the truth can be a weapon, and to make a stand you got to win the fight (léo)

Ce serait tellement stupide de gâcher presque trente ans d’amitié à cause d’une erreur de la part de Léo, à cause d’une fille. Mais connaissant Woody et son côté borné, on ne pouvait être sûr de rien. il était rancunier, Rutkowski et sûrement qu’Emerson ne s’en sortirait pas si facilement qu’avec une bière tendue comme drapeau blanc entre eux. Pourtant il fallait bien un commencement. Chacun fixant la nuit, se laissant entourer par le silence comme pour calmer les tensions. Que tu me laisses une chance ou non j’aurais fini par en parler j’imagine. Tu me connais, j’suis douée pour mettre les deux pieds dedans. Il était clair qu’un jour ils auraient dû en parler et qu'une dispute aurait éclaté, ce soir ou plus tard. Alors autant que ce soit ce soir, s’ils avaient attendu plus longtemps, ils auraient probablement laissé les choses s’envenimer encore plus. A présent ils allaient pouvoir digérer tranquillement dans leur coin, faire que cette affaire se tasse et sûrement qu’un jour, plus tard, ils finiraient par en rire. Du moins c’est ce que Léo espérait, parce que, définitivement, il ne voulait pas perdre son ami pour une histoire de cul qui n’avait aucune importance pour lui. Peut-être devrait-il regretter d’avoir croisé le regard de Freja et d’avoir succombé à son charme. Mais non, il ne regrettait rien, parce qu’avec elle il avait fait un voyage inoubliable et qu’au delà de leur relation charnelle, qui avait servi de point de départ, il la comptait à présent comme l’une de ses amies et ce lien là n’avait pas de prix. Bien qu’à l’avenir, si les choses devaient s’arranger entre Woody et Freja, tout le mal que Léo pouvait leur souhaiter, ça risquait d’être particulier s’ils devaient se retrouver tous les trois ensemble. Mais ce serait une autre histoire, pour l’instant on était loin de cette hypothèse. Termine ta bière. J’te ramène chez toi. Tu es incapable de marcher et je pense que t’as assez bu pour ce soir. C’était ça aussi, l’amitié, c’était ce pourquoi Léo était venu jusqu’au Elm ce soir, il voulait soutenir Woody et ça commencerait par le ramener chez lui pour être sûr qu’il ne soit un danger pour personne et surtout pas pour lui. Il n’allait pas lui faire arrêter la boisson en un soir, ni même chasser ses idées sombres, mais il fallait un point de départ même si insignifiant.

Évidemment qu’ils n’auraient pu continuer bien longtemps en évitant de parler de cet éléphant dans la pièce. La rancœur de Woody était bien trop grande pour qu’il puisse garder son ressenti prisonnier de ses pensées. Il avait eu besoin de cracher au visage de Léo, pour lui faire bien comprendre ce mal qu’il avait ressenti suite à cette trahison que Léo ne pensait même pas commettre. « Ouais, ça, c’est une caractéristique qu’on a toujours eu en commun. » Il soupira. Il disait regretter lui avoir parlé ce soir, il disait regretter de lui avoir laissé une chance de s’expliquer, à Léo, mais au fond, ce fut ces paroles-là que Woody déplora avoir dites. Parce qu’au fond, son meilleur ami comptait bien plus que ce qu’il lui avait laissé croire tout au long de cette dispute. Leur amitié ne pouvait pas être réduite à zéro en l’espace de quelques minutes et après de futiles insultes. Ils avaient bien trop de bagage, bien trop d’années derrière eux pour tout effacer en un claquement de doigts. L’un comme l’autre le savait, et c’est sans doute pour cette raison que Léo était rentré à nouveau dans le bar, seulement pour mieux en ressortir avec deux bières dans les mains. Ce n’était qu’une erreur de parcours, un faux-pas d’abord orchestré par Léo, mais trop bien entretenu par Woody. Ce dernier attrapa donc la bière et en bu quelques gorgées, dans le noir, dans le silence. Lorsque son ami d’enfance lui ordonna de terminer sa bière pour qu’il puisse le ramener chez lui, puisqu’il était trop ivre pour marcher, Woody eut un léger rictus. « J’fais que me préparer pour plus tard. » Il secoua doucement la tête, ne cherchant pas une quelconque réponse à ce commentaire trop facile. Il avala d’un trait ce qu’il restait de sa bière, avant de déposer la bouteille vide à ses pieds, contre le mur de briques, et de suivre Léo qui le raccompagna chez lui. Comme l’ami qui ne le laisserait jamais tomber, peu importe les coups portés.

FIN