Une rencontre fraternel (Liam)

« Hé Liam, regarde dehors ! Il est revenu » m'appela une collègue, pour me montrer par la fenêtre un type qui traînait près du Yoga Space depuis quelques jours. Je haussai les épaules, pas spécialement inquiet : « tu ne crois pas qu'il vient chercher sa petite copine ? » La jeune femme sourit dans le vague, et je levai les yeux au ciel quand elle me dit qu'elle voulait bien le devenir, elle. La fin de journée approchait, je n'avais plus de rendez-vous. Après avoir rangé ma pièce de massage, je me changeai et quittai les lieux pour rentrer chez moi. La journée avait été bonne, il faisait encore bon et je prévoyais une petite soirée Netflix avec mon colocataire. J'entendis alors quelqu'un m'interpeller. Je me retournai pour tomber nez à nez avec le fameux type qui rôdait autour du centre, il me demandait si j'avais un peu de temps à lui accorder. Surpris, je haussai les épaules : « si vous voulez, ouais. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? Enfin, pour toi... on peut se tutoyer, non ? » Notre ressemblance physique ne me frappa pas dans l'immédiat, sur le coup je me dis simplement qu'on avait sans doute le même barbier. Pas une seule seconde je ne m'imaginais qu'il en avait réellement après moi. Je supposais qu'il avait envie que je le branche avec une de mes collègues, ou quelque chose dans le style.  

Le barbu insista sur le fait que la situation était étrange, ce qui me fit froncer les sourcils. Qu'avait-il donc de si spécial à me demander ? A vrai dire, il commençait presque à m'inquiéter. Il ajouta qu'il valait mieux qu'il soit direct, je ne répondis rien et me contentai de me gratter la barbe du bout des doigts, sourcils froncés. J'attendais la suite... qui ne tarda pas à venir. Sans plus d'autre forme de politesse, il m'annonça que nous étions demi-frères. L'information mit quelques secondes à parvenir jusqu'à mon cerveau. Et, comme cela me semblait totalement improbable, dans la mesure où ma mère n'avait jamais eu de seconde grossesse – dans l'instant, je n'envisageais pas une seule seconde que mon père ne l'était pas réellement – ma réaction fut... d'éclater de rire face à ce type sortit de nulle part qui me fixait d'un air insistant. Un rire certes un peu nerveux, mécanisme de protection bien courant me concernant. « Demi-frères, elle est bien bonne ! Oui, excellente, excellente... t'es un petit marrant, toi » fis-je entre deux rires, de plus en plus mal à l'aise. Quand je me rendis compte qu'il ne riait pas avec moi, mon rire cessa instantanément. Je l'observai encore, et les similitudes de nos visages respectifs me frappèrent net. « Attends... comment ça, on est frères ? Comment est-ce possible ? » finis-je par dire, un peu plus sèchement que voulu. J'avais 38 ans et ma vie familiale n'avait jamais été sujette à de tels questionnement.   

Pour toute réponse, il me dit qu’il m’avait prévenu quant au fait que ce n’était pas un petit truc. Je passai une main dans ma nuque, en essayant de m’en remettre. Je ne voyais pas encore comment c’était possible… le blond me laissa entendre que son père avait eu une liaison. Il me demanda ce que je savais de mon père, ce qui me sembla être une bête question. « Comment ça, qu’est-ce que je sais de mon père ? » m’énervai-je un peu, à cran. Je refusais de comprendre ce qu’il était en train de dire. « Tu insinues que ma mère l’aurait trompé avec… ton père, et que je serais le fruit de… de ça ? » insistai-je, comme si je voulais en avoir le cœur net. J’aurais pu l’imaginer, dans l’autre sens. Que mon père ait trompé ma mère aurait pu me sembler légitime. Mais le fait que ma mère ait péché par le passé… et que je ne puisse pas en discuter avec elle à l’heure actuelle, puisqu’elle nous avait quittés il y avait plusieurs années maintenant, non ça j’avais du mal à l’accepter. « Est-ce que tu es sûr de ce que tu avances… ? » demandai-je, en me rendant compte que je ne connaissais même pas le nom de ce type qui se déclarait être mon frère. « C’est quoi, ton nom ? »