happy birthday love (leanche)

1er mai 2019
Ça lui avait pris toute la journée, elle avait fermé boutique pour l'occasion, mais voilà qu'elle avait terminé de tout installer dans son studio. Des lumières, partout, de fines lumières qui rappelait les étoiles étaient accrochées au plafond et descendaient, ici et là, en cascade pour illuminer l'endroit qui, dans quelques heures, seraient plongés dans un noir intime. Elle avait peint des constellations, regardées sur internet, qu'elle avait encadré dans de jolis cadres noirs et qu'elle avait posé un peu partout dans la pièce. Le sol était recouvert de couvertures douillettes et d'oreillers qui donnaient envie de s'allonger et, tout au fond, elle avait installé son matelas, celui qu'elle avait à l'appartement et qui reposait dans son arrière-boutique jusqu'au déménagement officiel. Matelas qu'elle avait recouvert de draps et de couvertures. Des chandelles étaient éparpillées dans la pièce pour ajouter une chaleur au décor et un gâteau, qu'elle avait demandé à sa Charlize de cuisiner pour elle, était posé sur une table basse où on pouvait y lire joyeux anniversaire, Léo. Un anniversaire privé sous les étoiles, c'était ce que Blanche avait organisé à son colocataire. Et parce qu'il ne venait jamais au salon, il s'agissait du meilleur endroit pour lui faire une surprise de taille. Agencé au gâteau, la blonde avait finement choisi une bouteille de vin et cuisiné un plat qu'elle le savait adorer. Tout était prêt, il fallait maintenant y amener la bête.
À la maison, elle avait pris une longue douche. Ses cheveux normalement ondulés naturellement par leur texture étaient joliment coiffés, bouclés au fer. Elle portait une robe légère, bleue claire, qui faisait ressortir son teint et les tâches de rousseurs de son visage. Léo pensait qu'ils allaient dîner au restaurant pour fêter leur première semaine de cohabitation. Du moins, c'est ce que la blonde lui avait raconté. C'était la seule excuse valable qu'elle avait trouvé pour le sortir de la maison, le soir de son anniversaire, lui qui lui avait dit maintes fois au courant de la semaine n'avoir rien envie de faire de particulier. Pas de paillettes, pas de flaflas, juste un anniversaire ordinaire. Ce que Cambridge lui avait préparé n'avait rien d'ordinaire, mais elle n'avait pu s'en empêcher. Elle sortit de la chambre, juste après s'être parfumée, et trouva un Léo, veste propre sur le dos, qui l'attendait dans le séjour. Tu es prêt ? S'enquit-elle en lui souriant alors qu'elle s'approchait du sofa pour y attacher ses chaussures à talon. On y va à pied, d'accord ? Et sans lui laisser la chance d'ajouter quoi que ce soit, elle s'avança vers lui. Tu es beau, Emerson. Et tu sens bon. Sourire moqueur aux coins des lèvres, elle fixa le bleu de ses yeux. Joyeux anniversaire. Puis, elle posa ses lèvres contre les siennes dans un baiser d'anniversaire qu'elle brûlait d'envie de lui offrir. Elle s'arrêta tout de même, parce qu'autrement l'envie de rester à la maison leur traverserait l'esprit, puis elle prit sa main et ils se mirent en route. Oh, juste avant d'aller au restaurant, je dois passer au studio récupérer un chèque. Ça te va ? Il n'avait pas d'autres choix que d'accepter, sans quoi sa surprise prenait l'eau. Devant le studio, elle déverrouilla la porte et y retira le système d'alarme. Puis, pour lui laisser le plaisir de découvrir les lieux, Blanche laissa Léo passer devant elle attendant avec impatience sa réaction.

Léo était un grand fêtard, habituellement toute excuse était bonne pour profiter, sortir, s’amuser et celle de son anniversaire était l’une des meilleurs. Il avait fait quelques soirées qui étaient entrées dans l’histoire pour fêter sa nouvelle année. Mais il fallait croire qu’il changeait. Il ne se souvenait plus vraiment de sa dernière gueule de bois, la dernière fois qu’il avait traîné au bar c’était avec des collègues pour voir un match et ils avaient fini par tous rentrer tôt à cause du coup de téléphone de la femme de l’un d’eux, leur bébé avait de la fièvre. La vie de trentenaire en soi ! Pour ses trente-deux bougies il n’avait donc rien prévu, il avait passé sa journée avec John et sa mère qui avaient fait le déplacement exprès pour cette journée, ils avaient emmené le petit garçon au zoo et faire un pique-nique sur la plage, les deux garçons avaient fini à l’eau, riant aux éclats dans les vagues. Ce fut une journée agréable, sans aucuns heurts avec son ex, au contraire ils avaient semblé prendre plaisir à discuter ensemble, puis mère et fils étaient retournés à Brisbane. Ce soir Léo emmenait Blanche au restaurant, enfin c’est elle qui en avait eu l’idée, elle avait insisté pour fêter leur première semaine de cohabitation sans s’être entre tués ! Emerson avait trouvé l’idée rigolote et puis il n’était jamais contre un bon resto et puis il avait une surprise pour Blanche, qu’il préparait depuis quelques jours et c’était finalement le moment parfait pour lui en parler. Alors il s’était chargé de réserver une table à L’Autre Monde, sans savoir que la blonde avait annulé juste après puisqu’elle avait d’autres plans. Ils s’étaient rejoints à la maison, chacun s’était préparé dans son coin, Léo avait revêtu un pantalon clair légèrement habillé et une chemise blanche pour l’occasion, au moment où il enfilait sa montre, Blanche sortit de sa chambre. Il fut incapable de ne pas la déshabiller du regard, alors qu’elle se penchait pour nouer ses chaussures. Oui, je t’attends. Il sourit en la regardant s’approcher puis haussa un sourcil alors qu’elle proposait d’aller au restaurant à pieds, avec des talons comme ceux qu’elle portait il avait quelques doutes mais elle ne lui laissa pas le loisir de lui donner le fond de sa pensée. Merci… Tu es très belle, j'ai de la chance. Pourquoi ce petit sourire en coin ? Une nouvelle fois elle ne lui laissa pas l’occasion de se poser plus de questions puisqu’elle pressa sa bouche contre la sienne après lui avoir souhaité un joyeux anniversaire. Il sourit de plus belle un peu niaisement avant d’attraper sa veste et de se mettre en route. En regardant Blanche, Léo se demandait bien pourquoi elle avait l’air si guillerette, si c’était vraiment la perspective de ce dîner en tête à tête. Déguisé en excuse d’anniversaire de leur première semaine de cohabitation, c’était bien un premier rendez-vous officiel  qu’ils s’étaient organisé. Tu n’es pas obligée, il ne te sera pas très utile. Si c’était réellement un rendez-vous amoureux, il comptait bien se montrer galant et payer le restaurant. En plus il regarda furtivement sa montre, en faisant ce détour ils allaient arriver en retard par rapport à l’heure fixée et il avait horreur de ça. Pourtant une nouvelle fois la blonde n’en fit qu’à sa tête et, d’accord ou non elle ne lui laissa pas le choix, il dû la suivre en levant les yeux au ciel. Léo n’était presque jamais entré dans le salon de tatouage, la seule fois dont il se souvenait c’était lorsqu’elle avait emménagé et qu’il l’avait aidé, avec d’autres amis, à tout installer avant l’ouverture. L’univers du tattoo était bien différent du sien alors il n’avait jamais vraiment pris la peine de venir lui rendre visite dans sa boutique. Je peux t’attendre devant. C’était le moment où jamais pour répondre aux quelques messages d’anniversaire qu’il avait reçu de ses amis. Mais Blanche lui lança ce genre de regard déterminé qui ne lui laissa pas vraiment le choix et, sans savoir pour quelle raison, Léo entra dans le salon. C’est à ce moment qu’il découvrit la lumière douce des bougies, le ciel étoilé et tout le reste de la surprise organisée par la belle. Il se retourna pour la fixer, interdit et remarqua son sourire à la fois fier et ému. Mais où est-ce qu’on est ? C’est toi qui as fait tout ça ? C’est… waouh c’est… Il ne trouvait pas les mots, en vérité personne n’avait jamais organisé une chose pareille pour lui. Il n’avait jamais eu de surprises d’anniversaire, c’était toujours lui qui organisait tout et ça lui semblait normal. Mais ce soir il était touché par le geste de Blanche. On ne va pas au restaurant j’imagine… Il comprenait enfin qu’elle l’avait totalement berné.

Les fêtes d'anniversaire, ce n'était pas son truc. Blanche n'avait pas beaucoup d'amis, d'abord, ça lui rappelait qu'elle s'était bien isolée dans les dernières années. À force de vouloir fuir sa famille, elle avait fini par se créer une carapace se protégeant de toute la population de la ville, voyant du mal partout. Mais Léo, lui, il aimait bien ça les fêtes. Jadis, il l'invitait à fêter avec lui, à l'exception des années où son coeur était pris, et rares étaient les fois où Blanche s'était pointée le bout de son nez. Elle n'était pas trop fête, elle. Elle préférait l'intimité. Peut-être aussi préférait-elle leur intimité, à eux, parce que dans un tel cas Emerson posait une attention particulière à la blonde alors qu'en public, entouré de tous ces gens qui le connaissaient, il se montrait frileux quant à la cadette Cambridge. Leur soirée en toute intimité n'était pas de refus, pensait Blanche. Évidement, s'il avait souhaité fêter entouré de ses amis, la tatoueuse aurait fait de ses demandes des réalités. Peut-être avait-elle interprété les signes de travers, mais il lui avait semblé plus détaché à l'idée d'organiser une grande fête. Et c'était de cet instinct que son idée de ciel étoilé en tête à tête lui avait traversé l'esprit. Lumières tamisées, chandelles pour les éclairer, diner en tête à tête, elle avait pensé à tout. Et elle se mourrait d'envie que le photographe découvre sa surprise inspirée de ses passions.
Elle avait évoqué la célébration de leur première semaine de cohabitation comme excuse pour sortir de la maison et Léo l'avait cru sans trop de mal. Il avait pris les devants, réservant une table dans un restaurant à la fine cuisine. Et pour pallier au doute entourant la véracité de son excuse, Blanche était entrée dans le jeu. Tenue habillée, comme pour un premier rendez-vous, elle s'était mis belle pour lui. Léo, charmeur, ne manqua pas l'occasion de le lui faire remarquer. Elle rougit à son commentaire. De la chance, c'était elle qui en avait. L'inverse était difficile à croire. Elle fit papillonner ses cils en sa direction avant de poser ses lèvres contre les siennes dans un baiser bref, mais passionné. Court, elle ne s'était pas attardée à lui laisser son baiser officiel d'anniversaire. Avant-gout de ce qu'elle lui avait préparé pour le reste de la soirée. Il fut sage, n'en demandant pas plus qu'elle avait à lui offrir. Puis, après avoir mis sa veste, ils sortirent de la maison, main dans la main, marchant en ce qui semblait être la direction du restaurant juste avant d'être intercepté par une seconde excuse de la part de la blonde. D'abord, c'est ton anniversaire, peut-être que tu pourrais me laisser payer le repas, commença-t-elle par affirmer, alors qu'elle savait très bien qu'il ne la laisserait pas faire aussi facilement. Ils en avaient d'ailleurs déjà discuté, ils n'avaient pas la même vision des choses à ce sujet. Ensuite, c'est pas pour payer le dîner. Je dois l'encaisser demain matin à la première heure, ça m'évitera de me lever tôt et de te réveiller, par la même occasion. Elle était passée maître dans l'art du mensonge en quelques jours. Convaincante, elle aurait pu se berner elle-même alors qu'en temps normal, elle ne savait pas mentir à Léo, il finissait toujours par découvrir la vérité. Or, cette fois, la vérité n'était pas prête de le blesser. Au contraire, elle lui était dissimulée dans le simple but de lui faire plaisir. Une soirée remplie que de bonheur. Pas de querelles, pas de discussions qu'il voulait éviter, pas de pressions que de la légèreté. Après son emménagement houleux dans la maison Emerson, Blanche souhaitait faire disparaître cette pression inutile qu'ils s'étaient infligée et retrouver la douceur qu'ils s'étaient amadouée.
Devant le studio, Léo se faisait moins réceptif. Il voulait attendre là, à l'extérieur, le temps qu'elle récupère ledit chèque. Blanche le regarda d'un air sévère. T'as peur d'entrer et d'attraper la peste ? Blagua-t-elle pour qu'il daigner entrer. Elle ne savait pas trop si c'était ses yeux ou ses paroles qui avait fait changer d'idée l'homme, mais il entra, sans broncher, et devant ses yeux se présenta la surprise que la blonde avait mise tant de mal à lui organiser. En retrait, le laissant avancer un peu dans le salon pour y découvrir les lumières, les constellations et les gâteries à manger, elle l'observait. Puis elle rit quand il lui affirma, ébahi, qu'ils n'allaient pas au restaurant. En effet, on n'y va pas. Elle s'approcha de lui, émue par son visage brillant. Au menu, ce soir, diner aux chandelles et sous les étoiles de Bowen. Elle lui sourit tendrement. Je sais que tu voulais pas d'anniversaire, mais je voulais tout de même souligner ta journée. Puis, comme je suis un peu paumée, j'ai pas trop les moyens de t'offrir un cadeau. C'est un peu ma façon de te gâter. Blanche rit timidement, baissant les yeux. C'était stupide, elle se comportait comme une gamine, évidemment qu'il lui dirait que les cadeaux n'étaient pas nécessaires, elle pouvait le prévoir, mais c'était important pour elle de lui offrir quelque chose. À défaut de ne pas lui donner du matériel, elle lui offrait des souvenirs.

Ce dîner au restaurant Léo l'attendait et le redoutait en même temps. Un premier tête à tête entre Blanche et lui, un rendez-vous bien plus intime que ce qu'ils avaient partagé jusque là, qui impliquait qu'ils s'ouvrent, qu'ils se laisse une chance d'être charmés… Ou déçus. La soirée à la fête foraine était à part, baignée dans une atmosphère particulière qui lui était propre, le photographe était conscient que les choses seraient plus concrètes ce soir. Leur première semaine ensemble était passée à une vitesse folle, ils avaient partagé leurs dîners mais Léo repartait vite travailler, en ce moment il était sur un article important. Ce soir ils s'étaient habillés, fait beaux pour l'occasion et même s'ils semblaient prendre ce dîner à la légère, ce n'était pas tellement le cas au fond. Mais heureusement ils ne seraient pas seuls, ça rassurait un peu Emerson, le restaurant choisi était chaleureux et propice à la détente, les serveurs sympas, il serait plus à l'aise. Enfin jusqu'à ce qu'il entre dans le tattoo shop de Blanche et qu'il découvre la surprise. Léo s'était fait avoir jusqu'au bout, il avait avalé ses mensonges sans jamais se douter de quoi que ce soit, il fallait avouer qu'elle avait été douée sur ce coup. Sûr que c'était plus simple en organisant tout dans ce lieu où il ne se rendait jamais. Il passa donc devant elle en souriant puis se retourna avant d'entrer. Non ! J'ai peur que tu m’attrapes et que tu me tatoues de force ! Évidemment c'était une blague. Mais elle savait qu'il n'était pas du genre à se faire graver la peau, il laissait cette fantaisie aux autres. Lorsqu'il découvrir enfin la surprise, Léo resta bouche bé un instant, regardant partout, remarquant que Blanche avait tout prévu dans les moindres détails, des cadres, au plafond, aux loupiotes en passant par les bougies et tout le repas. Il ne réalisait pas qu’elle eût pu réaliser un tel travail dans son dos alors qu'elle vivait sous son toit et cet effort l'impressionnant. Tu préparais ça depuis longtemps ?! Il était ébahi, surpris, très agréablement et en même temps lui revenait son malaise des jours passés, l'appréhension qu'il avait de se retrouver dans un moment trop intime, trop romantique avec Blanche alors qu'il n'était pas sur d'être prêt. Là il tombait en plein dedans, il ne serait pas sauvé par les serveurs ou l'ambiance du restaurant, là il n'y aurait qu'eux et c'est elle qui avait tout planifié. Il se sentait comme happé, comme si les choses allaient trop vite, il ne contrôlait rien et ça le dépassait un peu, il n'était vraiment pas habitué . Cependant il avait admis qu'il fallait qu'il se laisse porter par cette relation nouvelle avec la blonde, lui qui avait la mauvaise habitude de tout décider à sa place, il s'était fait devancer pour une fois et ça pouvait peut être lui faire du bien, qu'elle le chamboule un peu. Léo s'approcha alors de Blanche en souriant, penaud. Je n'avais pas besoin de cadeaux tu sais. Mais merci, c'est une belle surprise. Il se forçait un peu, un tout petit peu et il détestait déjà ça, il voulait avoir l'air enjoué, dépasser ce malaise qui n'avait pas lieu d'être. Il voulait faire honneur à tout le travail de la blonde. Et puis lui aussi avait bien prévu une surprise alors ils seraient deux. Même si la sienne paraissent à présent bien futile par rapport à tous les efforts de la tatoueuse pour lui offrir quelque choses de totalement personnel. La tête dans les étoiles, pour celui qui les aimait tant. Une fois tout proche d'elle, il attira Blanche contre lui et la serra rapidement dans ses bras pour la remercier. Alors on a le salon pour nous ce soir ? Tu me guides ? Il avait peur de faire un pas de travers, de dévoiler des surprises qui ne devaient pas encore l’être, il préférait donc que la tatoueuse lui montre le chemin, qu'elle prenne la soirée en main puisqu'elle seule savait comment elle devait se dérouler. Ce soir, plus que jamais, Léo se sentait gauche, il avait peur de mal faire, il était vulnérable.

Blanche ne le montrait pas, mais elle aimait les petites attentions. Celles qui venaient du coeur, celles que l'on faisait pour faire plaisir. Pas des cadeaux hors de prix qu'elle ne pouvait honorer, elle qui n'en avait pas les moyens depuis son exil familial, mais bien les moments qui ne s'offraient pas avec de l'argent. C'était ce qu'elle avait voulu offrir à Léo, à force de n'avoir pas un sou en banque pour lui offrir une montre hors de prix, un nouvel ordinateur portable ou un objectif performant pour sa caméra. C'était une soirée personnalisée, à ses goûts, qu'elle avait voulu lui donner, les étoiles qui primaient bien qu'elle n'y connaissait rien. Alors, pour lui, elle avait fait des recherches tous les soirs, avant de s'endormir, alors que Léo travaillait sur ses contrats, afin de représenter le plus fidèlement possible les constellations que l'on pouvait apercevoir dans le ciel noir de Bowen. Elle ne connaissait pas sa favorite, la blonde les avait donc presque tous répliqués, à l'aquarelle, et encadré dans de jolis cadres disposés ici et là dans le studio. Un thème qui représentait bien Léo, pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il était un mordu d'astronomie et que cette passion les avait, entre autres, rapprochés alors qu'ils avaient observé les géminides; ensuite, parce qu'ils avaient, depuis le début de leur cohabitation, un peu la tête dans les étoiles. Cohabitation qui, somme toute, se déroulait plutôt bien. Léo et elle ne s'étaient pas entretués. Au contraire, ils avaient cohabité avec aisance. Il fallait dire qu'ils ne se voyaient pas beaucoup entre le travail du photographe et les tracas de la tatoueuse qui se cherchait tout de même activement un nouvel appartement. La vie avec Léo, c'était éphémère, temporaire, il avait été clair avec elle. Et elle ne profiterait pas de sa générosité indéfiniment. Ils mangeaient ensemble, se retrouvaient parfois la nuit pour succomber aux bras de Morphée dans une étreinte apaisante, mais sans plus. Leur vie n'avait pas arrêté de tournée et comme elle le lui avait demandé, Léo n'avait pas changé ses habitudes. Il était donc explicable que cette soirée, ce faux rendez-vous au restaurant avait quelque chose d'intimidant. Ça, c'est ce que je te réserve quand tu seras trop saoul pour t'en rendre compte, blagua-t-elle dans le simple but de le détendre. Léo semblait rigide, stressé. Elle lui sourit tendrement, l'invitant à entrer dans le studio. Quand il vit finalement ce qui se cachait dans le salon, quand il découvrit les étoiles et les lumières, les couvertures et les oreillers, il la questionna. Toute la semaine, quand je n'étais pas en train de bosser ou de trouver un appartement, avoua la blonde. Léo était habitué à tenir les rênes, à contrôler leurs soirées. Ce soir, il s'était fait devancer, berner, avoir à son insu. On ne pouvait dire, à en voir son visage, s'il en était totalement heureux. Du moins, c'est ce que Blanche pouvait percevoir. Son sourire, un peu crispé, le trahissait quelque peu. Blanche tentait de ne pas se laisser atteindre par la gêne de son amant, pimpante, elle lui expliqua ses raisons, le motif de cette soirée surprise. Et comme elle l'avait prédit, Léo la sermonna, gentiment, de s'être donné tout ce mal. Ça me fait plaisir, vraiment. Il la prit dans ses bras, une étreinte de remerciement tendue, presque forcée. Alors qu'ils étaient dans les bras l'un de l'autre, que le visage de la blonde était enfoui contre la chemise du photographe, Blanche sentit son sourire se faner. S'était-elle trop donnée ? Avait-elle exagéré ? Ce genre de soirée, c'était à la hauteur du romantique que Léo était et, pourtant, il ne semblait pas être le plus à l'aise. C'était trop tôt, dans leur relation inexistante, trop exagéré, elle s'en rendait bien compte. Tu as tout compris, on a le salon pour nous, affirma-t-elle en se détachant de son amant pour lui montrer le chemin. Timidement, soudainement peu confiante, elle attrapa la main du brun pour le guider au travers des couvertures installées pour envelopper la pièce et elle lui désigna un endroit au sol. On commence par du vin ? Blanche lui sourit en tirant une table basse vers eux où reposait deux coupes et une bouteille de rouge qu'elle le savait adoré parce qu'il lui en avait déjà parlé. Elle entama le service, lui tendit un verre et, dans la panique, elle oublia de trinquer à son anniversaire. Elle aussi, elle était gauche, parce qu'elle s'était mis beaucoup trop de pression avec cette soirée de surprise qu'elle avait imaginé sous un tout autre ton. Mais elle gardait son sourire, pour lui, pour lui montrer qu'envers et contre tout, elle l'avait fait pour lui. Pas pour le gêné, pas pour le rendre mal à l'aise, parce pour lui déplaire. Elle lui rendait la pareille, lui qui s'était toujours montré de ce genre avec elle. Pardonne-moi si c'est trop. J'avais vraiment envie que ta soirée soit unique, j'ai peut-être exagéré un peu, avoua-t-elle en envoyant ses longues boucles dorées dans son dos, laissant libre champ à ses épaules dénudées par sa robe qui ne tenait que sur deux fines bretelles. Elle finit par hausser les épaules, lâche.

Léo avait tendance à voir les choses en grand, pour faire plaisir à ses proches il ne savait pas vraiment faire simple. Pour sa défense il avait été éduqué de cette façon, ses parents, pour palier à leur manque de présence et d’affection, le couvraient toujours de cadeaux plus beaux les uns que les autres, tout ce qu’il désirait, il l’obtenait. Ils avaient fait de lui ce garçon capricieux mais surtout très seul. Et même si depuis il avait appris que l’argent ne faisait pas le bonheur, même s’il se contentait d’une vie plutôt simple, ne faisant pas vraiment l’étalage de sa fortune, il ne pouvait s’empêcher de voir toujours trop grand lorsqu’il s’agissait de gâter ses proches. Il restait néanmoins sensible aux petites attentions, c’était même ce qui le touchait le plus, tout ce que ses parents n’avaient pas été capable de faire pour lui. Pourtant peu de ses amis lui faisaient des surprises, peut-être parce qu’il disait ne pas aimer ça ou bien parce qu’on avait peur de ne pas être à la hauteur de ses espérances. Alors que là, cette pièce toute habillée de lumière, cette ambiance intimiste, réalisée point par point par les soins de Blanche, c’était tout ce qu’il fallait pour toucher la corde sensible chez Emerson le rêveur. La seule chose qui l’empêchait d’être totalement émerveillé c’était cette peur qu’il traînait derrière lui depuis quelques jours et qui s'amplifiait un peu plus alors qu’il réalisait quelle serait cette soirée, une peur totalement déraisonnable puisqu’il avait déjà passé des dizaines de soirées avec cette fille-là.
Elle avait passé sa semaine à tout préparer. Et lui n’avait rien remarqué. Pourtant ils avaient passé des soirées ensemble, tous leurs dîners et elle l’avait rejoint dans son lit quasiment tous les soirs. Il avait même hésité à la rejoindre dans son lit à elle le seul soir où il s’était couché après Blanche. Mais au lieu de ça il était resté sur le pas de la porte à la  regarder dormir paisiblement dans cette chambre qu’elle s’était approprié en quelques jours, depuis qu’il avait retiré le cadre sujet de discorde à son arrivée. Puis il s’était retourné pour aller se coucher seul dans son lit. Ce soir, dans le salon de Blanche, il était partagé entre deux sentiments et il avait beaucoup de mal à le cacher en faisant en sorte que la joie surpasse la peur. Il allait la décevoir, il le savait, par son attitude peu enjouée, il lui ferait rapidement comprendre qu’elle était peut-être allé trop loin. Ou du moins qu’il n’était pas assez impliqué pour montrer l’entrain nécessaire à tous ses efforts. Il esquissa un mince sourire alors que Blanche attrapait sa main pour le guider. Elle avait tout prévu pour lui faire plaisir, jusqu’au vin qu’il adorait, à sa façon, la tatoueuse voyait les choses en grand… en trop grand ? Assez pour effrayer quelque peu son amant. Il la laissa servir les coupes, il se laissait totalement faire ce soir. Au moment de trinquer, alors que Léo s'apprêtait à tendre son verre vers Blanche, elle avala le sien d’une traite, preuve qu’elle était stressée. Emerson arqua un sourcil, avant de porter sa coupe à ses lèvres. Ca va Blanche ? Elle lui répondit, gênée, en dégageant son épaisse chevelure de ses épaules. C’est pas trop… C’est pas ça. Il baissa les yeux, vaincu par la déception de la blonde. C’est beaucoup. C’est beau… C’est moi qui suis lâche. Comme toujours envers toi. J’ai peur que les choses aillent trop vite. J’ai peur qu’on se plante. J’veux pas te décevoir encore. Elle ne comprenait pas, elle ne pouvait pas comprendre, Léo restait persuadé que Blanche était aveuglée par l’affection qu’elle lui portait depuis toujours, encore une fois elle ne mettait pas assez de barrières pour se protéger de lui. Mais peut-être avait-elle raison finalement, à force d’avoir peur on n’avançait pas et Léo stagnait clairement depuis trop longtemps, restant dans sa zone de confort concernant cette fille-là. Il l’observait, la blonde aux cheveux fous, il posa son regard sur ses épaules nues, sur cette robe choisie seulement pour lui plaire. Et elle lui plaisait, elle n’avait pas à en douter.

Il y avait une friction, une tension dans l'air qui ne résidait pas d'une envie charnelle. Bien au contraire, il y avait un malaise, un froid, alors que cette soirée se voulait comme un baume sur leur vie qui allait déjà bien assez vite. Pris par le travail, la routine, on ne prenait pas assez le temps de se poser et d'apprécier les petites simplicités de la vie, les attentions que l'on pouvait faire à l'égare de l'être aimé. C'est sous ces airs que se voulait cette soirée. La célébration de son anniversaire, prétexte pour lui faire plaisir. Elle avait tout organisé, elle avait pris des jours à visualiser le parfait assemblage, la parfaite combinaison d'items pour son thème. Des jours où il ne s'en était pas aperçu, pris dans le travail et dans la routine. Blanche se faisait discrète depuis son emménagement. Pas seulement parce qu'elle lui préparer cette surprise, mais plutôt parce qu'elle s'était sentie d'abord intruse et une obligation pour lui. L'obligation de ressentir des sentiments, de faire naitre entre eux une relation qu'il ne voulait peut-être pas finalement. Et bien qu'elle le désirait plus que tout, bien qu'elle avait envie qu'il la retrouve tous les soirs, qu'il la regarde avec amour, elle ne l'avait pas pressé. Elle n’avait respecté son rythme, sans plus jamais parlé de la photo qui avait causé des émois, sans plus jamais abordé la possibilité d'un amour entre eux. Ils avaient discuté, de tout, de rien, autour d'un diner tantôt préparé par ses soins, tantôt par ceux d'Emerson. Ils avaient travaillé, chacun de leur côté, puis ils s'étaient retrouvés, presque tous les soirs. Ils n'avaient pas fait l'amour, pas depuis le soir de la fête foraine, pas depuis cette soirée remplit de légèreté. Et pourtant, ce n'était pas l'impression que Léo avait laissée à Blanche, lorsqu'il lui avait proposé de vivre avec lui, sous-entendant qu'ils se retrouveraient intimement au passage. Ça n'était pas arrivé. Peut-être étaient-ils gênés, maintenant que la cohabitation était réelle. Peut-être qu'elle avait obligé leur distance, par sa jalousie marquée d'un tableau qui ne lui appartenait même plus, dont elle n'avait aucun droit d'envier. Elle avait sans doute provoqué cette distance, cette séparation qui marquait à présent la soirée. Sa tête tournait entre les différents scénarios alors que sa surprise n'allait pas du tout comme elle l'avait imaginé, Léo, sourire forcer aux lèvres. Elle n'était pas dupe et sa déception l'envahit, la laissant devenir encore plus gauche que lui. Elle leur servit du vin, un vin qu'il adorait, une attention de trop, et elle porta le verre à sa bouche sans même trinquer. Léo remarqua son malaise, questionna Blanche sans attendre alors qu'elle l'avait laissé en plan, sa coupe tendue vers elle attendant qu'elle la fracasse. Timide, elle osa lui répondre, fuyant son regard par les stupidités qu'elle ressentait. Sans même le regarder, elle se risqua une réplique. Ce qui ne déçoit, ce n'est pas ce que tu penses. C'est plutôt que tu te sentes forcer d'apprécier cette soirée alors que ça ne devrait pas. Elle haussa à nouveau les épaules. Léo, ce n'est pas grave. Ce soir, ça n'a pas besoin d'être rempli de romance. Les choses peuvent aller à leur rythme, je ne t'en demanderai pas plus, finit-elle par lui avouer, tentant de faire redescendre la pression qu'il s'était lui même mis sur les épaules. Il pouvait être rempli d'amitié, ce diner, sans arrière pensé, si tel était son désir. La blonde s'empara d'une couverture qui composait le décor et la posa sur ses épaules nues, cachant à présent son corps, créant une barrière entre eux, puis elle ramenant ses jambes vers elle, se positionnant en tailleurs, la couverture cachant l'ouverture que sa robe laissait sur ses jambes. Elle s'empara de leurs coupes de vin et entreprit de les remplir à nouveau. Puis, cette fois, elle dirigea son verre vers celui de l'homme. Pardon pour tout à l'heure, j'ai été impolie. Laisse-moi me rattraper. Elle tentait de réparer son erreur en trinquant, cette fois, à ses trente-deux ans. J'ai cuisiné italien, des pâtes, je sais que tu aimes. Mais on peut toujours commander une pizza, si tu préfères. Ça fait moins... rendez-vous galant, affirma-t-elle en souriant. Elle le voulait à l'aise, sans quoi leur soirée pouvait prendre fin dès l'instant. Elle ne lui en voudrait pas, elle comprendrait que les choses allaient trop vite. Blanche savait encaisser et reculer quand c'était nécessaire.

Ce n’était pas tellement son genre, à Léo, de se forcer, habituellement il était cash, si quelque chose ne lui plaisait pas il le disait tout simplement, sans heurts et sans prise de tête, généralement ça passait bien. Mais ce soir avec Blanche il n’osait pas lui faire part de son malaise, parce qu’il se sentait stupide de réagir de cette façon alors qu’elle ne cherchait qu’à lui faire plaisir. Pourtant elle le connaissait aussi bien qu’il la connaissait, il était difficile pour chacun d’avoir des secrets pour l’autre et la blonde remarqua bien vite que quelque chose clochait. Il tenta de se justifier avec maladresse, parce qu’il n’y avait rien à justifier, il avait juste la trouille, comme un gamin qui ne maîtriserait pas encore l’art délicat du sentiment. Sauf qu’il n’était plus ce gamin depuis longtemps, il savait même très bien jouer avec l’amour et les sentiments des filles, de Blanche tout particulièrement, pour la garder sienne, pour qu’elle ne s’éprenne de personne d’autre que de lui. Alors à trop la chercher il l’avait trouvée, elle l’avait eu à son propre jeu et voilà qu’il était pris de court, pourtant ça lui pendait au nez depuis un moment. Ce n’est pas que je ne l’apprécie pas, ne crois pas ça… Il l’observait avec toute sa déception, elle lui faisait de la peine et il se sentait cruel. Léo hocha alors la tête, les choses iraient à leur rythme, ou du moins au rythme qu’il lui imposait, comme toujours. Ce qu’Emerson voulait il l’obtenait sans mal avec la blonde, s’il voulait qu’elle prenne ses distances elle s’y résignait et s’il la voulait dans son lit elle ne résistait jamais bien longtemps. Jusqu’au jour où elle se laisserait de son manège, là Léo se retrouverait seul comme un con en se rendant compte qu’il avait trop tiré sur la corde. Blanche entreprit finalement de remplir leurs verres à nouveau après que Léo ait terminé le sien, puis elle tendit le bras pour qu’ils trinquent enfin et il esquissa l’ébauche d’un sourire. Ca fait un moment que je n’ai pas mangé italien pour tout t’avouer. Et non, ne commande rien, ça ne va pas ! C’est sûrement délicieux. Blanche était bonne cuisinière, elle le lui avait déjà montré plusieurs fois, la semaine passée notamment alors qu’elle lui avait fait quelques bons petits plats. Ils trinquèrent donc comme la tradition le voulait et Léo but une gorgée de ce vin qu’il prit enfin le temps d’apprécier à sa juste valeur. Laisse-moi juste… me faire à l’idée que j’ai un rendez-vous avec ma coloc. Qu’elle cherche à me séduire après seulement une semaine de cohabitation ! Il la charriait gentiment, pour détendre l’atmosphère, pour se détendre lui, surtout et il se laissait doucement gagner par la chaleur que Blanche avait voulu créer en ce lieu qu’il ne reconnaissait pas. Il tendit la main vers elle et fit glisser la couverture le long de ses épaules, dévoilant cette robe qu’elle cherchait à cacher. Elle était belle dans cette tenue, elle n’avait pas à se sentir gênée puis un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres alors qu'il faisait monter le rose aux joues de la tatoueuse. Alors ces pâtes, on les goûte ?! Il se montrait curieux, en vérité il était affamé.

Depuis le début de l'année, les choses avaient semblé s'emboiter les unes dans les autres avec une logistique évidente. Leurs retrouvailles menant sur un éclat de sentiments, des mots remplit de sens jetés par erreurs en pleine rue, de la confrontation qui avait mené à de nouvelles retrouvailles, cette fois, plus douces, plus légères, l'envie de découvrir ce qui se cachait derrière ces peut-être de leur relation puis leur union qui avait débouché sur une cohabitation provisoire, cohabitation qui les menait à ce soir. Première semaine écoulée parsemée de plusieurs premières fois. Première fois qu'elle habitait avec un homme, première fois qu'elle partageait des repas avec quelque tous les soirs, première fois qu'elle dormait si souvent en compagnie d'un homme, première fois qu'elle sentait son coeur battre de cette façon, première fois qu'un sourire presque permanent était accroché à son visage, première fois qu'elle se sentait aussi vulnérable. Des premières fois heureuses, des premières fois effrayantes, des premières fois rassurantes. Mais surtout, première fois qu'elle se risquait à organiser une soirée pour lui, Léo. Elle avait prévu tout un tas de réactions, sondant les différentes facettes de Léo, mais celle-là, Blanche ne l'avait pas vu venir. Habituellement direct, il faisait preuve à l'instant d'une retenue qui ne lui correspondait pas. Cette soirée n'avait rien d'habituel, peut-être que sa réaction venait de là, mais ce n'était pas suffisant pour la blonde. Peut-être qu'elle était trop exigeante, peut-être qu'elle exagérait, mais il fallait aussi comprendre sa version, son côté de la médaille. Après avoir travaillé toutes ces soirées, toutes ces heures, après s'être remué les méninges pour trouver la parfaite disposition, la parfaite soirée à ses yeux, elle se serait attendue à plus d'enthousiasme. Mais elle se résigna, alors que le photographe lui fit part de ses sentiments. Je ne crois pas ça... Je sais juste que tu aurais préféré autre chose. Elle lui sourit tristement. Il est vrai que l'intimité pouvait faire peur, qu'être entouré de d'autres rendait la soirée moins officielle. Pourtant, ils avaient été seuls toute la semaine. Ils s'étaient retrouvés dans son lit, ils s'étaient endormis l'un contre l'autre. Si l'intimité avait dû se faire, telles étaient des situations bien plus propices. Blanche secoua la tête, chassant les mauvaises pensées de son esprit. Les choses iraient à leur rythme, à son rythme, il lui donnerait le feu vert. Cette fois, elle ne se montrait pas docile pour lui plaire, pour le charmer ou pour espérer qu'il change d'avis à son égard, mais plutôt pour le rassurer. Parce que les choses n'étaient pas obligées d'évoluer entre eux, elles pouvaient aussi demeurer ainsi jusqu'à ce qu'elle se trouve un appartement. Et puis, à ce moment, ils s'oublieraient, chacun de leur côté, en ne gardant comme souvenirs que les bons moments de ce début d'année.
Blanche se montra plus douce, moins triste, et trinqua avec le brun qui s'exaltait presque de son repas. Elle lui sourit alors qu'il lui confirma en avoir envie avant de hocher la tête. Dans l'arrière-boutique, elle y avait installé un petit réchaud qui tenait à la bonne température la recette de linguinis aux crevettes nappés d'une sauce au beurre à l'ail et vin blanc un délice fais qu'elle cuisinait souvent lorsque le mois de mai se pointait le bout du nez, parce que les crevettes étaient alors fraîches au marché. C'était une recette de circonstance, pour l'anniversaire d'Emerson et secrètement, elle était bien heureuse qu'il eût décidé d'en manger. Elle s'apprêtait à se lever, emmenant avec elle sa couverture qui lui servait de protection entre elle et le célébré quand il se risqua à de nouvelles paroles. Sourire charmeur aux lèvres, il tendit une main vers elle, la forçant à dévoiler une partie de son épaule, sa robe qui se voyait presque au travers de ce bout de tissu. Elle lui rendit son sourire avant d'ajouter : Ce n'est pas un rendez-vous, tu as oublié ? On laisse les choses aller à leurs rythmes. Et bien qu'elle tentait de le cacher, l'homme lui faisait de l'effet, bien plus qu'elle ne le laissait croire. Ses joues rougies en étaient la preuve. Puis elle hocha la tête lorsqu'il lui réclama son repas d'anniversaire. Elle s'éclipsa à l'arrière-boutique pour revenir près de lui, deux assiettes à la main qu'elle posa devant eux, sur la table de basse qui leur faisait office de table à manger. Tu me racontes sur quoi tu bosses en ce moment ? S'enquit-elle pour meubler la conversation, Blanche avait toujours aimé rêver au travers des histoires de son amant, cette soirée n'était pas différente aux autres sur ce point-là.

Pour tout dire, Léo aurait préféré qu’on l’oublie pour cet anniversaire là. Lui qui était pourtant le premier à faire la fête habituellement, il semblait avoir perdu un peu de cette joie de vivre depuis quelques temps. Il sortait moins, il avait perdu le goût des soirées à s'enivrer, il vieillissant, probablement. Il passait ses jours et ses nuits à travailler, comme s’il en avait vraiment besoin alors que financièrement il était largement à l’abri. Mais il se vautrait dans sa passion comme si c’était son seul exutoire, il imaginait déjà ses futurs voyages, ses projets, il acceptait contrat sur contrat et il fallait dire qu’on le demandait de plus en plus alors c’était difficile de refuser. Il se laissait griser par le succès, la fierté de voir ses photos en pages des magazine, un réussite dans l’ombre des grands journalistes, lui n’était en soi que le photographe et le grand public ne connaissait pas son nom. Mais dans le milieu il s’était fait une bonne place et ça lui allait très bien. Alors il travaillait, plus qu’il ne le fallait, peut-être, mais ça lui faisait du bien. C’était la seule solution qu’il avait trouvé pour se sortir son échec avec Grace de la tête, du moins pour penser à autre chose et il fallait croire que c’était devenu comme une drogue depuis. Néanmoins depuis ce début d’année il avait les idées plus légères, il se sentait beaucoup mieux et Blanche n’était pas étrangère à ce mieux-être. Son quotidien était même plus doux depuis qu’elle avait posé ses affaires dans la chambre du fond, il appréciait cette présence discrète dans sa maison. Mais il ne s’attendait pas à ce genre de surprise et il n’arrivait pas à cacher sa gêne. Il aurait préféré autre chose, sûrement, peut-être une soirée avec des proches, moins intime, ou même un simple dîner amélioré chez lui. Blanche avait voulu voir les choses en grand, comme lui le faisait si bien habituellement, sans se douter qu’il n’était pas totalement prêt à se rapprocher d’elle de cette façon. Comment aurait-elle pu, il lui avait envoyé tellement de signes qu'il se sentait bien auprès d'elle, jusqu'à lui avouer qu'il l'aimait en pleine rue. J’ai la trouille, voilà. Et il lui fallait surmonter sa fierté pour l’avouer ainsi à la blonde. Ton un peu trop sec, mine renfrognée, il avait peur de cet avenir qui se dessinait petit à petit, vers lequel ils fonçaient mais qui lui semblait trop incertain. Lui qui ne montrait jamais ses faiblesses, elle le mettait pourtant à fleur de peau, beaucoup plus vulnérable que ce qu’il aimait laisser voir. Il chercha alors à se ressaisir, en faisant ce qu’il savait faire de mieux, cacher son malaise par ses gestes de séduction, lui si tactile, si doué pour charmer sa cour, il dessina un sourire enjôleur sur ses lèvres et une lueur espiègle dans son regard. Puisque Blanche s’était aventurée sur ce chemin, il pourrait, au moins pour ce soir, se laisser glisser dans cette douce attraction qui les avait fait arriver jusqu’ici et qui leur avait réussi pour l’instant, puis qui sait, son malaise passerait peut-être. Après tout, il était déjà foutu, fou d'elle sans réussir à se l’avouer. Léo chercha donc à faire tomber cette couverture qui la couvrait de façon ridicule. Hmm, non, ce n’est pas un rendez-vous… Il n'y croyait absolument pas, ils savaient tous deux que ce tête à tête n’avait rien d’innocent. Blanche s'éclipsa derrière pour préparer leur plat et Léo en profita pour se ressaisir, il se frotta le visage dans les mains et ébouriffa sa chevelure pour mieux s’aérer les idées, définitivement déstabilisé par cette soirée de laquelle il n’avait aucune maîtrise. Puis il retrouva son sourire lorsqu’elle réapparu avec ses deux assiettes. Merci, ça sent bon ! Ils commencèrent à déguster et Blanche chercha à reprendre une conversation normale sur le sujet que Léo préférait. Avant la quarantaine, au début du mois, je suis allé en Birmanie pour un reportage sur un tremblement de terre. Alors je travail sur ça, il faut que je rende tout le dossier pour la fin de semaine. Ça fera les pages principales d'un grand magazine, c'est important. Il avait risqué gros dans ce voyage, quelques jours seulement et il était probablement revenu avec un virus qui aurait pu le tuer, les médecins n'étaient sûr de rien mais ils n’écartaient pas cette piste pour l'épidémie qui avait touché Bowen. Léo n'en avait jamais encore parlé avec Blanche, il savait pourtant qu'elle s'était inquiété pour lui au début, mais il avait minimisé la situation et à présent qu'il était sorti d'affaire il était passé à autre chose. Il marqua une pause, pour profiter pour manger un peu tant que les pâtes étaient chaudes. Et puis j'ai travaillé sur un autre projet. Un peu plus personnel… Emerson fouilla dans sa veste posée à côté de lui. Avant de se raviser. Il haussa un sourcil, sourire en coin. J'vais pas t'embêter avec ça, ça ne t'intéressera peut-être pas. Pourtant ça la concernait totalement. Mais ils étaient au beau milieu de leur plat, le moment n'était pas bien choisi. Et puis il avait comme l'envie de la faire attendre un peu, Léo aimait se faire désirer et il connaissait le manque de patience de sa maîtresse.

Il avait peur, et il avait pris tout son courage pour lui dire, à la blonde. Lui qui n'avouait pas aussi facilement ses faiblesses, lui qui se braquait quand on tentait d'en parler, d'entrer dans le vif du sujet. Ce soir, alors qu'il fêtait ses trente-deux années et que la sagesse de l'âge s'emparait probablement de lui, il le lui avouait. Moi aussi, tu sais... Parce que s'ils se lançaient dans cette relation complexe, s'ils tentaient d'avancer main dans la main, ensemble, comme une équipe, il n'y avait plus de retour en arrière possible. On est pas obligé d'y penser tout de suite, conclut-elle en hochant la tête sentant vraiment qu'elle était sur le point de perdre le contrôle sur cette soirée qu'elle avait passé des jours à lui organiser. À présent qu'elle savait ses craintes et ses déceptions, à présent qu'elle réalisait que son idée n'avait pas été la plus délicate face à son désir pour son anniversaire, Blanche se sentait mal. Mal d'avoir insisté, mal de s'être emballée. Léo n'était pas prêt pour ce genre de chose. Mais elle n'avait pas voulu mal faire. Au contraire, elle voulait lui donner ne serait-ce qu'une fois dans sa vie le retour de la pareille. Il était toujours charmant avec elle, toujours grandiose. Combien de fois lui avait-il proposé Paris ou de lui payer son loyer ? Encore aujourd'hui, il faisait preuve de galanterie à l'égard de la blonde en l'accueillant chez lui alors, qu'en réalité, il n'en était pas obligé. Pas plus que de n’avoir sauvé ses fesses plus d'une fois. Un coup de fil de la part de Blanche et ses soucis financiers auraient pu se terminer aussi rapidement qu'ils étaient arrivés. Ses parents n'attendaient d'ailleurs que ça, qu'elle daigner leur avouer qu'ils avaient raison et qu'elle ne pouvait vivre sans leur aide. Mais elle avait refusé à tout ça, Blanche, parce que selon elle, elle valait mieux que ça, elle pouvait y arriver seule. Foutaise. Elle avait eu besoin de Léo pour le faire, trop souvent, encore aujourd'hui. Cette soirée, elle célébrait son anniversaire, mais aussi toute la reconnaissance qu'elle avait envers lui et toutes ces années passées ensemble sans être vraiment ensemble, de loin ou de près. Il était vraisemblablement son plus vieil ami. Elle avait peur, elle aussi. Blanche avait peur de le perdre, qu'à force d'espérer, il se fatigue d'elle et qu'il préfère aller voir ailleurs, si le gazon était plus vert. Mais à force de rester confinés dans leurs peurs mutuelles, ils risquaient de tout perdre, de se perdre. Il avait tenté de détendre l'atmosphère, usant de son charme qui habituellement n'avait aucun défaut. Il dénuda l'épaule de son amante d'un geste doux, mais ferme. Blanche regarda la couverture dégringoler sur son bras, sourire timide sur les lèvres. Il avait gagné, comme toujours il gagnait, elle se laissait charmer, pas envie, par besoin. Il la faisait craquer, toujours, il savait comment agir à ses côtés. Et c'était beau, pourquoi se bloquer ?
Aussitôt revenue avec les plats, Léo s'empressa de goûter, émerveillé par l'odeur qui enveloppait la petite pièce où, normalement, Blanche tatouait. Elle le laissa lui raconter ses plans professionnels des dernières semaines. Il parla de la Birmanie. Blanche savait qu'il avait quitté le pays, pour affaire, il le lui avait dit. Puis, il évoqua la quarantaine, moment qui avait mis Bowen sous une alerte rouge générale. Elle s'était inquiétée, lui qui n'avait jamais répondu à ses messages. Encore à ce jour, Blanche ignorait qu'il avait été atteint d'un virus, au même moment où la ville s'était trouvée sous épidémie. Coïncidene ou rapprochement ? Mais son attention fit vite rapporter aux propos principaux de son monologue. Qu'est-ce qu'elle était fière de lui quand il lui racontait ses réussites professionnelles ! Je pourrai les voir, ces photos, une fois publiées ? Demanda-t-elle admirative. Elle aimait l'entendre parler de son travail, parce qu'il le passionnait réellement. Il travaillait par plaisir, par envie, et non par obligation. Et ça paraissait dans ses clichés. Puis, il évoqua un projet personnel, ce qui eut pour effet de piqué la curiosité aiguisée de Blanche. Tu ne m'embêtes pas, c'est moi qui ai posé la question ! Le rassura-t-elle afin de lui montrer qu'elle avait envie de savoir. Elle le regardait, ses grands yeux verts comme des billes qui ne pouvaient se détacher de lui. Tu l'as avec toi ? S'enquit-elle. Tu veux bien me le montrer, s'il te plait ?

Encore une fois Blanche faisait preuve d’une patience et d’une ouverture sans pareil, concernant son amant favori. Elle lui passait tout, elle acceptait sans broncher, les doutes et les peurs de Léo. Ainsi que son incapacité à s’engager totalement dans une histoire. Elle pensait peut-être qu’il faisait preuve de sagesse, en lui avouant ses angoisses, lui n’était pas de cet avis, il avait plutôt l’impression d’être cet éternel gamin entêté qui ne pensait qu’à lui et il détestait cette part de lui-même avec laquelle il devait composer. Surtout ce soir, c’était plus fort que lui, il était incapable de promettre du rêve à Blanche alors que sa peur le prenait à la gorge. Pour la remercier il déposa sa main sur celle de la blonde et la pressa doucement. Elle était bien trop compréhensive envers lui, faisant passer les désirs du beau brun avant les siens, toujours. Emerson ne saisissait simplement pas toute l’importance de ce dîner pour elle, Blanche ne lui disait pas qu’au-delà d’une simple surprise d’anniversaire, c’était aussi sa façon à elle de lui rendre un peu de tout ce qu’il avait donné. Et en même temps elle n’avait peut-être pas tort de ne rien dire, parce que Léo ne cherchait rien en retour, l’argent qu’il lui avait avancé importait peu, elle le savait bien, il l’avait toujours aidé, soutenu, financièrement ou autre, depuis qu’ils se connaissaient, parce que Blanche était important pour lui, elle l’avait toujours été. Elle était avant tout son amie, celle avec qui les repas mondains passaient plus vite lorsqu’ils étaient gamins, celle qui le faisait rire en se montrant à la fois féminine et intrépide alors que lui était un garçon un peu trop froussard. Ils avaient tellement de souvenirs ensemble, bien avant que leur relation ne glisse vers quelque chose de plus compliqué, bien avant que les sentiments s’invitent dans la danse. Avant tout ils étaient camarades et Léo tenait bien trop à elle pour la laisser tomber. Issus du même milieu ils avaient pourtant choisi des chemins différents mais chacun respectait le choix de l’autre. Le fils Emerson avait accepté les avantages de sa naissance, les quelques zéros supplémentaires sur son compte en banque, ceux qui le mettaient à l’abri des soucis jusqu’à la fin de ses jours. La contrepartie d’assister aux mondanités qu’il détestait faisait plaisir à sa mère alors il serrait les dents. Et puis il y avait ce contrat avec son père, signé, acté, dont personne n’avait connaissance, cet accord qui disant que même s’il avait renoncé à embrasser la même carrière que lui, il acceptait néanmoins d’avoir des parts dans l’empire financier qu’il représentait et de se montrer digne de ses responsabilités si quelque chose arrivait à Peter. Léo n’avait jamais voulu travailler dans la finance, il détestait ce monde, mais il était conscient de ce que son nom représentait dans ce milieu et d’être l’unique héritier de la famille. Pour l’instant ce n’était qu’un bout de papier mis sous clé bien en sûreté et Léo était libre de vivre sa vie comme bon lui semblait mais le jour où Peter viendrait à décéder, il serait décisionnaire de l’avenir de sa compagnie, autant dire qu’il souhaitait qu’il meurt le plus tard possible. Pour Blanche c’était bien plus simple, il l’enviait presque, le courage qu’elle avait eu, la force de caractère qu’il avait fallu à la fille Cambridge pour renoncer à tout son patrimoine et aux avantages qui allaient avec. Elle était incontestablement plus libre que son amant, même si elle avait accepté les galères qui allaient avec. Léo aurait aimé avoir cette force là. Il avait fallu aussi beaucoup de cran pour se présenter à sa porte la première fois et lui avouer qu’elle n’y arrivait pas seule, si elle était incapable de demander quoi que ce soit à sa famille, le barbu était heureux de l’aider à garder sa liberté, lui, contrairement à ses parents, ne lui demandait rien en échange. C’est pourquoi cette surprise n’avait pas lieu d’être, Léo n’avait pas besoin qu’elle le remercie de cette façon, il savait qu’elle lui était reconnaissante et il n’avait pas à le lui démontrer.
Comprenant qu’il avait sûrement tout gâché avec ses doutes et ses états d’âme, Léo essaya de renverser la tendance, à présent ils étaient là, elle avait tout organisé pour lui, pour eux, alors autant profiter de la soirée. Et puis ce ciel étoilé était beau, cette ambiance tamisée invitait à ce qu’il se détende, il prit alors sur lui pour faire un effort et surmonter sa peur déraisonnée de tomber un peu plus amoureux de Blanche. Gestes doux, attitude enjôleuse, il en fallut peu pour que la blonde ne craque et qu’il se prenne au jeu de la séduction, celui auquel ils étaient les meilleurs. Et le dîner put prendre une tournure plus agréable. Marchant sur des œufs, Cambridge invita le trentenaire sur un terrain qu’il connaissait bien et qu’il aimait, un terrain neutre, celui de son travail. C’était une bonne stratégie pour faire oublier les débuts chaotiques et Léo, comme à son habitude, ne gâchait pas son plaisir de parler de ce qui le passionnait, c’était tellement plus simple que de s’ouvrir sur ses sentiments. Je te ferai lire l’article quand il sortira en kiosque oui. Les photos c’est bien, mais le journaliste qui était avec nous a fait un récit poignant de ce qu’on a vu, il faut tous les éléments pour bien comprendre. Il allait envoyer ses clichés d’ici quelques jours et le magazine sortirait probablement à la fin du mois, il était content de ce travail, malgré ce que ça avait coûté. Cherchant distraitement dans sa poche, annonçant en même temps à Blanche qu’il avait un autre projet en cours, il sourit un peu plus en voyant qu’elle était en effet curieuse de savoir ce qu’il voulait dire. Et elle avait raison de l’être, curieuse, même s’il jouait volontairement avec ses nerfs. Le plaisir de la voir comme une gamine impatiente devant un cadeau, avec ses grands yeux ronds qui le fixaient, ça n’avait pas de prix, il avait l’impression de retrouver la Blanche de son enfance. Oui mais bon, tu sais, je parle trop, parfois je ne m’en rends même plus compte. Il allait reprendre une bouchée quand elle l’interrompit. Là ? Peut-être que je l’ai… Il enfourna sa bouchée avec un regard en coin pour celle qui semblait avoir perdu l’appétit. Il prit le temps de terminer puis de boire une gorgée de vin. Ok j’te montre. Il attrapa une enveloppe dans la poche intérieure de sa veste qu’il tendit à Blanche. Ouvre puisque tu tiens à savoir. Une enveloppe toute blanche, toute simple. Mais qui contenait deux billets d’avion pour Bali. Le sourire qu'il affichait ne laissait aucun doute, ces billets étaient pour elle et lui.

Ce que Blanche voulait, elle n'avait pas besoin de le dire à haute voix. C'était claire, dans son regard, qu'elle l'avait toujours voulu, lui, Léo, même après toutes ses années, même sans nécessairement le savoir elle-même. Longtemps elle avait pensé que cette attirance n'était que physique, charnelle, mais les dernières années avaient consolidé ses sentiments. Plus précisément, la dernière année avait été révélatrice pour la blonde concernant ses sentiments vers Emerson. Il était son plus vieil allié, son plus ancien bras droit, son pilier, à Bowen, comme ailleurs. Ils avaient tant partagé et, pour éviter de tout perdre leurs souvenirs passés et futurs, Blanche avait tu ses sentiments. Encore aujourd'hui, elle préférait encaisser plutôt que de le perdre. Peut-être que cette tactique pour protéger son coeur n'allait pas durer encore des lunes, pour la belle Cambridge qui commençait à voir sa patience se créer des brèches. Elle commençait à se lasser du comportement de son amant. Incapables de faire un pas de plus, tant vers l'avant que vers l'arrière, ils demeuraient là, dans la même position de leur relation statique. Cette soirée n'avait rien de différent. Alors qu'elle pensait lui faire plaisir, lui redonner ce que lui avait l'habitude de faire, de voir les choses en grand pour lui, mais aussi pour eux, après avoir préparé une surprise à sa hauteur, Léo, lui, était immobile, fixé dans cette crainte qui l'habitait. Il avait dû sentir la déception de la part de son hôte, il avait dû lire dans ses yeux qu'elle se sentait horriblement mal de lui avoir imposé cette soirée qu'il n'avait pas désiré et son attitude changea, il se transforma. Quand Léo sorti son arme de résistance, son charme mélangé à ses sourires, il engourdit la raison de la blonde lui faisait se souvenir pourquoi elle l'aimait tant et pourquoi elle entretenait cette patience constante quand il était question d'eux. Parce que Léo, il en valait l'attente. Il l'avait toujours valu. Peut-être qu'un jour il serait sien, peut-être qu'il lui filerait entre les doigts, Blanche n'en savait rien. Cependant, quand elle plantait son regard dans celui du photographe, elle ne voulait être nulle part d'autres. Alors, le risque valait la peine d'être pris, quitte à se retrouver seule dans quelques années. Elle ne regretterait pas d'avoir attendu, d'avoir écouté son coeur. Parce que le coeur, il voyait souvent juste, il voyait purement, Blanche y croyait, elle osait y croire. Pour ramener la légèreté dans cette soirée qui se voulait douce et intime, la blonde évoqua son travail et instantanément un sourire se posa sur le visage de l'homme. Il l'aimait, son travail qu'il avait choisi de ses centres d'intérêt et non pas par obligation. Et quand il en parlait, on pouvait y voir des étoiles briller dans le bleu gris de ses yeux. Il traversait le monde pour couvrir des histoires parfois heureuse, parfois triste, parfois effrayantes. Et chaque fois que ses photos avaient parues dans un magazine, chaque fois qu'il en avait parlé à la tatoueuse, elle s'était procuré une copie de chaque exemplaire qu'il avait couvert. Les copies étaient d'ailleurs ici, dans son arrière-boutique, parmi les boites qu'elle n'avait pas choisi d'emporter chez Emerson, le temps de son emménagement. J'aimerais bien lire, oui, avoua-t-elle en prenant une bouchée de son assiette, juste avant que Léo ne lui parle d'un nouveau projet plus personnel qui intrigua la blonde. Elle se montra curieuse, après avoir avalé sa bouchée, et lui demanda si elle pouvait avoir un accès privilégié à ce travail encore secret. Tu l'as ou pas ?, souffla la blonde alors que Léo se cherchait une excuse, se moquant gentiment d'elle. Elle était impatiente, il avait titillé ses sens, elle avait envie de découvrir ce que son amant lui cachait et il le savait bien. Il jouait de ses réactions, profitant de toutes les façons possibles pour la faire languir un peu plus longtemps. Il prit une nouvelle bouchée, le forçant à garder le silence quelques instants alors que Blanche roulait les yeux en riant. Il était impossible et elle, elle était une gamine impatiente. Grosse bouchée de pâtes, gorgée de vin, il faisait exprès. Blanche l'imita, se voyant contrainte à attendre qu'il daigne lui montrer ladite surprise. Et quand il se décida, il lui tendit une enveloppe blanche qu'il lui donna la permission d'ouvrir. Blanche s'exécuta, sortant deux billets d'avion pour Bali. Elle les regarda un instant et même si Léo avait un sourire scotché au visage qui laissait croire que ces billets leur étaient réservés pour eux, tous les deux, Blanche ne comprenait pas. Perplexe, sourcils froncés, elle regardait les tickets en secouant la tête. Bali ? Pour le mois prochain ? Elle releva les yeux vers lui. Tu y vas pour couvrir un truc ? Elle secoua la tête à nouveau. J'suis pas certaine de comprendre pourquoi tu as deux billets... Elle s'en doutait, Blanche, mais elle n'était pas convaincue. Tu.. tu pars avec qui ? Perdue, elle attrapa son verre de vin qu'elle but d'une traite. Elle ne pouvait exprimer de joie de partir avec lui, parce qu'à cet instant, franchement, elle n'avait pas encore tout compris. Elle n'avait pas compris qu'ils allaient enfin voyager ensemble.

Emerson était plein de contradictions. Il avait peur de s’engager dans une nouvelle relation, avec Blanche d’autant plus et en même temps ça ne le dérangeait pas qu’elle vive sous son toit, avec tout ce qui allait avec, les nuits dans ses bas et les dîners en tête à tête. Il aurait préféré n’avoir aucune surprise pour son anniversaire plutôt que cette soirée aux chandelles, mais il avait lui-même préparé de son côté tout un séjour rien que tous les deux. Ces deux exemples, parmi tant d’autres choses... Mais ils démontraient pourtant un vérité bien moins reluisante, au delà de ses peurs, Léo avait surtout horreur qu’on décide pour lui, il aimait tout contrôler, être maître de sa vie, de ses décisions, de qui il aimait et et comment les choses devaient se passer avec cette personne et évidemment il faisait tout pour que ce soit une réussite, il n’acceptait pas les échecs, parce qu’un Emerson ne devait pas connaître les refus ou les défaites. C’était dans son caractère mais aussi le concentré de toute la mauvaise éducation qu’il avait reçu. Si Léo était un homme généreux et ouvert sur beaucoup de choses, il fallait que ça aille dans son sens sinon ça le déstabilisait. Et c’était ce que la blonde avait fait ce soir, elle l’avait surpris, elle l’avait ébranlé alors qu’il n’en avait pas l’habitude, le faisant se sentir faible, sans contrôle sur les événements. Même si c’était probablement une bonne chose, qu’on bouscule un peu cet homme bien trop sûr de lui et de ses effets, il se sentit tout de suite mieux lorsqu’il vit que la situation revenait à son avantage. Quand il réussit à capter l’attention de Cambridge avec son mystérieux projet, elle était à présent pendue à ses lèvres et Léo se sentait bien plus à l’aise, il prit même un malin plaisir à la faire gamberger, comme pour se venger gentiment pour sa surprise de ce soir. Et sans le savoir il n’avait pas eu tort de reprendre un peu les brides de cette soirée, parce qu’avec ses doutes et ses fragilités il avait agacé Blanche, elle qui le voulait pour elle, qui rêvait, depuis longtemps, d’avoir cet homme là, avait bien cru commencer à se lasser de son comportement trop borderline. Il avait donné l’impression de ne pas savoir ce qu’il voulait, de reculer après un pas en avant et, sans qu’il le sache, elle commençait doucement à s’agacer de ses hésitations et de son tempérament. Pourtant quelque soit l’issue de toute cette histoire, elle devrait bien faire avec le caractère complexe de Léo. Mais pour l’heure il se montrait son son meilleur profil, celui qui lui collait à la peau, celui du sale gosse qui savait trop bien charmer son monde, celui qu’elle adorait même s’il lui tapait parfois sur les nerfs. Et au terme d’un jeu d’acteur fait pour la faire enrager davantage, le barbu finit par lui tendre l’enveloppe, objet de tant de mystère. Il hocha la tête lorsqu’elle lit à haute voix l’intitulé des billets. Oui, dans trois semaines exactement. Son sourire s’élargissait alors qu’il rêvait déjà à cette nouvelle destination. Plus ou moins… Elle semblait ne pas comprendre, néanmoins les choses semblaient claires, il avait rendez-vous avec elle ce soir, surprise ou non ils devaient dîner ensemble et il n’y avait qu’une raison possible pour qu’il ait délibérément glissé cette enveloppe dans la poche de sa veste. Je pars avec toi. Enfin tu pars avec moi. Mais ça revient au même. Il lui adressa un sourire des plus tendres. Tu ne peux pas refuser, j’ai déjà vu avec ton collègue pour que le salon puisse rester ouvert en ton absence. Il se redressa, anticipant déjà la réaction de Blanche, elle avait toujours refusé de partir avec lui, à cause de l’argent, à cause de tout un tas d’excuses différentes, mais là il avait tout prévu, elle n’avait plus aucune raison de se dérober. Et puis c’était elle la première qui avait proposer un voyage. Il est trop tard pour l’Islande, à cette saison il n’y a plus d’aurores boréales. Mais je n’avais pas oublié pour autant. On m’a proposé de faire quelques photos des plages de Bali pour la brochure d’un hôtel de luxe et on m’offrait le billet d’avion et les nuits d’hôtel pour ça. Alors je n’ai eu à acheter que le second billet. Je n’y suis jamais allé… ce ne sont que dix jours. Viens avec moi, puis une jolie fille sur une plage de sable fin ça fait toujours mieux sur la photo. Il avait abattu toutes ses cartes pour la convaincre de le suivre, c’était un cadeau qui n’en était pas vraiment un puisque le voyage était quasiment intégralement offert par l’hôtel, elle n’avait pas de raison de refuser. Pardon de gâcher ta surprise d’anniversaire… mais je ne savais pas, sinon j’aurais attendu pour te donner les billets. Il s’en voulait un peu d’arriver avec son cadeau pour elle, mais c’était toujours moins que la peur qu’elle refuse une nouvelle fois de le suivre dans ses aventures.

Contradictions qui teintaient leur soirée, contradictions qui résultaient fort probablement des peurs avouées d'entrer dans cette relation, d'y sauter les pieds joints, et de le regretter. Parce qu'il fallait l'avouer, Léo et Blanche avaient gros à perdre en se risquant de cette façon, ils perdaient chacun leur plus vieil ami, leur plus vieux confident, même si leur couple plausible avait semblé être une évidence toute leur vie et qu'il ne restait qu'un pas à franchir pour le tenter. Et alors que Léo ne semblait pas être prêt à franchir cette dernière ligne pour laisser son coeur parler, Blanche, elle, l'attendait déjà de l'autre côté. Et à force de laisser les jours passés, à force d'attendre sans nouvelles de sa part, elle finira par se fatiguer, par se faner telle une fleur à qui on ne donne pas d'eau, que l'on ne nourrit pas de la bonne façon. Blanche se nourrissait actuellement des bribes d'attentions qu'elle recevait de la part du photographe et bien que cela était plus que suffisant pour l'instant, un jour, il lui faudrait plus. Il lui faudrait une certitude que leur histoire mène quelque part. Mais ce soir, ils étaient sur des pôles complètement opposés. Elle disait blanc, il disait noir. Alors qu'en temps normal, ils n'étaient jamais bien loin dans une zone où l'on mélangeait le blanc et le noir pour donner du gris. Elle l'aimait le caractère complexe de l'homme, c'était ce pourquoi elle était tombée amoureuse de lui. Ils faisaient parfois des flammèches, mais trouvaient toujours un terrain d'entente. Elle aimait qu'il prenne sur ses épaules la plupart des décisions, parce qu'il savait la faire sortir hors de sa zone de contrôle. Mais ce soir, c'était elle qui le déboussolait, les rôles étaient inversés et il ne semblait pas apprécier la tournure des évènements. Mais s'ils voulaient bâtir ensemble, il devrait être plus libre, plus enclin à accepter ce genre de comportements, comme elle se devait de respecter sa nature à lui. Parce qu'à force de toujours tout contrôler, il la perdrait, Blanche, elle fanerait dans l'ennui. Et tel n'en était pas son envie. Elle voulait se surpasser à ses côtés, faire toujours mieux et grandir avec lui dans leur propre histoire dont ils seraient les auteurs. Une page blanche à la fois, ils écriraient ensemble la suite de leur récit parfois teinté de ses initiatives, d'autres fois de celles d'Emerson, et souvent de leur caractère uni. Léo savait où la soirée allait et comme il n'en avait pas les commandes, il fit ce qu'il savait faire de mieux : la charmer. Et ça fonctionnait. D'abord par ses sourires, ses gestes doux qui lui avaient fait effleurer sa peau et ses paroles qu'ils savaient bien jouées. Puis, cette surprise, ce projet personnel et professionnel qu'il avait délibéré gardé secret pour cette soirée, alors qu'il le savait depuis bien plus longtemps qu'il ne le laissait croire parce qu'il avait tout organisé, dans le dos de la blonde qui, billets en mains, n'était pas certaine de comprendre totalement l'enjeu. Elle le laissait s'expliquer, justifiant ses choix et ses envies par des solutions qu'il avait déjà élaborées à l'avance, comme s'il savait que la blonde lui résisterait. Évidemment qu'elle lui résisterait. Il avait tout arrangé, le séjour lui avait été offert, il avait payé le billet d'avion supplémentaire et avait sans doute fait des pieds et des mains en appelant la compagnie aérienne pour s'assurer que leurs places soient l'une à côté de l'autre et non un billet perdu dans le même appareil que le sien, il avait déjà discuté avec son collègue pour lui éviter de perdre de l'argent qu'elle avait réellement besoin dans leur absence, et il avait méticuleusement choisi ses mots pour la faire craquer en la complimentant au passage. T'as vraiment tout organisé, hein..., commença-t-elle alors qu'elle avait maintenant compris que le deuxième billet, s'était le sien. Blanche rangea soigneusement les tickets dans leur enveloppe, pour éviter qui leur arrive quoi que ce soit, et la posa sur la table devant eux, un sourire touché aux lèvres mélangées à une gêne. C'était son anniversaire, surprise ou pas, c'était son anniversaire et le voilà, en grand Léo qu'il était, en train de la surprendre elle, alors qu'elle n'avait rien d'autre à lui offrir que ce diner et sa petite personne. Il lut dans ses pensées, s'excusant rapidement. Blanche hocha la tête. C'était beaucoup à digérer d'un coup, beaucoup à assimiler. Elle s'avança, contournant la petite table pour se rendre tout près de Léo, à ses côtés, assise juste en face de lui et attrapa ses mains qu'elle caressait de son pouce. Quand je t'ai proposé l'Islande, c'était pour qu'on ait un projet ensemble, finit-elle par avouer, qu'on organise notre voyage, tous les deux, qu'on cherche des endroits pour se loger, qu'on achète les billets d'avion, qu'on détermine notre itinéraire à deux. Et pas que tu sois le seul à débourser un seul centime pour tout ça. Parce qu'en réalité, il avait déjà bien assez déboursé pour la blonde. Alors, tu sais, bien que je suis réellement emballée à l'idée de partir avec toi et de découvrir, pendant dix jours, un pays que je ne connais pas vraiment, il y a une part de moi qui ressent de la culpabilité. Blanche hocha la tête pour affirmer ses dires. C'est ton anniversaire Léo, surpris ou pas. Et tu me fais le plus gros cadeau en me demandant de partir avec toi alors que moi... j'suis tellement paumée que j'ai rien à t'offrir d'autres que ce diner aux chandelles qui te rend mal à l'aise... Soudain, l'émotion l'envahie. Elle baissa les yeux. J'ai l'impression que jamais je ne serai à la hauteur... Elle releva les yeux vers lui. Laisse-moi participer, je te rembourserai. Promis. Petit à petit, je te rembourserai en totalité ce que tu as dû payer pour le billet supplémentaire, elle resserra ses mains contre celles de l'homme. J'ai très envie de partir avec toi, finit-elle par lui avouer en hochant la tête, les yeux brillants, Même si à cet instant, c'est moi qui a peur... Exactement comme toi plus tôt. Elle s'approcha de lui pour déposer un doux baiser sur ses lèvres. Merci, souffla-t-elle en collant son front au sien, les yeux fermés, caressant la joue du photographe avec douceur.