all fall down (cléo)

Elle attendait devant le resto-bar, sa robe de cocktail qui volait légèrement avec la brise de la soirée, ses mèches blondes rebelles qui s'étaient enfuies de son chignon bas dépeigné. Elle attendait alors que personne n'arrivait. Vingt-deux heures, vingt-deux heures dix, vingt-deux heures trente, bien plus que quarante-cinq minutes s'étaient écoulées depuis qu'elle attentait sagement, la patience qui se faisait plus rare. Elle avait rendez-vous, Penelope avait rendez-vous, on lui avait demandé d'arriver à l'heure, de rouge vêtue, parce qu'il détestait l'attente, mais il s'était joué d'elle. Par chance, il fallait payer avant coup, avant de se rendre sur place. Il ne s'était peut-être pas présenté, il avait changé d'avis, mais dans son métier les remboursements n'existaient pas. Tant pis, monsieur x, tant pis pour cette rencontre qui n'aura jamais lieu, la blonde garderait en souvenir de cet inconnu la somme généreuse qu'il lui avait versée pour venir à sa rencontre. Et comme elle était déjà bien vêtue, devant un bar qui s'agitait en ce début de soirée australienne, Cleo décida d'y entrer.
C'était un soir de semaine pas trop bondé, des places au bar se faisaient encore languir. Cleo s'y avança, prenant place auprès d'une brune, le visage long, qui venait de commander un verre de blanc. Cleo sourit au barman qui la connaissait, de visage seulement. La même pour moi. Rétorqua-t-elle avant de se tourner vers la brune. Dure journée ? Et une fois leurs verres arrivés, elle trinqua avec l'inconnue qui se tenait devant elle. J'viens de me faire poser un lapin, j'peux comprendre l'état dans lequel tu te trouves. Cleo lui sourit tendrement. Cleo, en passant.

Tant qu'à s'être mise belle pour sortir, maintenant qu'elle se retrouvait sans accompagnateur pour la soirée, Cleo n'allait pas rentrer chez elle bredouille. Soirée sans être d'appel à l'hôpital, sans être sollicitée par l'agence pour remplacer l'homme qui venait de la laisser tomber - sur ce coup, c'était un peu sa faute, elle n'avait pas avisé l'agence de ce changement de plan et elle ne le ferait que dans quelques heures, quand il serait trop tard pour lui trouver un autre rencard pour la soirée - elle entra dans le premier endroit animé qu'elle aperçut. Et, au bar, elle trouva réconfort dans une âme solitaire, aussi esseulée qu'elle, qui semblait être dans le même état : abandonné. Or, du côté de la blonde, elle ne broyait pas sa peine dans l'alcool. Non, bien autre contraire, elle voulait s'accorder un moment de répit au travers de sa vie beaucoup trop rythmée. Mais elle ne demeurait pas insensible à la brune se trouvant à ses côtés. Emphatique, elle se présenta, lui soulignant qu'elle aussi, elle avait une mauvaise journée, elle s'était fait poser un lapin. Ce qui était vrai, en somme. Simplement, son rencard à elle, il était payant. Et elles trinquèrent. T'en est à ton combientième ? Lança-t-elle en désignant du menton le verre qu'elle venait à peine de faire claquer contre le sien, à elle. Peut-être était-il son premier, mais il était évident qu'il n'était pas le premier de la semaine. Siam se présenta et renchérit en complimentant la blonde qui lui sourit. Je suis certaine que plus d'un ici rêvent à la simple vision de nous voir discuter, toutes les deux. Elle pouffa de rire en ajoutant : Merci, ça fait du bien au moral. Et c'était vrai. Même si son rendez-vous était purement professionnel, se faire planter par un mec n'était jamais agréable pour l'égo. Alors, raconte-moi ton histoire, osa-t-elle demander à Siam. Qu'est-ce qu'une aussi jolie fille que toi fait toute seule au bar ?