en fuite (brooke)

Affaissée au bar avec une collègue du cabaret, tu sirotes un whisky vieilli en fût de Sauternes. C'est une soirée merdique. Elle t'emmerde, cette collègue, elle te parle de ses problèmes de couple et ça te gave. Tu te sens cruelle, parce que la pauvre, elle a du mal, elle est blessée, son mari vient de la tromper avec une autre, plus belle, plus bonne. Mais les couples, ça finit toujours comme ça. Ça finit toujours par exploser, même quand on pense le contraire. C'est jamais stable, jamais certain, jamais chasse gardé. Et ce comportement, c'est typique des hommes, surtout ceux que tu connais. Tu l'écoutes et tu bois, tu bois pour éviter de lui dire des conneries. La soirée avance, tu dis au revoir à ta collègue, tu feintes la fatigue. Tu te tournes sur ton banc et c'est là que tu le vois. Bouclettes brunes qui lui tombe sur le visage, son regard mystérieux qui t'avait jadis charmé, il n'a pas changé, même après toutes ces années, il n'a pas changé. Hey, Valister, cries-tu assez fort pour qu'il t'entende. Il se retourne, alors qu'il s'apprêtait à disparaitre dans la foule de Hendrix. Tu m'avais pas vu, sérieux ? Tu te lèves, tes longs cheveux détachés te suivent, tu plisses les yeux en l'analysant. Ça fait un bail, oui, t'as raison, poursuis-tu. Qu'est-ce que tu deviens ? T'es amusée, t'as l'impression de revivre vos premiers moments, t'as l'impression que tu le contrôles. Enjôleuse, tu le regardes dans les yeux, tentant de l'hypnotiser comme tu l'as déjà fait à l'époque où t'avais pas encore tous tes tatouages et tes piercings. Soudainement, la soirée est devenue bien plus intéressante. Tu ferais bien de rester encore un peu.

Tu ris. Tu ris parce qu'il te ment. Tu le sais. Son regard est fuyant. Axel, il n'a jamais vraiment su mentir. Tu hausses les épaules en grimaçant avec les lèvres. C'est pas beau de mentir, love, dis-tu en plongeant tes yeux azurs dans les siens, cherchant le fond de vérité qu'il te cachait. Tu veux m'éviter ? Pourquoi, mon chou, t'es pas heureux de me retrouver ? Finis-tu par ajouter en souriant. Mais tu lui laisses à peine le temps pour répondre à ta question que tu enchaînes déjà avec les suivantes. Qu'est-ce qu'il devient, ça t'intéresse. Tu veux savoir ce qui s'est passé, avec lui, depuis que t'es partie. Et il commence. Chanteur et photographe. Chanteur, hein ? Dis-tu en hochant la tête, une moue un peu fière sur ton visage. Dis donc, tu dois en avoir des nanas derrière toi, en file pour toi. Ça aurait pu être vrai, en fait. Parce qu'il est pas mal, Axel. Et les nanas, elles aiment bien les mecs du type artistes. Et chanteur, c'est encore mieux. Ils te font la sérénade, parfois, c'est chouette. Et de la photo ? Dis, t'as besoin d'un modèle ? Demandes-tu sérieusement. Toi, t'aimes être devant, pas derrière la caméra. Mais, parfois, seule avec le retardataire à distance, ça craint un peu. M'bof, moi, j'vagabonde, ici et là. J'ai trouvé un job au cabaret Delirum, j'sais pas si tu connais. Tu fais mine de pointer la direction vers le cabaret, comme vous n'en êtes pas trop loin, à dire vrai. J'suis l'assistante d'un lanceur de couteaux. Tu lui souris avant de reprendre. T'as le temps pour un verre ?