Le dénouement [Feat. Tahlia Wates]

Durant ces huit années de bons et loyaux services auprès de la police, Tahlia avait annoncé des bonnes et des mauvaises nouvelles. Elle s'était plantée royalement. Elle avait mené avec brio des affaires difficiles. Mais aujourd'hui, cela était l'une de ses plus belles victoires, parce qu'elle l'avait fait seule, fidèle à ses valeurs. Elle prenait même le risque de se sacrifier pour une femme qu'elle ne connaissait que très peu, mais elle savait que cela valait le coup. La liberté d'un être valait tout. Pour une femme indépendante comme Tahlia, cela était un geste naturel. Si elle avait été dans un cas similaire, elle aurait aimé que quelqu'un lui tende la main. Shelby avait eu Tahlia. Et aujourd'hui, c'était ensemble qu'elles allaient célébrer la liberté de la blonde. Une fois les mots prononcés, Tahlia perçut le regard humide de Shelby. Elle n'explosa pas de joie, mais Tahlia n'en était pas surprise. Shelby était une femme qui prenait énormément sur elle. Sur cela, les deux femmes se ressemblaient plus qu'elles ne le pensaient. En voyant les larmes qui coulèrent sur la joue de Shelby, Tahlia se surprit aussi à lâcher une larme qu'elle essuya tout aussi vite, dans un rire. C'était la pression accumulée durant des semaines qui retombait peu à peu. « Tu n'as rien à dire, Shelby. » répondit-elle, doucement. « C'est normal d'avoir du mal à y croire. Laisse-toi quelques instants pour prendre conscience de tout cela. » Et après, elle savait que Shelby enclencherait la deuxième. Elle avait tant d'années à rattraper. Elle pouvait désormais profiter de la vie, de sa liberté. Elle pouvait vivre sa vie sereinement, sans la crainte d'avoir un patron qui lui retombe dessus. Elle avait le droit d'aimer et de ne plus être l'objet sexuel d'hommes complètement paumés. Forcément, il en fallait du temps pour assimiler tout cela. La jeune policière esquissa un sourire quand la blonde lui avoua qu'elle ne savait même pas comment s'inscrire à l'université. « Pour le coup, je ne peux pas t'aider, je ne suis pas allée à la fac. Mais ça ne doit pas être si difficile que cela. C'est toute une histoire de papiers. » Tahlia tenta de la rassurer du mieux qu'elle le pouvait, se permettant d'ajouter : « Je serai là, si tu as besoin d'aide. » Elle ne comptait pas la laisser comme cela, jetée dans la fosse aux lions. La blonde finit par enlacer Tahlia qui lui rendit chaleureusement son étreinte. De nouveau, elle lui répéta qu'elle n'avait pas à la remercier.Mais la dernière question de Shelby la fit hausser les épaules. « Ils ne sont pas au courant. Pas encore, du moins. » Tahlia vivait avec l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Elle se demandait même s'il ne fallait pas qu'elle passe elle-même aux aveux. Elle ne savait pas quoi faire mais ne voulait pas paraître désemparée auprès de Shelby. « Mais je te le répète, ne t'en fais pas pour ça. Même si le pire arrive, je sais déjà que j'aurai un boulot pour m'en sortir. » Elle avait des parents qui attendaient qu'elle mette un pied dans leur boutique, tout simplement. « Pense à toi, avant tout, Shelby. »

En voyant Tahlia devant sa porte, Shelby espérait fortement qu'elle venait ici pour lui annoncer cette nouvelle qu'elle attendait tant. Et en même temps, si elle était venue lui dire que tout ses efforts n'avaient menés à rien, elle l'en aurait remercié. Ce n'était jamais facile dans son métier de venir annoncer ce type de nouvelles. La blonde s'était toujours demandé s'il y avait une bonne manière ou non d'annoncer ce genre de choses. On ne pouvait jamais y être préparé, pourtant ça devait être le quotidien de la jeune policière. Ça faisait parti de son travail, tout comme il y avait des inconvénients dans chacun.

Quand enfin la réponse tomba, Shelby était plus qu'heureuse, même si son expression faciale n'était pas ce qui parlait le plus pour elle. En tant que maman, elle avait appris à "jouer la comédie", elle savait garder pour elle quand ça n'allait pas, juste pour paraître forte devant son fils. Mais elle savait aussi être heureuse et sourire quand elle passait des moments seule avec lui. Mais ce soir, elle ne pouvait pas pleinement exploser de joie, tout simplement parce qu'elle ne réalisait pas encore complètement qu'elle était désormais libre.

Shelby avait toujours été une jeune femme discrète, qui avait des rêves comme tout le monde, mais qui n'avait jamais eu l'occasion de les vivre parce qu'elle avait atterri dans cet engrenage bien trop tôt. Maintenant, elle allait pouvoir reprendre sa vie en main, et ça l'effrayait presque autant que de se dire qu'elle était libre. Elle sortait de cette zone de confort qu'elle s'était créé parce qu'elle n'avait pas eu d'autres choix, mais elle craignait surtout de devoir faire face à tout cela toute seule. D'où son appréhension pour son inscription à l'université. Mais Tahlia lui signifia qu'elle serait là au besoin.

" - J'aurai aimé te dire que je vais penser à moi, mais ce n'est pas dans mes habitudes, j'ai toujours fais passer les autres avant moi, et depuis que Noah est arrivé, c'est encore pire qu'avant. Si jamais je peux t'aider, plaider en ta faveur devant tes supérieurs, sache que je le ferai."

Elle lui devait bien ça, même si elle ne doutait pas que ses paroles n'auraient qu'une piètre importance devant le statut de ces personnes. Qui allait écouter une ancienne prostituée, oui parce qu'elle ne l'était plus désormais, et tout cela, grâce à la jeune policière.

" - Je peux t'offrir quelque chose ? Ça me gêne que tu sois là sans rien. Un verre ou bien quelque chose à grignoter ? Tu es peut-être attendue après tout.."

Shelby ne connaissait pas assez Tahlia pour savoir si elle était encore en service, si elle avait quelqu'un qui l'attendait à la maison ou autre. Alors elle se contentait d'extrapoler.

Freja avait eu tout bon. En parlant de l'histoire de Shelby, la norvégienne avait su éveiller l'instinct combatif de Tahlia, qu'elle avait largement perdu ces derniers mois. En tant que femme et en tant que policière. Femme indépendante, elle militait pour que les femmes puissent faire usage de leur corps quand bon leur semble, non pas par dépit pour payer un loyer et nourrir des bouches. Puis, en tant que policière, elle militait pour la justice, même si cela devenait de plus en plus difficile. Même si pour cela, il fallait utiliser des chemins de traverse parfois illégaux. Comme ce que Tahlia avait pu faire pour Shelby. Mettre sa carrière en danger était douloureux, évidemment, mais en voyant la réaction de la blonde, dont les traits du visage s'étaient quelque peu décrispés en apprenant la nouvelle, la brune avait compris qu'elle avait bien fait. Au diable les conséquences. Une chose était certaine, néanmoins, même si elle venait à perdre son boulot, elle ne comptait pas abandonner Shelby de sitôt. Alors, elle lui rappela qu'elle pouvait compter sur elle, si besoin, que ce soit pour toutes ces paperasses auxquelles la blonde allait être confrontée. Mais Shelby lui posa la question dérangeante, concernant ses supérieurs. Une question que Tahlia tenta de détourner en lui disant de penser à elle, et seulement à elle. La réponse de la blonde la fit sourire : « Je ne peux pas t'en vouloir de faire passer les autres avant toi, je suis pareil que toi sur ce coup-là. Mais maintenant, il faut prendre sur soi et penser à ta petite famille avant le reste. Je me débrouillerai avec mes supérieurs, je crois que tu as suffisamment côtoyé le commissariat, ces derniers temps. » Tahlia garda un sourire sur ses lèvres, mais quand on la connaissait bien, on pouvait voir dans son regard qu'elle n'était pas extrêmement sereine. Mais elle affichait sans cesse ce masque, pour ne pas qu'on ne la cerne de trop, pour ne pas que l'on remarque qu'elle était loin d'être cette femme si sûre d'elle. Shelby avait d'autres choses auxquelles penser qu'à cette policière qui allait devoir affronter ses supérieurs. La voix de la blonde la fit sortir de ses pensées, quand elle lui proposa de boire ou grignoter quelque chose. La policière lui adressa un nouveau sourire alors qu'elle répondit : « Je ne suis pas attendue, mais je vais quand même rentrer chez moi. J'ai mon plaid et Netflix qui n'attendent que moi. » Elle lâcha un petit rire, avant d'ajouter : « Mais merci Shelby. » Elle récupéra son sac à main et se dirigea vers la porte d'entrée. « N'hésite pas si tu as besoin de quoique ce soit, tu sais où me trouver. » Elle ouvrit la porte et jeta un dernier regard à la blonde. « Passe une bonne soirée... et profite ! » Elle l'avait répété tout un tas de fois, mais il était important que la blonde prenne pleinement connaissance de la vie qui s'offrait désormais à elle. Sur ces mots, la jeune policière lui adressa un clin d'oeil et quitta l'appartement, avec le sentiment que tout irait bien pour Shelby.