#17 - clinging to the ruin of your broken home (wooja)

« Peut-être, oui. J’comprends pas ce qu’il s’est passé… avant il nous suffisait d’un regard pour nous comprendre. » Dis-tu, toi aussi, lasse. Tout était bien plus simple entre vous avant que les doutes viennent s’insinuer dans votre esprit. Avant que vos sentiments deviennent trop grands, trop forts, pour les contenir. Mais tu ne regretteras jamais tout l’amour que tu portes à Woody parce que c’est le premier à t’avoir emmenée sur un chemin où tu t’acceptes, telle que tu es, petit à petit. Avant lui, tu étais bien incapable de t’aimer, de te tolérer, même. Avant lui, tu étais quelqu’un de totalement différent. Malgré tout, il persiste certains obstacles sur ton chemin de l’acception de soi et la confiance en fait partie. Tu ne sais pas si tu parviendras, un jour, à avoir confiance en toi. A reconnaître ce que tu vaux vraiment. Et c’est sûrement pour cette raison que tu te sens si petite à côté de l’immensité de Woody. Si faible à côté de son courage. Tu secoues doucement la tête de gauche à droite quand l’australien t’avoue qu’il a l’impression d’être une cause perdue. S’il savait à quel point il se trompe, comme lorsqu’il ajoute que tu es aveuglée par ton amour, incapable de le voir tel qu’il est. A tes yeux, tu es une des seules à le voir exactement comme il est. Bon, généreux, attentionné. Tout ça à la fois. Il n’offre tout simplement pas ses bons côtés à n’importe qui alors il est plus facile de voir le « monstre » qu’il laisse transparaître plutôt que ce qui se cache dessous. « T’es pas une cause perdue, Woody. Tu as juste besoin de te retrouver, de savoir qui tu es et qui tu veux devenir. Cette maladie t’a arraché une part de ton identité et sans elle, tu as l’impression de ne plus être toi-même. Mais tu trouveras qui tu es, j’en suis sûre. » Tu parles évidemment du sport dans lequel il excellait, avant d’apprendre qu’il était malade, le vélo des montagnes. Un sport qui signifiait beaucoup si ce n’est tout pour l’australien et tu sais que depuis qu’il a arrêté, il n’a plus jamais été aussi passionné par quelque chose. Il n’a plus trouvé l’envie de se lever tous les matins et de se démener pour quelque chose. « Je t’aime parce que je connais tes défauts mais surtout tes qualités. Et crois-moi, tu en as un tas. » Dis-tu avec un sourire qui s’élargit sur tes lèvres. Un sourire qui s’efface bien vite, malheureusement, quand tu constates que tu ne rends pas Woody heureux. Que malgré tous tes efforts, votre couple ne fonctionne pas comme il le devrait. Vous avez profité pendant un temps, oui, mais les obstacles vous ont rattrapés bien trop vite. Tu fermes les yeux en sentant la main de l’australien se poser sur ta joue, savourant ce contact qui s’est fait bien trop rare, à tes yeux, ces derniers temps. Puis, tu les rouvres pour ancrer ton regard dans celui de Woody, buvant presque ses paroles. « Moi aussi, j’étais vraiment heureuse durant ce début d’année à tes côtés. » Dis-tu avant d’entendre le mais que tout le monde redoute et qui annoncera sans doute la conclusion de votre histoire. Tu sais qu’il a raison, Woody, mais cela ne rend pas ses mots moins blessants, moins difficiles à entendre pour autant. « Je crois que moi aussi je me suis perdue ces derniers temps. Et je crois qu’on a besoin de se retrouver individuellement avant de pouvoir, peut-être, se retrouver à deux. » Réponds-tu non sans peine. Tu ne sais pas si vous vous retrouverez un jour tous les deux mais vous ne pouvez pas continuer à vous détruire sans cesse alors que ça ne fait que vous éloigner davantage. « J’veux pas que tu m’oublies. » Dis-tu en tournant ton corps vers l’australien pour le prendre dans tes bras. Tu enfuis ta tête dans son cou, t’imprégnant de son odeur, de sa peau, de lui, une dernière fois…

Woody soupira, tout aussi las. Il avait tellement l’impression qu’ils tournaient en rond, encore plus depuis qu’ils étaient un couple, ce qui était franchement ironique quand on savait à quel point ils se tournaient autour depuis bien des années déjà. « On s’est aimés. Et on a perdu le contrôle. C’est ce qui s’est passé. » Ils avaient aimé trop fort, et ils s’étaient perdus à travers de trop grands sentiments. Du moins, c’était l’impression que Woody avait, puisqu’il n’y avait jamais eu un cœur aussi contradictoire que depuis qu’il était avec Freja. Tous ses faits et gestes s’opposaient, il menait une lutte encore plus déchaînée contre lui-même que contre la norvégienne. Et pourtant, ils semblaient en constante guerre froide l’un contre l’autre, à en juger au nombre de fois où ils s’étaient blessés et fait pleurer. « Et si je sais déjà qui je suis, et que j’aime juste pas du tout ce que je vois ? » Demanda Woody en relevant les yeux vers Freja. Le reflet qu’il voyait, que ce soit dans le miroir ou dans les yeux de la femme qu’il aimait, c’était un reflet brisé sur toute sa grandeur, c’était un reflet qui cherchait à s’effacer. Woody se détestait, et il comprenait à présent que ces dernières années à vouloir être le meilleur, à vouloir ressortir vainqueur de tout, ce n’était qu’une façade pour empêcher les autres de voir à quel point il s’écroulait sous le poids de sa propre haine. Alors que Freja lui assure qu’il avait des qualités ou non, ça ne changeait plus rien. « T’arrêtes pas de me le dire, tu me le répètes sans cesse, mais j’arrive même plus à t’croire quand tu le dis. Je sais que toi, tu le crois, mais ouvre les yeux et commence donc à écouter ce que le reste du monde te dit. » Landon était d’ailleurs le premier, sans doute, à avoir voulu ouvrir les yeux de la norvégienne sur qui Woody était réellement. Et il avait raison d’essayer de la sauver. Il avait raison sur toute la ligne, même si ça le tuait de l’admettre. Le trentenaire posa sa main sur la joue de la brunette alors qu’il lui affirmait à quel point elle avait pu le rendre heureux, mais aussi à quel point ça n’était parfois pas assez. Leur amour était plus grand que tout, mais il ne suffisait pas, il ne suffisait plus. Les nuages au-dessus d’eux étaient là pour rester, alors peut-être était-ce eux qui devaient partir. « Ça me tue de réaliser que c’est là-dessus qu’on arrive à se mettre d’accord … » Lâcha Woody, la gorge nouée. Freja se tourna vers lui et vint se blottir dans ses bras, une dernière étreinte avant qu’ils ne se libèrent. Il ferma les yeux en posant son front contre la chevelure de la jeune femme qui le suppliait de ne jamais l’oublier. « How could I ? » Murmura-t-il, avant de les laisser aller.

Perdre le contrôle... c'est un euphémisme quand on regarde en arrière et qu'on voit tout ce qu'il s'est passé entre vous depuis le commencement de votre relation. Bien avant que vous ne soyez ensemble, vous vous êtes beaucoup blessés, Woody et toi. Bien avant que vous ne réalisiez à quel point votre relation pouvait être magnifique mais aussi destructrice. Malgré tout, dans ton esprit, c'est les meilleurs moments qui restent parce que tu verras toujours l'australien de la plus belle façon : avec un regard amoureux. Même si aujourd'hui vos chemins se séparent, tu sais d'avance que tu ne cesseras jamais de l'aimer. Tu hoches la tête pour toute réponse, posant celle-ci sur l'épaule de Woody alors qu'il reprend la parole. « Change ton regard. Ou améliore ton comportement. Deviens quelqu'un que tu aimeras regarder dans le miroir. » Tu sais que c'est plus facile à dire qu'à faire parce que, toi aussi, tu as parfois du mal à faire face à ton reflet. Mais c'est la seule chose que Woody peut faire s'il désire avoir un autre regard sur lui-même. S'il désire s'accepter, finalement. Quand l'australien reprend la parole, t'intimant d'ouvrir les yeux, tu secoues la tête, résignée. « Parce que j'ai bon espoir qu'un jour tu te le mettes dans le crâne. » Rétorques-tu avec un sourire au coin des lèvres. « Depuis quand est-ce qu'on écoute ce que les autres disent ? J'ai pas besoin qu'on me dicte ce que je dois penser de toi. J'ai déjà mon propre avis depuis longtemps. » C'est pour cette raison que tu n'as jamais pris en considération les avertissements de tes proches à propos de Woody. Toi, tu sais comment il est. Tu sais tout ce qu'il a déjà fait pour toi à commencer par cette escapade romantique sur une île, ces nombreuses randonnées où plus rien n'existait autour de vous et plus récemment, cette opération. Alors peu importe ce qu'on te dira sur Woody, l'image que tu as de lui ne bougera jamais d'un millimètre. « J'aurais préféré qu'on soit d'accord sur le fait de rester ensemble mais j'crois qu'on a besoin de se montrer raisonnable cette fois-ci. » Dis-tu alors que tes yeux commencent à s'embrumer de larmes. Prenant conscience que vos chemins se séparent ici pour une durée encore indéterminée et peut-être même définitive, tu te blottis dans les bras de l'australien, t'imprégnant de lui une dernière fois. Tu le supplies de ne pas t'oublier et si sa réponse devrait suffire à te rassurer, ce n'est pas du tout le cas. Tu sais qu'il dit ça maintenant mais qui sait ce qu'il adviendra dans quelques mois. Tu t'écartes légèrement pour que vos visages soient face à face et poses un tendre baiser au creux de ses lèvres. Comme pour marquer la fin de votre histoire. « Promets-moi de prendre soin de toi. » L'implores-tu du regard quand vos lèvres se détachent finalement et que tu te recules un peu. Tu ne sais pas si Woody est capable de tenir une telle promesse mais tu l'espères en tout cas parce qu'à présent, tu ne seras plus là pour veiller sur lui. Ou plutôt, si, mais de loin.

Elle avait raison, Freja. Il n’en tenait qu’à Woody de devenir la personne qu’il aurait aimé voir dans le miroir. Il était le seul à pouvoir changer le reflet qu’il renvoyait aux autres. S’il continuait d’attendre, il finirait par se laisser avaler complètement par cette noirceur qu’il n’aimait pourtant pas chez lui. Mais c’était effectivement plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on savait qu’il était prisonnier de cette image depuis tellement longtemps. Même adolescent, Woody n’était pas une bonne personne, il était un bully, intimidant tout sur son passage juste pour affirmer cette supériorité imaginée, construite de toute pièce pour illusionner les autres. Ça ne s’était qu’aggravé avec le temps. Il était loin, le gamin qui jouait dans les rues le soir avec son frère, sa sœur, et tous les amis du quartier, profitant de chaque seconde de cette vie avec une insouciance qu’on lui avait volée en même temps qu’on l’avait martelé de diagnostics. Il se contenta d’hocher la tête, Woody, ne voulant pas promettre d’essayer parce qu’il ignorait s’il était capable de briser ces chaînes. « Même si j’adore que tu n’en fasses qu’à ta tête et que c’est quelque chose que j’admire chez toi, je pense que là-dessus tu t’es juste raconté des mensonges depuis trop longtemps. » Sur sa personne, sur ce qu’il était. Ou peut-être était-ce parce qu’elle était arrivée plus tard dans la vie de Woody, qu’elle n’avait pas assisté à cette déplorable évolution de sa personne. Et comme elle n’écoutait pas les autres, elle n’avait jamais voulu croire ces histoires qu’on racontait sur lui, peut-être. Les deux amoureux se mirent finalement d’accord sur cette rupture, même alors qu’ils n’osaient pas en prononcer le mot, sans doute de peur qu’ils se brisent davantage. Au moins, en ne l’officialisant pas, ils pouvaient encore s’accrocher aux quelques ruines d’eux-mêmes, de leur histoire. « Je pense aussi. » Lâcha-t-il la gorgée nouée. Ils n’avaient jamais su se montrer raisonnables, Woody et Freja, et voilà qu’ils le faisaient à la place de tenter de se sauver tous les deux. Il fallait plutôt qu’ils se sauvent individuellement, d’abord. Autrement, ils couleraient ensemble. La norvégienne se blottit dans les bras de l’australien une dernière fois avant de le délivrer, s’écartant de lui pour lui redonner sa liberté, celle dont il ne voulait pourtant plus. « Si tu me promets de prendre soin de toi aussi. » Et sur ces paroles qu’ils s’échangeaient sans doute sans trop y croire, Woody déposa une dernière fois ses lèvres sur celles de Freja, et il quitta sa chambre, dans l’espoir de ne jamais quitter son cœur.

FIN DU WOOJA