fini par rapprocher sans qu'elles n'aient leur mot à dire. Quelque part, Niels aimait savoir que son existence, mêlée à celle d'Aelya formait quelque chose de redoutable et de redouté. Qu'elle était autant toxique pour lui qu'il l'était pour elle. Peut-être que finalement, c'était ce qui faisait qu'il serait toujours lié à elle, quoiqu'il puisse arriver. C'était flippant mais exaltant. « Et on s'en est toujours sortie. Comme quoi, on fonctionne pas si mal à deux. » Sur ce point, elle avait encore une fois raison, rien n'aurait pu les arrêter lorsqu'ils étaient ensemble. Avec le temps, Niels avait appris à se forger une carapace assez solide pour repousser n'importe quelle difficulté, ses six années de taule y étant grandement pour quelque chose. Il ne les clamait pas pour autant haut et fort, parce-que ça restait une partie de sa vie qu'il préférait laisser derrière lui, comme un moment entre parenthèses qui avait marqué un avant et un après. Avec Aelya, cet après avait pris d'autres proportions. Ça lui avait appris à se foutre dans des merdiers pas possibles mais aussi à s'en sortir intact. Il avait continué à la chercher dans la voiture, jouant sur les arrêts pour se rapprocher d'elle et provoquer un désir auquel elle ne pourrait pas succomber maintenant à cause de son état. Et ça Niels le savait, et c'était d'autant plus amusant pour lui. « J'te rends la pareille. » Avait-il répondu, faisant référence au fait qu'il n'avait toujours pas oublié la façon dont elle l'avait rendu dingue aujourd'hui, le poussant à bout dans son job. « C'est différent, j'étais pas conscient toutes ces fois. » Dit-il, presque innocemment, comme si le fait d'avoir été dans un état secondaire rendait légitime le fait de ne pas la remercier. Il s'amusa néanmoins de sa réaction, avant de l'entraîner avec lui à l'étage, pour qu'ils puissent tuer le temps comme ils l'avaient prévu. « Si tu passes du temps avec moi, je peux bien en passer avec toi et venir te voir skater. Mais évite juste de te péter une côte. » Ça, c'était moins certain. Niels était assez casse-cou à ce niveau-là, et semble-t-il qu'Aelya s'en rappelait assez bien. « Ouais ça peut se faire. Par contre, ça sera plus difficile de te promettre de rester intact. » Ajouta-t-il, un sourire amusé au bout des lèvres, repensant à toutes ces fois où il était rentré dans des états lamentables, parfois seulement éraflé, parfois plus sérieusement touché. « En plus, ça me permettrait d'être forcé au repos moi aussi. Tu sais ce que ça signifie... » Il haussa les sourcils, cette mine joueuse illuminant son visage, lui faisant comprendre que c'était l'occasion pour que sa convalescence devienne tout de suite plus intéressante. C'était certainement l'idée la plus mauvaise qui aurait pu lui traverser l'esprit. Il ne fallait surtout pas qu'ils puissent se retrouver de cette façon, libres de faire toutes les conneries qu'ils voulaient. « Qui te dit que tu ne te mettras plus à poil ? » Une nouvelle blague salace, quoique pas si innocente qu'elle en avait l'air. Même s'il ne le pouvait pas, ça n'empêchait pas Niels d'avoir toujours autant l'envie de lui arracher l'intégralité de ses vêtements pour assouvir le désir qui menaçait de le brûler de l'intérieur. Mais bon, tant que cette côte serait douloureuse, il refrénerait ses envies, même si c'était toujours plus simple de le dire que de le faire. Il finit par attraper son portable pour passer commande tandis qu'Aelya leur préparait de quoi fumer. Il sourit à sa remarque, attrapant le joint pour le glisser entre ses lèvres et l'allumer, tirant la première bouffée avant qu'une épaisse fumée blanchâtre ne s'échappe lentement de ses lèvres. « Y'a pas à dire, t'as pas perdu la main. » Il tira rapidement une deuxième fois avant de lui tendre, conscient qu'elle allait en avoir un peu plus besoin que lui. Puis il s'approcha lentement d'elle, curieux de voir les traces qu'avait laissé sa chute sur son corps. Il s'accroupit face à elle, levant les yeux vers elle comme pour lui demander la permission, avant de remonter légèrement son haut pour entrevoir ces quelques rougeurs et égratignures qui ornaient sa peau. « Tu t'es vraiment pas loupée. » Constata-t-il, grimaçant à leur vue, avant d'y faire délicatement glisser ses doigts.

Qu'Aelya prenne le rôle de son infirmière, voilà qui était encore plus tentant. Fallait pas lui laisser imaginer des scènes comme ça, il aurait presque été prêt à se mutiler pour sentir ses mains délicates lui soigner la peau. N'empêche que Niels commençait réellement à s'habituer à la présence d'Aelya et l'idée de la revoir pendant sa convalescence lui plaisait encore plus. Ce n'était vraiment pas une bonne idée. Il préférait relativiser, en se disant que de toute façon, ça ne changeait pas grand chose s'il passait du temps avec elle. Parce-que même lorsqu'elle n'était pas physiquement là, il l'avait quand même en tête. Sans cesse. A croire qu'il commençait à se résoudre au fait qu'il ne pouvait pas se passer d'elle, pas définitivement en tout cas. Et il se détestait pour ça. Pour l'instant, l'heure n'était pas à penser à ce qu'il fallait faire ou non. S'il se plantait, il finirait par le savoir à un moment ou à un autre. Et il se relèverait, comme il l'avait toujours fait. Peut-être un peu plus affaibli, un peu plus meurtri, mais sans doute pas vaincu. « Je sais bien, tu serais prête à me faire volontairement du mal pour t'occuper de moi. » Il répondit à son sourire en coin, amusé à l'idée qu'ils étaient vraiment prêts à n'importe quoi pour se retrouver nus l'un contre l'autre, l'un devant l'autre. Les séances de soins pouvaient être une torture pour certains, pour Niels ça ressemblait plus à quelque chose qui s'apparentait au paradis, surtout quand le rôle de la soigneuse était endossé par son ex petite-amie. « De par ton métier, t'es pas sensé vouloir garder l'intégrité des gens que tu côtoies ? T'as de la chance quand même parce que tu seras le seul à voir mon corps pendant que je suis en repos. » Il haussa les épaules à la première partie de sa réplique, faisant semblant de ne pas être au courant de ce fait. « J'suis que brancardier après tout, rien ne m'empêche de profiter de certaines occasions. » Dit-il, ce sourire espiègle lui collant aux lèvres. « Et tu seras la seule à profiter de toute mon attention, je suis pas trop mauvais pour soigner les plaies. » Sauf quand celles-ci n'étaient pas physiques et qu'il les provoquait intentionnellement. Ce qu'il avait déjà fait avec Aelya d'ailleurs, mais leur relation était une continuité de hauts et de bas, alors une plaie de plus ou de moins ne changeait franchement pas grand chose. Il s'était accroupi, le regard rivé sur l'étendue des dégâts qu'il avait provoqué. Parce-qu'il n'oubliait pas qu'il était fautif, en quelque sorte. « Ça aurait quand même pu être évité. » Il dit, presque dans un souffle, profitant du moment pour faire glisser la pulpe de ses doigts sur sa peau, faisant le contour de ses plaies comme s'il avait envie de les faire disparaître. « Ça n'a jamais été de ta faute. » Il répondit, lorsqu'elle évoqua le nombre de fois où il était rentré mal en point après avoir skaté. Il se redressa pour revenir à sa hauteur, réajustant son haut pour recouvrir sa peau, puis attrapa l'avant-bras de la jeune femme en y approchant son visage pour tirer une latte sur le joint tenu entre ses doigts. Ses lèvres s'approchèrent des siennes tandis qu'il laissa la fumée s'y échapper, fumée devenant la seule barrière entre leurs bouches respectives. Il s'écarta, satisfait d'avoir une nouvelle fois un peu joué avec elle, se dirigeant vers la cuisine ouverte. « Tu veux boire quelque chose ? » il demanda, comme si rien ne s'était passé, comme s'il ne venait pas de refaire partir le brasier.

C'était peut-être le but recherché après tout. Cette volonté de vouloir guérir l'autre de blessures pourtant superficielles juste parce-que ça leur donnait l'impression de rattraper les erreurs du passé. Niels voulait être l'unique personne à panser les égratignures d'Aelya, le seul à pouvoir les effleurer, estimant que ça devait être son rôle de guérir ses plaies. Quelque part, peut-être que c'était également sa façon de lui montrer qu'il pouvait réparer le mal qu'il semait autour de lui, qu'il était prêt à le faire pour pouvoir la soulager elle. « Profites-en, ces choses-là sont souvent éphémères. » Il ajouta, concernant le fait qu'il lui serait voué pendant un laps de temps finalement assez court, même si l'envie que ce temps ne perdure ne lui manquait pas. Il se rappelait bien des fois où il avait volontairement cherché à la blesser -pas physiquement, jamais il ne se serait permis d'en arriver là-, essayant d'appuyer sur ses faiblesses pour la toucher. Ces périodes s'étaient toujours terminées par des regrets, profondément sincères mais beaucoup trop tardifs. Il détestait lui faire du mal et pourtant, il n'avait jamais pu s'en empêcher, trouvant nécessaire le fait de devoir se protéger contre ce qu'elle pouvait lui faire, elle aussi. Ce soir, accroupi face à son corps parsemé d'ecchymoses rougeâtres et bleutées, il découvrait ces blessures qu'il n'avait pas souhaité lui infliger, ressentant une culpabilité impérissable le ronger de l'intérieur. Il se rendait compte qu'il était aussi capable de lui faire du mal sans le vouloir et ça, il avait du mal à l'accepter. « Je suis maladroite, j'arrêterai de penser à toi la prochaine fois. » Il hocha légèrement la tête de gauche à droite, comme s'il refusait de quitter ses pensées, un peu égoïstement. Cela ne l'empêcha pas de continuer à contempler ses lésions, ses doigts continuant à les appréhender avec douceur. « Tu crois que c'est foutu ? Que tu ne pourras plus jamais penser à moi sans rester indemne ? » Ça sonnait comme du sarcasme mais il s'y cachait une part d'inquiétude, bien dissimulée. Il s'était relevé suite à ça, haussant les épaules à la remarque qui avait suivi, préférant continuer à penser qu'Aelya n'avait jamais été coupable de ses blessures en skate. C'était de la mauvaise foi, il le savait tout autant qu'elle. Son cœur avait de nouveau fait des siennes lorsqu'il sentit sa main venir glisser dans son dos, frémissant à ce contact dont il ne voulait plus se défaire. Il coinça le joint entre ses lèvres tandis qu'il ouvrit le frigo pour en sortir deux bouteilles de bière, lui tendant la sienne après l'avoir décapsulé. « Je pense que t'auras pas besoin des anti-douleurs ce soir. » Dit-il, amusé, en faisant référence au combo alcool-cannabis pour lequel elle avait opté. Sûrement qu'il s'incluait également dans son combo, bien au courant de ses capacités pour lui faire du bien. « Elle est sortie, elle ne rentrera que demain. » Il lui répondit, reprenant le joint entre ses doigts pour boire une gorgée de bière. « Pourquoi ? Ça t'a donné des idées quand j'ai parlé d'un plan à trois tout à l'heure ? » Il arqua un sourcil, à la fois amusé et curieux de ce qu'elle allait bien pouvoir répondre à ça, usant de cette tentative pour continuer à alimenter le feu entre leurs deux corps.

C'est pour cela qu'ils avaient ce besoin de vivre à cent à l'heure, de ressentir l'émotion de plein fouet lorsqu'ils entrelaçaient leurs corps. Tout ça parce-qu'ils savaient que ces moments auraient une fin. Rapide et brutale, comme à chaque fois. Dure à encaisser mais toujours surmontable, quoiqu'il puisse arriver. Peut-être que c'était de cette manière que leur relation continuerait de perdurer, de par cette excitation et ce manque qu'ils créaient volontairement lorsqu'ils se quittaient, toujours dans le but de mieux se retrouver par la suite. Niels peinait encore à admettre qu'elle le rendait complètement dingue et que l'idée de la voir disparaître totalement lui était insupportable. Il n'avait jamais voulu que ça arrive, craignant de se perdre à travers cette relation malsaine. Mais il commençait à concevoir que finalement, la voir partir définitivement était la véritable raison qui pourrait vraiment causer sa perte. Il fallait quand même être sacrément fêlé pour continuer à vouloir entretenir cette liaison, aussi nuisible que périlleuse, mais Niels perdait toute notion de raison lorsqu'il était avec Aelya. Comme si elle était un filtre qui l'empêchait de prendre les bonnes décisions. Et il fallait avouer qu'il en était bien accro, à ce filtre. « J'préfère que tu penses à moi plutôt qu'au pervers qui est en train de te reluquer » il avait répondu, un peu plus sèchement en s'imaginant son corps dénudé aux yeux d'autres hommes. Il connaissait ce monde, puisque lui aussi le fréquentait de temps en temps, lorsqu'il avait besoin de ressentir l'attention d'une femme sur lui. C'était un monde bercé d'illusions et de fantasmes inavoués dans lequel il aimait se perdre lorsqu'il en avait l'occasion. Il savait ce qu'un homme ressentait lorsqu'une danseuse se déhanchait avec sensualité devant lui. Le fait de savoir que d'autres hommes avaient un accès illimité sur la vue du corps d'Aelya pour se remplir la tête de scènes et rêveries en tout genre pouvait le mettre hors de lui. Il préférait simplement éviter d'y penser. Lorsqu'elle revint vers lui, il sentit sa peau réagir immédiatement à son contact, sans qu'il ne puisse rien y faire. Il sourit à ses paroles, se laissant faire lorsque ses lèvres passèrent très -trop- près des siennes. « J'ai pas fait grand chose. Mais j'ai encore d'autres remèdes en poche si tu veux tout savoir, et j'suis sûr que t'y serais tout autant réceptive. » Elle savait à quoi il faisait allusion, et évidemment, ça l'amusait de refaire surgir ces idées imprudentes sur la table, comme pour en remettre une couche à chaque fois. L'amusement put se lire dans les yeux du jeune homme lorsqu'Aelya reprit la parole, son regard profond perçant le sien. Il sauta sur le plan de travail pour s'y asseoir, faisant mine de réfléchir à sa question, comme s'il y avait la possibilité que la réponse soit positive. Il se pinça la lèvre, guettant sa réaction. « Je sais pas, ça te gênerait ? » Il haussa les épaules, l'air de rien avant de reprendre une gorgée de sa boisson. « Elle m'a déjà vu à poil après tout. » Il eut une pensée amusée pour Léonie et sa manière parfois pas discrète de débarquer dans sa chambre, ne se préoccupant vraiment pas de ce qu'elle pouvait y découvrir. « Tu crois vraiment que je me serais mis en coloc' avec une fille qui me plaît ? » Avoua-t-il, finalement. Il était clair que ça serait de l'acharnement personnel si c'était le cas. La relation qu'ils entretenaient avait certainement plus un côté fraternel qu'autre chose, d'où le fait que leur cohabitation soit pour l'instant une réussite.

Il lui était arrivé de se renseigner sur les jours où Aelya ne travaillait pas, de manière à pouvoir fréquenter le club l'esprit tranquille. Lui qui la désirait d'une manière difficilement descriptible, ça paraissait être une attitude assez étrange. Bien sûr qu'il avait envie de la voir, le plus souvent possible même, et d'autant plus lorsqu'il la surprenait dans son élément, là où il la trouvait encore plus attirante, plus féline. Le problème ne venait pas d'elle, mais bien de lui et de son incapacité à contrôler ce qu'il ressentait lorsqu'il se retrouvait dans la même pièce qu'elle. Parce-qu'il avait peur de ne pas savoir gérer le fait que d'autres hommes puissent la regarder comme lui pouvait le faire. Qu'on puisse éprouver du désir pour elle. Il avait peur de s'emporter, de péter un câble et d'en finir aux mains avec l'un des clients. C'était totalement envisageable, c'était même du Niels tout craché quand on y pensait. Mais la dernière chose qu'il voulait, c'était de lui attirer des ennuis dans sa vie professionnelle. Il ne se le pardonnerait sûrement pas. Il savait que ses moyens étaient aussi modestes que les siens, alors il était hors de question qu'il prenne le risque de lui causer du tort de ce côté-là. « J'en meurs d'envie mais tu sais aussi bien que moi que ça serait dangereux... » il répondit, ses yeux dérivant sur ses lèvres tandis que son envie de s'en emparer grandissait encore un peu plus en lui. Ou peut-être qu'elle ne le savait pas. Ce qui était sûr, c'était que lui ne se sentait pas prêt à la regarder danser devant tous ces hommes en manque de chaleur féminine. Il l'avait déjà vu à l'action, et tout ce qu'il avait ressenti, c'était cette envie de crever les yeux à tous ceux qui lui prêtaient un peu trop d'attention. Donc valait mieux ne pas tenter le diable. Il s'approcha un peu plus d'elle à sa remarque, un sourire en coin, assez amusé par ce jeu de séduction dont ils ne se passaient décidément pas. Il fit mine de réfléchir aux "remèdes" qu'il avait encore, laissant ses yeux glisser sur elle jusqu'à capturer son regard. « Je peux surtout te montrer. Mais ça implique que tu me suives dans un endroit un peu plus confortable. » Il avait peur de se prendre à son propre jeu, parce-qu'il avait de plus en plus envie de succomber à ses envies. Sauf que la balle n'était pas dans son camp aujourd'hui. « Mais on a encore le temps pour ça. » Il s'écarta un peu, histoire de remettre un brin plus de distance entre leurs corps afin de lui faciliter la tâche. Il mentirait s'il disait que ça ne lui plaisait pas de la savoir un peu jalouse. Aelya ne montrait pas cette facette là, un peu comme lui, préférant la cacher plutôt que de paraître vulnérable. « Ouais, elle est canon. » Il ajouta, se contentant de rallumer le joint pour en aspirer une bouffée. « Mais, pas mon style. J'aime bien les filles qui ont un caractère de merde, celles qui n'ont pas peur de se péter les côtes. » Dit-il, l'air de rien, tirant une nouvelle latte avant de tendre le reste à Aelya. Un air espiègle sur le visage, il s'aida de ses mains pour se projeter vers l'avant afin de se redresser sur ses jambes, se rapprochant sans plus attendre de la jeune femme. Une de ses mains se faufila lentement vers la sienne, la débarrassant de la bouteille de bière qu'elle tenait entre ses doigts fins pour la déposer plus loin, sur le plan de travail. Les doigts de sa main libre vinrent glisser le long de son flanc avant de se nicher au creux de ses reins. « Ne te compare pas aux autres » avait-il dit, dans un souffle à peine audible, son visage proche du sien, ses lèvres se dirigeant vers les siennes avant de dévier au dernier moment sur sa joue. Dans le même temps, la sonnerie retentit dans l'appartement, annonçant l'arrivée de leur repas. Il s'amusa de ce timing un peu cliché, finissant par s'éloigner d'Aelya pour aller ouvrir la porte au livreur en contournant la cuisine. Il attrapa la boîte cartonnée, puis tendit un billet à l'homme en question, refermant ensuite la porte derrière lui. « Tu viens ? » il lui adressa, installant le repas sur la table basse tandis qu'il prenait place dans le canapé, attendant sagement qu'Aelya ne vienne le rejoindre.