Never good enough for you ¤ Clive

« Choura, t'as fait tes devoirs ? » brailla-t-elle à travers la cage d'escaliers. Pas de réponse. Swan se tourna vers sa grand-mère, tricotant sur le canapé, son tee-shirt d'AC/DC renvoyant les reflets de l'émission de télé-réalité qu'elle avait mise en fond. Son regard au-dessus de ses lunettes rondes était plongé dans la contemplation d'une fille lambda - et trop bien gaulée pour que la chirurgie ne soit pas passée par là - en bikini, laquelle braillait sur un autre type bodybuildé. Autant dire que le hurlement de la blonde ne l'avait pas dépaysé. « Il a fait ses devoirs, babouchka ? » Cette dernière acquiesça mollement. « BABOUCHKA. » « Mais oui, moї daragoї. Maintenant, tais-toi et laisse-moi regarder. Le petit est chez les voisins, il joue, il revient pour dîner. » répondit-elle sans quitter l'écran des yeux.

Super. Son fils n'était pas là et elle était la dernière au courant. Cela dit, difficile de lui en vouloir dans la mesure où elle rentrait juste de sa garde de trente-six heures. Soupirant férocement, le geste eut le mérite de lui renvoyer une mèche de cheveux devant le nez et de lui faire constater que le vomi du patient ivre de la veille était toujours parfaitement incrusté. Super bis. Double génial. «J'vais ... » me doucher allait-elle embrayer malgré l'indifférence manifeste de son aïeule. Cependant, elle fut interrompue par le bruit de la sonnette. « ... Voir qui vient nous emmerder, donc. » râla-t-elle en retournant dans l'entrée. Elle ouvrit le battant avec une certaine mauvaise humeur, avant que sa grimace ne s'estompe au profit d'une expression surprise tandis qu'elle reconnaissait la silhouette massive de Clive. « Mon rayon de soleil ! » ne put-elle s'empêcher de se moquer face à sa mine sombre et, semblait-il, passablement énervée. « Qu'est-ce qui s'est passé, cette fois ? Non, attend, tu me racontes en chemin, j'ai besoin d'une douche. Tu t’assiéras sur la lunette des toilettes pendant que je m'enlève le mélange de bière et de kébab que j'ai dans les cheveux. » Et parce que le Docteur Karev ne se perdait pas en conjecture - voire se passait carrément du consentement de son interlocuteur -, elle prit la direction de l'étage, commençant à retirer son tee-shirt au passage. Déformation professionnelle : pudeur et médecine ne faisaient pas exactement bon ménage.

« Nianiania. » A pique puérile, Swan était très douée pour renvoyer une réponse de même acabit et surtout, terriblement éloquente. Surtout qu'effectivement, tandis qu'elle retirait son haut, elle devait le reconnaître : oui, elle sentait légèrement la mort - au sens propre comme au figuré. Pas de quoi faire la maligne, donc. Toutefois, elle lança à Clive un regard torve par-dessus son épaule nu, rapidement suivi d'un très charmant doigt levé. « Hey ! T'as vu la tienne ?! Tu sais que sourire a jamais tué personne, hein ? » Adorable, l'un comme l'autre. Heureusement qu'ils se connaissaient suffisamment bien pour savoir que derrière l'insulte se cachait un humour bien à eux. Elle le précédait dans les escaliers et jeta un oeil à la chambre de son fils avant que son compagnon, en vrai maniaque, n'en ferme la porte. Elle était rangée. Très bien. Aussi hyperactif que pouvait être Alexandre, il craignait encore suffisamment sa génitrice pour ne pas se tirer chez les voisins sans mettre de l'ordre. « Avec son copain de chez les Hopkins, d'après Babouchka. Tu crois qu'il aurait attendu sa maman adorée ? Mais non ! Petit ingrat ! Après toute cette souffrance pour le mettre au monde, voilà comment il me remercie !» fit-elle mine de s'agacer, singeant ces mères juives si près de leur progéniture, accent compris. Le tout, en retirant son pantalon. Toujours aussi multi-tâches, on ne pouvait pas lui enlever ça.

Pendant que, dans le plus grand des calmes, comme s'il était tout à fait normal qu'elle se mette nue devant quelqu'un qui ne partageait pas - tout à fait - son quotidien, Clive s'installait, elle alluma l'eau et termina de retirer ses sous-vêtements. Cette scène en aurait sûrement ahuri d'autres, mais pas elle. Oui, vraiment, cela lui paraissait tout à fait normal. Elle grimpa dans la baignoire et tira le rideau de douche. « Bon, alors ? La pouffe à frange était déçue de pas trouver de bague de fiançailles dans son moelleux au chocolat ? Ou bien elle t'a réclamé son double de clefs ? » brailla-t-elle alors que l'eau rencontrait sa tignasse puante. Elle échappa un gloussement moqueur. Pouffe à frange. Trop bonne, celle-là !

Ses poils se dressèrent sur son échine tandis qu'un frisson la parcourait. Rien à voir avec le plaisir qu'elle ressentait au contact de l'onde salvatrice, non. Plutôt à cause de la vague presque froide qui remplaça la douce chaleur, sans transition. « Lâche cette éponge, bordel ! Je me gèle le cul ! » avait-elle ronchonné, pas sûre d'avoir été entendue mais peu lui importait puisqu'elle avait retrouvé une bonne température. Le pire était sans doute qu'elle n'avait pas eu besoin de regarder pour savoir que son ami était en train de nettoyer le lavabo. Il fallait toujours qu'il range ou nettoie, un vrai maniaque alors qu'elle avait une notion beaucoup plus relative du rangement - par manque de temps, surtout. Pas étonnant qu'il soit vieux garçon, s'était-elle moquée intérieurement, mais surtout gentiment, avant de rire de lui - et de ses choix de nanas - à voix haute. « Katrina, Petrova, Kristina ... Peu importe. » De toute façon, pour le peu de temps qu'il les gardait, ses prétendantes, quelle utilité de retenir leur nom, hein ? « Nooooon ? Elle a pas fait ça ?! » s'indigna-t-elle, manquant d'en avaler une rasade de shampoing au lieu de s'en mettre sur la tête. Alors maintenant, les femmes n'y allaient plus en gradation ? Elles jetaient les cartes sur la table en annonçant tapis et en espérant remporter la mise ? Sans déconner, avec un ours comme Clive, il fallait être bien tarte pour tenter un coup de poker pareil. Bien que finalement, ce fut surtout la réplique que lui avait asséné son comparse qui l'acheva. Au moment où il s'approchait de la baignoire, une tête pleine de mousse dont seuls le bout du nez et les lèvres étaient visibles, jaillit de derrière le rideau de douche. « OH. MON. DIEU. » Et elle hurla carrément de rire. Durant une bonne minute, la blonde fut secouée de spasmes si intenses qu'ils lui coupèrent le sifflet. Elle doutait que la nana ait, contrairement à elle, goûté à la plaisanterie, quel que soit le ton qu'il ait employé. La crise passée, elle disparut un instant, celui de se rincer la tête et reparut, toujours hilare. « Fais-moi rêver : une claque, ou deux ? » Pas de krav-maga en vue, étant donné qu'il ne marchait pas en canard, toutefois, elle supposait qu'il avait dû se prendre un sacré retour sur blague.

Enfin acceptable niveau odeur et propreté, elle s'extirpa du baquet, faisant signe au jeune homme de lui passer la serviette derrière lui. Cependant, plutôt que de la récupérer, elle profita qu'il l'ait entre les mains pour s'enrouler dedans, si bien que lorsqu'elle reprit la parole, ils étaient presque nez à nez. « Je te le dis tout le temps, mon p'tit coeur, mais tu devrais vraiment penser à les prendre plus jeunes. Genre ... Sortie de lycée ? Ou d'un centre de détention, peut-être ? A défaut d'être aussi intelligentes que celles que tu lèves d'habitude, elles auraient moins le biberon qui les titillent ! Et le seul « papa » que tu entendrais, ce serait pendant que tu les prendrais en levrette, juste après le « continue c'est trop bon » ! » Dans le genre sale, elle se posait elle aussi, la garce.

Sa blague était au moins aussi grasse que la blonde luisait d'humidité. Aurait-elle mimé la scène que cela n'aurait d'ailleurs étonné personne présent dans cette pièce. On pouvait juste lui être reconnaissante de ne pas l'avoir faite devant sa pauvre mère ; laquelle l'aurait, de toute façon, sûrement attrapé par la tignasse pour lui laver la bouche au savon. Quoi qu'il en soit, son trait d'esprit salace la fit beaucoup rire, compensant la mine impavide de son interlocuteur habitué à se farcir son manque de finesse. Swan restait son meilleur public, qu'importe que les autres ne goûtent pas à son humour raffiné. Bien qu'elle n'était pas dupe : sous ses airs frusques, son ami avait apprécié. Elle le savait. Parce qu'elle le connaissait bien. Du plus petit pli entre ses sourcils jusqu'au moindre tressautement de lèvres, elle pouvait reconnaître quand il était agacé, amusé, en colère ou encore triste. Mais aussi quand il s'apprêtait à la mettre en boîte. Elle plissa légèrement le nez, se préparant à l'attaque qui n'allait pas tarder à lui larder l'ego. « C'est donc moi l'auteure de tous tes maux ! T'as peur de les rendre malade rien qu'en les regardant, comme avec moi ? » répliqua-t-elle aussitôt, petit sourire mutin au coin des lèvres en écho à celui, tout aussi fourbe, de son compagnon. Puisqu'il cherchait la guerre, elle aurait été bien en peine de le décevoir. A ce propos, elle pouvait aller encore beaucoup plus loin. « Serait-ce un soupçon de regret que j'entends là, Monsieur Taylor ? Parce que tu sais, à ce compte-là, dans la mesure où tu as été plus présent pour Choura depuis sa naissance que ce qui m'a servi de donneur de sperme, c'est presque tout comme ! » Quelle perfidie. A croire qu'elle voulait lui faire faire une crise d'apoplexie. Heureusement, elle était médecin. Une chance qu'il avait là, décidément ! Ses joues se creusèrent un peu plus alors que ses prunelles brillaient de malice. Ignorant le frisson étrangement agréable qui l'avait parcouru au contact de la main de Clive contre sa peau, elle s'en empara et déposa un baiser dans sa paume avant de le relâcher. Elle poussait franchement. Mais après tout, il l'avait cherché. Au jeu de la plus grosse, la jeune femme adorait prouver que sa paire d'ovaires se défendait très bien.

« Moi ? Contente de t'avoir cloué le bec ? Tellement pas mon genre. » répliqua-t-elle avec emphase alors qu'elle souriait à s'en décoller les oreilles. Dans ces moments-là, Swan ressemblait à une gamine de quatre ans ravie d'avoir refait le mur d'un blanc éclatant de la cuisine avec ses mains barbouillées de peinture - comparaison aisée, dans la mesure où son fils lui avait déjà fait le coup. Aux anges, en somme. Si encore elle avait vraiment craint de le vexer ou de le mettre en rage ... Sauf que non. Encore et toujours parce qu'il était l'autre face de sa pièce, sa moitié dans le défi. Elle connaissait ses limites, ce qu'il pouvait endurer ou non. Par exemple, elle se gardait bien d'en rajouter une couche en lui répondant que tiens, en voilà une idée qu'elle était bonne, il ne voulait pas lui sécher le dos puisqu'ils étaient là ? Parce qu'elle aurait fini dans la baignoire noyée sous une pluie cinglante d'eau froide, elle en était certaine. Il l'avait déjà fait. Le lavabo auquel elle avait essayé de s'accrocher portait encore la marque de ses ongles et Babouchka, le souvenir de ses cris de cochon qu'on égorge.

Elle consentit à s'enrouler correctement dans sa serviette et lui décocha un nouveau sourire radieux. « Bah écoute, à moins que tu aies envie de me lorgner en train de te faire un petit effeuillage à l'envers, j'te propose de descendre à la cuisine, de nous sortir deux bières et d'en profiter pour emmerder Babouchka. Elle déteste qu'on l'interrompt quand elle regarde ses émissions à la con et moi, j'adore l'entendre ronchonner. Surtout qu'elle t'aime tellement qu'elle râle moins fort avec toi, ce qui est encore plus drôle. Deal, bébé ? » Ses yeux s'étaient animés d'une lueur maligne que le diable en personne lui aurait envié. Non contente d'user d'un autre surnom débile - le genre qu'il ne supportait pas, donc forcément, qu'elle se plaisait à lui donner -, elle semblait avoir son quart d'heures de chieuse patentée. Ne manquait à l'appel qu'une victime, laquelle avait eu le bon-sens de fuir avant le retour de Belzébuth. Quoi que les vingt heures approchaient à grands pas et que le pauvre Alexandre n'aurait probablement eu qu'un sursis.

Son sourire pernicieux ne tarda pas à accompagner l'éclat malin de son regard alors que Clive, son cher et adorable Clive, se remettait à ronchonner. « Je suis sûre que même toi, t'as la mi-molle. » rétorqua-t-elle à l'évocation des réactions de ses amants potentiels. Quasi-inexistants, rappelons-le, puisqu'en plus de Sheitan, on la surnommait aussi Madame la Poisse - le karma, sûrement. Alors qu'il se détournait, elle fut presque triste qu'il n'ait pas mis en pratique la pensée qui, elle en aurait mis sa main à couper, lui avait traversé l'esprit. Une petite bataille d'eau sauce lutte gréco-romaine aurait été aussi drôle que la scène que son ami s'apprêtait à donner en bas.

Un jean, un tee-shirt. Simple. Efficace. Est-ce qu'elle avait remis une culotte, au moins ? La question lui traversa vaguement l'esprit alors qu'elle descendait l'escalier pour être aussitôt balayée. Le plus important était qu'elle n'empeste plus le vomi. Ce n'était pas comme si quelqu'un allait lui faire tomber le pantalon ce soir-là. Mais quand même ... « Babouchka, t'as fait une lessive ? J'ai plus rien à me mettre sur le cul ! » alpagua-t-elle sa grand-mère en se plantant devant l'écran. Celle-ci se contorsionna, la mine toute froissée. « Ход! Вы не прозрачны! » Pousse-toi ! T'es pas transparente ! Pour qu'elle l'engueule en russe, mémé devait être drôlement énervée. Clive avait bien bossé. « Je vais te le botter si tu disparais pas dans la seconde ! » gronda-t-elle à nouveau, arrachant un éclat de rire à Swan. La jeune femme roula des hanches, joua des épaules ... Bref, exécuta une danse tout à fait ridicule avec force de chant : Oh, j'ai plus rien à me mettre / Je veux pas être toute nue / Ouais, j'ai plus rien à me mettre sur l'air de I wanna dance with somebody. Pauvre Whitney. Elle devait s'en retourner dans sa tombe. « Vous avez gagné ! Je vais préparer le repas, pour la peine ! Clive, tu manges là. » Ce n'était pas une question. Aussi délicate que sa petite-fille. Babouchka se leva en grognant, le plaid en pilou glissant et révélant un leggins imprimé léopard des plus classieux. Swan ne broncha même pas : c'était dire si elle aussi avait l'habitude.

Une fois seule avec son ami, elle récupéra la bière qu'il lui tendit et roucoula un : « Tu sais que je t'aime, toi ? » qui n'allait pas manquer de l'achever. Ou de la ramener sous une douchée glacée. Toutefois, avant qu'il ait pu réagir, elle ouvrit la fenêtre du salon, laquelle donnait sur le jardin et, un peu plus loin, l'entrée des voisins. « MARTHAAAAA ?! » beugla-t-elle en toute discrétion, une silhouette ne tardant pas à se dessiner de l'autre côté de la porte, également dans l'encadrement d'une fenêtre. « QUOI ? » « RENVOIE-MOI CHOURA ON VA DÎNER. » « OK. CA VA SINON ? » « OUAIS. MERCI POUR ALEX. » « DE RIEN. ON S'APPELLE. » Et sur cet échange éloquent, les deux poissonnières consentirent à cesser leur torture de tympans.

Satisfaite, elle retourna sur ses pas et alla s'affaler sur le canapé de tout son long en soupirant. La nuque sur l'accoudoir, elle pencha la tête en arrière afin de croiser le regard de Clive. « 'Faut que je baise. Ça fait six mois. Je suis au bout de ma vie. » balança-t-elle sans préavis. Elle avait l'art des transitions, décidément. « T'aurais pas un pote à me présenter ? Mais tu sais, que t'aimes pas trop. Histoire que si je file en pleine nuit et qu'il l'a mauvaise, il vienne s'en plaindre auprès de toi, que tu puisses lui casser la gueule sans trop t'en vouloir après. » Elle devait vraiment être désespérée pour en appeler à lui. C'était la première fois en dix ans qu'elle requérait ses services d'entremetteur.

Et cet enfoiré riait du désert de sa vie sexuelle. Ça ne l'étonnait même pas. Ah ça, pour vous renvoyer vers ce bon vieux Bob le pommeau, y avait du monde, mais pour vous sauver le clito, tout d'un coup, plus personne ! La jeune médecin échappa un soupir exaspéré, ne prenant même pas la peine de lui répondre que de toute façon, il n'était qu'un trou du cul - ce que, au demeurant, il savait probablement déjà. « Justement, j'en ai raz-la-raie de niquer par procuration ! Je préfèrerais que ça déborde ailleurs, si tu vois ce que je veux dire ! » grogna-t-elle dans toutes l'étendue de sa finesse. Maintenant que les vannes étaient ouvertes des deux côtés, Babouchka étant trop occupée à écouter AC/DC brailler dans la cuisine et Alex, certainement en train de se préparer psychologiquement à traverser les vingt mètres qui le séparaient de sa génitrice, l'un comme l'autre n'avait aucune raison de se censurer. Et à en juger par la réplique suivante de son ami, mais alors, vraiment aucune.

D'abord, elle lui renvoya son plus beau regard bovin, voire un brin accusateur. Il venait de refuser de jouer les entremetteurs, alors qu'est-ce qu'il lui parlait de lui refiler sa réservation pour ... Swan, s'il te plaît, réfléchis. S'il te plaît. s'agaça, désabusée, la partie de son cerveau consacrée au raisonnement - généralement mise en pause dès qu'elle quittait l'hôpital et que son fils n'était pas dans les parages. Aussi, en second lieu, releva-t-elle enfin le sous-entendu plus que clair, du style baleine sous gravillon, que le brun lui avait servi. Sur un plateau en or. Avec du caviar à la cuillère et un Don Pérignon en coupette dessus. Non, il n'avait pas fait ça ! Il n'avait pas osé se mettre dans une telle situation face à la déesse de la malice en personne ! Si. Cet homme était fou. Ou maso. Ou juste son âme sœur. « Qu'ouïs-je ? » s'exclama-t-elle d'un ton mielleux qui n'augurait rien de bon. Elle roula sur elle-même afin de se retrouver sur le ventre, ses prunelles s'ancrant dans celles de son meilleur ami, brillantes d'une flamme lubrique qu'on aurait pu croire authentique - et qui l'était peut-être, allez savoir. « Trésor, pas la peine de sortir le grand jeu pour moi, tu sais. Je veux dire, tu m'as déjà conquise toute entière depuis bien longtemps ... Doux bébé Jésus. Voilà qu'elle la jouait femme fatale, voix rauque par-dessus ses mains croisées sous son menton. Un peu plus et il aurait eu droit à son meilleur clin d’œil de beauf. « Mais je sais pourquoi tu fais ça. » Elle se redressa jusqu'à ce que ses lèvres viennent effleurer l'oreille de Clive, délicieusement sensuelles ... Ou pas. « Pour résoudre le plus grand mystère de ta vie, à savoir : est-ce que Swan avale ? » Question d'importance s'il en était.

« Enlève le "presque". » articula-t-elle contre la pulpe de son pouce, obligée de lutter franchement contre l'envie grégaire d'attraper le doigt en question et d'y mordre à belles dents. La jeune femme avait une façon très à elle de manifester son affection, quasi bestiale si on se référait à l'instinct qui venait de l'assaillir. Quoi que les lèvres du nettoyeur, qu'elle surprenait s'humecter sous ses yeux rapaces étaient elles aussi fort appétissantes, à bien y réfléchir. Appétissantes ?! Comme foudroyée, elle occulta aussitôt toute velléité bestiale. Elle devait vraiment, mais alors vraiment être en manque pour avoir envisagé, une demi-seconde, de presque se jeter sur son pas-si-placide ami. «Mais tu sais, j’ai pas vraiment besoin de la connaître la réponse parce q…» « TONTON CLIVE. » Sauvés par le gong Alexandre. La porte claqua derrière la silhouette menue du gamin, lequel se précipitait déjà dans le salon en larguant son sac à dos. Évidemment, Swan ne manqua pas le peu d'intérêt qu'il portait à la présence de sa merveilleuse maman, trop occupé qu'il était à accueillir le "tonton" prodigue tel Jésus revenu parmi les siens. Sale petit ingrat de ... «Parce que t’es la preuve vivante qu’il suffit d’avaler pour tomber enceinte en fait.» Elle en aurait dû s'offusquer d'une telle conclusion. A la place, elle lui renvoya une grimace et un « Trou du cul. » plus affectueux qu'accusateur.

Alors que la testostérone se rencontrait, elle en profita pour se redresser et ce, au prix d'un effort incommensurable fort de grognements plaintifs. Cheveux devant les yeux, elle lorgna du côté des deux hommes de sa vie, esquissant le même sourire arrogant que sa progéniture quand Clive accusa cette dernière de l'avoir livré à l'ennemi. Sourire qui perdit quelque peu de son insolence, cependant, au moment où Choura réagit à l'ordre de l'homme par une légère grimace. « Pfff ... Mais après, elle me lâche plus ! » se plaignit-il, ses épaules s'affaissant dans le même temps. « Elle t'entend, petit merdeux. Amène-toi et rappelle à ta mère, la seule que tu aies dans ce monde, pourquoi elle se casse la tête à se lever chaque matin ! » s'agaça la médecin en tendant les bras vers son fils. Malgré ses réticences et, étonnamment, le ton de Swan n'y étant pour rien - le petit était autant rôdé aux leggins léopard qu'aux accusations emphatiques de sa génitrice -, il ne se fit pas prier et tel un sac de patates, se laissa tomber entre les bras offerts. Lesquels se refermèrent autour de ses épaules après un "humf" caractéristique d'un poids mort qui vous tombe dessus. « Mon gros bébé à moi, le plus beau de toute la terre ... » roucoula-t-elle tout en plantant des baisers sur son crâne et ses joues. « Mamaaaaaaaaaaaan ! » Il était gêné, elle adorait ça et elle aurait parié que le gosse partageait son malaise avec leur unique spectateur. Ravie de son effet, elle coula un regard pernicieux jusqu'au plus âgé des deux. « Tu vois, comme quoi, ça peut être finalement très sympa d'avaler ! » Alex parut perdu. « Avaler quoi ? » « Des cachets, mon cœur. Tonton prend un traitement pour des petits problèmes de, tu sais ... - elle pointa l'index vers l'entre-jambes du concerné - ... Là, en bas. » Oui. Elle avait osé. Il fallait dire qu'il l'avait un peu cherché. Et le pauvre Clive n'était pas au bout de ses peines avec les Karev-Keynes. « Oh. Tu as mal quand tu fais pipi ? Ou ... Non, attend, tu peux plus bander, c'est ça ? » interrogea le garçon avec un naturel désarmant. Le pire était qu'il avait l'air réellement soucieux pour la santé de son "père de substitution". Toute mère normalement constituée aurait rabroué l'enfant en lui rappelant que ce genre de choses ne le concernait absolument pas, que la curiosité était un vilain défaut et que mais enfin, où as-tu appris ça ?!. Mais Swan, elle, préféra échapper un hurlement. De rire. Ça, c'était son fils, la chair de sa chair.