felix&maxym - fuel to fire.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

Chad n'a plus les mots. Felix non plus. Ce dernier se laisse traîner jusqu'au canapé. Il n'a même plus la force de s'excuser d'être un poids mort. Tout ce qu'il a refoulé tant bien que mal depuis ces dernières semaines refait surfasse, vide son corps de toute son énergie. Accablé, les coudes sur les genoux pour soutenir le poids de sa tête, il s'empare du verre que lui ramène le blond et se force à le boire. Même lever le bras pour faire glisser l'eau dans sa bouche est une épreuve. Il était beaucoup mieux contre le torse de Chad, à se laisser aller sans chercher à refaire surface. Là, tandis que son homme fait le ménage, Isaak a l'impression de ne pas valoir mieux que Parkinson. Il ne sert à rien d'autre qu'à faire souffrir celui sans lequel il n'arriverait pas a exister. Ces bouteilles, ces vêtements sales, c'est lui qui devrait les ramasser, pas l'inverse.

Le portable le fait sursauter. Isaak redresse la tête et regarde Chad passer le balai. Il ne comprend pas où le blond veut en venir, la raison pour laquelle il lui adresse ce regard qui le dissuade de se rebiffer. Hésitant, il compose le numéro mais ne presse pas la touche appel. Je ne veux pas retourner là-bas. Et revivre en boucle ce genre de soirées ayant précipité leur histoire dans la tombe ? Non merci. En perdant Max, Felix a aussi perdu son envie de faire la fête. L'argent, le luxe, les belles bagnoles ... Tout cela lui paraît désormais aussi fade que déplacé. Même le champagne ne trouve plus grâce à ses yeux ; Felix en a tellement bu ces derniers jours qu'il ne pourrait plus en avaler une goutte de plus. Je suis plus certain d'avoir la patience pour tout ça ...

Lentement, le téléphone lui glisse entre les doigts et se perd dans le pli des coussins tandis qu'Isaak se laisse tomber sur le côté. Position fœtale. Il a l'impression d'être à nouveau en prison, de se replier sur lui-même en attendant que la douleur passe, même s'il se doute qu'elle ne fera qu'amplifiée dès que Max aura franchi le seuil de la porte. Isaak ferme les yeux et inspire profondément. Il essaye de s'imaginer que le couché de soleil dont la lumière filtre à travers ses paupières est l'un de ceux qu'ils vivaient avant la séparation. Dans cette vie lointaine, son ours l'aurait rejoint pour regarder Netflix et commander thaïlandais. Peut-être même qu'ils auraient dormis sur ce canapé pour se rassurer le temps d'une nuit ; comme on fait le plein d'un réservoir avant de reprendre la route. Celle qui se profile pour le chat est un chemin plein de fragments tranchants sur lesquels il s'écorche les genoux depuis des semaines en essayant d'avancer. Sans Chad pour lui tenir la main, il sait qu'il n'ira nul part. C'est là sa plus belle force et sa plus grande faiblesse. Ce soir, cette vérité le tue à petit feu. Isaak se sent condamné à errer tout seul à la recherche de son foyer qui n'est autre que les bras du colosse.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

Il y a en Felix une faiblesse que Chad n'a pas l'habitude de croiser chez lui. La dernière fois qu'elle était là était si lointaine qu'il a la sensation de devoir tout recommencer, d'être l'unique coupable de tous ses maux. C'est d'ailleurs à cause de cette culpabilité qu'il ramasse les saletés par terre et fait le ménage. Il a la sensation que ces gestes pourront l'aider à se laver de ses remords, de ce visage de monstre qu'il se dessine à chaque qu'il se croise dans le miroir. Heureusement, son appartement n'en possède qu'un. Ici, les choses sont plus difficiles. Isaak plus narcissique que lui en général en a fait poser un peu partout pour agrandir les pièces mais aussi admirer son reflet avant de partir au travail ou au restaurant. Le téléphone se retrouve abandonné et Felix s'allonge mollement. Le plaid qu'il tenait pour tenir Maurice termine dans les bras du colosse qui le dépose sur le chat pour le recouvrir et l'enfermer dans un cocon comme une mère le ferait avec son petit.
Que faire lorsqu'on part et qu'on revient avec une partie de soi-même complètement déchirée ?
Isaak n'était pas juste son mari et amant, il était son âme-soeur. L'est toujours d'ailleurs mais les liens invisibles qui les relient sont tellement usés qu'ils ont encore du mal à tenir la connexion.

Son corps s'échoue à même le sol. Le canapé sert de dossier à Max tandis qu'il plie les genoux pour y poser ses coudes. Là, le bout de ses doigts effleurent son front alors qu'il ferme les yeux. Le blond se concentre sur sa respiration comme il le faisait avant ses combats. Tu es quelqu'un de fort Isaak. Je ne veux pas que tu laisses quiconque douter de toi, pas même moi, d'accord ? Sa voix est douce, un timbre Chadien, teinté d'une légère tristesse mais toujours pleine de son autorité. Il y a dans ses mots une bienveillance qui jamais ne saura le quitter. L'homme dans son dos, allongé sur un canapé, à l'agoni, reste celui qu'il aime le plus sur cette terre mais aussi dans l'espace et dans le temps. Depuis le début de sa vie, jamais Chad n'avait autant tenu à quelqu'un. La souffrance est insupportable mais le chemin en valait tellement la peine jusqu'ici ...

C'est pas facile de mon côté tu sais. Une part de lui prononce cette phrase parce qu'il sait qu'Isaak a besoin de l'entendre. Il le connaît suffisamment pour savoir ce qui peut le rassurer ou non. Je peux entendre que tu te sentes seul dans cette grande maison. Je comprends tout Isaak. Vraiment. Je ne te juge pas. Jamais il ne le fera, pas même lorsqu'il rentrait saoul de ses soirées avant de partir. Chad se dit que chaque geste a ses raisons. Souvent ses raisons sont lui-même. Dans cette réalité douloureuse, Max ne parvient plus à prononcer le nouveau prénom de son ex qu'il trouve pourtant tellement beau.

Tu peux venir dans mon appartement si tu veux. J'ai de la place pour un second matelas. Je te dois bien ça après tout ce que tu as fait pour moi. Isaak ne lui a jamais imposé de travailler ou d'être indépendant. Il a toujours respecté les faiblesses de Chad comme il adulait ses forces. On va te remettre sur pied et on verra ... on verra, ouais. Il se parle à lui-même, désemparé par la situation et le mal être de celui qu'il aime. Savoir son ex chez lui le rassurera, c'est évident et lui semble la seule solution envisageable pour ne pas les brusquer tous les deux. Il faut qu'on aille là-bas, j'ai commencé à bosser et je ne peux plus rouler. Le médecin lui a suggéré d'arrêter car Parkinson n'en fait qu'à sa tête à cause du stress. Max est persuadé que ce n'est qu'une passe, que le professionnel fait fausse route mais il n'a pas trouvé le courage de lui dire la vérité, d'expliquer l'apparition si brutale des symptômes lorsqu'il grimpe dans une bagnole.
Cela lui rappelle tout simplement ce jour morbide où il s'est barré.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

L'odeur du plaid l'apaise tandis que la fibre du tissu l'enveloppe de douceur. Il n'y a que dans cette couverture que Felix arrive à dormir, désormais. Enfin, dormir, c'est un bien grand mot. Somnoler serait plus précis puisqu'il n'avait pas vu la lumière du jour depuis des semaines et que les jours et les nuits se confondent en un cauchemar qui n'en finit jamais. Remontant la couverture jusqu'à son front, le chat s'y cache, comme le fait Maurice à l'heure de sa sieste. Les propos de Chad lui parviennent depuis l'autre côté du pilou, comme si un voile les séparait encore. Isaak déglutit avec difficultés parce qu'il a l'impression que Chad oublie que la première personne à douter de lui, en ce moment, c'est lui-même. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on voit la vitesse à laquelle il dépérit ? S'il n'avale plus rien depuis le départ du blond, c'est avant tout parce que son corps rejette la moindre nourriture. Il a bien essayé de se faire des brownies après l'épisode des crêpes, mais ces derniers avaient le goût des larmes tombées dans le saladier. Et s'il n'était pas assez fort pour surmonter cette étape ? Et si cette demande qu'il lui a fait de lui apprendre à vivre sans lui était vouée à l'échec ? Felix essaye d'y croire mais sent le désespoir tirer à vue sur sa volonté de tout faire pour taire les inquiétudes de Max.

C'est pas facile de mon côté tu sais.
Le chat renifle et sort la tête de sous le plaid pour regarder son mari plus accablé que jamais. La dernière fois qu'il l'a vu dans cet état remonte à Perry et le souvenir de cette boucherie lui noue le ventre. Tout ce que Graham a fait pour lui ... Felix y croit lorsqu'il lui dit qu'il le comprend et qu'il ne le juge pas. Depuis le début de leur histoire, il en a toujours été ainsi, même si la jalousie les a parfois poussé à feindre le contraire. Le chat s'émeut de l'entendre faire preuve de reconnaissance mais sent également la tristesse prendre de l'ampleur car il ne peut s'empêcher d'associer cette compassion sincère à de la pitié. Isaak aimerait être plus fort pour répondre à l'estime que son ours a de lui mais se rend compte de leur état de santé et du fait que tout ne tient plus qu'à un fil dans leur relation.

S'installer chez lui ? Une nausée le saisit. Felix ne saurait dire si cette dernière est due au soulagement de ne pas rester seul ce soir où à la peur de gâcher le peu qu'il leur reste. En ce qui concerne Maurice, Felix peut l'aimer et en prendre soin, il suffit de le nourrir et de lui faire des câlins, mais Chad ? Qu'est-ce qu'il faut faire pour entrer dans sa nouvelle vie d'époux séparé sans devenir un boulet ? Il s'imagine déjà comater sur un matelas gonflable toute la journée en attendant que le blond rentre, sans même avoir l'audace de lui faire la fête pour lui montrer qu'il n'a pensé qu'à lui depuis son départ. A cause de lui, Max fera bientôt parti de ces exs trop gentils pour imposer une rupture définitive. Peut-être même qu'il finira par détester Isaak de lui pourrir la vie avec sa dépression nerveuse. Par chance, le blond ponctue son invitation d'un " on verra " qui refroidit son l'imagination un peu trop galopante. Si cela se trouve, il le foutra dehors dès le levé du jour.

- Je nous trouve un taxi. C'est tout ce qu'il peut faire dans son état. Felix tâtonne entre les coussins et sort le téléphone pour se connecter à l'application. Rapidement, il pianote l'adresse de la maison et valide la commande. Le taxi sera là dans 10 minutes. A bout de forces, il s'oblige pourtant à se hisser sur les coudes. Tu m'aides à convaincre Maurice ? Son intuition lui dit que le chat n'acceptera de se montrer que s'ils s'unissent pour le rassurer. Et puis parler du rouquin l'aide à ne pas poser de questions trop personnelles sur le nouvel emploi de Chad ou, pire, les raisons pour lesquelles il ne peut plus conduire. Quand il le voit assis par terre, aussi fatigué que lui, Isaak ne peut que s'en vouloir d'être la source de ses tourments. Il n'est pas dupe : Parkinson joue forcément un rôle dans cette restriction.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

Il est pratiquement certain que Felix va refuser sa proposition. C'est pour cela qu'il se tourne brusquement vers son ex lorsque celui-ci leur demande un taxi qui ne devrait plus tarder à se garer dans l'entrée pour les attendre. Max se détend un peu, s'oblige à ne plus rester aussi crispé pour que son corps ne se bloque pas une nouvelle fois. Allez ... Il y a même un certain entrain qui le trahit lorsqu'il se redresse pour faire comprendre à Felix qu'il est d'accord pour récupérer Maurice qui fait la tête. Sa large carrure emboîte le pas vers leur chambre et ouvre en grand la porte de leur penderie où le chat aime grimper pour s'y cacher. Isaak dans la même pièce, Chad en profite pour attraper un sac et le bourrer des affaires de son ex tandis qu'il appelle le chat. Sa voix est tendre. Arrête de faire la tête Maumau. Il en serait presque vexé d'apercevoir le regard du chat au fond du meuble, caché derrière des vêtements et prend le temps d'arrêter de trop bouger. On est là, c'est bon. Regarde. Sa main attrape le bras de Felix pour le ramener vers lui et faire sentir au chat qu'ils n'attendent plus que lui pour s'en aller. Le plaid qu'a son mari sur les épaules lui servira d'oreiller une fois dans la voiture. Ah bah tu vois quand tu veux. Max parle à Maurice parce qu'il a la sensation que tout est plus facile pour détendre l'atmosphère lorsque leur enfant est dans la pièce. La boule de poils dégage naturellement des ondes positives qui détendent immédiatement Chad. Instinctivement, son visage se tourne vers Isaak pour lui adresser un sourire en voyant que leur unique fils accepte de faire la paix avec eux.
C'est étrange pour tous les trois de se retrouver ensemble après tout ce temps.
Etrange et bizarrement réconfortant dans le fond.

Il entend dans l'allée le taxi klaxonner et Max se propose sans broncher de tenir le sac tandis qu'Isaak s'occupera de Maurice durant tout le trajet. Avant d'aller s'asseoir sur la banquette arrière, le colosse fouille un peu le garage pour en sortir le lit de fortune de son invité et tout flanquer dans le coffre. Chad indique l'adresse et n'ose pas ouvrir la bouche durant tout le trajet.

Le taxi s'arrête au quartier principal. A deux de pas de l'église, son appartement est petit et un peu sombre mais a au moins le mérite de se trouver dans un immeuble calme à trois logements seulement. La première voisine est une vieille dame qui sera certainement contente de faire connaissance avec Maurice après avoir perdu son chat il y a quelques mois. Max et elle en parlent souvent parce qu'il la sent affectée par cette perte et qu'il a la sensation que s'arrêter un instant pour en discuter lui est nécessaire. La seconde est une jeune maman qui bosse à l'épicerie du coin, un peu trop timide pour réellement lui parler, cela ne l'empêche pourtant pas d'être agréable avec Max. En montant les escaliers, heureusement, ils ne croisent personne et n'auront donc pas de présentations à faire. Les odeurs du repas du soir de Madame Rose embaume toute la cage d'escalier et rendent l'atmosphère plus accueillante.

En ouvrant la porte, Maxym a un peu honte. Son appartement est propre et organisé mais terriblement vide. Sa chambre n'a qu'un matelas et toutes ses affaires sont encore dans son sac qui lui sert de penderie. Chad dépose tout dans le salon alors qu'il allume la lumière. Voilà. Que dire de plus ? Il n'a pas envie de se justifier. Je vais nous faire quelque chose à manger. C'est la moindre des choses vu le poids plume d'Isaak qui lui fait de la peine à chaque fois qu'il pose un regard sur lui. Malgré tout, sur le tabouret du salon qui lui sert de table, une photo de Max et son époux repose toujours.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

Se lever du canapé est difficile mais pas autant que d'arriver dans la chambre à la suite de Max et de le voir vider la penderie. Cette chambre - leur chambre - Felix n'a même plus essayé d'y dormir depuis la séparation. De son coeur broyé s'échappent des souvenirs du matin où Chad était parti avec son sac de sport sous le bras, sans un regard en arrière. Debout dans l'encadrement de la porte, Isaak se l'imagine saisissant ses vêtements et les embarquant à la hâte ; comme il est à nouveau en train de le faire sous ses yeux en fourrant ses chemises dans le sac. Pour ne pas s'effondrer face à la fin de cette nouvelle vie qu'ils avaient pris tant de soins à construire entre ces murs, Felix se concentre sur la capture de Maurice. Il a l'impression de mentir au rouquin et de jouer la comédie lorsque Max le tire par le bras pour l'appâter. En réalité, Isaak comprend parfaitement l'animal. Lui non plus ne sait pas à quoi s'attendre. Tout ce qu'il sait c'est que ce moment difficile - sinistre remake de leur départ précipité de New York - leur permettra d'être à nouveau ensemble, tous les trois. Où et pour combien de temps exactement ? Aucune idée. L'information est un peu vague mais elle suffit à lui faire accepter le deal, tout comme il suppose que Maurice n'accepte de sortir de sa cachette que parce que leur image de parents côte à côte le rassure. Enroulant le chat dans le plaid, Isaak frotte son front contre son museau. Ca va aller. Pour Maurice, pour Chad et aussi un peu pour lui, du moins il l'espère.

Au moment où le taxi démarre, Felix sent sa gorge se nouer. Son regard se tourne en direction du rétro-viseur. Leur foyer s'éloigne dans le grésillement de l'auto-radio. Isaak niche sa tête dans le plaid pour ne pas penser à ce panneau A VENDRE qui orne désormais la rampe d'escalier du balcon. La météo a beau être clémente et le couché de soleil magnifique, un froid intense habite tout son corps. Felix ne sait pas s'il reverra un jour cette maison et sent qu'une page de leur histoire est en train de se tourner, irrévocablement. Terré dans un silence de passivité évidente, il grimpe les escaliers menant à l'appartement de l'ours sans faire de commentaires, chercher à en savoir plus sur le voisinage et si Chad se plait ici. Lorsque la porte s'ouvre sur un logement lui rappelant celui du Bronx, Isaak s'oblige à rester neutre. Il ne souhaite pas montrer au blond qu'il est choqué de l'imaginer dormant à même le sol, sur un matelas probablement inconfortable et certainement pas optimisé pour récupérer de la fatigue engendrée par Parkinson.

Je vais nous faire quelque chose à manger. Isaak acquiesce d'un signe de tête, ne propose pas son aide car il sait qu'il serait inutile dans la minuscule cuisine du blond. Posant le plaid et la litière dans un coin, il laisse Maurice découvrir son nouveau chez lui. Son regard tombe alors sur la photo d'eux, perchée sur un tabouret. La douleur dans sa poitrine s'accentue. Felix commence à ressentir le contre-coup de cette crise existentielle qu'il a eu sur le balcon. Il réalise que faire l'effort d'apprendre à vivre sans Chad les aidera peut-être à survivre mais que tout cela se soldera probablement en divorce. Même s'il a réussi à remettre son corps en mouvements pour suivre le blond, son âme est à vif ; une plaie béante que l'image de leurs sourires figés sur le papier vient infecter sans crier gare. Il se souvient parfaitement du jour où cette photo a été prise et de la pelle pharaonique qu'ils s'étaient roulé juste avant le flash, d'où leurs lèvres roses. Blessé, le chat détourne le regard. Chad et lui on perdu tellement de choses en si peu de temps. Isaak se sent dépossédé de tout, surtout de lui-même. Difficile pour lui de se dire que cet homme que l'ours serre dans ses bras a un jour été lui. Je vais prendre une douche. Pour s'occuper plutôt que de rester là à ne pas savoir où poser les yeux de peur de tomber sur un autre détail qui l'attristerait d'avantage.

Traînant mollement son sac derrière lui, Felix se rend jusqu'à la minuscule salle d'eau. Derrière le rideau de douche, il colle son front au mur et laisse l'eau noyer son chagrin, même s'il sait d'expérience que des citernes entières ne suffiraient pas à le laver de toute cette douleur qu'il ressent. Comme son tatouage, cette dernière est gravée à l'intérieure de lui. On ne se débarrasse pas de ce genre de désespoir en frottant vigoureusement derrière les oreilles et sous les bras. Après un shampoing et une toilette plus que nécessaire compte tenue de son laissé aller des derniers jours, Isaak sort de la douche et s'enroule dans la serviette de Chad. L'odeur du gel douche n'est pas le même qu'à la maison et la lumière vacillante de la pièce donne à son visage un reflet de zombi dans le petit miroir d'appoint. Le chat se trouve laid. Après un mois de dépression, son teint est pâle, marqué, tandis qu'une barbe naissante recouvre ses joues. Des jours qu'il ne s'était plus regardé en face. Pas franchement, convaincu, il s'empare d'un rasoir et entreprend de faire disparaître cette pilosité laissée à l'abandon. Lorsqu'il se coupe, quelques gouttes de sang tombent dans l'évier. Isaak les observe en silence, s'interdisant de penser à Perry et aux murs rouge carmin de ce garage au sein duquel justice avait été rendue. Dans les heures les plus sombres de son ivresse post-rupture, il se disait souvent que la mort avait été une véritable délivrance pour ce type ; qu'après avoir été si torturé, il avait du se sentir soulagé que le dernier coup le libère enfin.

Une main en appui sur la vasque du lavabo, le rasoir posé contre sa gorge en attendant que ses doigts cessent de trembler, Isaak se perd dans la contemplation des coulées rouges sur l'émaille blanc et tente de se persuader qu'il a fait le bon choix en suivant Chad jusqu'ici. Il se demande comment il réussira à avaler quoique ce soit pour ne pas contrarier son hôte et ne se presse pas pour revenir dans le salon. Sous ses côtes que l'on peut compter à l'oeil nu, son coeur fait ce qu'il peut pour battre convenablement. Le chemin de sa guérison sera semé d'embûches, c'est ce que racontent les formes qui se dissolvent en nuances de rouge contre la faïence.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

Les odeurs d'un de leur plat préféré se font sentir dans tout l'appartement si minuscule qu'il n'a pas beaucoup de difficultés pour se gorger de bonnes ondes mais aussi des plus mauvaises. Chad avait tout dans le frigo, à croire qu'il savait qu'il ne rentrerait pas seul de la plage, que sa visite ne pouvait que terminer comme ça. Une part de lui accepte la vérité, celle qui souligne qu'ils ne peuvent pas vivre sans l'autre et ne lutte plus face à ce que d'autres pourraient définir comme de l'obsession. Son amour pour Isaak est une folie, elle est si forte, si colérique, si imperméable qu'elle ne peut être qu'une maladie grave du coeur.

Ce qui le fait sourire par contre, c'est la présence de Maurice dans la cuisine. le chat vient le voir avec une certaine curiosité mais l'odeur de Max le calme et le fait se frotter dans ses jambes. Une fois le hachis parmentier vegan dans le four, l'ours se dirige dans le salon pour gonfler le matelas. Il le prépare bien, le met dans un coin, part chercher des couvertures et des coussins pour faire le lit et le rendre un minimum confortable. En temps normal il aurait proposé à Isaak de prendre la chambre mais ne le fait pas cette fois. Il y a des choses qui ont changé entre eux, des cassures qu'il ressent encore malgré sa tendresse et son dévouement. La rancoeur est un virus dont il voudrait se débarrasser mais qui lui rappelle ses heures d'abandon pendant que Felix s'entourait de personne dont il n'avait même pas besoin. Il a menti tout a l'heure : jamais Max ne comprendra ce besoin de préférer des hommes qu'il ne connaît pas à lui. Pourtant, malgré tout, il lui arrive de se dire qu'il est peut-être trop possessif, qu'il aurait mieux fait de se soigner avant de devoir en arriver là : le quitter.

Ses sourcils se froncent en entendant que la douche ne coule plus. Chad s'efforce de ne pas s'inquiéter pour lui mais en le voyant sur cette place en train de clouer le panneau à vendre, le colosse a cru voir son coeur cesser de battre face à son abattement. A nouveau, le géant se dirige dans sa chambre pour y attraper un de ses t shirt et un short. Par habitude, Max ne toque pas et entre dans la salle de bain où il fait face à un Isaak détestant son propre reflet. La scène lui ferait presque lâcher les vêtements bien pliés qu'il a entre les doigts mais l'ours reste fort. Il se doute depuis quelques jours que son mari ne va pas bien. Non, pire que ça. Son taux de sérotonine n'en fait qu'à sa tête, il suffit de marcher le long de ses cernes pour le comprendre.

Merde ... Il a la sensation d'être responsable de tout depuis le tout début. Il a l'impression d'avoir causé un tel malheur qu'aujourd'hui c'est lui qui devrait se jeter par la fenêtre pour effacer les traces de sang sur le lavabo qui lui rappelle instantanément les bras d'Isaak lorsqu'il était rentré trop tard d'une soirée et que son homme avait perdu les pédales. Aujourd'hui, son chat est même trop fatigué pour cela : devenir fou. Vidé de son énergie, il voudrait prendre toute la vie qui réside en lui pour la transférer à Felix, une telle dose qu'il en aurait suffisamment pour mourir vieux tandis que lui pourrait s'en aller ensuite, pour toujours, mourir ou bien rester vivant, mort-vivant.

Chad n'essaie pas de le raisonner, se rapproche seulement de lui pour se mettre dans son dos et le serrer dans ses bras. Je t'ai apporté des vêtements, ce sera plus confortable. Il a oublié de lui prendre autre chose que des jeans inconfortables et des t shirt trop moulants même s'ils doivent maintenant bailler sur lui. Il faut que l'on aille manger, tu en as besoin. Il dit ça en sentant ses côtes contre son avant bras alors que son menton se pose sur son épaule tout aussi osseuse.

J'ai fait du hachis. Ce qu'il a l'air con putain à lui parler d'un mélange de patate, de courgettes et de tofu alors qu'Isaak a le coeur brisé et qu'il ne préfère même pas penser au sien. Ce qu'il s'en veut de rester dans le superficiel alors que tout est profond entre eux, même leurs yeux qui se fixent le miroir dans une horreur douloureuse. Une faille s'ouvre sous leurs pieds et les voilà qui dégringole ensemble. Chad allume l'eau pour effacer les traces de sang avant de tourner Felix sur lui-même et poser son front contre le sien. Son regard cherche le sien jusqu'à ce que ses paupières se ferment pour simplement rétablir la connexion entre eux. Pas un mot, pas le moindre son, seulement leurs respirations, plus belles que jamais lorsqu'elles se ressemblent et s'assemblent. Sa grosse main sur la nuque d'Isaak, il n'a besoin de rien de plus pour retrouver un semblant d'énergie, s'excuser en silence de ne pas savoir comment faire pour les réparer.
S'excuser de douter d'eux, pour la toute première fois.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

La porte s'ouvre tandis qu'Isaak repose le rasoir. Le voilà débarrassé de sa barbe. Était-ce une bonne idée de la couper ? Sûrement que non, que, sans elle, l'angle de sa mâchoire paraît encore plus pointu et rachitique. C'est en tout cas ce dont il se persuade lorsque Chad prend place dans son dos, l'air affecté par la vision qu’il lui offre : une vision de lui à des milliers de kilomètres de l'homme que le blond a épousé. A travers le miroir, Isaak se donne l'impression d'avoir pris dix ans. Il observe leur reflet et tente un sourire rassurant lorsque Chad fait couler l'eau pour que les traces de sang disparaissent. Peut-être que s'il arrive à se convaincre que cet état de mal-être finira par passer, les choses iront mieux ? Difficile pour lui d'y croire, même lorsque l'ours le retourne face à lui. Ce n'est que lorsque leurs regards se croisent pour de bon, sans glace interposée, que le chat sent une partie de lui s'apaiser. Au milieu de la douleur qui tourmente son âme de l'autre côté de son épiderme redevenu aussi blanc qu'à New York, une étincelle déchire les ténèbres. Pour la première fois depuis des semaines, il a l'impression de retrouver une connexion avec sa moitié. Une vrai, pas seulement les sanglots de deux hommes sur le point de s'évanouir à côté du panneau À VENDRE. En silence, la main d'Isaak copie la gestuelle de Chad et vient se ficher derrière sa nuque. Il inspire profondément ; ferme les yeux à son tour pour se concentrer sur cette lueur et tenter de lui faire de la place, de lui donner un point d'ancrage suffisamment fort pour qu'elle ne disparaisse pas. Front contre front, les énergies circulent. La respiration d’Isaak se cale sur celle du colosse, comme le premier soir, lorsqu'il s'était laissé aller contre lui dans ce piano bar de Brooklyn. Il ressent à nouveau l’aura protecteur de l’ours l’entourer et l’aider à surmonter ses pensées morbides. Et dire que le soir de leur rencontre, c'était lui qui encourageait Chad à sortir se sortir ses idées glauques de la tête ...

- Allons manger. Une réponse d’une banalité affligeante qui pourtant signifie beaucoup. Ici, Isaak montre qu’il accepte de faire encore un effort, de s'accrocher de son mieux pour ne pas glisser dans la tombe. Ses doigts pressent la peau tiède de sa moitié puis lâchent prise. Contrairement à d’habitude, Isaak ne s’exhibe pas, attend que Chad tourne le dos pour enfiler son short et son t-shirt si grand qu’il ne lui couvre qu’une épaule. L’autre est à nu, la couture du tissu collée à son pec.

Le salon est une véritable bulle de senteurs et de chaleur réconfortantes. Tout aussi mal en point qu’il soit, le chat de manque pas de le remarquer lorsqu’il y suit Chad, le pas traînant et l’estomac qui gargouille tellement face à l’odeur des lasagnes qu’il parait évident que l’ours a visé juste en choisissant ce plat. Félix ne s’attendait pas à ce que son appétit se réveille mais ne s’en étonne pas. Chad a toujours su actionner les rouages de son organisme. Ça sent bon. Dit-il en se passant une main sur l’estomac pour calmer les crampes qui s'installent au fil des secondes. Là, il s’assied sur le matelas et s’y laisse tomber en arrière. La position allongée à plusieurs avantages : elle lui permet de reposer son corps trop faible tout en l’empêchant de affaisser sur lui-même comme il l’aurait fait s’il était debout, apeuré par la réponse de Max à sa question qui se veut désinvolte mais dont le ton trahit l’inquiétude : Tu bosses demain ? Va-t-il devoir subir une inversion des rôles bien méritée ? Chad va-t-il lui manquer autant que ces dernières semaines ou encore plus, parce qu’il sera désormais déchiré par la peur qu’il ne revienne pas alors qu’après la rupture, Felix s’était fait une raison de ne plus rien partager d’autre avec lui que des souvenirs pour la sauvegarde desquels il fait aujourd’hui l’effort de communiquer et d’aller de l’avant, quand bien même ce futur s’apparente à se réveiller seul dans cet appartement au petit matin.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

De retour dans la pièce principale, il y a une atmosphère étrange, une sensation douloureuse qui laisse entendre que rien ne sera plus jamais pareil. Lorsque Isaak lui dit que ça sent bon, Max se sent tout de même plus léger, comme une brin d'espoir dans cette constatation. Son mari se délecte encore de l'odeur de ses repas qu'il lui cuisinait avec amour lorsqu'ils étaient ensemble. Avant qu'il ne reprenne le boulot, la plupart du temps, tous les deux préparaient leur repas en s'échangeant rires et baisers. Chad au salé, Felix au sucré, question de goûts. Aujourd'hui, le colosse est le seul en cuisine mais peut entendre parfaitement la voix de son invité. Tout comme il l'entend s'allonger sur le matelas qu'il a pris soin de ne pas trop gonfler pour éviter qu'il ne soit inconfortable. Pour avoir campé de nombreuses fois ensemble, il sait exactement comment son ex l'apprécie, un peu moelleux, juste assez pour que le matelas épouse les formes de son corps.

Il attrape deux assiettes, deux fourchettes, deux couteaux, deux verres. Tout en double. Il en a perdu l'habitude, se sent triste autant que cela lui donne du baume au coeur. Maxym se sent paradoxal dans chacun de ses sentiments face à cette situation qui le guide dans des abîmes sans fond. La couleur de ses yeux changeraient presque lorsqu'il revient sur ses pas et qu'il trouve sans surprise Isaak échoué sur son lit de fortune. Il n'y a pas beaucoup de place pour poser la vaisselle et attrape un carton pour s'en servir de table.

Son regard se redresse vers Felix. Demain après-midi, oui. Il passe généralement le matin à la salle pour quelques entraînements, voir les personnes avec qui il commence doucement à se lier. A croire qu'il avait besoin que l'homme de sa vie le lâche pour accepter que le monde extérieur existe encore, qu'il peut lui offrir autre chose que de la douleur. New York lui a laissé tellement de cicatrices que Max ne voulait plus entendre parler de quoi que ce soit concernant le reste. Son repli était tel qu'il sait tout juste comment se comporter avec son entourage aujourd'hui même s'il reprend doucement ses marques. Chad n'a jamais été un méchant, il dégage quelque chose de si doux et cotonneux qu'on lui fait vite confiance. Généralement à juste titre puisqu'il n'a jamais trahi qui que ce soit, pas même ceux qui le méritaient le plus.

Je vais te noter le numéro de la salle si y a une urgence. J'ai pas le téléphone sur moi pendant les cours. Pour essayer de le rassurer, être là même lorsqu'il ne le sera pas. Isaak peut bien l'avoir abandonné durant des heures chez eux, Chad sait déjà qu'il serait incapable de le laisser sans point d'attache. Appeler l'accueil, c'est être certain d'avoir Maxym à l'autre bout du fil. Il n'hésitera pas à tout laisser tomber si Felix l'appelle, c'est idiot mais il le sait déjà. Une certitude tranquille qui sommeille en lui et s'éveille rien qu'à le voir si mince dans ses vêtements. Il regrette de lui avoir passé ce t shirt qui met en avant ses kilos en moins, son dépérissement.

Ça va le matelas ? Impossible de ne pas s'assurer qu'il est confortablement installé. Déjà que Max culpabilise un peu de n'avoir que ça à lui offrir. Difficile pour Felix d'avoir la moindre intimité entre ses murs où ils sont entassés l'un sur l'autre. Chad fera en sorte d'être le plus discret, de déserter le plus possible pour ne pas l'étouffer avec ce qu'ils ont vécu. Sa carcasse traîne jusqu'à la cuisine où il attrape le plat pour le poser sur un tabouret à côté du carton. Installé sur le canapé, Max sert deux assiettes. Là aussi, son inconscient le pousse à donner une plus petite quantité à Isaak pour habituer son estomac à se nourrir à nouveau avec autre chose que de l'alcool. Attention c'est chaud. Qu'il murmure, ne sachant plus trop quoi ajouter. Max se contente de gober son assiette à grande bouchée comme à son habitude. Après une journée forte en émotions, c'est la seule chose qui parvient à le calmer un peu. Il nourrit son corps à défaut de son coeur.

Ils n'ont l'air de rien dans ce silence alors qu'il y a au fond tant à se dire.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

Demain après-midi, oui.
Isaak sent son coeur se serrer. Cette réponse lui laisse un répit de quelques heures supplémentaires mais il sait, pour l'avoir vécu lors du départ de Chad, que ses organes se boufferont entre eux lorsqu'il verra le blond franchir la porte pour se rendre sur son lieu de travail. Peut-être ferait-il mieux de lui tourner le dos quand ce moment sera venu ? Que ne pas le voir s'en aller à nouveau l'aidera peut-être à encaisser le silence qui s'installera après son départ ? Un frisson d'effroi le secoue et rend la main de Felix tremblante lorsqu'il s'empare de ses couverts. Au moins trouve-t-il du réconfort dans le fait que Chad a noté le numéro de la salle. Il sait déjà qu'il n'appellera pas pour ne pas l'inquiéter d'avantage mais l'idée de ne pas le savoir perdu dans ce monde hostile qui en a toujours eu après leur histoire sans aucun moyen de le joindre le rassure suffisamment pour qu'il hoche la tête et accepte de ravaler ses peurs. Le matelas est confortable, oui. Assez pour qu'il s'y sente à l'aise au moment de ramener son assiette jusqu'à lui et avaler une première fourchette. La nourriture descend dans son œsophage en laissant derrière elle une chaleur réconfortante. Lorsqu'elle tombe dans son estomac rongé par l'alcool, Felix pourrait presque entendre ce dernier remercier Max pour cette offrande.

D'une lenteur éprouvante, les bouchées s'enchaînent dans le silence relatif des bruits de couteaux et du matelas dont le plastique craque lorsque le chat bouge un peu trop. Manger lui fait du bien, ses joues retrouvent quelques couleurs. Après un moment de gêne, Maurice fait son apparition et vient s'asseoir entre eux. La bienveillance de l'animal fait vibrer toute l'atmosphère. Sans s'en rendre compte, Isaak sourit. Sa main libre se tend vers le matou au moment où celle de Chad en fait de même. Il hésite, regarde les doigts de sa moitié sans oser redresser le regard et finit par les mêler aux siens à travers le pelage de leur enfant. Aucun mot ne sort de sa bouche tandis qu'il continue à picorer en silence, se contentant de ce contact comme si le blond était son port et lui un navire à la dérive. Les remous du matelas sont ceux de la mer. S'il reste à côté de sa moitié, les choses ne pourront qu'aller mieux. Felix s'en persuade de toutes ses forces avant de reposer son assiette et de récupérer sa main qu'il passe sur sa nuque. Merci pour ce repas. La fatigue rend sa voix plus basse que d'habitude ; Isaak est amaigri jusque dans son enthousiasme légendaire. Timidement, il se glisse sous le drap et s'allonge en regardant sa famille le fixer. Son ours et son chat à son chevet, Felix se sent plus disposé à tenter un voyage au pays des rêves. Il se dit qu'avec le colosse à ses côtés, les cauchemars accepteront peut-être de le laisser tranquille ...

- - -

Quelque chose craque. Une côte, probablement. A moins qu'il ne s'agisse de sa colonne vertébrale ? Perry s'effondre, tel une poupée de chiffon. En baissant les yeux au sol, Isaak observe la pointe de ses chaussures recouvertes de sang. La matraque s'élève à nouveau. Il entend sa propre voix annoncer le décompte. Chad frappe encore. La mort est partout dans la pièce, bienveillante, venue rendre justice. De sa main putride, elle tend à Coalman le tissu froissé de cette part de son âme arrachée sous les douches. Elle n'en a plus besoin. Perry contre la délivrance : tel était le marché. Soulagé, Isaak sent les larmes rouler le long de ses joues. Chad le serre fort. Leurs excuses se mélangent dans une étreinte post-traumatique.
Quelqu'un meurt lorsqu'un autre ressuscite.

Puis les sirènes, les hauts parleurs, l'enfer qui se reproduit. Arrestation musclée, pour qui, pour quoi, comment ? Qui donc les a trahi ? Isaak voit son amour se faire passer les menottes. Il s'interpose, se fait maîtriser et hurle de douleur lorsqu'il comprend que tout est fini, qu'on les sépare, qu'ils ne se reverront jamais. Un procès bâclé, des peines incompressibles, la mort par l'absence et le retour à la case prison. Les mêmes co-détenus. Le même cauchemar qui recommence, en pire.
Tout seul dans sa cellule, il saute du tabouret.
Le drap se tend.
Il s'est pendu.

- - -

La sueur lui coule le long du dos. Redressé sur les coudes, Isaak reprend son souffle et tache de ne pas paniquer dans l'obscurité. Il lui faut quelques secondes avant de se souvenir de l'endroit où il se trouve et de rationaliser sa pensée. Encore un peu tremblant, il se lève en prenant garde de ne pas faire grincer le matelas et part se servir un verre d'eau. Le four indique minuit une. Sa gorge se noue. En silence, il avance jusqu'à la porte de la chambre de Chad qui grince un peu lorsqu'il l'entre-ouvre, hésitant. Finalement, la fraîcheur du carrelage sous ses pieds nus l'incite à avancer. Sa fesse se pose sur le bord du lit. Dans la pénombre, il devine la silhouette du blond allongé de tout son long, la respiration lente et profonde de l'ours endormi. Felix l'observe un instant puis se roule en boule à ses côtés. Sous la couette, il vient chercher la chaleur qui lui permettra de chasser l'image glaciale d'un Chad incarcéré par sa faute.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

Il fait de son mieux pour ne pas que sa lumière se délave, perde de son éclat mais en rentrant du boulot à vélo, Maxym accepte qu'il se voile la face. Depuis qu'Isaak est chez lui, à peine hier, il réalise que rien ne se passe comme prévu. Il se mentait à lui-même de pouvoir croire vivre sans lui. Cette nuit s'il a si bien dormi, c'est uniquement parce que son chat dormait en boule contre lui et qu'il l'a réalisé seulement vers quatre heures du matin. La lutte pour ne pas le prendre dans ses bras était si forte qu'il s'est levé boire un verre d'eau avant de revenir à sa place. Lunettes de soleil sur le nez, il voudrait que le mauvais temps arrive, que la neige tombe, lui rappelle le canada et ces pays froids qu'ils aimaient à deux avant de finir sur cette île. Max n'a plus du tout cet aplomb qu'il avait la veille et sent sa gorge nouée lui jouer des tours. Obligé de s'arrêter en chemin pour vomir dans une poubelle avant de reprendre la route et rentrer chez lui -eux ?

Trois heures d'absence ce n'est pas grand chose et pourtant il se fait déjà des films. Et s'il tombait sur Felix, tailladé suffisamment profond pour nager dans son sang. Que ferait-il ? Admettrait-il que l'homme qu'il aime est mort par sa faute ? La tête pleine de pensées morbides, Max entre dans l'appartement, le cœur lourd de ne pas savoir sur quoi il tombera.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

Un ... deux ... trois ...
C'était prévisible et, pourtant, le fait de l'avoir anticipé ne l'aide pas à gérer son mal être. Allongé sur le lit de Max - qu'il squatte en cachette pour se réconforter de l'odeur de son oreiller - Isaak compte les secondes. Un ... deux ... trois ... Jusqu'à dix. Six fois pour faire une minute. Puis c'est reparti pour un tour : Un ... deux ... trois ... Il essaye de ne prêter attention à rien d'autre, de se concentrer uniquement sur ce compteur qui n'en finit plus de repartir à zéro. Comme lui, comme eux. Parfois, son esprit décroche. Une seconde d'inattention et il perd le compte, se met à imaginer l'ours en train de donner cours à toutes sortes de gens. Des ados, comme à New York, mais aussi des adultes. Ses chimères ont le corps d'Eros et le visage Pierro.

Soudain, la clé tourne dans la serrure de la porte d'entrée. Felix se redresse, saute du lit et lisse les draps comme s'il avait peur de se faire disputer. Personne ne lui a donné la permission de se trouver là, d'attendre le retour de sa raison de vivre comme un chat esseulé au milieu des draps. Il voudrait avoir l'air désinvolte en sortant de la chambre mais affiche un air coupable qu'il peine à dissimuler lorsque sa silhouette rejoint le salon. Sa tenue est la même qu'au réveil car il préfère le t-shirt chiffonné de Chad aux chemises toutes lisses qui le rendaient jadis si élégant. Sûr qu'à choisir, il préférerait porter les joggings dégueulasses du blond plutôt que ses pantalons de costard. Le textile est devenu un substitue, une seconde peau qu'il enfile pour se sentir plus proche de celui qu'il aime.

- Tu as passé une bonne journée ? Sa voix est rauque, encore faible malgré le bon repas que le blond a laissé pour lui dans le frigo avant de partir. Isaak tache de ne pas paraître complètement dépendant mais le soulagement évident qui émane de tout son être le trahit. Il n'y a que la présence de l'ours à ses côtés pour expliquer ses muscles qui se détendent et sa respiration plus fluide.

Voilà maintenant trois heures qu'il se bat pour ne pas céder à la terreur de l'abandon. Malgré la fatigue nerveuse engendrée, Isaak se dit que cette journée est sa première victoire depuis des lustres.
Il a survécu.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

L'appartement est agréablement calme. La détresse de Felix est palpable mais il sent que l'homme fait bataille pour ne pas la laisser prendre la dessus un peu comme lui le faisait après la mort d'Eros. De longs mois de solitude à ne pouvoir se raccrocher à rien, même pas un ami car tous l'avaient laissé tomber en apprenant qu'un si lourd chagrin ne pouvait que se partager. Personne n'a envie de s'encombrer de la peine d'un autre. Personne ne veut être témoin d'une telle douleur alors le silence devient un ami redoutable. Un compagnon sans aucune couleur ni consistance et qui prend pourtant terriblement de place. Max dépose ses affaires dans l'entrée, se tourne vers Isaak mais ce qu'il préfère le plus à cet instant n'est autre que la présence de son chat dans ses jambes. Ce rituel lui avait manqué comme tout le reste mais il lui faudra encore du temps pour l'accepter, le réaliser.

Ça va. Qu'il répond, en haussant les épaules. Max est plus occupé à câliner la boule de poils que réellement s'éterniser sur le reste de sa journée. Qu'importe, le travail n'a jamais été une chose dont il aime parler en dehors de ses passes profondément dépressive. Il se souvient de ce temps où il pensait que le boulot pouvait prendre la place d'une personne, que se perdre dans son job était une bonne solution. Lorsque ses yeux se plantent dans ceux de Felix il a la sensation de retourner une arme contre lui, d'être à présent celui qui pourrait l'achever alors qu'il n'en ressent pas la moindre envie, pas le moindre vengeance. Sa présence, il la ressent encore dans son dos. Celle de cette nuit, discrète et désespérée, presque timide et désolée de ne pas être assez forte pour rester à l'écart de ce lit.

T'es allé prendre un peu l'air ? Impossible de vivre ici sans devenir fou. Cet appartement est un bocal plein de regrets et de colères.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

Maurice lui passe sous le nez pour aller câliner Chad. Isaak fait un effort pour ravaler cette jalousie mal placée qui le pousse à croire qu'il a plus sa place dans les bras du blond que le rouquin. Il bataille également pour ne pas laisser cette voix dans sa tête prendre le dessus sur tout le reste ; celle qui lui persifle qu'il a tort, que, contrairement à lui, leur enfant n'a jamais fait de mal à son maître et qu'il ne s'agit que d'un juste retour des choses s'il se retrouve privé de caresses, lui, le mauvais mari. Les épaules basses, Isaak les laisse à leurs retrouvailles pour se rendre dans la cuisine et servir deux grands verres d'eau.

Son regard se tourne vers la fenêtre lorsque Chad lui demande s'il est sorti prendre l'air. L'idée ne lui est même pas venue à l'esprit. Depuis le départ de son époux, Isaak considère plus que jamais le monde extérieur comme un environnement hostile. Sa sortie de prison l'avait rendu méprisant vis à vis de l'univers tout entier mais savoir que c'est ce même univers qui a eu raison d'eux le pousse à devenir casanier. A quoi bon sortir ? A quoi bon s'exposer ? Il ne veut plus rien partager avec le monde, surtout pas l'oxygène frelaté de la ville que d'autres ont recrachés avant lui comme pour mieux le contaminer. Silencieux, son verre à la main, Coalman sait désormais qu'il ne faut pas sous-estimer cet adversaire invisible qu'est le monde extérieur. Ce dernier est bien trop doué pour lui faire perdre tout ce qu'il aime. Liberté, confort, amour ... Finalement, les murs de l'appartement de Chad sont des remparts derrière lesquels il se sent en sécurité, faute d'encore avoir suffisamment confiance en lui pour se dire qu'il serait capable de survivre à tout, comme il se le disait jadis. Une rupture aussi violente, ça vous change un homme. Le départ de Chad est un traumatisme au même titre qu'a pu l'être l'entrée de Nero dans sa vie. L'un comme l'autre lui ont appris qu'il ne maîtrise rien de ce qu'il ressent, qu'il s'agisse d'une haine virulente ou d'un amour destructeur.

Enfermé dans sa coquille, Isaak s'hydrate, réflexe inconscient d'un homme dont les réserves de larmes sont à sec. Après avoir terminé son verre, il ramène l'autre à Chad ainsi que son traitement. Son visage émacié affiche une certaine détermination ; la détermination des mutilés qui préfèrent déserter plutôt que de repartir au front. Je n'ai pas envie de sortir. Je pensais nous faire livrer Thaï ce soir. Non pas qu'il ait faim, mais il sait que l'odeur doucereuse des ces plats le plongera dans un état de mélancolie propice à calmer la noirceur de sa dépression.

nous deux, moins toi.

@Felix Twist

Il ne veut pas sortir.
L'homme qui lui fait face n'est pas son mari mais une version altérée, effacée, fade, bien loin de tout ce qu'il avait connu quelques temps plus tôt. Son coeur se serre, impossible de ne pas faire autrement. Max ne peut s'empêcher de tout retourner contre lui. C'est à cause de lui si Isaak est dans cet état aujourd'hui, à cause de lui si plus rien ne tourne rond. Peut-être que quitter le foyer n'était pas la solution.

La gorge nouée, il fronce les sourcils pour chasser au loin la culpabilité. Maxym avait réagit de la même manière dans l'ascenseur de son ancien immeuble alors qu'il venait de trouver Eros avec un de ses amants dans leur lit. Aujourd'hui il veut se respecter suffisamment pour accepter d'avoir pris la bonne décision, aussi douloureuse soit-elle.

Okay. En haussant les épaules. Il ne cherche pas à le convaincre de sortir, à le juger sur ses choix. Max est souple, prend son traitement et marche difficilement jusqu'à la salle de bains. Plus le temps passe et moins son corps supporte les heures de travail. S'il a su se caler sur quelques heures par semaine, une part de lui sait que ce ne sera pas suffisant pour subvenir à ses besoins. Sans rien dire, le colosse ferme la porte derrière lui, prend une seconde douche pour s'autoriser un moment hors du temps. Un instant simple où pleurer sous l'eau lui fait un bien fou, le vide de ses énergies négatives et de son envie de fuir une nouvelle fois pour que personne ne le retrouve, pas même Felix, encore moins Maurice.

A sa sortie, il ose croire que le shampoing sera tenu responsable de ses yeux rouges et s'avance dans le salon alors qu'Isaak attend le livreur. Après manger je comptais aller faire un tour sur la plage. Tu veux venir ? Le son des vagues, le coucher de soleil, la plage déserte, le sable sous ses pieds, la seule chose capable de le calmer quand sa complicité avec Felix agonise. En attendant, sa large carcasse s'écrase sur le canapé alors qu'il ferme les yeux en tentant de détendre sa nuque qui lui fait un mal de chien. Là aussi, son corps est en carence des massages de son époux.

fuel to fire

@Maxym Twist & son chat

Le regarder boiter jusqu'à la salle de bain est un véritable crève coeur. Malgré le vide qui le ronge et le rend imperméable au monde extérieur, Isaak sent en lui des élans d'affection qu'il s'efforce de contenir. Ce n'est pas parce que le blond ne l'a pas chassé de son lit durant la nuit qu'il le laisserait pour autant le suivre jusque dans l'intimité de sa toilette. Tandis que la porte se referme sur son amour, son regard fixe et cerné imagine ce que serait cette scène en d'autres circonstances, s'il n'y avait pas eu cette séparation, si tout était encore beau et limpide comme après leur mariage sur la plage. Alors, il aurait suivi Chad sous la douche pour le câliner, lui frotter le dos et l'aider à se sécher en dépit de ses protestations. Sûrement qu'il aurait fait de l'humour pour que Graham ne se sente pas diminué, pris en charge ou infirme ; du genre à lui demander une pipe en échange de son aide. Un prêté pour un rendu complice et taquin : pas de pitié pour les canard boiteux !

Aujourd'hui, Isaak se contente d'attendre que l'eau cesse de couler. Il se demande s'il retrouvera jamais l'envie de plaisanter. Ses yeux balayent sans le voir le paysage derrière la fenêtre. Debout, les mains dans les poches, il espère que le livreur ne tardera pas, ne serait-ce que pour avoir de quoi s'occuper et ne pas se retrouver à attendre en silence en compagnie d'une moitié dont il ne comprend plus les attentes. En immersion dans le quotidien d'un homme qui ne veut plus de lui, Coalman se sent démuni, insatisfaisant et bon à rien. Malgré tout, il fait l'effort de tenir debout, de sauver les apparences. Il en va de sa volonté de ne pas tourmenter d'avantage Chad dont l'attitude, lorsqu'il revient dans le salon, lui prouve clairement la fatigue physique et nerveuse accumulée depuis son départ. A sa proposition, il hésite, inspire profondément pour refouler son angoisse relative au monde extérieur puis hausse les épaules. Okay. Un partout, balle au centre.

Le portable se met à vibrer, le repas est à la porte. Isaak le réceptionne et entreprend de servir les différentes portions. A table, Maurice tient son rôle d'entremetteur tandis que Netflix comble le silence. Fermant les yeux à chaque bouchée, Coalman se remémore avec application les détails de chaque soirée passée à apprécier ces saveurs sucrées sous la couette ou dans le canapé défoncé. Ses souvenirs apaisent sa douleur autant qu'ils infectent ses plaies, cercle vicieux détestable qui le réconforte autant qu'il l'enfonce dans ses regrets. Puis vient l'heure de se rendre sur la plage. En silence, Isaak jette les emballages à la poudelle et laisse à Chad le soin d'ouvrir la marche. Lui ne se sent pas d'attaque à franchir la porte le premier. En prévision, le voilà qui enfile un pull et remonte son col jusqu'à son nez. Sa maigreur lui donne constemment froid.