just to be free (jared)

Je range tranquillement le bar après que les derniers clients soient partis. Toute la journée, j'ai du faire bonne figure alors que je ne me sens pas dans mon assiette. Peut-être parce que c'est l'anniversaire de la mort de mon frère et que je déprime, ou peut-être parce que Clark me gave au plus haut point avec son insolence. Je soupire, range les derniers verres qui traîne, et je commence à nettoyer les tables. J'aime ces petits moment du soir, quand la nuit est tombée depuis un moment et que je me retrouve seule dans le bar. C'est agréable de ne plus entendre toutes ces voix, cette musique qui me donne mal à la tête.
Finalement, je m'assois à une table et regarde l'extérieur d'un air songeur, en n'en ayant même pas nettoyé la moitié. Mais ce n'est pas très grave, je le ferais après. Je préfère profiter de ce petit instant de calme, suspendu dans le temps, avant que la folie des soirée ne reprenne.

Je l’ai senti dans l’air que quelque chose n’allait pas. Malia avait été ailleurs toute la journée je n’ai même pas eu le courage de lui envoyer des pics acerbes de ma composition personnelle face à cette mine sombre. Je partis faire le tri dans la réserve pendant qu’elle rangeait la salle. Le silence s’était installé à peine les portes closes et le malaise ne cessait de croitre, briser la glace il le fallait mais je me sentais démuni face à ce visage familier qui me semblait soudain étranger. Après quelques minutes à tourner en rond dans le local je finis par remonter ne pouvant plus reculer indéfiniment. Elle était assise à regarder l’extérieur, le soleil se couchait sur bowen nappant l’océan d’un doux voile orangé apaisant.
-Je ne savais pas que je te payais pour admirer le paysage !
Dis-je d’une voix ferme en lui lançant un chiffon qui atterrit sur la table, coupant court à ses rêveries. Je me détournai aussitôt pour me concentrer sur la caisse histoire de garder mon masque de patron bourru et qu’elle ne lise pas dans mes yeux toute l’inquiétude qui transperçait mes yeux noirs.

Je sursaute en entendant Jared derrière moi, je ne l'ai pas entendu arriver. Mes longues mèches noires cachent mon visage et j'essuie furtivement une larme qui coule. Je me lève et repousse la chaise d'un geste théâtrale sans pour autant dire quelque chose. Je me remet donc au travail silencieusement, nettoyant les tables et rangeant les chaises. Une fois ma besogne accomplie, je repasse derrière le bar pour ranger les dernière choses qui traînent et mon regard s'attarde sur le brun qui fait ses comptes.
Je range d'abord les bouteilles d'alcool qui ont servi puis je commence à nettoyer tout ce qu'il y a dans l'évier, lui lançant quelques regards en biais, le visage de nouveau caché par mes cheveux noirs. Aujourd'hui plus qu'un autre jour, j'ai hâte que ce soit fini pour aller dans une boite de nuit et penser à autre chose, mais j'ai comme l'impression que je ne vais pas pouvoir partir après avoir fini mon travail.

Pas de réponse acerbe, juste une chaise qui grince et des gestes un peu trop sec pour me laisser indifférent. Je croisais son regard à quelques reprises pour autant aucun de nous deux fit le premier pas pour percer la glace qui s’engouffrait entre nous. Je claquais la caisse d’un geste sec et glissai derrière elle, la frolant sans vraiment faire attention et attrapai deux verres sur l’étagère au-dessus de l’évier que je posais sur le comptoir. J’allais jusqu’au bout du comptoir pour ouvrir le placard aux milles merveilles, celui qui contenait mes meilleurs bouteilles que je ne réservais qu’aux habitués et aux grandes occasions. Je sortis une bouteille de whisky avant de m’installer en face d’elle sur une chaise du comptoir. Je remplis les deux verres et lui en tendis un.
Un peu de chaleur ce soir ne nous fera pas de mal je pense !
Dis-je en plongeant mon regard de jais dans le sien. J’esquissai un sourire pour entamer les réconciliations.

Je le regarde faire du coin de l’œil, sans aucune curiosité. Je continue de faire ce que j'ai à faire. Plus vite ce sera fait, plus vite je serais partie. Mais j'ai bien l'impression qu'il en a décidé autrement et un soupire glisse entre mes lèvres. Je range ce que je viens de laver et m'essuie les mains, l'observant en silence. Quand il s'assoit en face de moi, je lève les yeux au ciel. Je venais de les laver, lui dis-je en montrant les deux verres du bout du menton. Ce qui était vrai.
J'essayais de fuir la conversation comme je le pouvais, mais au fond, je savais parfaitement que je n'y échapperais pas. Il allait me faire parler, il savait très bien comment s'y prendre. J'observe les deux verres pendant de longues secondes avant que mon regard ne se heurte à celui de Jared. Qu'est-ce qui se passe pour que tu sortes tes meilleurs bouteilles ? Je lui demande, faignant l'innocence.

Je levai les yeux au ciel.
- Ça te fera faire des heures sup’ tu devrais être contente de toucher plus non ?
Je gardais ma main tendue avec le verre dans sa direction attendant qu’elle le prenne mais elle ne semblait pas décider. Elle semblait méfiante et réfractaire à parler. Je finis par pousser un soupir et pris une gorgée finalement dans le verre jetant un regard vers l’extérieur songeur.
- Je ne sais pas ton humeur la plus massacrante de tes 5 mois passés ? C’est pas mal non ? On frôle les records là ! Félicitation !
Dis-je en reposant le verre et en applaudissant d’un air ironique. Je poussai le second verre vers elle, cherchant de nouveau son regard le visage se radoucissant, compatissant.
- Chacun ses emmerdes Malia tu as les tiens et je ne peux pas changer ça ! Par contre je peux t’aider à les surmonter si tu le veux…

Je ne réponds pas à sa première pique. Seul mon regard excédé en dit long sur mes humeurs. Je m'en foutais du fric que je gagnais, si je travaillais, c'était pour que mon père adoptif me lâche avec ça et que je sois un peu tranquille. Rien que de penser à lui, j'en ai la nausée. Et hop, la deuxième pique me vexe beaucoup plus que la première, mais mon regard ne change pas d'expression, je reste impassible et surtout, silencieuse. Je soupire et laisse le verre à sa place. Mon regard sombre s'ancre dans celui de Jared, ma gorge se noue et mon ventre se tord. Je souffre en silence, comme d'habitude. Exactement, j'ai mes emmerdes, t'as les tiennes, j't'ai pas demandé ton aide à ce que je sache. Ma voix vibre d'un sentiment étrange. C'est pas de la colère, c'est autre chose. Je me retourne, prends mon sac, met mon téléphone dans ma poche et contourne le bar pour m'en aller, j'ai rien de plus à faire ici. Je passe derrière lui, silencieuse.

Je restais silencieux ne sachant plus vraiment quoi dire. Mon regard retomba sur mon verre, hypnotisé par les couleurs ambrés du liquide voluptueux qui évoluait avec lascivité dans sa cage transparente. Je pris terminer le verre d’une traite et reposait le verre d’un coup sec.
Si justement ! Tu as voulu de mon aide en voulant travailler ici !
Je me tournai vers elle, la voyant prendre la direction de la porte.
Mais si c’est ce que tu veux, juste que je sois le connard de patron relou y a qu’à demander… Il te reste deux verres à nettoyer !
Dis-je d’une voix ferme et sans équivoque. Je me levai de ma chaise et partis dans la réserve sans un regard pour elle. Une fois seule je serrai les poings et taper contre une étagère qui s’ébranla dans un grincement interminable, tout l’édifice et son contenu manquait de tomber à la renverse mais je ne prêtais pas plus attention que ça. Je repris mon calepin avec le descriptif de tous les objets que je pouvais vendre au sein du bar et me remis à recompter une second fois l’inventaire pour penser à autre chose. Qu’est-ce qui me mettait en colère ? Au fond qu’elle fasse sa tête de cochon ne devrait pas me faire tiquer autant. Mais c’était plus fort que moi, cette frustration de ne pas être utile, de ne pas pouvoir l’aider me nouer l’estomac. Mon égo aurait voulu qu’elle se livre mais au fond c’était peut-être mieux comme ça… Ce sera plus facile de garder une relation employée – patron ainsi…

La remarque que j'entendis me fis soupirer. Je repose mon sac sur une table et je me dirige vers le bar et entends un gros bruit venant de la réserve. Je lève les yeux au ciel, nettoie les deux verres rapidement et me dirige ensuite vers la réserve en silence. Je le regarde faire depuis l'encadrement de la porte et je m'y adosse discrètement, le regardant et attendant qu'il remarque ma présence. Mais je ne suis pas patiente, et comme je n'ai rien d'autre à faire, je prends la parole d'une voix tremblante et mal assurée. C'est l'anniversaire de la mort de mon frère, lui dis-je simplement. Je n'attends pas d'excuses, encore moins une réponse. Je sais qu'il est butté, mais je le suis plus encore, et il a de la chance que je daigne lui parler après ce qu'il m'a dit. Mais pour notre bien à tout les deux, je préfère lui faire part de ce qui me tracasse, ou plutôt de ce qui me détruit le moral. Finalement, je quitte ma place initiale, ne m'attendant pas à ce qu'il réponde, mais espérant qu'il me retienne de partir.

Je continuai dans ma fixation de l’ordre à la limite de la crise de nerf, attendant avec impatience le bruit de la porte qui claque qui m’annoncerait le départ de Malia et qui me laissera enfin respirer de nouveau convenablement... Du moins je l'espérais. Puis la voix de la jolie brune m’arrêta dans ma tâche, mes yeux fixant le vide devant moi. Je restai silencieux, posant mes papiers sur un coin d’une étagère, passant mes mains sur mon visage. Elle commençait déjà à se retourner et j’attrapais in extrémiste son poignée avant qu’elle ne remonte l’escalier et la tirai avec douceur vers moi pour qu’elle me fasse face. Dans un élan, instinctivement, je l’entourais de mes bras, la serrant contre moi après avoir déposé un baiser sur son front. Je n’avais pas les mots pour ce genre de situation et je crois qu’au fond personne ne les avait vraiment, j’espérai juste pouvoir refouler ses démons et lui assurer la protection de mon corps pour chasser ce qui la hante même si tout ceci était futile à côté de ce qui la bouleversait.

La main de Jared s'accroche à mon poignet alors je m'arrête. Il me tire en arrière vers lui, sans que j'y oppose la moindre résistance. Je me retourne et mon regard traduit ma surprise lorsqu'il me tire vers lui. Mes bras l'enserrent alors et je pose ma tête contre son épaule alors qu'une larme coule sur ma joue. C'est difficile, j'ai mal au cœur. Je ne bouge pas et reste silencieuse, collée contre lui, alors que mon cœur bat à une vitesse folle. Ma respiration se fait un peu plus difficile, par anxiété certainement. Je ne peux qu'être silencieuse, il n'y a rien à dire de toute façon. La vie est faite ainsi, qu'on le veuille ou non, et malheureusement, elle m'avait arraché à mon frère, certainement celui au-quel je tenais le plus en ce monde. Enfin, étant donné qu'il n'était plus là, il avait peut-être été détrôné par un autre, mais ça, je ne l'avouerai jamais. J'inspire son parfum, il se sent bon, et cette pensée me réchauffe un peu le cœur. Les larmes arrêtent de couler et j'essuie mon visage d'un geste furtif. J'ai pas envie de perdre mon image de fille sans sentiments.

Je frémis en sentant ses petits bras enserrés ma taille. Je fermais les yeux posant une main dans ses cheveux et caressai sa crinière brune, ramenant ses mèches folles derrière son oreille, je posai ma tête au-dessus la sienne et resserrai un peu plus mon étreinte. J’avais presque l’impression de sentir son corps battre contre mon torse, où était-ce le mien qui battait si fort que je le sentais juste sous ma peau ? Le temps semblait s’être figé dans la pièce plongée dans un profond silence qui n’était plus si gênant, plutôt apaisant. Le halo de la lumière tamisée nous berçait dans sa lumière, troublant encore plus l’effet du temps coincé entre le jour et la nuit.
Un léger mouvement de Malia me fit rouvrir les yeux, j’entraperçus un mouvement furtif de sa main essuyant des larmes fugitives qui avait échappé à sa vigilance. Elle me semblait soudain si fragile par ce simple geste, mon regard aussi noir qu’une nuit sans lune se posant dans les pupilles toutes aussi sombre de ma partenaire professionnelle. Je la lâchai légèrement, posant mes mains sur ses bras encore réfractaire à la laisser s’éloigner.
Tu peux rester à l’appart’ si tu ne veux pas rentrer seule…
Dis-je d’une voix douce ce qui changeait dans mes habitudes. Je ne la quittais pas des yeux, guettant la moindre réaction de sa part.
June doit être encore barrée je ne sais où elle ne rentrera pas avant le petit matin...

Je le sent contre moi, il me serre si fort que j'ai l'impression d’étouffer, mais ce n'est qu'une impression. Mes cheveux me chatouillent et je devine qu'il est en train de les toucher. Je ne dis, parce que ça m'apaise de savoir que quelqu'un s'occupe de moi, de savoir que pour une fois, je ne suis pas, je ne suis plus toute seule. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi, l'un contre l'autre, mais ça m'a semblé durer des heures entières, et il faut dire que ce n'était pas pour m'en déplaire. Les mauvais garçons m'avaient toujours attiré, mais lui peut-être plus que les autres, sans pour autant que je sache pourquoi. Finalement, et presque à contre cœur, je me détache de Jared et mon regard brillant plonge dans le sien. Il me tient encore les poignets, et je ne dis rien, mon regard se fixe juste sur ce contact avant de remonter sur le visage de mon patron, qui n'est pas que ça. Incapable de parler, j'hoche juste la tête aux paroles du brun, acceptant sa proposition avec ce simple geste silencieux. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui, j'aurais déjà sombré depuis longtemps je crois.. Je l'observe quelques secondes avant que mon regard ne se détourne vers la réserve et qu'il revienne vers ses mains, qui tiennent toujours mes bras.

Je mordis la lèvre face à ce petit hochement de tête timide. Je ne pouvais plus faire marche arrière, plus d’échappatoire. Etais-je en train de faire un abus de pouvoir du fait que j’étais son supérieur. Non déjà calme-toi il ne se passe rien tu ne veux juste pas qu’elle soit seule à ruminer dans son coin chez elle avec des idées noires. Je me détournai de ses grands yeux noirs si brillant par les larmes qui avaient été versées pour éteindre la lumière de la réserve nous plongeant dans le noir. Mes doigts glissèrent le long de son bras pour venir se loger dans le creux de sa main, encerclant les siens d’une douce force rassurante. Nous montions les deux étages qui nous séparaient de chez moi. Mon appartement se situant juste au-dessus du bar, nous n’avions pas besoin de faire des kilomètres dans le froid ce que j’avais toujours trouvé très pratique. J’allumais le hall d’entrée après pousser la porte, m’écartant du seuil pour la laisser entrer.
Bienvenue dans ma grotte…
Lâchai-je d’une voix teintée de malaise, je la lâchai pour glisser ma main dans mes cheveux comme pour tenter d’oublier le contact de sa main, la chaleur de sa peau en me perdant dans ma tignasse mal coiffé de trentenaire.
Le hall débouchait directement sur la pièce de vie avec sur la gauche l’immense salon style scandinave de la mode de l’époque tout en restant pauvre en déco, un canapé une table basse une télé, ça suffisait amplement. Quelques tableaux que June avait accrochés pour essayer d’égayer tout ça décoraient un peu les murs blancs. Une immense table de réception venait juste après même si elle ne servait pas à grand-chose vu le peu de fois où l’on recevait ça restait toujours pratique au cas où. La cuisine ouverte avec son ilot central se dressait sur notre droite pour terminer la pièce. Je me précipitai pour fermer la porte débouchant sur le couloir des chambres à coucher où j’avais aperçu un amas de linge sale se languir contre un mur.
Hummm… Du coup pas de wisky si j’ai bien compris.
Demandai-je en enfilant mes mains dans mes poches comme si je n’avais pas confiance en ces dernières…

Je fais une fixette sur ses mains, bien que je ne sache pas pourquoi. Je secoue la tête pour me sortir de mes pensées et je lui offre un sourire presque timide. La lumière s'éteint et je sens sa main glisser contre mon bras. Un frisson incontrôlable me chatouille la colonne vertébrale. Ma main serre doucement la sienne alors que je le suis dans l'escalier. Je me rends compte qu'en cinq mois de travail, je ne suis jamais entrée dans son appartement. On arrive devant la porte, qu'il ouvre, et il me lâche la main. Au fond, mon cœur se serre parce que je suis déçue, mais je ne montre pas du tout ce que je ressens. Mon regard passe de son visage à l'appartement, et j'entre à l'intérieur en silence, observant la décoration qui était plutôt.. discrète. Mon regard se balade sur tout ce qui est présent chez Jared, et finalement, un bruit attire son attention. Il vient de fermer la porte de manière précipité. Un joli sourire amusé glisse sur mes lèvres avant que je le regarde faire. Il a une frôle d'attitude, comme si il était gêné. Je ne comprends pas vraiment son changement de comportement, et ça me fait mal au cœur.
Pas de whisky, je confirme, restant debout au milieu de l'entrée, n'osant pas m'avancer ni même m'asseoir. Mon regard glisse sur le brun qui semble vouloir rester à l'écart et mes mains se tiennent l'une l'autre, pour tenter de garder cette douce chaleur qui s'était installée, et la sensation de sa peau contre la mienne. Je pousse un léger soupire, c'est étonnant comment pour une fois, je suis muette comme une carpe. Je ne sais pas quoi dire et l'ambiance est pesante. Le silence, lui, est gênant.