Of hopes and failures + Violence

Vingt-trois heures et des poussières. De la poussière il en avait bouffé, Terrence, depuis plus de deux heures qu’il était là, à présent il faisait nuit noire et seule une lumière discrète l’éclairait. C’était suffisant pour ce qu’il avait à faire. Il avait une dernière étagère à monter et il pourrait rentrer chez lui. Stan devait l’attendre, faire les cents pas dans leur petite caravane. Il pensait qu’il n’en aurait pas pour longtemps et pourtant ça avait pris plus de temps que prévu. Les ouvriers que Violet avait engagé pour remettre sa boutique sur pieds n’étaient pas de mauvais travailleurs, mais ils préféraient largement discuter entre eux, prendre tout leur temps pour faire leur travail, à tel point que ce chantier de quelques petites semaines, un mois tout au plus traînait depuis bientôt deux mois. Terrence le savait, il suivait l’avancée de près, de bien plus près que son ex le pensait. Au départ il s’était fait discret, il avait accueilli les clients de la boutique concurrente dans la sienne, il les avait conseillé de son mieux, sans chercher à les fidéliser et certains avaient discuté avec lui sans qu’il le veuille vraiment, ils lui avaient confiés qu’ils attendaient la réouverture avec impatience, que leur commerçante leur manquait. Petit à petit certains avaient semblé s’impatienter, on leur avait parlé d’une ouverture fin février et le chantier n’avait pas l’air d’avancer, on s’inquiétait, Kelly s’inquiéta alors également. Discrètement il s’était rendu sur Horsehoe bay histoire de discuter avec le maître d’oeuvre, ils s’étaient pris la tête, cet homme là ne semblait pas plus préoccupé que ça par le manque de rapidité de ses ouvriers, il avait répondu en haussant les épaules qu’il avait des clients plus importants. Un soir, Terrence avait finit par alpaguer l’un des menuisiers et réussi à obtenir son double de clés, une fois dans les lieux il avait remarqué un travail fait à la vas-vite et peu de minutie, ce soir là il avait pris une décision, chaque soir, autant qu’il le pourrait, il allait travailler dans cette boutique pour lui redonner ses lettres de noblesse. Il avait monté lui-même son magasin, ce n’était pas grand chose que de remettre celui-ci sur ses rails. Terrence avait commencé peu après l’accident sur sa plage, quand elle avait failli se noyer. Il faisait ça pour Violet, parce qu’il l’aimait, parce qu’elle méritait un lieu qui lui ressemblait, propre et beau, parce qu’elle en avait assez bavé et qu’elle n’avait pas à récupérer un commerce réparé à-peu-près, il fallait que ce soit parfait. Il le lui devait, tout ce qui était arrivé était de sa faute. Et puis il savait qu’elle n’avait jamais pris l’argent qu’il lui avait envoyé, il s’en doutait, il la connaissait trop bien. Il fallait malgré tout qu’il soit discret, jamais l’américaine ne devait savoir qu’il avait travaillé pour aider les ouvriers, il ne voulait s’attribuer aucun mérite, elle n’accepterait certainement pas de savoir que son ex avait apporté sa pierre à l’édifice, elle avait bien trop de fierté et surtout elle ne comprendrait pas son geste. Alors il travaillait les soirs, des fois jusque tard dans la nuit, jusqu’à ce que que la fatigue lui fasse abandonner et qu’il finisse par rentrer pour s’écrouler dans son lit. Il ne restait plus grand chose, il espérait bien qu’elle puisse ouvrir à nouveau d’ici quelques jours, une fois qu’elle aurait tout rangé à son goût. Sa tâche s’arrêterait là, il allait pouvoir dormir plus sereinement et Violet retrouverait son bébé tout neuf. Avec le bruit de sa perceuse, il n’entendit pas la porte s’ouvrir derrière lui, ce ne fut que quelques minutes plus tard, alors qu’il se sentait observé, que Terrence tourna la tête. Il sursauta, du haut de son escabeau il aurait pu tomber et se faire mal. Violet ! Merde tu m’as fait peur.

Les projecteurs étaient plantés sur elle, sa petite personne assise sur le banc de bois, guitare appuyée sur ses jambes, accompagné d'un groupe qui s'agitait derrière elle sur les différents tempos qu'elle enchaînait. Elle chantait, chantait son coeur, les cordes de sa guitare qui tremblaient sous ses doigts. So when I'm all choked up but I can't find the words. Every time we say goodbye, baby, it hurts. When the sun goes down and the band won't play... I'll always remember us this way. (la chanson) Le bar n'était pas très bondé, mais elle n'arrivait tout de même pas à regarder devant elle, son coeur se serrait alors que les mots qu'elle avait du mal à digérer sortaient de sa bouche, un message que son coeur avait écrit pour quelqu'un qui ne voulait plus l'entendre. Elle termina sa dernière chanson, un sourire au coin des lèvres, Violet remercia le groupe de l'avoir accompagné. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas joué avec eux et leur appel, ce soir, alors qu'ils savaient très bien ce qu'elle traversait avec été une délivrance pour la belle. Les dernières semaines n'avaient pas été de tout repos, les travaux de la boutique qui trainaient n'aidaient pas la commerçante à tirer un trait sur sa rupture. Violet était une acharnée, elle aurait voulu se plonger la tête dans son travail, passer le plus clair de son temps à s'occuper pour brouiller ses pensées, mais elle était bloquée, prise au point de départ, coincée entre la réalité et les souhaits qui divergeaient. En sortant du bar, la brune salua le propriétaire du bar de la plage, une bise sur la joue, ne manquant pas de souligner à quel point ce moment d'échappatoire avait pu lui faire du bien.
Guitare sur le dos, elle marchait vers la maison, pieds nus dans le sable qui avait pris la fraîche de la fin de soirée, profitant des étoiles comme seules témoins pour renouer avec l'élément qui l'avait troublé. Depuis son accident, depuis que l'eau l'avait emporté et qu'elle risque de se noyer, Violet ne s'était pas octroyée un moment en tête à tête avec la mer, toujours un peu craintive qu'elle décide de se déchaîner contre elle, que cet aspect de la ville qui l'avait tant charmé se retourne puérilement contre elle à nouveau. La brune marchait plutôt loin de la marrée qui s'installait tranquillement, laissant une écume blanche derrière elle. Elle écoutait l'eau lui parler, lui chanter une chanson presque aussi touchante que les mots qu'elle avait empruntés ce soir tout en se dirigeant vers la petite lueur qui brillait droit devant elle. Une lueur qui semblait familière, mais pourtant qui était presque impossible. Une lueur qui venait de sa boutique. À cette heure tardive, nocturne, les travaux devaient être terminés, tous les employés devaient avoir quitté le chantier et pourtant dans le silence de la plage elle entendait résonner des bruits ressemblant à du bois percé. Intriguée, mais surtout certaine de rêver, de voir un mirage devant ses yeux, Cox s'avança activement vers la boutique. Une fois près de cette dernière, elle constata que les travaux n'étaient effectivement pas terminés, que quelqu'un avait décidé de faire du temps supplémentaire sans vraiment l'en avertir. Elle payait les travaux de sa poche et ils duraient maintenant depuis bien trop longtemps, grugeant son temps, sa patience et son porte-feuille. Violet avait été claire avec l'entrepreneur, elle voulait que les travaux cessent rapidement pour reprendre du service, le temps coupé de sa boutique se faisait long, mais il avait été catégorique : son projet devait attendre, pas assez rentable pour son entreprise, Violet passait derrière les projets plus payants. Bien qu'elle était heureuse de voir les choses avancer, elle se montrait irritée qu'on ait décidé de faire des heures supplémentaires sans l'en avertir, elle qui devrait payer pour cette initiative coûteuse.
Violet poussa la porte de la boutique, la clochette raisonna, mais se mélangea rapidement au bruit de perceuse. La commerçante suivit le son, remarquant un homme jaugé sur une échelle, un homme qu'elle connaissait, un homme qu'elle n'avait pas engagé, un homme qu'elle ne payait pas pour réaliser le travail qu'il avait entrepris, un homme qui était trop concentré à remarquer qu'une présence s'était jointe à lui. Violet, les sourcils froncés, confuse, s'était avancée vers lui, Terrence, celui qui l'avait repoussé, qui l'avait quitté, mais qui se tenait pourtant là, perchés sur le bout de cette échelle, et qui s'acharnait à fixer une dernière étagère sur le mur arrière. Trop concentrer à l'admirer faire, elle n'avait même pas remarqué que les travaux étaient terminés, que la boutique avait pris forme. Terrence ? Finit-elle par demander, une fois ses esprits légèrement repris. L'homme entendit son nom dans un sursaut, l'escabeau vacillant dans la foulée. Violet étouffa une respiration de peur qu'il se blesse, les yeux ronds comme des billes, puis soupira alors que l'homme reprenait son équilibre. Alors qu'elle avait son attention, la brune s'avança vers celui qu'elle aimait, perché du haut de sa tour d'ivoire, assez loin d'elle pour qu'elle ne puisse le toucher, mais assez près pour sentir sa chaleur. Elle lui sourit, le regard toujours incrédule, perplexe. Depuis quand tu sais faire des travaux ? Elle déposa sa guitare sur le sol, prenant ainsi conscience qu'il y avait bien plus qu'une étagère de fixée sur le mur arrière : toute sa boutique était dressée n'attendant que les produits à vendre pour s'habiller. Elle regardait autour d'elle, les yeux brillants, une émotion à travers la gorge. Je.. Je ne comprends pas... Qu'est-ce qui s'est passé ? Violet marcha avec précaution vers un mur, faisant bien attention de ne pas se prendre les pieds dans les outils qui trainaient sur le sol. Depuis quand ce mur a été peint ? Et ce luminaire, quand a-t-il été fixé ? La brune se retourna à nouveau vers l'homme qui venait tout juste de descendre de l'escabeau. C'est toi qui a fait ça ? La brune ferma ses yeux un instant, secouant la tête. Je comprends pas... Comment, quand as-tu trouvé le temps de faire ça ? Pourquoi tu t'es donné tout ce mal? Pourquoi, surtout pourquoi avait-il fait ça pour la fille qu'il venait de quitter?

HJ : C'est horrible, pardonne-moi

Terrence avait monté son propre magasin par lui-même, mis à part ce qui concernait l'électricité et les choses plus techniques, il avait fait tout ce qu’il pouvait. Pour la raison première qu’à l’époque il n’avait pas assez d’argent pour se payer des artisans, il démarrait de zéro après sa sortie de prison. Mais surtout parce qu’il aimait ça, d’un naturel plutôt doué de ses mains, il était capable de faire de la peinture, un peu de menuiserie et fixer une étagère sur un mur n’avait rien de sorcier pour lui, il avait posé son parquet et tout le reste. Il avait aimé agencer et créer son intérieur comme il en avait envie, à son idée et en regardant le résultat il n’était pas peu fier de lui, sa boutique de surf lui ressemblait, il n’y avait rien d’extraordinaire mais on s’y sentait bien, tout était bien rangé, tout avait sa place et elle avait une âme, tout de bois et de pierre, loin des intérieurs laqués blanc que l’on voyait un peu partout. Chez lui on était pas chez un médecin ou une boutique de luxe, chez lui on pouvait venir les pieds nus plein de sable ou le corps encore ruisselant après une baignade, ça ne le dérangeait pas, chez lui ça sentait le sel et la coco. Il aimait son magasin qui était sa maison, assurément plus que sa petite caravane qui lui servait de toit toutes les nuits. Depuis toujours, je crois. Affirma-t-il avec un sourire léger. Assurément elle ignorait encore beaucoup de lui. C’était une surprise que de trouver Violet ici ce soir, avec sa guitare comme si elle était une rock-star qui rentrait de concert. Il s’en voulu de ne pas avoir été assez discret pour qu’elle ne soit pas alarmée par les bruits et la lumière discrète qui devait se voir de la plage, mais pour sa défense, il n’avait aucune raison de penser qu’elle se promenait sur le sable à cette heure avancée de la soirée. Et puis s’il avait eu à imaginer un instant qu’elle découvrirait ce qu’il faisait en secret, il l’aurait vue en colère, venant le gifler ou le chasser de sa boutique, alors qu’elle semblait l’accueillir avec un sourire, le visage surpris mais relativement serein, ce qui le soulagea un peu. Terrence descendit de son perchoir alors que l’américaine découvrait son intérieur mis en place, presque prêt pour le grand jour. Il vérifia que l’étagère tenait bon et qu’elle était bien droite avec son niveau puis il se retourna pour l’observer faire le tour du propriétaire. Il s’appuya contre un mur qui sentait encore la peinture neuve en croisant les bras, secrètement heureux d’observer Cox avec des étoiles plein les yeux comme une gamine qui découvrait ses cadeaux de Noël. Non, j’ai aidé seulement. Il n’avait pas tout fait, il en était incapable, elle avait raison, il n’avait pas assez de temps. Mais ce serait mentir que de dire que les ouvriers qu’elle avait engagé avaient bien travaillé et que tout le mérite leur était dû, il avait fait sa part, autant qu’il le pouvait, avec toute la minutie et la patience qui le caractérisaient, ce qui manquait cruellement aux artisans qu’il avait rencontré. Je venais les soirs, après mon travail, quand j’étais sûr que tu ne repasserais pas. Il esquissa une petite moue. Sauf ce soir visiblement. Tu ne devais pas savoir normalement. J'ai fait promettre aux artisans de ne rien te dire. Il baissa les yeux, fautif, réalisant qu’il venait d’être pris la main dans le sac et que Violet allait réclamer des explications plus précises que ça. Ils n’allaient pas assez vite, quand j’ai vu le temps que ça prenait pour repeindre quatre murs et montrer une dizaine d’étagères j’ai voulu… accélérer un peu les choses. Je te connais, tu dois être comme une lionne en cage. Il désigna l’instrument de la pointe de son menton. La guitare, c’est pourquoi ? Tu es te reconvertis dans la musique finalement ? Ne me dis pas que j’ai fait tout ça pour rien ! Il lui sourit tendrement, bien plus tendrement que ce qu’il aurait voulu, lui qui jouait le jeu de l’homme indifférent depuis des semaines. Mais il réalisait que le masque se craquelait petit à petit, elle allait bien finir par comprendre que tout ça n’était qu’une mascarade depuis le départ. Il voulait s’éloigner d’elle mais il en était tout bonnement incapable.

La question était drôlement posée, comme supposer que, mis à part vendre des planches de surf, Terrence ne savait faire autre chose avec ses mains alors qu’en réalité la brune n’en savait rien. Elle pensait le connaître, elle pensait savoir qui il était par les bribes de conversations qu’ils avaient échangées, alors qu’ils bâtissaient ensemble une relation unique à leurs deux personnes, mais en réalité elle connaissait seulement ce que l’ex-militaire avait bien voulu lui partager. Elle ne connaissait qu’une infime partie de sa vie, une infime partie de sa personnalité qu’il avait choisi de laisser paraitre. Lorsqu’il répondit simplement à la question de la commerçante, elle lui sourit bêtement. Vraisemblablement, il y a encore bien des choses que j’ignore sur toi. Décréta-t-elle pour expliquer sa question et sa réaction. Dans leur périple amoureux, elle avait été tant éprise, tant aveuglée par les sentiments qu’elle se développait qu’elle ne s’était pas rendu compte qu’en réalité il lui manquait des pièces pour assembler le puzzle. L’amour, c’était un peu ça au final : être aveuglé par les détails, ne voir que la personne pour qui son cœur s’accélère. Violet en avait été victime de cet amour aveugle qui fait idolâtrer, qui fait admirer, qui rend faible. Aujourd’hui, elle en payait encore le prix, sa guitare qui se faisait lourde sur son épaule lui rappelait les cris de son cœur qu’elle avait étouffé en cette soirée, ceux qu’elle avait chantés. Elle ne s’était pas encore remise de cette rupture douloureuse qui ne s’était pas annoncée, mais elle apprenait à en accepter les conséquences. Terrence la regardait comme s’il était fautif, comme un enfant prit en flagrant délit, comme si Violet s’apprêtait à le gronder alors qu’en réalité elle était touchée. Les mots de l’homme expliquaient son choix, expliquaient en partie ce qui l’avait motivé à prendre les devants alors qu’elle ne lui avait pas demandé. Elle aurait pu être en colère, parce que son ex mettait son nez dans ce qui ne le regardait pas vraiment, mais étrangement ce sentiment ne l’habitait pas. Il n’avait aucune raison valable de s’impliquer dans le rétablissement de sa boutique, ni en temps, ni en argent. Violet n’était pas dupe, elle avait deviné que la somme assez généreuse qu’elle avait reçue par la poste venait de sa poche à lui, comme s’il était coupable de la perte qu’occasionnait le braquage. Et si elle avait clairement refusé son aide monétaire, elle refusait également son aide manuelle. Il expliqua ce qu’il avait fait, quand il avait trouvé le temps d’orchestrer tout ça, malgré son travail, malgré Stan, malgré ses besoins humains. Violet le regardait, une émotion dans les yeux, touchée et confuse à la fois. Il avait raison, les travaux n’avançaient pas à une vitesse raisonnable, elle se faisait manger la laine sur le dos alors que son projet n’était pas à la hauteur du contracteur alors que la pauvre Violet tournait en rond, impuissante de son sort, impatiente de voir son projet ouvrir pour de bon. Et malgré les explications de son ancien amant, malgré ses raisons, il restait encore une part d’incompréhension en elle. La surfeuse s’avança un peu plus vers l’homme, un regard doux sur son visage. Elle ne voulait pas le froisser, mais elle méritait des explications plus précises. On avait comme enjeu sa boutique, sa propriété qu’il avait introduite par effraction, qu’il avait certes retapée pour son bien, mais sans en avoir eu la demande claire et précise de sa propriétaire et pour des raisons encore bien trop nébuleuses à son goût. Pour être jaloux, il faudrait être amoureux lui avait-il bien mentionné la dernière fois que leurs chemins s’étaient rencontrés et s’il n’était pas amoureux, pourquoi se donner tant de mal? Ça ne répond pas à ma question. Précisa-t-elle, le ton de voix un peu plus sec, sans se montrer impolie. Elle était directive, elle sentait qu’elle avait raison de demander des explications. Que je tourne en rond en attendant la clôture des travaux, ça ne regarde que moi. Alors, pourquoi t’être donné tout ce mal?
Terrence désigna du menton l’instrument qui reposait contre l’un des murs fraîchement peints de la boutique lui demandant si l’envie de changer de carrière lui était passée par l’esprit. Violet sourit tendrement, imitant la réaction de l’homme. Sans s’en rencontre compte, une douceur complice s’était introduite entre eux, une douceur qu’ils connaissaient bien rappelant l’intimité dans laquelle ils avaient tant baignée. Son poulx s’était accéléré, ses joues s’empourpraient alors qu’ils semblaient reprendre une aisance caractérielle de leur relation. L’endroit dans lequel ils se tenaient, fièrement l’un devant l’autre, était aussi un facteur du sentiment qui grandissait dans son ventre rappelant à la belle les débuts de cette aventure tumultueuse. Elle les revoyait se disputer sur des points absurdes cet après-midi de tempête jusqu’à tomber l’un pour l’autre, elle les revoyait s’embrasser violemment, remplit de désirs charnels, mais aussi de demande d’amour. Elle les revoyait s’arracher leurs vêtements, se déshabiller du regard mais aussi physiquement et se découvrir d’une façon nouvelle. Elle les revoyait prendre d’assaut le comptoir-caisse, faire l’amour pour la première fois et déjà s’attacher à la chaleur de l’autre. Maintenant qu’ils étaient près, se connaissant, mais à la fois se redécouvrant sous une autre facette, son manque se faisait trop intense. Elle était comme une toxicomane en manque physique de son addiction, en manque physique de ce qui la faisait vivre. Vraisemblablement, il y a encore bien des choses que tu ignores sur moi. Elle reprenait l’une des premières phrases qu’elle lui avait dites, dénotant qu’il ne la connaissait pas autant qu’il pouvait le prétendre, lui aussi. Je jouais au bar de la plage ce soir, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je passais par ici.. Je rentrais à la maison. Elle lui sourit bêtement. Je ne pensais pas tomber sur mon ex en train de faire des travaux dans ma boutique, si tu veux tout savoir. C’est toute une surprise. Pour être une surprise, ce l’était. Et plus elle regardait l’homme, plus elle trouvait le geste adorable. Terrence était beau, le visage rempli de poussière et de brins de bois. Lentement, elle tombait encore plus amoureuse qu’elle ne l’était déjà de cet homme qui ne cessait de la surprendre. Il lui montrait des facettes totalement différentes, contradictoires. Il lui montrait qu’il était tendre, qu’il était facile de tomber pour lui par ses gestes qui faisaient du bien, tout en la repoussant, tout en étant ignoble avec elle lorsqu’il était question de stabilité et d’engagement. Ça te va plutôt bien une perceuse dans les mains et un peu de poussière dans les cheveux. Violet ne s’en rendait pas compte, mais elle était en train de fondre pour lui, encore une fois et par ses gestes, par ses paroles, elle tentait de le séduire totalement sans le vouloir. Ils étaient maintenant tout près, attirés comme des aimants, la perceuse comme seul obstacle qu’il s’était lui-même infligé. Il ne fallait pas craquer, il ne fallait pas montrer qu’il serait possible de flancher, il lui avait dit qu’il ne l’aimait pas et qu’elle ne représentait pas son avenir. La brune tendit une main vers l’homme, repoussant une mèche de ses cheveux qui tombait dans son front sali de poussière. Au toucher de sa peau, ses doigts brulèrent comme si elle avait touché à l’interdit, comme s’il ne lui était pas permis de frôler sa peau. Violet recula d’un pas, voulant créer une barrière entre eux, ses pieds heurtèrent le coffre à outils du militaire, un bruit résonnant dans la pièce silencieuse. Elle ne le lâchait pas des yeux, tentant de comprendre ce qui pouvait bien se cacher dans son esprit, pourquoi était-il réellement ici, à l’instant, au beau milieu de sa boutique.[/color]

Terrence ravala un sourire, en effet, Violet ignorait encore tellement de lui. Pour la raison très simple qu’il ne lui avait dit que ce qu’il avait bien voulu qu’elle sache sur lui. Kelly était un homme assez secret, qui n’aimait pas tellement parler de lui. Alors évidemment, dans une relation naissante il fallait être capable de se dévoiler un peu, pour donner envie à l’autre de vous connaître davantage, pour construire quelque chose de sincère et de vrai. Et c’était ce qu’il voulait, pour Violet et lui, il voulait qu’elle le connaisse, qu’elle l’aime pour celui qu’il était et il voulait la connaître également. Mais il n’avait pas tout dit, loin de là, il avait volontairement gardé quelques zones d’ombres, des vérités inavouables, trop difficiles à expliquer. Et certaines choses plus légères, qu’il  n’avait tout bonnement pas eu le temps de lui révéler. Finalement, même après quelques mois d’amour, il restait encore bien mystérieux aux yeux de l’américaine. Ce soir elle découvrait le Terrence qui savait se servir de ses dix doigts, se salir les cheveux dans la poussière, le bricoleur, dans sa plus pure définition. Cela ne changeait pourtant rien à leur différents et à leur séparation et il était bien évident que la jeune femme n’allait pas laisser ses questions sans réponses, même des réponses évasives ne lui suffiraient pas. Parce que je sais que tu n’a pas dû te servir de l’argent que je t’ai fait parvenir. Parce que je te connais, je le répète. Sûrement aussi parce que ce n’est pas aussi simple que ça, de tirer un trait sur toi. Il ne souhaitait pas continuer, au risque de trop en dire et de révéler son ultime secret ainsi que la vraie raison qui avait fait que cette boutique avait été mise à sac. Encore une fois, il préférait mille fois qu’elle le déteste, qu’elle pense qu’il ne l’avait jamais aimé, pas assez pour continuer quoi que ce soit, plutôt que de risquer qu’elle sache pour son trafic d’armes, qu’elle comprenne que son  magasin avait été détruit par sa faute à lui et qu’elle risque quoi que ce soit de plus à cause des mauvaises fréquentations de son amant. Alors il espérait que ça lui suffirait et pour grappiller encore un peu de terrain, il changea de sujet en désignant cette guitare qu’elle avait posé sur le sol. Il sourit, en effet, la réciproque était vraie, si Violet ignorait encore beaucoup de choses sur lui, Terrence ne pouvait pas affirmer la connaître si bien que ça non plus. Il savait comment elle fonctionnait, il avait appris beaucoup sur elle, mais l’américaine était encore capable de le surprendre, pire que tout, de le séduire davantage par sa personnalité pétillante. Ainsi donc elle jouait au bar de la plage, devant un public, il ne doutait pas qu’elle avait conquis le parterre, il l’avait entendu une fois pousser quelques notes douces, elle l’avait fait au creu de son oreille, rien que pour lui et il en était tombé d’autant plus amoureux. C’est une surprise pour moi aussi, j’avais réussi à tenir jusque là sans que tu ne me démasques. Osant un petit sourire coupable, il gardait son outil dans ses mains, sa perceuse comme barrière entre eux, alors que Violet se rapprochait de lui. Ses mèches de cheveux pleines de poussières et trop longues tombaient dans ses yeux, barrant son visage, mais il n’y faisait pas attention. Elle avait accaparé son regard et il n’arrivait pas à s’y dérober. Était-ce elle qui avait fait tout ce chemin vers lui, ou un peu des deux peut-être, difficile de le dire, pourtant ils se retrouvaient à présent tout près et Violet n’eut qu’à tendre la main pour dégager son visage par un geste tendre. Il avait envie de l’embrasser, évidemment, de l’attirer contre lui malgré qu’il ne soit pas présentable dans sa tenue de travailleur. Ce seul contact lui fit du bien et mal en même temps, parce qu’il savait qu’il devait encore s’interdire de répondre à son geste. Violet, quant à elle, sembla se réveiller d’un mauvais rêve, titubante, elle recula de quelques pas comme si elle avait frôlé le danger. Kelly se ressaisit. J’ai presque terminé pour ce soir, laisse moi passer un coup de balai et je rentre me coucher, j’ai une grosse livraison demain matin. Tu ne me reverras plus ici, promis, j’ai fait ma part de travail. Il voyait bien qu’elle ne savait pas quoi faire, qu’elle hésitait, à parler, à poser des questions, à le chasser d’ici, peut-être. Ne restes pas dans le passage et attention aux outils partout. Je vais ranger. Il se penchait déjà pour ramasser son matériel. Tu veux… tu me joues un peu de guitare ? Je ne t’ai jamais entendu. Il lui réclamait une session privée, juste pour lui, il mourrait d’envie de l’entendre jouer et pour tout dire, même si c’était mal, il n’avait aucune envie qu’elle parte trop vite.

Si elle avait prétendu avoir bien des choses à découvrir encore sur Terrence, bien des choses qui lui manquaient pour en dépeindre un portrait juste, elle avait tout de même compris qu’il s’était engagé dans la démarche de réparation de sa perte. Il était dévoué, même s’il n’était pas adroit pour l’admettre. Son aveu toucha Violet, mais la suite de son dialogue eu l’effet d’un coup de couteau dans son cœur. Il était incapable de tirer un trait définitif sur elle, sous-entendu qu’il ne parvenait à l’oublier. Le cœur de la brune s’emballa. Elle aurait pu répondre, elle aurait pu répliquer, mais elle en était incapable, trop prise dans sa tête, les souvenirs de leurs derniers échanges qui se bousculaient dans sa tête. Les je t’aime jetés à la dérobé, mais aussi toutes les disputes issues de leur rupture, les mots crus qui avaient été crachés et les gestes qui avaient fait mal : le baiser forcé, sans preuve d’amour, sans émotion, sans passion, mais aussi la gifle, froide et pleine de frustration. Elle était pleine de confusion, Violet, à l’instant où il lui avait avoué être incapable de la supprimer de son esprit. Ses gestes, ses actions, qui ne concordaient plus à présent avec ses paroles passées. Terrence arrêta sa phrase, sec, sans vouloir trop en dire, réalisant qu’il s’était peut-être déjà trop ouvert à son ex. Et même si rien n’était clair dans la tête de Violet, elle hocha docilement la tête en acceptant les réponses qu’il lui avait apportées, bien trop abasourdie pour répliquer quoi que ce soit. Elle y reviendrait, elle en aurait sans doute l’occasion, la ville était petite, ils finiraient par être appelé à se revoir, mais il y avait trop d’émotions, trop d’implication sentimentale pour toucher à ce sujet explosif. Et il y avait, surtout, un blocage, quelque chose qui était impossible d’adresser, pas maintenant, pas tout de suite, peut-être jamais. De toute façon, il ne lui en laissa pas l’occasion. Terrence avait déjà changé de sujet, pointant la guitare de la belle, pointant son apparition ici, à la boutique, à cette heure si tardive, lui qui ne l’avait jamais vraiment entendu jouer. Pourtant, Violet était débarquée à Bowen, six ans plus tôt, guitare dans une main, planche de surf dans l’autre. Et depuis son arrivée, elle se promenait avec sa guitare entre sa boutique et le bar de la plage, dans les soirées où on ouvrait le micro aux amateurs. Elle chante sur le sable, le soir, devant sa boutique, quand il n’y avait plus beaucoup de passants sur la plage, que des couples qui profitaient des étoiles. Mais Terrence, lui n’appartenait pas vraiment à ce monde. Il ne restait pas tard, le soir, pour regarder la mer et les étoiles sur le sable. Il était plutôt matinal, il préférait nettement être spectateur du lever du soleil, Stan comme allié, qu’un observateur de la noirceur de la nuit. Il profita de cette nouvelle information sur la commerçante pour tisser la conversation autour de cela, évitant de repenser aux aveux qu’il avait faits, sans y revenir. Violet mordit à l’hameçon, expliquant ce qu’elle faisait armée de sa guitare qui avait de l’âge, nourrissant son explication de la raison qui l’avait menée à la boutique : son retour à la maison perturbée par la lueur qui se dégageait de sa boutique. En même temps, je ne flâne plus vraiment sur la plage depuis que la boutique est fermée. Avoua-t-elle, un rire accompagnant sa confession. C’était doux, c’était léger entre eux. Ils n’étaient plus tendus comme ils l’avaient été quelques semaines avant. Comme si la noyade avait eu raison d’eux, comme si son message était réellement passé dans leur esprit. Terrence souriait, coupable, alors que Violet, elle l’encourageait de son regard, tentant de lui expliquer avec ses yeux qu’elle ne lui en voulait pas. Et ils s’étaient attirés, l’un à l’autre, avare de cette douceur, avare de cette légèreté qu’ils leur manquait, même s’ils ne voulaient pas réellement l’avouer. Peut-être qu’ils étaient tous les deux coupables de cette proximité, peut-être que Violet était la seule fautive, elle ne pouvait vraiment le dire, tout ce qu’elle pouvait avoué était cette attirance qui ne cessait de se faire ressentir dans son corps, dans son cœur et même jusqu’à son bas ventre qui explosait du manque physique que Terrence avait créé en elle. Il y avait un creux, il y avait un vide et son attirance vers lui était plus que nécessaire. Mais il avait mis une barrière entre eux, il avait mis une barrière entre le danger que ces rapprochements amenaient, la perceuse comme bouclier. Et c’est à cet instant que Violet réalisait la position risquée dans laquelle elle s’était posée. Terrence aussi, avouant avoir terminé pour la soirée. Elle aurait aimé lui demander de rester, elle aurait aimé poursuivre leur discussion qui lui faisait du bien et sentir encore le feu naitre dans son corps alors qu’elle renouait avec la paix qu’ils avaient eue. Elle aurait aimé crier haut et fort, le supplier de continuer ce qu’il avait entrepris, qu’il était beau dans le rôle du sauveur, qu’elle en tombait beaucoup trop amoureuse. Violet a eu une moue de déception, leur bulle de simplicité prenait fin avec le retour à la réalité. Elle ne pouvait pas le forcer, elle ne pouvait pas lui imposer sa présence, il avait besoin de dormir, il avait besoin de faire sa vie, sans elle, sa boutique à lui était toujours en service. Oui… Pardon, je vais te faire de la place… Terrence s’activait déjà, ramassant ses outils et les déposant tous au même endroit, très près de la sortie, à disposition pour son départ. Elle le regardait faire, impuissante, une fois de plus. Et comme s’il avait lu dans ses pensées, comme s’il avait deviné qu’elle voulait repousser la fin de leur soirée, il lui demanda de jouer pour lui. Euh… Oui. Oui, si tu veux. Violet attrapa sa guitare et prit place sur l’escabeau, s’assoyant pour être plus à l’aise. Tout à coup, une timidité s’installa en elle comme si elle se mettait à nue devant l’homme qu’elle aimait pour la toute première fois. C’était de la découvrir d’une façon nouvelle, c’était d’en apprendre plus sur la personne qu’elle était en dehors de l’amante.Sans oser le regarder, sans oser lever des yeux sur lui de peur de croiser son regard, de peur de devenir faible devant le bleu de ses yeux et la douceur qu'il pouvait en dégager, Violet se mit à jouer. Les cordes de sa guitare vibraient doucement sous un air acoustique. Elle n'osait pas chanter. Elle ferma les yeux pour profiter de l'instant, de laisser la musique guider son esprit et apprécier ce qu'elle lui offrait. Seulement une fois sa mélodie terminée, seulement quand elle eu joué la dernière note, quand la dernière harmonie se fit entendre, la brune releva timidement la tête pour découvrir un Terrence, outil dans les mains, immobiles, l'observant. C'est si mauvais que ça ? C'était par malaise que la dernière phrase était sortie, parce que l'Américaine lutait contre l'envie de balancer sa guitare sur le parquet neuf et de se ruer sur le militaire dans cet endroit qui était à l'origine de leur relation. C'était le jour de la marmotte, version améliorée, proposant aux deux amants la possibilité de revivre d'un autre œil leur attraction première, de recoller leurs deux cœurs brisés.

Il était évident que ce genre de déclaration appelait à plus et ne laissait pas indifférent. Surtout une femme amoureuse comme Violet pouvait l’être de Terrence. Mais elle respecta son silence et il n’eut pas à aller plus loin. C’était très bien, il était déjà assez mal à l’aise avec le fait de s’être laissé avoir par ce sentiment qu’était l’amour alors qu’il ne pouvait pas l’assumer totalement. Il doutait qu’il soit un jour capable de lui faire part de tous ses secrets, il se sentait trop mal à l’aise avec ça, il n’avait pas bonne conscience, surtout face à quelqu’un comme l’américaine qui était à cheval sur la droiture. Jamais elle ne pourrait être en accord avec un homme qui vendait des armes, illégalement de surcroît, un homme qui lui avait menti durant des mois pour protéger son secret. C’était ce que Terrence pensait et il ne lassait pas à Cox le loisir de se faire son propre jugement. La discussion était donc close sur ce sujet là. Il avait aidé aux travaux, il ne demandait rien en échange, surtout pas d’argent, même pas de reconnaissance de sa part, simplement qu’elle ne dise rien, qu’elle accepte cette main tendue pour qu’elle puisse à nouveau ouvrir sa boutique le plus rapidement possible.
Les deux ex qui, quelques semaines plus tôt étaient incapable de se trouver ensemble dans la même pièce, avaient fait du chemin l’un vers l’autre. L’incident sur la plage avait eu raison de leur brouille et la courte conversation sur les escaliers de la boutique de Grays Bay avaient laissé entrevoir que la complicité n’était jamais très loin. Ils étaient simplement incapables de se détester à présent, de redevenir ces deux étrangers qui se déchiraient par le passé. Pour autant il ne fallait pas croire à une réconciliation totale, s’ils pouvaient aller vers la voie du respect, voir de l’amitié, Kelly comptait bien s’opposer à ce que les choses aillent trop loin. Oui, on te voit moins sur le sable. J’ai même entendu dire que tu n’affrontais plus les vagues. C’est un tort, ne te laisses pas dépasser par tes peurs Violet. Sinon tu finiras comme moi… Et il ne lui souhaitait pas parce qu'il était un homme aigri et malheureux, le manque de son élément favori jouait pour beaucoup. Elle ne pouvait pas se permettre de craindre l’eau comme lui, elle aimait beaucoup trop le surf. Il se justifia à son tour et imperceptiblement ils finirent par se rapprocher pour finir tout près l’un de l’autre Violet osa un geste tendre vers le militaire qui les fit réagir tous les deux et ensemble ils se reculèrent, s’éloignant l’un de l’autre à regrets. Terrence entreprit de remettre de l’ordre dans la boutique, de ramasser son bazard pour pouvoir déguerpir le plus rapidement possible.
Violet était donc une artiste complète, Kelly n’en doutait pas, elle lui avait déjà parlé de sa passion pour la musique et chez elle il avait aperçu sa guitare qui trônait dans le salon. Mais le seul soir où il avait pénétré chez elle, il n’était pas en état de parler musique, ni de parler de quoi que ce soit en fait. Il osa lui demander de jouer pour lui alors qu’il continuait son ménage. Pourtant dès qu’elle fit résonner les premiers accords il resta planté à la fixer, incapable de bouger comme cloué sur place. La vision qu’il avait été belle, Viole assise en équilibre instable, jouant comme si elle était seule mais lui donnant l’impression de s’ouvrir totalement à lui, de se mettre à nue en lui offrant un spectacle d’une beauté à couper le souffle. Il l’admirait avec une tendresse folle dans les yeux et heureusement que les siens à elle étaient fermés sinon il se serait trahi tout seul, montrant ouvertement tout l’amour qu’il lui portait. Elle termina sa démonstration, rouvrit les yeux et les posa sur un Terrence tout retourné. Non ! Tout en retenue il fit quelques pas vers elle. Non pas du tout, c’était beau. Beau, tout simplement, il n’avait rien d’autre à dire de plus, de toute façon il avait le souffle bien trop coupé pour en dire plus. Il lui offrit un sourire plein de douceur. Terrence eut la vision de leur première nuit dans cette même boutique, de leur premiers émois,surprenants mais loin d’être timides, de cette passion qui les avait emporté jusqu’au petit matin. Il fut alors pris d’un frisson, d’envie et de peur mêlés, s’il s’avançait davantage, ou s’il laissait Violet faire quelques pas de plus, ils allaient rejouer la même partition. Faut qu’je parte, il est tard. Face à la brune il se sentait totalement vulnérable et il préférait couper court à cette torture de devoir lui résister alors qu’elle était là, juste face à lui. Si Violet s’approchait, il ne répondait pas de ses gestes.

Lorsqu'il évoqua le surf, tout son corps se figea. Jamais Violet n’aurait cru se retrouver dans cette position, totalement apeurée de reprendre les vagues. C'était bien plus fort qu'elle : ce matin-là, elle crut voir sa vie se défiler devant ses yeux. Elle aurait pu y rester. Peut-être que sa réaction était démesurée, peut-être qu'une fois de plus la brune devrait se montrer résiliente, mais après toutes les épreuves qu'elle avait dû surmonter dans les dernières semaines elle n'en avait plus vraiment la force. Elle ne l'avouerait jamais, mais derrière cette carapace qu'elle s'était créée la trentenaire souffrait bien plus qu'elle pouvait le laisser paraître. Sa boutique était toute sa vie, on l'a lui avait arraché égoïstement. On avait choisi son commerce, alors qu'ils étaient plusieurs sur la plage. Des restos, des vendeurs de sandales et de maillots de bain, des boutiques souvenirs, il y avait l'embarras du choix. Mais c'était sa boutique qu'on avait choisie, sans aucune raison précise. Les travaux n'avaient pas avancé depuis la mise à pied, les travailleurs traînaient, la brune avait contenu son irritation, le désir ardent de retrouver sa boutique comme seule motivation. Les nuages gris se poussaient doucement avec le vent, les mauvaises nouvelles étaient maintenant loin, Violet crut qu'elle était bien à l'abri des sombres surprises et elle fut emportée par cette vague qui n'avait fait de son corps qu'une seule bouchée. Elle l'avait traîné comme une poupée de chiffon, au moment où elle avait baissé sa garde et qu'elle avait décidé de parler avec son coeur. Depuis ce matin là, depuis qu'on lui ait presque qu'arraché la vie, Violet avait peur en silence. Peur du son des vagues qui habituellement l'apaisait, peur du bleu qui s'y cachait, peur de reprendre la boutique et d'échouer à nouveau. Elle tremblait à l'intérieur, même si son corps était planté sur le parquet neuf, l'air solide, l'air robuste, l'air sur de lui. Mais la vérité qui se cachait dans ses yeux alors qu'il prononçait ses mots, alors qu'il lui demandait de ne pas laisser l'accident la transformer était bien différent de ce que la brune voulait laisser paraître. Sans Terrence, elle n'y serait pas arrivée. Elle n'aurait pas survécu à cette noyade, certes, mais c'était un détail considérant ce qu'il avait fait à sa boutique. Il avait pris soin d'elle, une fois de plus, il s'était assuré qu'elle obtienne ce qu'elle mérite. Il lui donnait envie de retrouver la passion qui lui manquait. Peut-être que, qu'on pourrait essayer ensemble ? Proposa-t-elle en haussant les épaules. Elle savait que c'était fou et que le combat n'était pas gagné d'avance, Terrence maudissait lui aussi la mer pour des raisons bien différentes, mais la bataille valait la peine d'être lancée. Violet afficha un mince sourire sur son visage. Son ex allait probablement refuser l'idée, mais elle n'en ferait pas de même. Seule, elle n'y retournerait pas aussi rapidement qu'il l'espérait, peut-être que son retour serait long, il fallait se montrer patient. Elle ne pouvait promettre de reprendre demain, mais elle pouvait promettre d'essayer. Pour ça, elle était douée. Et quand on lui mettait une idée dans la tête, impossible de la lui enlever.
L'ambiance s'était transformée dans la boutique alors que le militaire quémanda un concert privé pour lui donner la force de rapatrier ses outils. Il y avait cette palpable tension qui flânait autour d'eux chaque fois que la belle grattait de nouveaux accords. Il y avait les souvenirs anciens et ceux nouveaux qu'elle ne demandait qu'à connaître, ceux qu'on lui avait privés. Incapable d'ouvrir les yeux, Violet profita de ces quelques minutes de mélodie pour faire le point sur son esprit qui s'agitait. Jamais elle ne serait en mesure d'oublier cet homme, jamais elle ne serait en mesure d'arrêter de l'aimer. Même lorsqu'elle se promettait de lui rendre sa liberté, d'arrêter de tenter l'impossible, même les yeux fermés elle le voyait, elle le sentait. Elle avait besoin de le retrouver. Une fois la balade terminée, ses yeux ouvrirent. Violet posa son doux regard sur Terrence alors qu'il disait apprécié ce qu'elle venait de lui offrir, s'approchant quelque peu d'elle. Comme un fruit défendu, il n'osait la toucher ou la regarder trop longtemps. Ils luttaient contre l'attraction qui régnait. Merci... Le souffle court, elle avait peine à parler. Elle aurait pu l'embrasser, ils étaient si près, mais le geste aurait sans aucun doute froissé Kelly. Au contraire, elle se contenta de plonger le vert de ses yeux dans le regard qui lui avait manqué, tentant d'hypnotiser celui qu'elle aimait, de lui faire comprendre par un simple coup d'œil qu'il manquait à sa vie pour que son coeur puisse reprendre un rythme apaisé. Elle aurait pu l'embrasser, mais au lieu de tout ça elle ne fit que le regarder et le laisser se rendre compte du danger que représentait cette proximité. Terrence avisa son départ, fuyant les actions qui pouvaient être regrettées, le coeur de Violet s'arrêta. Paniquée, elle se leva d'un bon de son assise, déposant avec rapidité l'instrument sur le sol. Elle ne manquait pas sa chance, cette fois elle criait non. La belle, les yeux ronds comme des billes, rougis par l'émotion qu'ils venaient de vivre, se rua vers Terrence. Elle agrippa ses mains, le forçant à la regarder dans la prunelle de ses yeux. Non... s'il te plait, reste. Ils étaient près, trop près, le contact de la peau rude et sèche de l'homme, pour cause des travaux qu'il avait faits, était brûlant. Il embrasait son corps tout entier de ses mains, à son bras, à sa poitrine, à ses joues, à son bas ventre. Reste avec moi... Lui demanda-t-elle en resserrant la pression qu'elle effectuait contre la paume de son concurrent. Je sais que tu dois rentrer, t'occuper de Stan et prendre du repos... je sais qu'il est tard, mais je n'ai aucune envie que tu me quittes. Elle allait trop loin, elle s'enfonçait dans ses paroles, elle allait lui faire peur, le faire fuir, le perdre à tout jamais. Je n'ai même pas pu te remercier pour les travaux... C'était une excuse, elle pouvait se rattraper, le visiter à la boutique pour le remercier, lui offrir une bouteille de whisky et un peu d'argent, ce n'était pas un problème, mais il fallait trouver une façon de le faire rester, une façon autre que lui dire qu'elle avait besoin de lui. Autrement que de lui avouer qu'elle avait mortellement envie de lui, là, maintenant, tout de suite, pour renouer avec le passé, pour consommer ce qui manquait à sa peau. Violet baissa les bras, laissant les mains de l'homme retombées contre son corps. Elle avait perdu. Il allait partir, emportant avec lui la douceur de leur rapide échange.

Avant la noyade de Violet, jamais Terrence n’aurait pensé retourner un jour là l’eau. Il se martelait que ce n’était plus pour lui, qu’il en était incapable, à cause de son infirmité, à cause de la peur qui le paralysait, celle de ne pas être capable de se débattre contre cet élément si puissant qu’était l’eau. Les vagues, il les admirait autant qu’il les craignait à présent. Il respectait l’eau, pour sa force, pour sa beauté autant que pour le danger qu’elle représentait. Face à elle on était bien peu de choses et toutes les personnes qui s’y baignaient tous les jours n’y pensaient pas assez, ils la pensaient inoffensive, l’eau, on y emmenait les enfants, on y jouait innocemment. Mais si elle décidait de vous avaler, de vous engloutir en vous coulant par le fond, c’est là et seulement là qu’on comprenait qu’elle pouvait être cruelle, cette si belle bleue. Terrence l’avait bien compris, depuis longtemps et l’épisode de l’autre jour lui avait prouvé qu’il fallait toujours se méfier. Ce matin là il s’était battu et il avait vaincu, il avait eu de la chance, mais ce n’était pas toujours aussi simple. Pourtant depuis il s’était rendu compte qu’il était capable d’affronter cet élément qu’il redoutait tant, malgré sa jambe malade, il s’était jeté à l’eau sans réfléchir et peut-être que quelque chose avait changé, peut-être qu’à présent il allait pouvoir retrouver sa meilleure amie, petit à petit. Je t’ai déjà dit… Il allait tempêter, de sa grosse voix que Violet connaissait bien mais s’arrêta et baissa les yeux, elle connaissait sa réticence à se mettre à l’eau. Peut-être, un jour, on verra. Il savait que si elle le lui demandait vraiment, il ne pourrait pas lui refuser cette faveur là, surtout maintenant qu’il savait qu’elle était tout aussi vulnérable que lui.
Ce petit intermède musical qui avait au départ vocation à apaiser les deux amants, à calmer leurs cœurs qui s’emballaient un peu trop tout en donnant à Violet une raison de rester, fut un véritable fiasco sentimental. Un mélange d’émotions bien trop intenses auxquelles Terrence ne s’attendait pas. Lui qui comptait mettre de la distance entre eux tout en se prouvant qu’il était possible, d’une certaine façon, de rester proche d’elle, peut-être comme un ami, il se plantait totalement. Il était incapable de la considérer comme une amie, parce qu’il aimait cette fille de tout son être, de toute son âme. Elle lui manquait tous les jours et la revoir ici, être si près d’elle était une torture. Elle aurait pu le haïr, elle aurait dû, après tout ce qu’il lui avait fait de mal, après qu’il ait piétiné son cœur et sa fierté sans baisser les yeux, avec ce flegme qui le caractérisait tellement lorsqu’il voulait se montrer fier. Il avait tout fait pour qu’elle s’éloigne de lui mais visiblement ce n’était pas suffisant. Et il était épuisé, à bout de souffle, il n’en pouvait plus de jouer l’homme indifférent, le méchant. Il n’avait rien de nuisible en lui, Kelly, ce n’était pas un homme mauvais, certes parfois il faisait les mauvais choix, parfois il s’égarait, mais il n’aimait pas blesser les autres, surtout ceux qu’il aimait. Ce rôle ne lui allait pas et il le rendait misérablement triste. Alors il baissa sa garde, face à cette fille qui faisait de lui un homme faible, face à sa façon de se dévoiler totalement à lui, avec toute l'honnêteté dont elle était pourvue, parce que Violet était honnête, elle, elle ne cachait pas, elle ne mentait pas, c’était là sa plus grande richesse. Il baissa sa garde le temps de l’admirer et de presque se rapprocher d’elle instinctivement. Ils auraient pu se toucher, il aurait pu combler la distance, il aurait pu… faire tellement de choses. Mais dans tout ça il choisit la fuite et préféra sonner la fin de leurs retrouvailles pour ce soir. Il partait, il rentrait chez lui retrouver Stan et cette solitude qui lui collait à la peau. Seulement cette fois Violet ne se laissa pas planter si facilement. Elle avait probablement remarqué qu’il avait changé, qu’il se montrait moins dur envers eux et elle s'immisçait dans la faille. Trop rapidement pour que Terrence n’ait le temps de réagir elle attrapa sa main pour le retenir. Elle le suppliait de rester et ce n’était pas que ses mots, c’était tout son corps qui se tendait vers lui, ses yeux qui criaient qu’il la regarde, qu’il l’aime. J’peux pas. Il ne voulait que ça, l’aimer, il se l’interdisait juste. Ses disaient pourtant tout le contraire de sa bouche, puisque ses doigts s’entremêlaient à ceux de la brune et dans son regard dansait une flamme bien trop vive. Tu n’as pas à me remercier, je ne demande rien, vraiment. Le meilleur des remerciements c’est que tu ne m’ais pas chassé d’ici ce soir. J’ai terminé mon travail, tu n’as plus besoin de moi. Tu vas pouvoir envoyer promener tous tes artisans feignants et rouvrir d’ici peu et c’est tout ce qui compte. Violet comprit alors que Terrence n’allait pas se laisser amadouer si facilement et elle le libéra alors. Il resta là, tout près d’elle, ravala un soupire et encadra le visage de la jeune femme de ses deux grandes mains poussiéreuses. Je t’aime Violet, tu le sais, au fond de toi tu le sais et je suis un trop mauvais menteur pour réussir à jouer la comédie plus longtemps. Je m’en veux de t’avoir fait du mal l’autre soir pour avoir l’air plus convainquant. J’aurais aimé que ça ait au moins le mérite de t’éloigner définitivement de moi, mais il faut croire que ce n’était pas assez et je n’en peux plus de jouer l’affreux pour te dégoûter. Ses grands yeux bleus la fixaient avec douceur et une infinie tristesse. Tu es sûrement ce qu’il m’est arrivé de mieux depuis longtemps. Et de pire aussi, parce que je ne peux pas me permettre ce genre de bonheur. Alors laisse-moi veiller sur toi, je ne peux plus rien te promettre de plus. Et surtout ne pose pas de questions parce que tu n’auras pas de réponses. Il y a encore tant de choses que tu ignores de moi et que je ne veux pas te dire. Ma solitude me va bien, je sais m’en accommoder. Quant à toi, je ne veux pas te retenir égoïstement. On se reverra à l’ouverture du magasin. Vas te coucher, tu es épuisée. Il déposa un baiser sur ses lèvres puis s’éloigna, laissant ses outils en plan, il avait promis de revenir de toute façon. Bonne nuit mon amour. Et il quitta la boutique pour s’enfoncer dans la nuit de cette démarche qui n’appartenait qu’à lui avec sur ses épaules affaissées tout le poids de ce qu’il venait de dire et tout ce qu’il avait gardé pour lui, il avait le cœur gros et l’envie de rebrousser chemin. Mais il ne le fit pas.

Violet savait que ce qu'elle demandait au militaire pouvait lui paraitre aussi gros que de lui décrocher la lune, mais elle ne demandait jamais d'aide. Elle se débrouillait, solitaire, elle n'avait besoin de personne pour arriver à ses fins. Seulement, cette fois, elle osait montrer sa vulnérabilité la plus profonde, elle osait avouer qu'elle avait bien plus peur qu'elle ne le laissait paraitre et que, seule, il lui faudrait beaucoup de courage et de temps pour oser prendre à nouveau d'assaut les vagues qu'elle aimait tant. Peut-être, un jour, on verra, c'était ce qu'il s'était contenté de lui dire, simplement, alors qu'elle savait très bien que retourner à l'eau était un obstacle aussi grand pour elle que pour lui. Mais Violet acceptait sa réponse, se berçant dans l'espoir qu'un jour ils puissent vaincre leur peur ensemble, affronter leurs démons tout aussi différents que semblables et avancer pour retrouver leur élément favoris, celui qui les unissait à la fin de la journée.
S'il te plait, reste. Son discours avait surgi sans réfléchir, elle s'était affairée dans des mots qui pouvaient aller trop rapidement, trop lourdement, qui pouvaient se fracasser contre la stature du militaire. Elle s'était opposée, obstinée à ce qu'il reste encore un peu, à ce que leur échange devienne une longue discussion, à ce qu'ils profitent encore des instants qui se dressaient devant eux. Violet ne se montrait pas vaincu rapidement, resserrant ses mains contre celles de l'homme, espérant que son simple geste lui déclenche une chaleur à laquelle il serait impossible de résister. Elle l'implorait, silencieusement, de ne regarder qu'elle, ce soit et pour le reste de leur vie, de poser ses yeux sur son doux visage et de laisser l'avenir se dessiner pour eux, sans chercher à compliquer leur destin. Cependant la bataille était perdue d'avance, il était plus fort qu'elle, il était plus solide, fièrement entraîné pour faire la guerre, Terrence savait comment s'y prendre. Violet, elle, était trop près de ses émotions, elle s'emballait trop facilement dans ce genre de situation, laissant son coeur parler pour elle, toujours une vérité en guise de réponse. Elle était transparente, tout son non verbal dessinait sur ses lèvres l'envie qu'elle avait de garder celui qui remplissait bien le rôle d'amant près d'elle pour la nuit, pour la vie. Et pourtant, lui, il ne le voulait pas. Du moins, c'était ce que la tête du brun lui criait alors que de ses lèvres il laissait s'échapper un refus. Sa tête et son coeur étaient en conflit :elle lui disait non, il lui disait oui conduisant ses doigts poussiéreux s'entrelacer entre eux de Violet. Elle l'écouta lui dire qu'il n'avait plus rien à faire ici, que son travail était maintenant terminé. Le reste de sa phrase résonnait en écho dans la tête de la brune qui laissait avec découragement ses mains retombées sur le long de son corps, le regard vide. Elle avait perdu, encore. Il l'abandonnait à nouveau alors qu'elle se sentait si près du but, alors qu'elle aurait cru lire dans ses yeux de l'amour et de l'affection, alors qu'elle avait senti le coeur de l'homme battre aussi fort que dans leurs premiers émois. Peut-être avait-elle tord de croire en ces signes ? Elle l'avait libéré, mais l'homme restait immobile, confortable dans la position qu'il avait adoptée, près d'elle, si près qu'il n'avait eu qu'à tendre les mains pour encadrer le visage de sa douce, le recouvrant par le fait même de poussières. Au contact de sa peau, la commerçante ferma les yeux. Ça lui faisait trop mal de le regarder expliquer les raisons de son départ, ça lui faisait trop mal d'accepter d'avoir perdu son amour véritable. Il ouvrit la bouche, doucement, calmement, il prononça les mots qui réveillèrent en Violet des frissons qu'elle pensait éteints. Je t'aime Violet. La belle ouvrit les yeux, surprise, sous le choc des aveux qu'il venait de lui faire, confirmant que ses impressions étaient bonnes. Ses deux grandes billes étaient posées sur le militaire, silencieuse elle écoutait son discours le coeur battait, la respiration haletante. Elle pouvait lire la tristesse dans le reflet bleu qu'il lui offrait alors qu'il lui expliquait qu'elle était la meilleure chose qui avait pu lui arriver, mais qu'il s'était interdit à ce bonheur et qu'égoïstement il ne pouvait s'approprier son amour, il n'en avait pas le droit. Bien sûr qu'elle ne le détestait pas, bien sûr qu'elle voulait l'aimer, en revanche il lui confirmait être incapable de lui offrir ce qu'elle voulait. Ils n'appartenaient pas au même monde, ils vivaient sur deux galaxies divergentes. Il fallait l'accepter. Silencieuse, Violet hocha la tête. Ses yeux miroitaient sa tristesse, son coeur qui se fendait une fois de plus, une dernière fois. Il ne pouvait plus supporter les cassures, les blessures qui fissuraient les morceaux qu'elle tentait de recoller en vain depuis des mois. Elle faisait son deuil, Violet était prête à le laisser partir, à laisser Terrence vivre sa vie comme il l'entendait, à se ranger au rôle d'amie, de complice et de renoncer à son amour parce qu'il en était incapable. Incapable d'aimer de la façon dont elle le voulait, incapable d'aimer autrement qu'à distance, loin de son coeur pour éviter de le brûler encore plus. Vas te coucher, tu es épuisée. Il avait raison, elle avait besoin de sommeil, mais surtout de se retrouver seule pour digérer les émotions qu'elle avait du mal à avaler. Alors qu'elle pensait que leur échange était terminé, Terrence déposa un baiser tendre, un doux toucher de sa bouche contre les lèvres de la trentenaire. Violet ferma les yeux, des larmes incontrôlées coulèrent sur ses joues alors qu'elle profitait de ce baiser qui pouvait être leur dernier, un baiser qui n'avait rien à voir avec ceux qu'ils avaient jadis échangés. Lorsqu'il eut terminé, lorsqu'il eut jeté un dernier regard sur la belle, comme s'il voulait photographié son visage et le garder dans sa mémoire pour l'éternité, il lui offrit ses au revoir teintés d'un mot doux qu'il lui adressait pour la première fois. Bonne nuit Terrence. Fut les seules paroles qu'elle eut la force de prononcer, les larmes menaçant de s'accaparer de leur séparation. Avant qu'il ne la quitte, elle posa sa main sur celles de l'homme, qui encadraient toujours ses joues, juste une dernière fois pour se rappeler la douceur de sa peau et elle le laissa partir, gardant sa mélancolie pour elle, exclusivement pour elle.
Le lendemain, Violet s'était présentée à la boutique avant que le soleil se lève, avant que l'heure des travaux ne débute. Avec toute la diplomatie qu'elle avait, elle offrit congé aux travailleurs. Terrence s'était occupé de tout, il lui avait offert le plus beaux des cadeaux, ils n'avaient plus rien à faire ici. Elle lui avait envoyé une carte tout en simplicité où on pouvait y lire de sa plus belle calligraphie merci enjolivé d'un grand coeur à l'encre noire. Il ne voulait pas de remerciements, pas d'argent ou de cadeau, mais la belle ne pouvait se résorber à accepter sans rien dire ce qu'il lui avait offert. Elle avait entreposé ses outils dans l'arrière-boutique, bien à l'abri de ces futurs clients. Les jours suivants lui servirent à installer son commerce, s'assurant que toutes choses avaient sa place avant d'annoncer l'ouverture, le samedi suivant. Une fête, tu devrais organiser une fête d'ouverture! Lui avait conseillé sa petite soeur. Violet avait gentiment refusé l'idée. Elle n'avait pas envie de ces extravagances, tout ce qu'elle souhaitait était que sa vie reprenne enfin son cours, qu'elle puisse ouvrir sa boutique tous les jours comme elle l'avait toujours fait depuis qu'elle avait posé ses valises à Bowen. C'est pour ça qu'elle ouvrit les portes de sa boutique fraîchement rénovée, samedi, comme tous les autres matins. Sans ballons, sans fanions, sans grandes banderoles, vêtue tout simplement d'un short en jean troué, bleu pâle, et d'un débardeur blanc. Elle avait mis du mascara et un brillant à lèvres, un peu pour l'occasion, mais surtout pour dissimuler la fatigue qui résultait du manque de sommeil de la nuit dernière, le stress qui avait mangé ses nerfs. Ses clients étaient contents de la retrouvés, impatients de voir ce à quoi ressemblerait la nouvelle cabane sur la plage, mais surtout soulagés de savoir Violet à nouveau sur le marcher. Leur commerçante leur avait manqué. Le travail se fit nombreux, Violet n'arrêta pas une seconde. Jusqu'à la fermeture, elle était en action. Répondant aux questionnements d'un, acceptant les compliments d'un autre, encaissant les achats des passionnés.
Elle était épuisée, le dernier client venait de sortir de la boutique. Violet posa sa tête contre le comptoir-caisse un moment, l'instant de reprendre son souffle alors que la clochette retentie à nouveau. Elle leva la tête, ses yeux démontraient la fatigue qui s'emparait d'elle. J'allais fermer, qu'est-ce que je peux faire pour... Mais sa phrase ne trouva pas de terminaison alors qu'elle reconnaissait le visage de celui qui venait de faire irruption dans la boutique qu'il avait fortement bâtit. Terrence... Murmura-t-elle, un léger sourire esquissé aux coins des lèvres. Elle ne savait pas s'il avait reçu sa carte, mais il lui avait promis de passer le jour de l'ouverture. Même si son visage ne le laissait pas paraître, elle était heureuse de le voir. La commerçante lessivée fit quelques pas vers lui, mais pas trop, histoire de maintenir une distance respectable entre eux. La dernière fois, il lui avait dit l'aimer, mais être incapable de ne former qu'un. La proximité était dangereuse. J'imagine que tu es venu pour tes outils.. Ils sont dans l'arrière boutique.

Jamais au grand jamais Terrence n’aurait pensé avouer autant à Violet. Il avait voulu la laisser croire qu’il la détestait vraiment, qu’il ne l’avait jamais aimé ou même qu’il s’était servi d’elle. Mais elle n’était jamais totalement tombé dans le panneau, peut-être parce qu’il était trop mauvais menteur ou parce qu’il n’y croyait pas assez à son mensonge. Et puis plus le temps passait plus il se sentait mal dans cette peau là. On pouvait dire bien des choses sur lui, il avait bien des défauts, mais faire sciemment du mal à autrui n’en faisait définitivement pas partie. Ce soir il avait donc fait tombé le masque et finit par avouer, sûrement que l’épuisement avait eu raison de lui et s’il se sentait stupide d’avoir tout déballé de la sorte à une Violet autant médusée que buvant ses paroles, il en était aussi soulagé, comme si un poids s’était enfin envolé. A présent elle savait qu’il l’aimait, qu’il n’avait pas menti sur ses sentiments, qu’il n’avait jamais cessé d’en avoir. Mais que cet amour il ne pouvait se permettre de le vivre totalement et de le partager avec elle. Il lui avait demandé de ne pas poser de questions, de respecter son choix et la jeune femme n’avait rien objecté. Il avait vu la larme rouler sur la joue de celle qui comprenait douloureusement qu’il ne leur laissait aucun espoir. Et bien que cette vision l’ait brisé il s’était éloigné d’elle pour rentrer chez lui. Laissant entre eux tellement de vide et de questions laissées en suspens.
Cette nuit là il n’avait pas fermé l’oeil et il s’était montré d’une humeur terrible les jours suivants. Ses clients lui parlaient de la prochaine réouverture du magasin de Violet et lui, même si cette nouvelle le rendait heureux pour elle, n’avait pas envie qu’on lui parle d’elle constamment. Cependant personne ne pouvait savoir qu’il avait besoin de refermer ses blessures et de toute façon ça ne regardait que lui. Kelly avait bien reçu la carte, qu’il avait gardé sur son comptoir de caisse, presque surpris qu’elle n’ait envoyé que ce bout de carton et en même temps soulagé qu’elle respecte sa demande, il allait pouvoir souffler et laisser son cœur se remettre autant que possible. Le jour de l’ouverture, le samedi, Terrence avait été fébrile toute la journée, à présent sa promesse de l’autre soir devant Violet lui semblait impossible, il ne se voyait pas débarquer dans sa boutique, affronter son regard, la voir, elle, si belle dans le rôle de la fille qui lui était inaccessible, sans risquer de flancher à nouveau. Pourtant une parole était une parole et il partait du principe qu’il devait respecter ses engagements. Il avait alors hésité, longtemps, se disant qu’y aller en plein milieu de la journée serait sûrement plus simple, parce qu’il y aurait du monde autour d’eux. Et en même temps il ne voulait pas qu’ils soient la cible de tous les regards et des commentaires de ces autres qui se permettaient tant de donner leur avis sur une histoire qui ne les regardait pas. A force de se poser des questions et d’hésiter, dix-huit heure était arrivé bien trop vite et il ne s’était pas encore décidé. Il avait finit par rentrer chez lui prendre une douche, s’habiller correctement, attraper un petit paquet un une composition de plantes grasses qu’il avait préparé le matin même et laissé sur son plan de travail, avant de filer à la boutique d’Horsehoe bay avant qu’elle ne ferme. Il était quasiment dix-neuf heure et tout le long du chemin qui le séparait d’elle, Terrence n’avait eu de cesse de se dire que c’était une mauvaise idée. La clochette retentit joyeusement, annonçant sa visite sans qu’il ait à le faire et le surfeur vit sortir une petite tête épuisée et surprise de derrière son comptoir. Il s’approcha tout en contemplant la boutique flambant neuve qu’il avait sous les yeux. Si lui avait bâti les fondations solidement, elle avait sublimé le lieux pour le rendre encore plus chaleureux et accueillant qu’avant. En fait je suis venu pour ça. Il désigna le magasin de la pointe de sa barbe. Pour te souhaiter une bonne réouverture. Je voulais venir ce matin avec des cookies mais… en fait je me suis défilé. Alors je viens ce soir, te souhaiter le meilleur pour cette nouvelle boutique. Tu mérites ce nouveau départ et je sais que le succès sera là. Il lui tendit les plante. La fleuriste m’a dit qu’elles n’ont pas besoin de beaucoup d’entretien. Ce sont des plantes typiques d’ici. Et dans la petite boite elle pourrait reconnaître les deux bracelets, ceux qu’elle lui avait lancé au visage le fameux soir devant chez elle avant de claquer la porte. Il les avait ramassé puis les avait oublié dans la poche de son jean. C’est en les retrouvant avant de faire une lessive qu’il avait eu l’idée de les faire réparer, finalement ils lui appartenaient, à Violet et il espérait qu’elle serait heureuse de les retrouver. Une fois que Violet eut récupéré ses présents il fit le tour de la boutique pour admirer le travail, elle était belle, elle ressemblait à sa propriétaire. C’est vraiment beau. Dit-il alors qu’il sentait le regard de Violet dans son dos.

Leur histoire aurait pu se terminer ainsi, de lourds aveux qui ne menaient à rien, deux personnes qui retrouvaient chacun leur chemin. Leur rupture aurait pu être aussi simple, mais elle en était tout le contraire. Seul le temps pourrait réparer leurs cœurs brisés. On lui avait demandé de respecter son silence, d'éviter les questions. On lui avait demandé de ne pas insister. Violet avait respecté les désirs du militaire. Elle s'était montrée discrète, secrète, solitaire tel il le lui avait demandé. Seule une carte de remerciement avait brisé le retrait qu'ils s'étaient imposé, pour lui démontrer la reconnaissance qu'elle éprouvait. Il n'était pas obligé de s'être donné tout ce mal, d'avoir pris de son temps pour rebâtir quelque chose qu'il ne lui appartenait pas et dont il n'était pas le fautif. Mais il l'avait fait. Par amour, parce qu'il voulait la rendre heureuse. Et il l'avait fait. Heureuse, Violet l'était. Elle avait retrouvé une partie d'elle qui s'était perdue dans la foulée des évènements. Mais ce n'était pas suffisant. Bien des choses étaient encore manquantes dans le puzzle que représentait son bonheur. La boutique n'était qu'une seule pièce. Et malheureusement pour la commerçante, certaines de ces pièces avaient été égarées pour de bon, impossibles de les retrouver, impossible de les remplacer. Et l'une d'elles se tenait devant ses yeux, à l'instant présent.
Terrence était apparu sur le fond musical de la clochette de la porte d'entrée alors que Violet était sur le point de fermer boutique. La journée avait été longue, l'air exténué de la brune pouvait en témoigner les évidences, mais elle afficha tout de même un sourire franc sur ses lèvres lorsqu'elle reconnut son amant. Du menton, il désigna la boutique pour expliquer sa présence ici. Violet fut touché. Il l'avait promis, il l'avait annoncé, mais rien ne l'obligeait à tenir parole. Il aurait pu changer d'avis, préférer rester loin de celle qu'il devait aimer en silence. Terrence avait tenu sa parole, lui qui ne brisait jamais les promesses qu'il faisait, celles qu'il ne pouvait tenir ne passaient pas le pas de sa bouche. Le coeur de la commerçante était rempli d'une chaleur qu'elle ne pouvait décrire. Il lui faisait du bien. Tu veux dire que tu as mangé tous les cookies avant de venir ici, n'est-ce pas ? Elle regarda ses mains vides de biscuits et rit alors qu'il se justifiait. Pour remplacer ces douceurs sucrées, il avait apporté des plantes grasses qu'il tendit à la brune. Le souvenir de l'ouverture de la boutique de l'homme revint à son esprit. Violet avait eu la même attention à l'égard de son ancien concurrent, bien avant d'imaginer que leur relation soit si complexe. Et l'homme avait planté son présent devant sa caravane en guise de souvenirs éternels. C'est mieux ainsi, je n'ai pas vraiment le pouce vert si tu veux tout savoir. Mentionna-t-elle en riant, reprenant les conseils d'entretien de ces plantes. Merci. Il lui tendit une petite boîte, une boîte noire toute simple qui n'était pas scellée. Encore un cadeau!? S'exclama-t-elle en prenant possession de la boîte.  Curieuse, elle leva le couvercle pour y apercevoir deux bracelets qu'elle reconnut tout de suite. Deux bracelets qu'elle avait arrachés de son poignet avant de les lui balancer en plein visage avec toute la colère qu'elle avait pu ressentir lorsqu'il avait posé froidement ses lèvres contre les siennes, cette nuit-là. Deux bracelets qu'il lui avait d'abord offerts pour son anniversaire. Violet ferma les yeux alors que Terrence faisait le tour de la boutique qu'il découvrait pour la première fois finalement installée. Les souvenirs de leur relation tumultueuse faisaient surface dans l'esprit de la brune, une larme ruissela sur sa joue alors qu'elle enfila les bijoux à son poignet. Violet chassa les larmes de la paume de sa main avant de se tourner vers le militaire, l'observant silencieusement faire le tour des lieux. Oui.. C’est beau. Merci de t'être chargé du plus gros. Sa voix était rauque, brisée. On sentait la fébrilité qui s'y cachait. L'Américaine racla sa gorge tentant de faire passer sa tristesse plus rapidement. Avant que des curieux soient encore attirés par l'ouverture si tardive de la boutique, la commerçante se dirigea vers la porte avant et y mît le loquet. Terrence, à propos de la dernière fois... Elle faisait référence à leurs derniers échanges, les aveux qu'il avait osés lui livré et toutes les questions qui étaient demeurées en suspend. Terrence se tourna vers elle. Violet secoua la tête. Il ne voulait pas l'entendre le questionner. Il le lui avait demandé. Il avait été clair. Laisse tomber.. Finit- elle par lâcher avant de le contourner. Elle marcha vers le comptoir-caisse, y posa les plantes avant de s'élever de toutes ses forces pour s'y assoir, les pieds dans le vide. Il y a encore deux ou trois trucs que je dois ajuster. Commença-t-elle en forçant la conversation à changer de ton. Ils n'étaient plus amants, il fallait l'accepter. Même si Terrence et elle étaient encore tous les deux amoureux, leur histoire demeurait impossible. Violet se comportait en amie, comme il le lui avait demandé, tachant d'incarner le plus authentiquement possible le rôle qu'elle devait jouer. La brune désigna un mur vide. J'aimerais installer des cadres ce mur. Je pensais demander à mon ami Léo de prendre des photos des surfeurs sur la plage et de les développer pour moi. Il est doué en photos, c'est son métier. Si je les prends moi-même, je risque de couper la tête des sportifs. Elle riait de sa propre affirmation, détachée. Loin de la prolixité qu'ils avaient eue la dernière nuit. Elle respectait les attentes de son ex, mais elle tentait aussi de se protéger. La dernière nuit, elle avait pleuré toutes les larmes de son corps en jouant en boucle dans sa tête les paroles qu'il lui avait dites. L'aimer sans pouvoir l'aimer, c'était d'autant plus blessant que de se faire détester. Violet ne pouvait plus permettre à son coeur de souffrir. Elle l'avait cadenassé, enchainé, interdit vivre une fois de plus ces émotions.

Lui, toujours aussi peu bavard, sauf quand il s’agissait de faire de grandes déclarations. Il économisait ses paroles pour mieux sortir ses bombes qu’il gardait au plus profond de lui, refoulé pour ne pas y penser, pour ne pas avoir à les dire, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, alors il devenait tel une cocotte minute, il explosait. Et puis plus rien, après de tels mots il ne fallait pas trop lui en demander, souvent il s’éclipsait, prenant ses jambes à son cou, pour mieux oublier qu’il venait de flancher. Alors voilà où ils en étaient, avec Violet, il avait fait sa petite sortie et il était parti, en lui demandant d’accepter sans rien dire. Il ne s’attendait donc pas à un accueil des plus chaleureux en débarquant à nouveau dans sa boutique le jour de son inauguration. Mais il avait promis qu’il viendrait alors il se disait qu’il verrait bien. Bien évidemment l’américaine restait elle-même, de son naturel avenant et gentil, elle accueillit Terrence avec un sourire et eut même le bon goût de faire une blague pour détendre celui qui ne cachait pas sa gêne de se retrouver entre ces murs face à elle. Ceux de Jake sont irrésistibles, touché ! Il rit, un peu forcé, il mentait en plus, il n’avait acheté aucune pâtisseries ce matin, qu’il se sentait mal à l’aise tout d’un coup, loin de celui qu’on connaissait, celui qui semblait continuellement sûr de lui. Les plantes c’était une valeur sûre, tout comme celles que Violet avait apporté lors de l’inauguration du magasin de Terrence, quelques années plus tôt, plantes qu’il avait laissé s’épanouir dans son jardin malgré leur soit disant rivalité de l’époque. Tu pourras te permettre de les oublier dans un coin, elles ne t’en voudront pas, elles sont résistantes. Il lui laissa le loisir de découvrir ce que contenait la petite boîte, un cadeau bien plus personnel, bien qu’il le lui ait déjà offert techniquement. Ces petits bracelets signifiaient tellement pour lui, pour eux, peut-être restaient-ils un mauvais souvenir pour Violet, auquel cas elle n’avait pas à les porter, il ne lui en voudrait pas, mais il avait aimé les voir à son bras à l’époque où elle les portait encore, au moins elle aurait le choix. Et c’était une preuve, même mince, que tout n’était pas totalement terminé ni oublié. Il ne vit donc pas l’émotion qui la pris telle une vague ni la larme qui coula sur sa joue, il ne voulait pas en être témoin, ce serait trop pour un seul homme. Terrence était s’était donc occupé à redécouvrir la boutique, belle, neuve, elle sentait encore le bois qu’on avait travaillé et la peinture fraîche, des odeurs réconfortantes pour cet homme qui aimait l’authenticité de ce genre de lieux, loin des grandes enseignes. Il la sentit dans son dos, il entendit sa voix cassée et emplie de tristesse, c’est pourquoi il ne se retourna pas, incapable de lire la peine sur son visage, celle qu’il était le seul à causer. Je n’ai pas fait grand chose, juste un peu de peinture et deux trois étagères, ce n’est rien. Il était modeste, il le savait, il savait qu’elle savait, il ne parlait pas du parquet qu'il avait mis trois nuits entières à remonter latte par latte, ni du reste, mais pour lui ce n’était vraiment rien, face à la culpabilité qu’il ressentait. Il l’entendit fermer la porte à clé, ils ne seraient pas dérangés, en un sens il en était soulagé et en même temps effrayé, de cette façon elle le gardait auprès d’elle, il n’avait aucune échappatoire. Mais en étant raisonnable il savait bien qu’il ne craignait pas grand chose seul avec Violet, seulement de ne pas résister à cette proximité qu’il refusait. Kelly se retourna à sa question pour la regarder, le visage crispé, le regard interrogateur et le front marqué par les rides et la fatigue. Oui ? Mais Cox se ravisait déjà, préférant aller déposer ses cadeau sur son comptoir de caisse. Merci pour la carte. Cette attention l'avait touché, il le reconnaissait. Qu’il était compliqué pour eux de se parler ce soir, la tension était palpable, loin d’être une tension agréable, loin d’un rapprochement physique ou d’une attirance, ils étaient gênés, l’un comme l’autre. Violet aida alors en changeant d’optique, comme si elle choisissait de mettre de la distance, après tout il le lui avait demandé, elle respectait donc son choix, elle lui parlait donc déco et photographie avec un air totalement détaché. Choses qui étaient loin d’être du domaine de l’ancien militaire, tant la photographie que d’arriver à jouer la comédie du bon ami avec elle. Il soupira, las mais hocha tout de même la tête pour acquiescer. C’est une bonne idée. Surtout si tu connais quelqu’un qui peut faire ça sans que les surfeurs soient flous, ou sans tête ! Il se montra enjoué, histoire de ne pas trop plomber l’ambiance, quitte à être venu jusqu’ici, autant que ce soit un moment agréable. Terrence s’approcha de Violet et regarda ce grand mur vide. J’imagine que tes clients étaient contents de te retrouver. Ca te fait quoi de retrouver ton univers ? Un sourire se dessina sur le coin de ses lèvres. Sa boutique à lui avait été assez peu fréquentée aujourd’hui, moins que d’habitude en tout cas, ce qui était logique, la réouverture du magasin de Violet était un événement dans leur petit milieu.

Le rôle d'amie ne lui plaisait pas, il ne lui allait pas du tout même. Il fallait qu'elle se montre conciliante, raisonnable pour accepter le sort que Terrence lui avait imposé. Mais Violet préférait le savoir près d'elle en revêtant le rôle qui ne lui plaisait pas que de devoir renoncer à tout ce qu'il représentait pour elle. Alors elle avait revêtu son plus beau sourire et elle l'avait accueilli comme si rie ne s'était passé entre eux, parce qu'il le lui avait demandé. Elle ne pouvait pas poser de questions, elle ne pouvait pas tenter de le faire revenir sur sa décision. Il avait été assez clair : rien entre eux n’était possible, malgré son amour, il fallait respecter ses désirs. Elle s'était trop longtemps battue contre ce qu'il voulait, contre ce qu'il lui disait. Aujourd'hui, elle acceptait son sort. Malgré les signaux contradictoires qui se cachaient dans les regards et dans la façon dont Terrence lui répondait. Il était incapable de jouer un rôle qui ne lui allait pas. Une gêne qu'il entretenait planait entre eux. Violet comprit alors l'importance de mettre une distance entre eux, sans quoi cette nouvelle façon de vivre leur relation ne pourrait fonctionner. Et il comptait bien trop à ses yeux pour le perdre à tout jamais. Son rire forcé ne fonctionna pas sur la brune qui répliqua sans attendre. Jake! Il me doit encore un cookie, il me l'avait promis aux Bowards. C'est lui qui avait gagné le prix du commerçant de l'année. Violet lui avait remis son Boward, juste avant de quitter les lieux évitant ainsi la honte de se faire présenter, seule, dans les nominés du couple le plus dramatique. Je tâcherai de ne pas les oublier. Promit-elle en désignant les plantes qu'il lui avait offertes. En les regardant, chaque jour, elle penserait un peu à lui. Il sera sa présence constante dans la boutique, les plantes et les travaux qu'il avait faits.
Quand elle aperçût les bracelets dans la petite boite noire qu'il lui avait tendue, Violet sentit l'émotion monter en elle. Elle ne s'y attendait pas. Elle les lui avait balancés au visage, les arrachant de son poignet, sans scrupule, alors qu'ils se déchiraient l'un et l'autre. C'était le cri de son coeur qui n'en pouvait plus de souffrir ainsi, avant même qu'elle ne le désigne avec des mots. Aujourd'hui, après lui avoir fait ses aveux sur ses sentiments, il lui offrait une nouvelle fois les bijoux qui avaient été la promesse du début de leur relation. Elle n'hésita pas à les remettre à son poignet, malgré l'émotion qui ruisselait sur sa joue. Elle n'hésita pas à renouer, elle aussi, avec cette partie de leur relation. Elle l'aimait, c'était tout ce qui comptait. Violet remercia à nouveau Terrence pour ce qu'il avait fait et l'homme continua d'affirmer que ce qu'il avait fait n'avait rien de grandiose. Si tu le dis, merci quand même. Insista-t-elle. Il était évident que Terrence était derrière bien plus que deux ou trois étagères et un peu de peinture. Il était la raison pour laquelle aujourd'hui elle avait pu ouvrir les portes de sa boutique. Mais elle ne le força pas à avouer. À quoi bon, de toute façon ? Elle savait qu'il l'avait aidé de la plus belle des façons qu'il le pouvait, elle seule le savait, personne n'était obligé de savoir leur petit secret. L'idée de partager quelque chose à eux deux, seulement eux, plaisait bien à la commerçante qui s'était dirigée vers la porte de la boutique pour y mettre le verrou.
Elle le questionna, elle trahit sa promesse silencieuse de garder ses interrogations que pour son esprit sans même les adresser à haute voix. Elle tenta d'avoir des réponses à ses questions en évoquant leur dernière rencontre. Mais aussi vite que les mots étaient sortis de sa bouche, Violet les tu, préférant garder pour elle ses réflexions, marchant vers le comptoir-caisse pour ranger là où elle se devait les plantes qu'elle venait de recevoir. Gênées, elle garda le silence comme rarement elle le faisait, elle le moulin à parole. Ce fut Terrence qui parla, la remerciant pour la carte. Il l'avait reçu. Elle lui sourit, trois mots avaient suffi pour qu'elle lui adresse un doux sourire et ils enchainèrent vers des discussions de surface. Violet évoqua ses projets d'améliorations de la boutique qui n'étaient pas totalement complétés et Terrence se montra intéressé bien qu'il ne l'était pas réellement. Mais même s'il avait revêtu un air faussement enjoué pour camoufler le malaise évident entre eux, Violet ne se sentait pas à sa place. La tension était trop présente pour faire comme s'ils ne la remarquaient pas, mais aucun des deux amants ne daignait l'adresser. Terrence osa questionner son ex sur l'ouverture de la boutique. Violet, balançant ses pieds dans le vide, assise sur le comptoir-caisse, le vit s'approcher d'elle. Nerveusement, elle jouait avec ses bracelets retrouvés qui trônaient sur son poignet gauche. Je pense que tout le monde a apprécié la nouvelle boutique. Ils étaient nombreux à venir la voir. Commença-t-elle. Il avait posé ses yeux bleus sur elle, mais elle était incapable de soutenir son regard. Avec douleur, elle baissa les yeux vers ses pieds nus au travers de ses sandales cognac qui enlaçaient ses chevilles. Ça fait bizarre, pour être honnête. Elle prit une pause pour bien aligner ses mots. C'est comme si, malgré le bonheur que j'ai d'avoir enfin retrouver mon travail, je n'arrivais pas à oublier ce qui est arrivé. Elle avait souvent des flashs du matin où elle avait découvert le massacre des lieux. Elle se revoyait au milieu des éclats de verres appeler paniquer la première personne qui lui était venue à l'esprit : Terrence. Elle le revoyait partir à toute vitesse au volant de sa voiture, sans même lui expliquer ce qui se passait. Il savait, il savait d'où ça venait, mais il ne lui avait jamais avoué. Je suis exténuée, j'ai pas trop dormi les derniers jours. Elle avait trop pensé. À leurs échanges, à lui, à leur relation. Violet ferma les yeux, feintant dormir debout, un petit sourire aux coins des lèvres pour effacer tous les sous-entendus que son visage insinuait. Je sais qu'on a dit pas de questions, mais c'est plus fort que moi... Les yeux toujours fermés, elle tentait d'élucider un mystère qui planait encore dans l'air. Elle ouvrit lentement les yeux, les cils battants dans la direction de l'homme. Pourquoi es-tu réellement venu ce soir? Tu n'étais pas obligé de tenir ta parole. Prends-le pas mal, Terrence, ça me fait plaisir de te voir, mais je ne comprends pas... Je ne comprends pas pourquoi tu dis devoir te séparer de moi, incapable de m'offrir ton amour, et pourquoi tu me démontres tout le contraire...

En effet, ils étaient autant mauvais l’un que l’autre dans ce rôle d’ami qui garde ses distances qui ne leur allait pas du tout. Terrence aurait tout simplement pu s’abstenir de venir ce soir, il aurait pu laisser Violet terminer sa journée et souffler après cette ouverture qui avait dû la stresser, sans ajouter une pression supplémentaire. Il rôdait autour d’elle, toujours, il était cette présence, cette ombre qu’elle ne voyait pas au départ, celui qui s'accrochait alors que c’était inutile, qui rendait la situation encore plus pénible et déplaisante pour les deux. Alors que c’était lui qui avait cherché à s’opposer à leur histoire. Il était déroutant, pour elle certainement, mais pour lui aussi, il ne savait pas ce qu’il voulait. Du moins si, il le savait parfaitement, il la voulait elle mais il s’interdisait de l’avoir, mais comme il était incapable de couper tout contact avec son ex, il cherchait à jouer le protecteur, la présence affectueuse sans aucune conséquences. Sauf que des conséquences dans ce genre d’attache ambiguë, il y en avait toujours, il y avait toujours des regards trop appuyés, des mots un peu trop tendres, des gestes échappés et des sous entendu bien trop gros. Il y avait des sentiments qu’on ne voulait pas ressentir mais qui étaient pourtant là, ce coeur qui battait bien trop forte et cette envie de combler la distance, une tension plus ou moins agréable. Et puis la peur, inconsciente mais toujours présente d’être un jour remplacé. Comment Terrence réagirait-il s’il apprenait un jour qu’il était vraiment devenu cet ami pour Violet et qu’elle avait avancé, de gré ou de force, mais avancé tout de même, sans lui, avec un autre qui ferait battre son cœur à nouveau, un peu plus fort et qui toucherait sa peau parce qu’il en aurait le droit, lui. Sûrement qu’il en serait fou, de tristesse et de rage, d’avoir laissé échapper une femme pareille, mais il n’aurait pas son mot à dire parce qu’il avait été le premier à renoncer à eux, pour des raisons que la brune ne saisissait même pas. En attendant ce soir il n’était pas question de voir Violet s’éloigner, ils n’en étaient pas là, ils en étaient loi. L’américaine semblait attendre quelque chose, un signe, quoi que soit qui lui donne de l’espoir en cet homme qui lui faisait perdre son latin, celui qui lui demandait de ne poser aucune questions, qui lui imposait un silence impossible mais qui était quand même là, face à elle, dans sa boutique. Elle était résignée, soumise à la décision de son ex, pour le moment en tout cas, avouons qu’il doutait qu’elle tienne longtemps, mais pour le moment elle acceptait docilement de ne rien demander et de ne pas le contredire non plus dans cette histoire de travaux pour le magasin. Il était certain qu’il avait fait beaucoup, plus que ce qu’il devait, mais il ne demandait pas de remerciements, la sobre carte qu’elle lui avait envoyé était largement suffisante. Fidèle à lui-même, il n'alimenta pas le sujet, il économisait ses mots, puisqu’il ne voulait pas qu’elle insiste.
Violet tenta de donner un nouveau souffle à leur discussion pour éviter les blancs qui devenaient de plus en plus dérangeants en évoquant ses projets de décoration. Terrence ne s’en moquait pas, puisqu’il s’agissait de sa boutique, pourtant il n’était pas très calé en aménagement. Son propre magasin n’avait pas bougé depuis cinq ans, il l’avait arrangé à son image, sobrement, sans grandes idées sauf celle que ses clients s’y sentent aussi bien que lui se plaisait chez lui et ça fonctionnait bien depuis l’ouverture, sa touche était plus brut que la boutique d’Horseshoe bay, mais il tenait à cette singularité, c’était sa touche à lui. Alors la jeune femme se trouva bien vite face à un mur, Terrence était simplement incapable d’alimenter la conversation malgré l'intérêt qu’il avait tenté de porter à son idée. Elle s’était installée sur son meuble d’accueil, balançant ses jambes dans le vide tout en jouant avec les bijoux qui avaient vite retrouvé leur place à son poignet. Terrence s’approcha d’elle tout en gardant bonnes distances. C’est sûr qu’ils ont apprécié. Tu manquais par ici. Il sourit faiblement tout en l’écoutant continuer. Elle lui avoua qu’elle peinait à fermer l’oeil, ce qui n’était pas étonnant. Ils se ressemblaient plus que ce qu’on pouvait penser et Terrence dormait difficilement depuis le saccage des lieux et la décision radicale qu’il avait pris. Au départ il avait choisi de s’abrutir à coup d’alcool, mais pour tout dire ça ne lui ressemblait pas tellement alors il avait fini par se résigner, il avait fait son choix, il acceptait la douleur qui allait avec, ils cohabitaient, difficilement mais il continuait, pour le bien de Violet. Il trouva appuie contre un pilier face à la belle qui tombait de sommeil, croisant les bras il baissa les yeux à son tour. Les choses vont se tasser et rentrer dans l’ordre tu vas voir, quand les affaires reprendront tu dormiras comme un bébé. Evidemment il ne s’agissait pas de ça, il le savait bien, mais c’était trop difficile d’affronter la vérité et de reconnaître que si elle ne trouvait pas le sommeil ça n’avait rien à avoir avec la boutique en elle-même mais bien à cause de lui. Il releva la tête quand elle commença à parler, il le savait, elle ne pouvait pas s’empêcher d’être elle, de poser des questions, de chercher à savoir. Il la fixa en serrant les mâchoires, visage fermé. Un rictus vint finalement adoucir cet expression si dure qu’il affichait en soutenant le regard de Violet. J’essaye de jouer tant bien que mal la comédie de la relation amicale. J’essaye encore de me convaincre que ça peut marcher. Même si j’ai pas l’impression d’être très crédible finalement. Il se redressa sur ses jambes, haussant les épaules. Tu ne m'aides pas vraiment... t'es toute aussi nulle que moi pour tenir tes engagements. Si tu veux je te laisse, ça vaudrait mieux. Il sentait bien qu’à force de rester si près d’elle, de respirer son air, il avait besoin de plus, que cette amitié était simplement impossible et qu’il pourrait déraper d’un moment à l’autre. Il vaudrait mieux pour lui qu’il arrête bêtement de la voir, s’il voulait tenir parole, parce qu’à l’allure à laquelle son cœur battait il allait finir envoyer au feu ses belles pieuses résolutions.