Today I got sunshine + jim & s.

La visite en maison de retraite était un rituel pour Salomé. Si elle pouvait venir une fois par semaine c'est parce qu'elle n'avait ni enfant ni mari qui l'attendait à la maison. Finalement eux aussi, lui tenaient compagnie.

Mais pour Jim, que faisait-il dans la vie? Il n'est peu commun de voir de jeunes gens porter compagnie aux personnes âgées. C'est à peine si leur propre famille venaient leur rendre visite. Alors qu'ils se retrouvaient un peu seuls pour discuter, Salomé lui posa la question.


Mannequin? répéta-t-elle d un air admiratif. Mais elle devait bien reconnaître que ce métier pouvait être instable dans le long terme. La jeunesse n'est pas éternel, c'est bien connu. Le mannequinat est un milieu cruel. Tu peux toujours te reconvertir pour exercer un autre métier l'encouraga-t-elle avec conviction. Se reconvertir. Un phénomène qui devenait de plus en plus courant. Il existe maintenant plein de formations que l'on peut suivre chez soit avec des cours par correspondance. 


Il n'avait pas vu juste. Salomé n'était ni infirmière ni auxiliaire de vie. Elle secoua la tête frénétiquement. Je suis pédiatre répondit-elle dans un sourire. Elle se rendait bien compte que sa présence ici pouvait être étrange. Mais en y réfléchissant, ces personnes étaient comme des enfants. Ils avaient besoin tout autant d'attention.

Plus facile à dire qu'à faire. Certains disent qu'il suffit de se donner les moyens. Salomé n'était pas de ceux qui tenaient ce genre de discours. Jim ne semblait pas encore  savoir quel autre métier pouvait-il exercer. Si tu as besoin d'un coup de pouce... Toutefois elle ne savait pas en quoi elle pourrait être utile. En tout cas si il voulait se lancer dans le milieu médical elle l'aiderait à travailler ses cours. Aussi, elle avait de nombreux contacts à l'hôpital, elle pourrait le recommander en cas de stage. Il s'était si bien comporter avec les personnes âgées, qu'elle n'hésiterait pas à le faire.

A son tour, Salomé lui informa qu'elle était pédiatre. En effet elle passait de l'extrême en venant à la maison de retraite. Oui j'aurais pu choisir la gériatrie rigola-t-elle. Mais non, elle ne le souhaitait pas. En ayant des patients de personnes âgées, les attaches sont de loin très différentes. Inévitablement ces personnes sont en fin de vie. Salomé porte facilement de l'affection à ses patients, alors son sang froid serait durement mis à l'épreuve.

Elle aimait les enfants, encore plus parce la vie de lui en avait pas donné. Non répondit elle tristement. Je suis veuve et je n'ai pas eu cette chance. Jim devait alors comprendre pourquoi elle avait autant de temps libre. Salomé ne voulait pas s'appitoyer sur son sort, mais se remémorer de Louis lui était toujours douloureux. Peut-être que sa douleur aurait été plus facile à accepter si Louis lui aurait donné un enfant. Et toi tu as des enfants? lui retourna-t-elle la question. 

Je comprend. Devenir infirmier devait être une réelle vocation. Ce n'est pas tout le monde qui apprécierait enchaîner les prises de sang au cathéter. Les horaires sont instable et de ce fait pas idéal pour une vie de famille. Le quotidien d'une pédiatre était rythmée de moments plus joyeux - bien que certains ne l'étaient pas mais ils étaient fort heureusement très rares.  Salomé n'appartenait plus à l'hôpital et même si elle prenait à peine le temps de manger pendant sa pause déjeuner, elle ne travaillait plus de nuit. Puis à son cabinet elle avait SES patients, pour qui elle était particulièrement attaché.

Il n'y avait pas de bonnes ou mauvaise façon d'annoncer qu'on est veuve. Quoi qu'elle puisse dire, les personnes s'attristaient en l'apprenant. Elle haussa les épaules et lui dit simplement C'est la vie... Plutôt que épiloguer sur le sujet elle lui retourna la question, si Jim avait des enfants. Il répondit que non et affirma qu'il n'était pas prêt d'en avoir. Qu'ils plaindraient ses enfants d'avoir un père comme lui. Mais non, voyons. Mais non. Tu en auras envie quand tu rencontreras la bonne personne déclara t-elle avec sagesse.

Jim s'aventura à parler d'adoption. Oui justement j'y songe sérieusement lui dit-elle très intéressée d'évoquer le sujet. Maintenant seule, elle avait vraiment envie d'apporter de l'amour à un enfant. Qu'importe si elle ne l'avait pas porté pendant neuf mois, il serait tout de même le sien. Plus que jamais elle ressentait le besoin d'être mère. Comme si c'était ancré en elle. Par ailleurs, le processus n'est pas aussi simple. Les démarches sont longues. Il faut constituer un dossier, passer en observation devant un psychanalyste, obtenir un agrément. Entre autres choses. Mais malgré tout, Salomé se sentait prête à y affronter.

 Aussi peu furent ses relations amoureuses, Salomé peut prétendre avoir connu le coup de foudre. C'est pourquoi elle était persuadée que Jim finirait par trouver la bonne personne avec qui il envisagera des projets, tout comme faire un enfant. Cela pouvait sembler effrayant en étant célibataire mais encore plus quand on n'en désirait pas un. Chaque chose en son temps, n'est-ce-pas? dit-t-elle d'un ton sérieux.


Concernant Salomé, il lui était inconcevable d'attendre davantage. Son horloge biologique lui rappelait à l'ordre chaque année de plus qu'elle soufflait une bougie. Elle avait envisagée l'insémination artificielle mais elle devait bien avouer qu'elle ne se sentait pas prête à vivre une grossesse et surtout un accouchement, seule. Son envie première était d'adopter. Alors quand Jim lui parle d'adoption, Salomé se montra intéressée. C'était un sujet dont elle avait grand mal à se confier. Le hic, c'est qu'il faut avoir un très bon dossier quand on est une future mère célibataire avoua-t-elle peinée. Le combat sera rude mais la victoire n'en sera que plus belle. Jim avait raison. En effet il n'était pas question de sang ni de gêne. Mais d'amour. Je suis entièrement d'accord. Elle ne s'attendait pas qu'il lui confie à son tour qu'il était adopté. Ah oui? s'étonna t-elle de l'apprendre. Voilà pourquoi Jim était si à l'aise avec le sujet. Ça ne te gênerait pas si je te pose quelques questions? l'interrogea-t-elle avec prudence.

De nos jours, il est de plus en plus difficile de trouver l'amour. C'est pourquoi la moyenne d'âge des nouveaux parents a franchement augmenté. Salomé est persuadée que Jim finira par tomber sur la bonne personne et deviendra père.

Salomé avait trouvé cette bonne personne... puis la vie l'a prise. L'adoption semblait la solution idéale pour combler son ardent désir d'être mère. Merci. Mais j'espère que tu ne dis pas ça parce que je suis pédiatre rajouta-t-elle avec un sourire. La plupart des personnes se disait la même chose. Qu'elle sera une bonne/meilleure mère. Pourtant elle sait que, malgré sa connaissance médicale et psychologique des enfants, elle commetra des erreurs. Comme tout le monde.

Adopter un enfant relève davantage de l'inconnu. Jim a été adopté lorsqu'il était bébé. Peut-être pouvait-il lui confier son ressenti? Si cela ne l'offensait pas, bien sûr. Salomé prit des pincettes. Et bien je me pose certaines questions... Je me demande si mon enfant pourra me considérer comme sa maman? Si il  m'aimera comme sa mère? Même si je ne suis pas sa mère biologique précisa-t-elle ensuite. C'était sa plus grande inquiétude. Une inquiétude qu'elle n'avait pas encore partagé à personne d'autre jusqu'à présent. Elle ne sait pas si Jim pouvait la comprendre mais elle espérait qu'il échange sa propre expérience. 

Être pédiatre ne suffisait pas pour être une bonne mère. Car être une mère, c'est aussi une question d'amour. De l'amour, elle en avait à revendre. Salomé envisageait l'adoption pour deux raisons. La première, parce qu'elle était veuve. La deuxième étant qu'elle arrivait à in âge où son taux fertilité diminuait d'année en année. Une ironie du sort quand on sait que son défunt époux était un gynécologue spécialisé en infertilité.

Seule, elle devait affronter des interrogations. Mais aussi des peurs. Ça doit te paraître puérile de te poser cette question se rendit-elle compte. Jim, enfant adoptif, était le mieux placé pour donner son point de vue. Sa mère adoptive restait sa mère avant tout, peu importe si elle ne l'avait pas mis au monde. Salomé se sentit soulagée, affichant une expression plus sereine.

Oui je vois, approuva-t-elle. Tu sais, peu importe son âge, peu importe son histoire, je suis prête à adopter cet enfant. D'ailleurs elle se voyait assez forte pour éduquer un enfant qui ait subi des violences ou une perte tragique. Son inquiétude était tout autre. Tu me rassures...Ta mère t'a élevé seule? demanda Salomé avec délicatesse. Jim n'a pas parlé du rôle de son père. Si il en avait un.

Jim lui assura qu'elle s'inquiétait pour rien. Avec conviction, Salomé hocha la tête. Elle gardait ses interrogations pour elle-même, et pour une fois, elle pouvait se confier et surtout avoir des vrais réponses. Il ne devait pas réaliser à quel point il lui apportait du réconfort.

L'adoption entraîne des engagements. On ne choisit pas une petite fille aux yeux bleus  ou un petit garçon métisse, juste parce que l'on aimerait bien.Il s'agit d'un choix qui va bien au-delà de son désir d'un enfant.  Entièrement d'accord. On ne choisit pas un enfant. On choisit d'être parent. Moi je me sens vraiment prête répéta-t-elle, consciente des difficultés dont elle pourrait rencontrer. Si un jour les services de l'aide sociale vient à lui confier un enfant qui a subit de fortes violences, orphelin, rejeté par ses parents, peu importe, puisqu'elle aura cette chance de réaliser son rêve. Être mère.

Et le papa dans tout ça? Jim ne l'a pas mentionné. Salomé pose la question avec délicatesse, ne sait-on jamais si le sujet est sensible. Apparament non. Il partageait surtout son opinion vis à vis de sa mère, puisque Salomé elle-même souhaitait devenir une mère adoptante. D'accord c'était juste pour savoir précisa-t-elle tout sourire en haussant les épaules. Son cas sera différent car elle sera seule à adopter l'enfant.

Jim eut une idée. Lui présenter ses parents. Ils pourront aussi partager leur expérience et la rassurer. Salomé était ravie. Sérieusement? Tu ferais ça pour moi? s'étonna-t-elle, touchée par cette attention. Je ne veux pas les importuner se précipita-t-elle de rajouter. Elle ne les connaissait pas, ils pourront très bien refuser de parler d'un sujet épineux à une inconnue.