Forget it (Niels)

Niels se sentait piégé, coincé entre sa raison et son coeur qui lui disaient de prendre des directions diamétralement opposées. D'un côté, il n'avait pas envie qu'Aelya retourne à son quotidien sans lui, qu'elle passe à autre chose comme elle avait du le faire lors de leur rupture. Mais de l'autre côté, il avait beaucoup de mal à ne pas imaginer les difficultés qu'il aurait à retourner dans une relation exclusive, où le risque serait de faire du mal à celle pour laquelle il accordait le plus d'importance. Il pouvait être con, il le savait. Mais Aelya, quelque part, il voulait la préserver de ce qu'il était, des blessures qu'il pouvait lui infliger. Quand on savait ce qu'il avait déjà pu lui faire, ça pouvait paraître un peu contradictoire. Un peu comme les émotions qui se débattaient en lui lorsqu'il s'agissait de la retrouver pour de bon. Il haussa les épaules à ses paroles, dénouant ses doigts des siens pour s'allonger sur le dos, le regard fixé sur le plafond. « J'suis pas doué avec tout ça, tu le sais mieux que moi... mais y'a des choses qui sont évidentes, des trucs que je peux pas nier parce-que je les ressens. » Il souffla un peu, se forçant pour ne pas paniquer, parce-qu'il parlait beaucoup et qu'il n'était pas habitué à ça. « Et je sais que ça ne veut pas rien dire, il doit bien y avoir une raison à tout ça. » Il cherchait les mots justes, tentant lui-même de comprendre quelque chose à ce foutoir qu'était leur relation. Il pouffa nerveusement à son tour à sa rhétorique, elle savait autant que lui qu'il ignorait la réponse. Ils n'en seraient certainement pas là si Niels savait gérer ses sentiments. Il se redressa de son côté du lit, prenant une position assise, dos à Aelya, pour venir chercher son paquet de clopes qui trainait sur la table de chevet. Il en sortit une, la coinça entre ses lèvres avant de l'allumer et de tendre le paquet vers Aelya, la questionnant silencieusement. « J'ai jamais voulu que ça soit aussi compliqué. Peut-être que ça finira par changer un jour, qu'on arrêtera de se poser des questions. » Il tira sur sa cigarette, l'air pensif, se faisant la réflexion que ça serait l'idéal. Mais il ne pouvait pas savoir ce qu'il se passerait pour eux, ni même si Aelya continuerait à l'attendre.

Il aurait franchement aimé avoir de la facilité avec les mots lorsqu'il s'agissait de dire ce qu'il ressentait. Parfois il enviait ces personnes qui étaient parfaitement à l'aise avec ça, la nature ne l'avait pas doté de cette capacité. Au contraire, lui était plus du genre à bien enfouir correctement la moindre émotion. Sauf qu'il devait faire un effort pour Aelya, juste pour elle, pour lui montrer qu'il n'était pas totalement dénué de sentiments. Qu'il ressentait lui aussi le déchirement intérieur dont ils étaient tous les deux victimes. Elle n'avait pas à se sentir seule dans ce fossé, parce-qu'il y était enfoncé lui aussi, beaucoup plus profondément qu'il ne l'aurait jamais imaginé. Et pourtant, Niels ressentait la possibilité qu'ils puissent se sortir de là ensemble, ce tout petit quelque chose qui avait le don de rallumer la flamme d'espoir qui sommeillait en lui. Il se sentit soulagé en entendant sa réponse, comme s'il avait eu peur un instant qu'elle ne le prenne pas au sérieux, ce qui aurait été légitime lorsqu'on connaissait sa capacité à s'ouvrir aux autres. Pour une fois, il ressentait l'envie de lui dire les choses, et même s'il ramait, il essayait au moins. Il lui adressa un faible sourire, une expression presque désolée sur le visage. Peut-être qu'il était vraiment désolé finalement, d'être à l'origine de ses tourments alors qu'elle aurait très bien pu passer à autre chose avec un mec qui savait ce qu'il voulait. Il se recala dans le lit une fois sa clope allumée, son dos contre la tête du lit. Et sans qu'il s'y attende, Aelya reprit la parole. Son cœur loupa un battement, peut être deux, tandis que ses yeux cherchèrent les siens, presque inévitablement. « J'aimerais te dire que oui. » Il s'approcha d'elle, se ré-allongeant à ses côtés, ayant besoin de ressentir la chaleur de sa peau contre la sienne. « J'en ai vraiment envie tu sais. » Il avait ce besoin viscéral qu'elle le croit, pour une fois. Parce-qu'il disait vrai et qu'il pensait chaque mot qu'il employait. « Tu m'attendras, toi ? » Il avait la gorgée nouée, redoutant sa réponse, la possibilité qu'elle lui réponde par la négative.

Tout était toujours plus compliqué lorsqu’il s'agissait d'Aelya de toute façon. Le Niels confiant, je-m'en-foutiste et un poil nonchalant faisait place à Niels beaucoup moins sûr de lui, un brin plus instable, encore plus maladroit qu'il ne l'était déjà. S'il admettait une bonne fois pour toute ce qu'il voulait vraiment, sûrement que les choses auraient été moins prises de tête. Il était convaincu que le problème ne venait pas de la jolie brune mais bien de lui, comme s'il pouvait avoir peur de ce qu'elle pouvait lui faire mais que tout cela n'était rien comparé à ce dont lui était capable. Il avait peur de sa propre nature, des comportements qu'il pouvait adopter et qui faisaient qu'il agissait parfois en parfait imbécile. Dans tous les cas, sa volonté avait beau bien être présente, Niels savait d'ores-et-déjà que leur chemin ne serait pas un long fleuve tranquille. Heureusement quelque part, les relations à mourir d'ennui, ça n'était pas ce qu'il y avait de plus attrayant non plus. Il hocha lui aussi la tête à sa réponse, un peu plus rassuré même si elle prononçait ses paroles à l'instant et que rien ne l'assurait qu'elles continueraient d'être valables dans quelques temps. « Je démolirai la personne avec qui tu combleras ton impatience. » Il dit, se voulant sérieux au début avant d'afficher un sourire joueur, amenant une dernière fois sa cigarette entre ses lèvres avant d'écraser le mégot dans un cendrier sur la table de chevet. Il se retourna vers Aelya, s'approchant d'elle sans prévenir pour s'emparer de ses lèvres, les emprisonnant dans un baiser enivré. « J'ai le droit, n'est-ce pas ? » Il murmura, après avoir rompu leur échange, un sourire en coin. « On ferait peut-être mieux de dormir, ça a été une longue journée. » Et c'était peu de le dire. Il avait l'impression qu'ils étaient revenus de très loin, se rappelant de comment leur rencontre avait débuté, entre arrogance et mépris. C'était difficile à croire, mais ils avaient réussi à avancer, ne serait-ce que de quelques pas.

Il ne voulait plus avoir à subir le manque qu'il avait ressenti lorsqu'elle était partie. Il avait tout fait pour ne pas avoir à le confronter, l'ensevelissant le plus profondément possible comme on voudrait cacher un objet. Il avait tenté de se rassurer, en se disant que cette relation n'avait duré que deux mois et qu'il n'y avait pas de raison pour qu'il ne puisse pas s'en remettre. Surtout lui. Qui n'importait que trop peu d'importance à sa vie sentimentale. Fallait croire qu'il s'était trompé depuis la première seconde. Et peut-être qu'il avait fait exprès de faire semblant de rien. Au fond de lui, il avait su qu'Aelya était ce genre de femme capable de foutre le bordel dans son esprit, dans son cœur et dans tous ces sentiments qu'il avait du mal à gérer. Et c'était exactement ce qu'elle avait fait. La jeune brune était rentrée dans sa vie et il ne semblait pas y avoir d'issue de sortie pour elle. Inconsciemment, même si ça lui faisait peur, il avait besoin de sentir qu'elle était toujours là, en lui, dans ses pensées, comme une partie de lui-même. Dieu sait qu'il aurait aimé lui dire tout ça, lui expliquer toutes ces émotions qu'il n'arrivait même pas à reconnaître. Il essayait de le faire par ces baisers dans lesquels il acceptait de s'abandonner. Son sourire s'élargit à sa réponse, tandis que ses lèvres restèrent un moment suspendues au dessus des siennes. « Ça me parait juste. » Il souffla avant de reprendre sa position initiale, laissant Aelya basculer de son côté pour atteindre le cendrier. Il frémit à son geste, frissonna à ses paroles tandis qu'il glissa sa main le long de son dos pour caresser sa peau encore chaude. « Ça n'a jamais changé. » Il répondit, toujours très proche de ses lèvres en soutenant son regard. Depuis tout ce temps, il y en avait eu des filles qui étaient passées dans son lit et pourtant, il n'avait jamais ressenti ce besoin d'appartenir à l'une d'entre elles, ce besoin qu'il ressentait lorsqu'il était avec Aelya. Il prit position dans le lit, venant inévitablement se coller contre la jeune femme, comme il avait toujours eu l'habitude de le faire lorsqu'ils étaient ensemble. Elle se trouvait dos contre lui et il en profita pour venir déposer un furtif baiser dans sa nuque, s'imprégnant de son parfum au passage. « Je commence à m'habituer au fait que tu sois là, je devrais peut-être m'inquiéter. » Il dit, d'une voix douce. Son ton se voulait blagueur mais il y avait une part de vérité derrière tout ça.