when the branches are bare and broken, love is so hard to reach (wooja)

S’il avait su, Woody, que ce jour-là, à un stupide défi des Stormtroopers à la Mangue avec un grand M, il renouerait avec Freja d’une manière devant laquelle il ne pouvait plus reculer, il se serait peut-être abstenu de s’y rendre. Il se serait peut-être convaincu que plus la distance et le temps les séparaient, moins ils risquaient de retomber dans leurs vieilles habitudes, et plus ils avaient de probabilités de s’oublier. Il se serait aussi convaincu que c’était mieux ainsi. Au lieu de ça, Woody et Freja s’étaient retrouvés l’un en face de l’autre et s’étaient ouverts l’un à l’autre comme rarement ils l’avaient fait. Sans doute était-ce parce que le contexte les avait forcés à se tenir l’un à côté de l’autre, sans pouvoir bouger, sans pouvoir se fuir cette fois. Et comme ni l’un ni l’autre n’avait la force d’être aussi près de l’autre sans se regarder, sans se parler, sans se chercher … ils s’étaient retrouvés. Woody lui avait alors promis de réfléchir à tout ce qu’ils s’étaient dit, et de la rappeler lorsqu’il se serait enfin rendu à l’évidence – évidemment, ces mots précis n’avaient pas été prononcés, mais ils savaient l’un comme l’autre que c’était l’issue. Pourtant, les jours et puis les semaines s’étaient écoulées. Au début du mois de décembre, il avait tenté de la rejoindre. Jour après jour. Elle ne daignait même pas décrocher la ligne. Il avait tenté de la coincer au détour d’un couloir à son appartement mais même en délaissant toute stratégie et en allant cogner chez elle, il se frappait à un de ses colocataires qui ignorait où elle se trouvait. Si l’inquiétude avait été présente pendant quelques jours, c’était ensuite l’énervement et la déception qui s’étaient emparés de Woody. Sans doute fuyait-elle. En partant loin d’ici, encore. C’était tout ce qu’ils savaient faire, après tout, fuir. Il n’aurait pas dû lui en vouloir pour ça et pourtant c’était le cas. Parce que lui était prêt. Il avait décidé de laisser ses peurs derrière et de croire Freja quand elle lui disait être prêt à sacrifier des parties d’elle-même pour leur vie à deux. Il avait décidé de ne plus en faire qu’à sa tête parce qu’il ne voulait plus la faire souffrir en se montrant à la fois égoïste et surprotecteur. Mais il avait raté le bateau, son ouverture s’était refermée. Le temps des fêtes était alors arrivé, et si au début du mois de décembre Woody s’était encore accroché à l’idée d’avoir des nouvelles de Freja, il avait abandonné l’idée pendant les vacances. En ce temps où les gens se retrouvaient normalement en compagnie des gens qu’ils aimaient, Woody et Freja s’étaient gardés dans le brouillard, ne cherchant pas à retrouver cette main qu’ils s’étaient tendue. Woody avait passé les fêtes avec les Rutkowski, malgré que sa tête fût ailleurs. Dans ses bras et ses draps à elle. Un doux rêve qui lui semblait de plus en plus inaccessible. Jusqu’à ce que Tahlia le croise par hasard et l’informe que Freja était de retour depuis deux semaines tout au plus. La nouvelle année avait déjà sonné, mais il n’était peut-être pas trop de tard pour de nouveaux grands départs. Sa résolution de l’année n’était peut-être pas vouée à s’envoler en fumée. Il était donc repassé par chez lui pour se changer, enfiler un pull que Freja lui avait un jour acheté lors d’une escapade d’un week-end, et se rendit à son appartement. Il monta les escaliers avec rapidité malgré la lourdeur de ses jambes, et alors qu’il tournait le couloir pour se rendre devant la porte dudit logement, il vit la porte s’ouvrir et un homme en sortir. Il reconnut la voix de Freja le saluer avec chaleur et entrain, et le regard de l’homme rivé sur elle. Il avait l’air d’un homme qui n’avait pas envie de partir, qui n’avait pas envie de s’éloigner de Freja. Il ressemblait à Woody, là-dessus. La même attraction envers la norvégienne. Il détourna le regard lorsqu’il croisa l’homme en question, ayant continué son chemin malgré sa soudaine réticence à cogner à la porte. Il attendit que l’homme disparaisse derrière la porte de sortie, et tourna le regard vers la porte close de l’appartement. Il craignait ce qu’il trouverait derrière : Freja enroulée dans une serviette de bain, Freja en sous-vêtements, sans gêne. Il prit une grande inspiration, ferma les yeux, et cogna à la porte. Et au moment où tu seras prêt, je serai là, prête à lier ma vie à la tienne. Mais elle n’avait pas été là. Et il n’était pas certain qu’elle le soit, maintenant, non plus.

Depuis ton retour de cure de désintoxication, ta vie a doucement repris son cours. Bien sûr, rien ne sera plus jamais pareil puisque tu devras constamment vivre avec un manque, une dépendance, mais le plus dur est passé. Tu as affronté et surtout surmonté le pire, du moins, c'est ce que tu espères. Si ta cure t'a permis de supprimer la cocaïne de ta vie, elle t'a surtout apporté une épaule sur laquelle te reposer et une personne sur qui compter, peu importe les épreuves. Landon. Vous étiez proches sur le plan physique avant votre départ mais ce voyage a tout chamboulé et vous a également rapproché sur le plan mental. Vous vous êtes ouverts d'une façon tellement naturelle que vous ne vous êtes pas souciés des conséquences. Et aujourd'hui, alors que vous êtes de retour à Bowen, vous ressentez toujours le besoin d'être connectés. C'est pourquoi, il n'est pas rare de l'apercevoir quittant ton appartement comme aujourd'hui. Mais alors que tu refermes à peine la porte derrière lui, des coups retentissent à nouveau. Tu fronces les sourcils, imaginant que Landon a peut-être oublié quelque chose. « T'as oublié un truc ? » Demandes-tu en ouvrant la porte avant de remarquer que c'est Woody qui se cache derrière celle-ci. Maintenant qu'il est devant toi, tes émotions s'emmêlent dans tous les sens. Tu es partagée entre la joie de le retrouver, de voir qu'il s'est déplacé jusqu'ici alors que tu n'as pas répondu à ses appels et la peur qu'il ait vu celui qui a quitté ton appartement quelques minutes plus tôt. Mais tu ne te fais pas trop d'espoir, il est plutôt sûr qu'il l'a vu. De ton côté, lorsque tu as vu l'australien pour la dernière fois, tu te sentais si légère, si optimiste et pourtant, depuis, c'est le calme plat. Et pour une fois, tu en es la seule responsable. Tu sens déjà la culpabilité te gagner alors que tes raisons sont plus que légitimes mais c'est plus fort que toi. Tu redoutes déjà l'état d'esprit dans lequel se trouve Woody alors qu'il a sûrement vu ton "amant" sortir de chez toi et que tu te trouves, devant lui, portant un long tee-shirt assez large sans rien en dessous. « Hey. J'suis contente de te voir, entre. » Dis-tu finalement avec un sourire sincère. Même si tu redoutes la suite de votre conversation, tu es heureuse de revoir l'australien après tant de temps séparé de lui. Un temps nécessaire pour te reconstruire mais bien trop long à tes yeux. « J'suis désolée de ne pas t'avoir rappelé mais tu comprendras pourquoi lorsque je t'expliquerai où j'étais. » Ajoutes-tu en te dirigeant vers le salon pour que Woody s'y installe le temps que tu ailles enfiler un bas de pyjama dans ta chambre. Une fois que c'est fait, tu t'installes aux côtés de ton meilleur ami sur le canapé, prête à voir dans quel état d'esprit il se trouve. Son visage reste imperturbable mais tu ne peux que penser qu'il s'agit du calme avant la tempête et à cet instant précis, tu as peur d'avoir détruit le seul petit espoir qui persistait entre vous à cause de ton absence. Et surtout de ton silence.

Elle s’adressa d’abord à Woody d’une voix presque enjouée, une voix qui souriait davantage qu’un sourire lui-même, en lui demandant s’il avait oublié un truc. Elle ne s’adressait pas à lui. Elle s’adressait à l’autre, qui était sans doute en train de pousser la porte du bloc de logements, tout en bas des escaliers, retrouvant l’air frais mais ne laissant pas ce dernier rafraîchir ses souvenirs auxquels il désirait probablement s’accrocher le plus longuement possible. Parce qu’avoir des images de Freja en tête avait le don de rendre heureux le plus maussade des hommes, ça, Woody en avait la certitude. Elle avait toujours eu cet effet-là sur lui, peu importe dans quelle tempête interne il se trouvait prisonnier. Il était prêt à parier que cet autre homme avait le même enivrement post-Freja que lui avait toujours eu – jusqu’à il y avait environ neuf mois. Présentement, Woody était en sevrage, mais rien n’y faisait : elle ne sortait pas de sa tête. Elle ne sortait surtout pas de son cœur. Quand le regard de Freja se posa enfin sur Woody lorsqu’elle eut complètement ouvert la porte, Woody haussa tout légèrement les sourcils, pour lui faire comprendre qu’il n’était sans doute pas celui qu’elle s’attendait à voir, mais qu’il était tout de même bel et bien là. « Euhm, non, je n’ai rien oublié. J’aurais longtemps eu à attendre pour ravoir ce truc, si ça avait été le cas. » S’il était d’abord venu ici pour le grand geste d’amour que Freja avait espéré depuis si longtemps, l’envie s’était maintenant évanouie. Un pas en avant, dix de reculons, c’était Woody, pas vrai ? Cette fois, le pas qu’il s’était apprêté à faire en était un de géant, alors on ne pouvait que croire qu’il prendrait la fuite et ne reviendrait jamais. Pourtant, quand Freja l’invita à rentrer après avoir déclaré être contente de le voir, il la suivit à l’intérieur de son logement. Il se dirigea avec elle au salon, l’écoutant s’excuser de ne pas l’avoir rappelé. « Je ne sais pas si j’ai envie de savoir, maintenant, mais … fine. Je t’attends ici. » Parce qu’il avait bien deviné, à la voir tirer sur son chandail trop grand pour elle, au col à la coupe masculine, qu’elle n’était pas à l’aise dans ce qu’elle portait face à lui. Autant que lui n’était pas à l’aise de la voir dans une telle tenue, surtout après vu un autre homme sortir d’ici quelques minutes plus tôt. Il devinait à travers ses courbes qu’elle ne portait rien en-dessous. Ça l’écœurait. Ça l’écœurait de l’imaginer avec lui, de savoir qu’il avait été en elle, et qu’une partie de lui était peut-être encore en elle. Il grimaça en se tournant dos à Freja, réaction qu’elle ne vit pas puisqu’elle avait elle aussi tourné les talons en direction de sa chambre. Woody s’assit sur le canapé, relevant les yeux vers elle quand elle revint dans la pièce, s’asseyant à ses côtés. Son regard était imperturbable, parce que lui-même ne savait plus quelle émotion laisser animer ses yeux. « Ça a rapport avec lui ? » Demanda-t-il directement, froid et distant, pour se protéger de son propre cœur qui se brisait quelques heures à peine après qu’il l’ait autorisé à aimer. À réellement aimer.

Ses mots sont blessants mais ils reflètent sans aucun doute l'état d'esprit dans lequel il est. Blessé. Tu l'as blessé sans même le vouloir alors que Woody montrait enfin qu'il avançait vers toi, avec toi, pour toi. Tu ne l'as pas rappelé alors que tu aurais dû et même si tu as la meilleure excuse au monde, tu n'es pas sûre que ça suffira. Tu préfères ignorer sa première remarque qui n'est là que pour te piquer, certaine que ça ne fera en aucun cas avancer la conversation. Ni même votre relation. Pourtant, tu n'aimes pas savoir que Woody a tant d'amertume envers toi. Tu détestes l'idée même qu'il puisse t'en vouloir mais malheureusement pour toi, tu n'as aucun contrôle là-dessus. S'il décide de faire demi-tour et d'oublier ce pour quoi il est venu, tu ne pourras rien y faire. Il est du genre têtu quand il veut. Tu lèves les yeux au ciel lorsqu'il répond qu'il n'est plus sûr d'avoir envie de connaitre les raisons de ton absence. Malgré tout, il reste là le temps que tu enfiles un pantalon et c'est tout ce qui compte. Après quelques secondes, tu reviens pour t'installer à ses côtés et Woody donne très vite le ton. Tu ne peux pas dire que sa question t'étonne mais elle ne te plaît pas pour autant. Tu as fait un vrai travail sur toi durant ces derniers mois et tu voudrais que ça soit tout ce qui compte aux yeux de l'australien. Malheureusement, tout ce qu'il voit, lui, c'est l'homme qui a quitté ton appartement quelques secondes avant qu'il entre. « Ça a un rapport avec moi. » Dis-tu d'abord aussi sèchement que Woody. Puis tu reprends très vite ne voulant pas laisser planer de malentendus : « Mais il était là, oui. Ça a de l'importance, pour toi, de le savoir ? » Finalement, tu te montres un peu moins froide et distante que Woody, essayant d'arrondir les angles pour que cette conversation ne parte pas dans un nouveau torrent de colère. Vous avez avancé la dernière fois, lorsque vous étiez accrochés à la Mangue de Bowen, ce serait bête de reculer à nouveau. Même si vous semblez bien partis dans cette direction... « J'étais en cure à Melbourne. Ça va bientôt faire deux mois que je n'ai plus touché à la drogue. » Dis-tu en sondant le regard de ton meilleur ami pour guetter une quelconque réaction de sa part. Tu ne sais pas comment il va réagir. Tu ne sais pas s'il sera heureux pour toi ou en colère que tu n'aies pas arrêté plus tôt comme il te l'avait demandé. Malheureusement, ce n'est pas si simple. Il t'a fallu quasiment un an pour mettre un frein à cette addiction et ce n'est pas encore totalement terminé. Même si tu es sevrée, tu seras toujours tentée de recommencer un jour ou l'autre. Alors tout ce dont tu as besoin c'est du soutien de tes proches et sûrement pas des reproches. Et si tu peux concevoir que Woody soit jaloux de Landon parce qu'il t'a accompagné dans cette épreuve, tout ce que tu espères c'est qu'il pourra passer au-dessus de sa jalousie pour t'accompagner à son tour dans les moments difficiles à venir. Mais rien n'est moins sûr au vu du regard qu'il te lance. Un regard qui semble complètement perdu et que tu as du mal à comprendre. Toi qui est si habile d'habitude pour lire dans l'esprit de Woody, aujourd'hui, tes dons semblent avoir disparu.

Ils s’étaient aimés, ils s’étaient détestés, ils s’en étaient voulus et puis ils s’étaient voulus. Woody et Freja tournoyaient entre tellement d’émotions qu’ils finissaient par s’y perdre. Même quand ils semblaient prêts à s’immobiliser et à ne plus laisser le monde tourner trop vite pour eux, ils trouvaient le moyen de se jeter à nouveau dans le tourbillon. Incapables de demeurer en place. Incapables d’accepter que pour se rejoindre enfin, ils devaient s’attendre à quelque part. Et cesser de partir de tous les bords et de tous les côtés et de répéter sans cesse les mêmes erreurs. Si Woody avait souvent été le principal responsable, le grand fautif dans le drame qu’était leur amour, cette fois c’était lui qui en voulait à Freja d’avoir disparue au moment même où il ne souhaitait plus qu’ils s’éloignent. Il se sentait trahi. Il avait l’impression qu’elle s’était joué de lui. Qu’elle avait voulu lui faire le coup de grâce, celui qui lui ferait comprendre ce que c’était que de se faire cruellement rejeter. Pourtant, Woody avait trouvé la force de piétiner son propre orgueil, ce même orgueil qui avait si souvent été entre eux deux, et il s’était rendu jusqu’à chez elle. Pour le regretter tout aussi vite. Malgré tout, il attendit la jeune femme lorsqu’elle quitta la pièce principale, et il s’assit sur le canapé pour lui donner la chance de s’expliquer. Il lui devait bien cela, après tout. Après tout. « Oui, ça a d’l’importance. J’étais capable de me faire à l’idée de te voir avec d’autres hommes quand c’était ce que je te souhaitais de faire, mais après notre dernière conversation, je ne m’imaginais pas que tu puisses … » Il secoua légèrement la tête, marquant une pause pendant laquelle il chercha des mots qui ne lui venaient pas. « … Bref. » Conclut-il en détournant le regard. Il n’avait pas envie de poursuivre, parce que Woody n’était pas venu pour se prendre la tête avec Freja, au contraire. Et si le scénario ne se déroulait certainement pas comme prévu, il ne planifiait pas d’en réaliser l’extrême opposé. Ils s’étaient assez battus, tous les deux. Freja reprit alors la parole pour justifier son absence des dernières longues semaines. Il tourna vivement la tête vers elle lorsqu’elle évoqua la cure de désintoxication. Bien sûr, Woody n’avait jamais oublié la descente aux enfers de Freja. Évidemment, il s’était fortement douté que la dernière année avait été encore plus difficile pour elle à cause de lui, et que ça ne l’avait qu’enfoncée. Mais ne plus être avec elle signifiait aussi ne plus pouvoir l’aider, même si jamais il n’avait voulu la pousser plus bas encore vers le noir. Il était soulagé, de ce point de vue, de savoir qu’elle avait su se reprendre en main. « Je suis heureux pour toi, Freja. Vraiment heureux. » Il esquissa un sourire, portant une main jusqu’à celle de la jeune femme, sa paume posée sur le dessus de la sienne. Un geste bien trop impersonnel pour eux. « Mais pourquoi ne pas me l’avoir dit ? » Son sourire s’estompa en même temps que sa main s’éclipsa. « Je sais bien que … que notre dernière rencontre ne s’est pas terminée sur une quelconque promesse, que je n’ai pas donné les réponses que tu attendais, mais … j’ai fait le plus grand pas que j’ai eu le courage de faire depuis toujours. » Dit-il en relevant ses yeux vers elle. « Et tu m’as complètement mis à l’écart. » Était-ce juste que Woody le lui reproche, après ces nombreuses fois où il avait repoussé Freja ? Avait-il le droit de se montrer aussi blessé alors qu’elle avait, pour une fois, pensé à elle ? Sans doute que non. Et pourtant, ça lui faisait mal.

Le problème, cette fois-ci, c'est que ce n'est pas un homme parmi tant d'autres. Un homme choisit dans la foule au détour d'une boite de nuit ou d'un bar. Si tu as continué à voir Landon, même après cette avancée dans ta relation avec Woody, c'est tout simplement parce qu'il t'apporte plus de bien que tu ne veux l'avouer. Et sans lui, tu n'aurais jamais sauté le pas de la cure de désintoxication ou du moins pas maintenant, pas comme ça. Mais comment expliquer tout ça à Woody sans qu'il se sente trahi ou même délaissé ? Tu n'en as aucune idée. « Je suis désolée. » Dis-tu sincèrement, posant le regard sur tes mains que tu emmêles l'une avec l'autre. Tu n'as pas juré fidélité à Woody et tu ne lui as pas promis quoi que ce soit lors de votre dernière conversation mais tu t'en veux de le faire souffrir de la sorte. Tu n'as pas l'habitude que les rôles soient inversés. D'habitude c'est lui qui couche à droite et à gauche et c'est toi qui en souffres. Aujourd'hui, maintenant que vos places sont inversées, tu remarques que ce n'est pas simple d'être dans cette position non plus. Mais rien n'a jamais été simple entre vous. « Landon est un ami de longue date et il a participé à cette cure de la même manière que moi. Lui aussi est dépendant alors sur ce point... il me comprend. » Et sur bien d'autres points également mais tu ne veux pas remuer le couteau dans la plaie. Tu vois que Woody est vraiment heureux pour toi lorsqu'il apprend que tu es clean et ça t'enlève un poids instantanément mais malheureusement, ça ne dure pas longtemps. Son sourire s'efface aussi vite que sa main posée sur la tienne. Un geste qui démontre bien cette distance qui persiste entre vous même lorsque vous êtes prêts à faire les plus gros efforts du monde. L'australien est venu avec une idée précise, une idée qu'il avait mis du temps à accepter, et en une fraction de seconde, tout s'est envolé. Tout ça à cause d'un mauvais timing. Le karma ? Peut-être mais tu ne sais pas vraiment ce que tu as fait pour mériter tout ça. « Je voulais pas te mettre à l'écart, je te jure ... Mais je ne savais pas quel effet aurait cette conversation sur toi et en plus j'avais peur d'échouer et surtout de te décevoir. » Dis-tu en faisant un pas en avant pour briser cette distance qui persistait entre vous. Tu as déjà lu de la déception dans le regard de Woody lorsqu'il a appris pour ta dépendance et tu ne voudrais revoir ça pour rien au monde. S'il y a bien quelque chose que tu ne supporterais pas, c'est que son regard change lorsqu'il te regarde. Tu ne supporterais pas qu'il te voit comme une petite chose frêle et faible. Alors tu n'as rien dit pour éviter de devoir affronter ce regard en cas d'échec. Mais tu n'es pas certaine que Woody comprendra alors que tu vois un sentiment d'injustice intense dans son regard. « Si j'avais échoué, jamais je n'aurais supporté de te le dire. Ton regard aurait changé du tout au tout et je ne l'aurais pas supporté. Je me sens forte à travers ton regard Woody et je ne veux pas que ça change. Jamais. » Dis-tu avec un léger sourire et en caressant du bout des doigts la joue de l'australien. Un geste tendre mais mesuré quand même parce que tu ne sais pas si des mots suffiront à ramener le Woody déterminé quittant sa maison quelques minutes plus tôt.

Elle ne contestait pas ses propos inachevés. Elle ne niait pas les images que Woody avait formé dans son esprit, sans pouvoir les traduire à l’oral. Elle avait pu. Elle avait pu se tourner vers un autre homme que lui, même après leur conversation si lourde de sens. Des promesses n’avaient peut-être pas été dites à voix haute, mais Woody avait eu l’impression qu’ils avaient alors passé une sorte de pacte secret. Une silencieuse entente qui enterrait enfin la hache de guerre brandie pendant des mois au-dessus de leurs têtes bornées. Il réalisait, aujourd’hui, qu’il s’était trompé sur toute la ligne parce qu’il s’était bercé d’illusions face à ce qu’ils auraient pu être. La réalité, encore une fois, le frappait en plein visage. Et il avait de moins en moins de force pour endurer le coup. Tout ce que Freja pouvait en dire, c’était qu’elle en était désolée. « Moi aussi. » Il baissa les yeux vers leurs mains entrelacées. Il était désolé qu’une fois encore, leur romance se frapperait à un mur qui leur semblerait insurmontable. Qui lui semblerait insurmontable. Freja tenta pourtant de s’expliquer, de justifier cette présence à ses côtés qui affectait tellement le trentenaire. Elle lui fit encore plus mal lorsqu’elle lui dit que Landon, lui, la comprenait quant à ce qu’elle traversait. Elle avait toujours été la première à ne pas vouloir entendre Woody lui dire qu’elle ne pouvait pas le comprendre à propos de sa maladie. Mais voilà qu’elle lui faisait le même coup à propos de sa dépendance, et Woody réalisait à quel point il se sentait rejeté. D’autant plus qu’elle avait trouvé soutien et réconfort dans les bras d’un autre, à travers cette épreuve. « Je ne pouvais peut-être pas comprendre ta dépendance mais j’avais voulu être là pour toi, quand tu me l’as dit. Je voulais t’aider à t’en sortir. Tu ne voulais même pas, parce que tu ne voulais pas que je te vois dans cet état, en train de te battre contre toi-même … » Il releva des yeux désappointés vers elle. « Qu’est-ce qu’il y a de plus, entre vous, pour que tu l’autorises à voir ce côté vulnérable de toi, et pas moi ? » Demanda-t-il, vexé, déçu, trahi. Si Freja voulait à ce point demeurer à ses côtés quand lui n’aurait plus aucune fierté, alors elle aurait dû en faire de même et se montrer dans sa plus grande faiblesse. Au fond, Freja n’était pas si différente que Woody dans sa manière d’aborder ses problèmes. Lui avait juste une voix plus forte que la sienne quand venait le temps de se réaffirmer. « Freja … si tu tombes, je t’aide à te relever. Autant de fois que ça prend. De croire que tu me décevrais pour ne pas avoir réussi à t’en sortir du premier coup c’est … » C’était de le voir comme le monstre qu’il s’entêtait à alimenter. « Comment tu peux penser que je réagirais comme ça ? » Il était blessé, Woody, et plus la conversation avançait, plus son cœur se déchirait. Son regard avait peut-être changé lorsqu’elle lui avait parlé de sa dépendance, mais jamais il ne lui aurait tourné le dos, jamais il ne l’aurait laissée tomber. Je me sens forte à travers ton regard Woody et je ne veux pas que ça change. Jamais. Si cette phrase avait fait naître un léger sourire sur les lèvres de Freja, elle avait causé en Woody une douce colère, une injustice qu’il tenta de calmer. « Alors tu comprends maintenant pourquoi j’ai tout fait pour te repousser de ma vie avant qu’il ne soit trop tard pour moi. Why do you get to stay the strong one while I can only grow weaker ? » Ça n’était pas juste. Et ça lui confirmait que de venir ici était une erreur.

Moi aussi. Sur ces mots, tu comprends bien vite que la situation se dégrade de plus en plus et qu'elle est peut-être même sans issue. Jamais tu n'aurais imaginé être capable de vous mettre, tous les deux, dans cette position. Jamais tu n'aurais pensé que si ça venait à échouer entre Woody et toi, ce serait par ta faute. Ce n'est pas par prétention que tu imaginais cela mais simplement parce que tu as toujours été la plus prête de vous deux à s'engager. Mais aujourd'hui, alors que l'australien est venu jusqu'à toi pour faire le grand saut, tu es celle qui l'en empêche, celle qui le retient. Et ça, tu n'es pas sûre de te le pardonner un jour. Malgré tout, tu veux croire que tout n'est pas perdu, qu'il y a encore quelque chose à tirer de cet échange. Alors, tu tentes de t'expliquer mais tu échoues, lamentablement. A la question de Woody, tu fronces légèrement les sourcils, cherchant une réponse. Une vraie réponse censée et réfléchie. Mais la vérité, c'est que tu ne sais même pas ce qu'il existe entre Landon et toi alors trouver une réponse à la question de l'australien c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. « Parce que je n'ai pas le droit d'être faible face à toi Woody... Avec tout ce que tu vis je me sentirais comme un imposteur. C'est pas ta faute, c'est moi qui agis de la sorte parce que ce que je vis c'est ma faute, je ne peux m'en prendre qu'à moi. Ce que tu vis, toi, tu ne l'as pas choisi, c'est pire qu'une injustice. Alors comment je pourrais encore me regarder dans le miroir si je ne fais que me plaindre face à toi qui souffres sans cesse ? » Au fond, même si tu te montres forte, tu as peur d'affronter la maladie de Woody à ses côtés. Peur de faire face à sa souffrance grandissante, peur de le voir changer, peur de le perdre, tout simplement. S'il venait à mourir sous tes yeux, jamais tu ne pourrais t'en remettre. Alors tu te montres forte pour vous tirer vers le haut, tous les deux, mais ce n'est qu'un masque de plus qui cache une peur lancinante. « L'opinion que tu as de moi est celle qui compte le plus au monde à mes yeux, Woody. Même si tu ne m'avais pas montré de déception, je m'en serais quand même voulue d'avoir échoué parce que j'ai toujours eu envie de mettre le monde à tes pieds. Et jusqu'à ces deux derniers mois, j'en étais littéralement incapable. » Mais aujourd'hui, alors que votre relation tangue une fois de plus entre l'avenir et le passé, en es-tu capable ? Telle est la question. La dernière phrase de Woody te déchire le coeur quand tu comprends à quel point elle est vraie. Si tu as la chance de reprendre ta santé et ta vie en mains, ce n'est pas son cas. Il n'a aucune emprise là-dessus et parfois, peut-être que tu lui en demandes trop. Peut-être que tu te montres injuste avec lui alors que le ciel lui tombe sur la tête. Néanmoins, tu n'as jamais cessé d'essayer de lui rendre la vie plus facile et sans doute meilleure, ça, on ne peut pas te l'enlever. Mais les mots soulevés par Woody remettent beaucoup de choses en question, tu ne peux le nier. « La différence c'est que toi, tu voulais tirer un trait définitif sur moi, sur nous. Moi, je n'ai fait que mettre en pause, durant quelques semaines, notre histoire. Et on dirait que c'est déjà trop... » Dis-tu en comprenant que l'australien a déjà remis en place toutes ces barrières qui empêchent quiconque d'atteindre son coeur. « Est-ce trop tard, pour nous ? » Demandes-tu en sentant ta voix se briser. Sa réponse déterminera sans aucun doute la suite de votre histoire. Une fois de plus, la balle est dans son camp.

Un effet domino. Si au départ Woody était prêt à se tenir fort et droit face à Freja, lui offrant tout ce qu’il avait à lui offrir, il était maintenant en train de tomber, toujours plus bas et toujours plus loin d’elle. Chaque coup de plus faisait chuter des morceaux de sa confiance, de son courage, de son assurance face à la décision qu’il avait prise. D’abord, la présence de Landon lorsqu’il se trouvait au bout du couloir. Puis, les vêtements de Freja qui ne laissaient que peu de place à l’imagination face à ce qu’elle venait de partager comme moment avec ce même homme. Et finalement, chaque parole qui se voulait sans doute rassurante de la part de la norvégienne, mais qui n’avait que des échos négatifs dans la tête de l’australien. Son hésitation avant de définir sa relation avec Landon confirmait les doutes de Woody. Ce qu’ils avaient, n’était pas si spécial qu’il l’aurait cru. Elle retrouvait les pièces manquantes chez un autre. Lui était troué et incomplet depuis presqu’un an. « Alors parce que je suis malade, plus personne n’a le droit de souffrir autour de moi si ce n’est pas pire que ce que je vis ? Et comment je devrais évaluer ça, moi, avant de lancer la pierre à quiconque ose se plaindre devant moi, hein ? » Lança Woody, sarcastique, outré face à cette manière de penser. Freja avait toujours voulu le faire sentir comme si sa maladie ne changeait rien à ce qu’il était, rien à ce qu’ils étaient. Aujourd’hui, elle lui prouvait tout le contraire. Sa maladie changeait tout. Tout. « Je ne t’ai jamais demandé de mettre le monde à mes pieds, Freja. Je ne t’ai jamais demandé d’être la hauteur de qui que ce soit, et encore moins de moi, parce qu’on sait fort bien que je ne t’arrive même pas à la cheville. » Il soupira. « Tout ce que je veux, moi, c’est toi. » Mais il n’était pas prêt à l’avoir dans ces conditions. Pas avec tous les doutes qui les entouraient. Pas avec la manière que Freja avait décidé d’adopter pour régler ses problèmes sans lui. Si elle avait le droit d’être là, pour lui, dans ses moments les plus faibles, les plus vulnérables, alors lui aussi aurait dû avoir accès à ces moments les plus difficiles pour elle. Une relation, ça allait des deux côtés. Ce ne serait pas juste si elle ne pouvait pas utiliser Woody comme béquille lorsqu’elle avait besoin d’un peu de répit. « C’est comme ça que ça fonctionnerait, toi et moi, alors ? À chaque fois que tu irais mal, à chaque fois que tu aurais besoin de soutien, t’irais le chercher ailleurs ? Est-ce que tu te rends seulement compte à quel point ce serait injuste pour moi, Freja ? » Il releva des yeux attristés vers elle. Soutenir son regard était bien trop difficile. « Pense à quel point tu as voulu être là pour moi dans les moments durs. Hell, tu te bats contre moi depuis des années pour pouvoir être là à ces moments-là. Alors mets-toi à ma place. Ne crois-tu pas que moi aussi, je voulais pouvoir être là pour toi ? » Mais elle lui avait enlevé cette chance, cette possibilité. Pour sa fierté, elle l’avait écarté dans le moment où elle aurait pourtant eu le plus besoin de lui. Certes, ils n’étaient pas dans les meilleurs termes, mais les aveux qu’elle lui avait faits aujourd’hui prouvaient que ça n’était même pas la principale raison. Alors quand elle lui demanda s’il était trop tard, de sa voix brisée, Woody baissa les yeux à nouveau. Il haussa faiblement les épaules. « À toi de me le dire. Seras-tu prête à tout partager avec moi, vraiment tout, ou bien est-ce avec Landon que tu devras le partager ? » Demanda-t-il en la regardant à nouveau, pendu à ses lèvres. Parce que sa réponse changerait tout à ce qu’il s’était imaginé pour eux.

Tu n'as jamais prétendu que ta manière de penser et encore moins d'agir était la meilleure. Tu n'as jamais prétendu tout savoir, tout connaitre, mais tu as toujours eu l'impression de suivre le chemin qui mène au bonheur. Aujourd'hui, tu comprends que tu t'es plantée sur toute la ligne. Comment aurais-tu pu savoir ? Toi qui est la pire des novices en ce qui concerne les relations amoureuses... « J'en sais rien Woody. Jusqu'ici, ça me semblait être la bonne manière de penser, la bonne manière d'agir, mais quand tu le dis ça sonne tellement faux. » Peut-être parce que l'australien ne se cache pas derrière des mots et que tu peux voir à quel point il trouve cette manière de raisonner stupide. « Je le sais tout ça. » Dis-tu en soupirant lorsque Woody rétorque qu'il ne t'a pas demandé de te montrer si forte, prête à tout surmonter pour lui. « Mais je veux juste te donner la meilleure version de moi-même. Est-ce mal pour autant ? » Demandes-tu en haussant légèrement les épaules. Ton regard capte la tristesse contenue dans les yeux de Woody et ça ne fait que te briser le coeur une nouvelle fois. Pourquoi ne cessez-vous pas de vous faire du mal l'un à l'autre ? En ce moment, il n'y a pratiquement aucune place pour le bonheur et c'est étouffant. Tu ne comprends pas pourquoi ça paraît si compliqué entre vous alors que l'essentiel est évident : vous vous aimez. C'est tout ce qui devrait compter, non ? En tout cas dans une relation normale, tu es persuadée que c'est tout ce qui compte mais avec Woody, c'est différent. Il y a tellement d'autres facteurs qu'il faut prendre en compte. « Non, je ne veux pas que ça soit comme ça entre nous. C'est toujours vers toi que je me suis tournée quand ça n'allait pas mais ces derniers mois ont été difficiles et... » Tu n'étais pas là. Tu ne peux pas prononcer ces mots à haute voix parce que ça reviendrait à faire culpabiliser Woody et tu ne veux pas en arriver là. S'il a mis du temps à s'ouvrir complètement à toi c'est parce qu'il avait ses raisons. Des raisons fondées, certes, mais difficilement acceptables pour toi. Néanmoins, aujourd'hui, si vous voulez que ça fonctionne enfin entre vous deux, il faut que vous soyez capables d'aller de l'avant. Que vous soyez capables de mettre de côté ces reproches, ces rancoeurs. « Si... tu as raison. » Réponds-tu finalement. Maintenant, l'australien voit ce que ça fait de se sentir écarté. C'est ce que tu as ressenti pendant de longs mois car même si vos situations sont différentes, ce sentiment reste le même. Lorsque tu demandes à Woody s'il est trop tard pour vous deux, il te renvoie la question, te laissant prendre cette décision lourde de sens et lourde de conséquences. Evidemment que tu veux faire le grand saut à ses côtés et donner une chance à votre histoire. Evidemment que tu le veux lui plus que n'importe quoi, plus que n'importe qui. Mais tu sais d'avance que tu devras renoncer à certaines choses et peut-être même à certaines personnes. En es-tu capable ? « Je t'ai dit que j'étais prête à lier ma vie à la tienne. Ça n'a pas changé. Alors oui, je suis prête à partager vraiment tout avec toi Woody. » Dis-tu en ne détachant pas ton regard du sien même lorsque ta main attrape la sienne, même lorsque ton corps s'approche dangereusement du sien. Maintenant, c'est à lui de décider s'il est prêt ou non, à lui aussi, lier sa vie à la tienne.

Des conversations et des prises de tête de ce genre, il y en aurait, par centaine, si Freja et Woody s’offraient enfin la chance d’être ensemble, d’être un nous qui pour une fois aurait un sens plus commun. Woody refusait d’être vu comme un être réduit en raison de sa maladie. Il refusait qu’on ne voit plus en lui l’homme qu’il était et ce parce qu’il souffrait en permanence. C’était exactement en raison des propos que tenait Freja que le trentenaire avait voulu s’isoler, se reculer de ce monde qui ne le comprenait pas : même celle qui le connaissait mieux que quiconque, dans ses peurs et dans sa fierté trop ébranlable, faisait des faux-pas. Il lui en voulait injustement. Elle avait le droit à l’erreur, Freja, elle ne pouvait être droite sur toute la ligne quand il était question d’eux. Sauf que ça lui faisait quand même mal de voir comment elle pensait devoir agir avec lui. « Oui, parce que ça l’est. Y’aura toujours des gens qui souffriront plus que toi, y’aura toujours des gens qui souffriront plus que moi. Ça ne veut pas dire que tu ne peux pas la vivre, ta douleur. Ça me donnerait juste encore plus l’impression d’être un fardeau. » Expliqua-t-il d’une voix un peu plus calme, cette fois, ayant rapidement réalisé que ses mots directs et sarcastiques avaient pu être perçus comme une attaque. Mais son impatience et sa colère ne demeurèrent pas bien loin, parce que leur conversation miroitait sans cesse leurs différences. Ils se rejoignaient sur tellement de points, Woody et Freja, mais aujourd’hui, leurs perceptions divergeaient à un point tel qu’il était difficile de les imaginer se rencontrer à mi-chemin. « Non, non, ce n’est pas mal. Ce n’est pas mal, mais c’est utopique. » Déclara Woody lorsque Freja lui demanda si c’était si mal que ça de vouloir lui offrir la meilleure version d’elle-même. Leur relation ne serait jamais viable si elle s’entêtait à lui cacher les parties d’elle-même les plus laides, les plus sombres. Aimer une personne, c’était l’aimer pour tout ce qu’elle était, pour tout ce qu’elle représentait. Woody aimait Freja, même pour ses détails les plus honteux. Alors à partir de là, ils commencèrent à enlever les briques une à une du mur. Peut-être qu’ils finiraient par se voir, se voir enfin et se comprendre en s’autorisant à lire en l’autre comme dans un livre ouvert. Ce ne serait toutefois pas en parlant à demi-mot, en omettant ce qui faisait mal, qu’ils avanceraient. Alors quand Freja voulu esquiver la fin d’une phrase qui les blesserait tous les deux, Woody la termina à sa place. « Je n’étais pas là. » Il hocha doucement la tête en voyant, dans le regard de Freja, qu’il avait vu juste. « Je sais. Je sais aussi que si ça a été difficile, j’ai dû y être pour quelque chose. Je le sais parce que ça a été difficile pour moi aussi, sans toi. Et je suis désolé. Je suis désolé, et je te jure que je pensais que c’était la meilleure décision à prendre pour toi et moi … » Mais s’il avait été là, Freja se serait-elle tournée vers lui pour autant ? Elle l’avait dit d’elle-même : elle ne voulait pas lui montrer ses démons, elle ne voulait pas lui montrer la souffrance qui la rongeait. Parce qu’elle voulait être forte face à lui et parce qu’elle ne pensait pas avoir le droit d’être faible lorsque lui l’était par défaut. C’est ce que Woody tenta de lui faire comprendre à nouveau. Que si elle pouvait le voir ainsi, alors lui aussi devait pouvoir accéder au côté sombre de sa personne. Alors quand leurs ondes finirent par s’effleurer dans un magnétisme si longuement cherché et attendu, ils franchirent la distance restante, à tâtons, en se renvoyant sans cesse la balle. Ni l’un ni l’autre ne voulait être celui qui fermerait la porte. Le problème était que l’ouverture n’était pas si évidente que ça. Même avec leurs mains entrelacées, même avec leurs corps qui se réclamaient l’absence trop longue de l’autre, Woody avait l’impression que les doutes et les remises en question dansaient autour d’eux. Il ferma les yeux un moment. Un bref instant. « Freja … » Souffla-t-il avant de rouvrir les paupières. « Je ne peux pas, là, maintenant. » Et alors qu’il sentait le mouvement de recul de sa part venir, il serra sa main plus fort, pour la garder près de lui. « Je suis venu ici avec un plan, avec une issue plus favorable que ça pour nous. J’avais en tête des retrouvailles bien plus belles que ça. J’avais en tête de te retrouver, complètement, entièrement, finalement. Mais j’ai encore un goût amer de ce qui s’est dit et j’ai encore l’imagination qui m’amène à des endroits que je ne veux pas voir, en ce qui concerne Landon et toi. » Expliqua-t-il. Il haussa légèrement les épaules. « J’avais envie que ce moment se passe autrement, tu vois ? And I don’t want to rush into things, pas si on peut prendre le temps de s’assurer que cette fois, on ne fasse pas de faux-pas. Pas de faux-départ. » Woody lui demandait encore de l’attendre, oui. Mais cette fois, l’attente ne serait pas longue et cette fois, elle en vaudrait la peine.

Un fardeau. Le mot est fort et pourtant, tellement mal choisi. Tellement faux. Woody n'a jamais été un fardeau à tes yeux, bien au contraire. Même dans les moments difficiles, il a toujours été ta lumière, ce phare te tirant de l'obscurité, cette main te sortant de l'eau alors que tu t'enfonçais petit à petit dans les abysses. Il est le premier homme que tu as aimé, et que tu aimes encore, d'un amour inconditionnel, inexplicable, incompréhensible. Alors non, tu ne le verras jamais comme un fardeau même lorsque la maladie l'atteindra aux quatre coins de son corps. « Tu n'es pas un fardeau pour moi, je ne veux plus jamais que tu penses ça, Woody. » Dis-tu en espérant qu'il captera la sincérité de tes mots à travers ton regard. Tu sais que ce ne sera pas aussi simple pour l'australien de se défaire de cette image mais tu espères qu'un jour, il en sera capable. Qu'un jour, il se verra autrement qu'un poids pour toi. C'est utopique. Un rictus se dessine au coin de tes lèvres en entendant ces mots. Te qualifier d'utopique, c'est une première. Tu es quelqu'un d'ambitieux mais lorsqu'il s'agit de ta vie personnelle, tu es plutôt défaitiste. Tu as plutôt tendance à croire que tu n'as pas droit au bonheur, que tu n'en es pas digne. Mais peut-être que tu idéalises ta relation avec Woody, peut-être que tu en as une image parfaite et lisse. Alors que c'est loin d'être le cas si on regarde en arrière. Vous en avez vécu des choses durant ces dernières années, des choses positives et négatives, ensemble et séparément. Mais toutes ces choses, tous ces événements ont fini par vous rapprocher, en quelque sorte. Et quoi que vous fassiez, vous avez toujours fini par retrouver le chemin qui mène à l'autre. Un coup du Destin ? Peut-être. Et si c'est utopique de croire cela, alors, tu ne le nieras pas. Lorsque le trentenaire termine ta phrase, tu ne peux t'empêcher de baisser les yeux durant quelques secondes. Et quand son regard rencontre finalement le tien, Woody comprend qu'il a tapé dans le mille, qu'il ne pouvait pas tomber plus juste. Tu restes pendue à ses lèvres en entendant ses excuses, sentant un premier poids, un parmi tant d'autres, qui s'enlève de ta poitrine. Vous avez presque perdu un an avec ces conneries mais tu ne peux t'empêcher de penser que c'était nécessaire même si c'était particulièrement difficile. Insurmontable et insupportable à la fois. Pourtant, aujourd'hui, vous êtes là. Et même si tout n'est pas encore réglé, tu aimes penser que vous allez de l'avant pour la première fois depuis un long moment. « Je ne veux plus que tu prennes une décision pour moi, Woody. J'veux qu'on fasse les meilleurs et les pires choix ensemble à partir de maintenant. Je ne veux plus que tu m'écartes de quoi que ce soit et encore moins de ta vie. » Et s'il promettait de ne plus le faire, alors, tu serais capable d'agir de la même façon en retour. Même si ça demandait quelques aménagements et peut-être même quelques sacrifices. Tu sens ton coeur rater un battement alors que tu t'engouffres une nouvelle fois vers l'espoir et l'avenir mais que Woody te tient à distance, gardant le passé non loin de vous. Gardant des rancoeurs et un goût amer, comme il le dit. Tu fermes les yeux pendant quelques instants pour ravaler cette boule qui se forme dans ta gorge. Si Woody n'avait pas anticiper ta réaction, tu aurais sans aucun doute ôter ta main de la sienne. Blessée une nouvelle fois par ses paroles. Blessée une nouvelle fois par ses choix et ses actions. Mais tu comprends que, cette fois, sa réaction est plutôt légitime. Cette fois, si vous en êtes là, c'est par ta faute. Alors tu rouvres les yeux, hochant doucement la tête. « Me dis pas que tu veux un rencard. » Dis-tu avec un léger sourire aux lèvres. Vous n'en avez jamais eu finalement, peut-être serait-ce un bon moyen de marquer le commencement d'une vraie histoire entre vous ? « Le jour où tu ne me feras pas attendre sera à marquer d'une croix au calendrier Rutkowski. » Réponds-tu finalement en soupirant un peu plus longuement. Heureusement qu'avec Woody tu as pris pour habitude de t'armer de patience. Mais plus le temps passe et plus celle-ci s'affaiblit alors tu espères que cette fois, ce ne sera plus si long. Qu'il ne faudra plus des mois à Woody pour prendre conscience qu'il a besoin de toi autant que toi, tu as besoin de lui pour avancer et surtout pour vivre.

Les mots atteignaient ses oreilles mais la compréhension, ou plutôt l’acceptation, en était toute autre. Woody avait beau avoir levé le drapeau blanc entre eux, il avait beau avoir été celui à capituler, à revenir sur sa décision, cela n’empêchait pas l’homme de croire sans relâche qu’il serait un poids pour elle. Pour toutes ces personnes qui s’entêteraient à demeurer à ses côtés. Woody, il en avait regardé, des reportages et des témoignages. Il en avait rencontré, des personnes atteintes de la même maladie neurodégénérative que lui. Il n’avait pas qu’effleuré en surface la question, en faisant défiler quelques pages trouvées sur Google traitant de la sclérose en plaques. Il ne s’était pas seulement attardé aux listes de symptômes qui ne laissaient en rien comprendre ce qu’une personne atteinte vivait réellement. Si au départ, Woody avait voulu entretenir son déni en tournant son dos à ce monde, il s’était peu à peu ouvert aux personnes qui le composaient, pour apprendre d’elles, mais surtout pour se préparer à devenir comme elles. À ne pas être trop pris par surprise lorsqu’un jour, lui aussi, se retrouverait dans un état aussi lamentable, infirme. Alors si Freja pouvait aujourd’hui affirmer que Woody ne serait jamais un fardeau pour elle, elle se mettait le doigt dans l’œil. Woody ne pouvait toutefois plus rien y faire ; il ne pouvait que la laisser foncer dans le mur. Elle ne pourrait pas lui reprocher de ne pas l’avoir avertie. « Je peux pas m’en empêcher. Je ne le suis peut-être pas actuellement mais qui sait de quoi demain sera fait. » Il haussa lâchement les épaules. Là-dessus, Woody ne changerait pas d’opinion. Pas tant qu’ils n’auraient pas vécu ensemble ce futur tant redouté. Ce ne serait vraiment qu’à ce moment-là qu’ils comprendraient l’ampleur de la décision qu’ils s’apprêtaient à prendre, à deux enfin. Freja lui faisait d’ailleurs bien savoir, là, maintenant, que plus jamais il ne pourrait l’écarter d’un choix sur lequel elle avait également un mot à dire. D’une décision qui avait autant de répercussions sur sa vie que la sienne. « D’accord. Je te concède que ça n’était pas juste pour toi. Au moins, maintenant, tu sais ce que je pense, tu sais que je pense que tu mérites mieux, que tu pourrais avoir une bien plus belle vie ailleurs. Mais si tu es prête à faire le pire choix, dès maintenant, je ne te retiendrai plus. » Il esquissa un faible sourire. C’était sa dernière vaine tentative de faire comprendre à Freja que leur futur n’aurait pas que du beau, au contraire, il serait entaché de souffrance et de noirceur. Elle ne pourrait jamais revenir contre lui en l’accusant de lui avoir volé sa liberté et son bonheur. Il la libérait dès maintenant si tel était son souhait. Il lui laissait même le temps de bien réfléchir au pas qu’ils s’apprêtaient à franchir, à cet engagement qu’ils concluaient. Du temps, encore du temps. Aux yeux de Woody toutefois, c’était une attente nécessaire. Courte, mais nécessaire. Pour lui afin d’oublier qu’une heure plus tôt, Landon avait sans doute été en elle. Pour elle afin de mettre de l’ordre dans ses idées et de s’assurer que la clarté la menait aux mêmes conclusions. Lorsque Freja évoqua l’idée d’un rencard, Rutkowski ne pu s’empêcher de rire à son tour. Ça ne leur ressemblait tellement pas. « Would it really be so bad ? Je pourrais t’emmener ailleurs qu’ici, te faire découvrir l’un des plus chics restaurants des environs, flâner le long des quais au coucher du soleil, … Ça ne me semble pas une si mauvaise idée. » Et surtout, ça leur permettrait de repartir à neuf, de se réinventer sous un autre jour, et d’enfin laisser derrière eux le mal qu’ils s’étaient infligés. Les derniers mois appartiendraient enfin au passé. « Daigne répondre à mes appels, cette fois, et cette croix, tu la dessineras sans doute plus tôt que tu ne le penses … » Conclut-il, le sérieux primant sur l’humour.  

Personne ne peut prédire l’avenir, personne ne sait comment se déroulera la vie de Woody dans les années à venir, mais tu aimes penser que c’est à deux que vous affronterez les épreuves, main dans la main. Tu ne peux qu’imaginer un futur heureux bien que compliqué parce que maintenant que la tempête est passée, ou presque, les nuages semblent s’éloigner. Alors voir Woody comme un fardeau c’est impossible. Mais tu peux comprendre que lui se voit comme ça parce qu’il n’a jamais eu une très bonne opinion de lui-même et surtout, parce que son avenir est incertain, sombre et difficile à affronter. C’est pourquoi tu ne le contredis pas, l’avenir se chargera de répondre à vos interrogations dans tous les cas. Tu secoues légèrement la tête, un faible sourire aux lèvres, quand Woody accepte de ne plus te mettre de côté mais continue à te mettre en garde quant à la vie que tu risques d’avoir. Même si ce n’est pas quelque chose que tu aimes entendre, au moins il ne t’écartera plus de sa vie. Tu t’es tant battue pour ça que tu ne réalises pas encore tout ce que ça implique, tout ce que ça représente. « Ce n’est pas le pire choix pour moi. Tu ne seras jamais le pire choix. Alors tu peux te faire à l’idée de ne plus me retenir. » Dis-tu avec un sourire sincère. Contrairement à ce qu’il pense, Woody reste le meilleur choix à tes yeux. Choisir l’amour n’est-ce pas la meilleure décision à prendre ? Les mois à venir vous le diront sans aucun doute. D’ailleurs, en parlant de temps, l’australien t’en demande davantage, comme à son habitude. Mais aujourd’hui, il semble plus déterminé, plus sûr de lui que les fois précédentes. Aujourd’hui, ce temps qu’il te demande semble plus court et surtout nécessaire. A ses yeux du moins. Quand tu le taquines sur un potentiel rencard entre vous, même si au début ça le fait rire, par la suite, Woody te surprend plutôt. Tu ris un peu plus avant de voir qu’il est réellement sérieux. « Sérieux ? » Demandes-tu avec un sourire au coin des lèvres. Vous avez sauté tellement d’étapes tous les deux qu’un rencard ça te semble si normal. « Euh… oui, je suppose qu’on peut faire ça. » Dis-tu un peu déroutée avant d’ajouter : « Ca me permettra de découvrir ton côté romantique. » Tu ne sais pas tellement si Woody l’est ou pas. Il a toujours été tendre et doux à la fois avec toi mais des actes romantiques, on ne peut pas vraiment dire que ça vous est déjà arrivé. Tu hoches la tête quand le brun te demande de répondre à ses appels, promettant que le temps d’attente sera plus court cette fois pour qu’enfin tu puisses marquer cette croix au calendrier. « Promis. » Dis-tu avant de te diriger vers la porte d’entrée, supposant que c’est la direction que prendra Woody maintenant que votre conversation est terminée. « A bientôt alors. » C’est plus une affirmation qu’une question dans ta voix. Tu t’approches finalement de lui avant que Woody ne s’en aille, déposant un léger baiser juste au coin de ses lèvres. C’est bien trop de retenue pour vous deux mais puisque l’australien te demande du temps, tu es prête à lui en donner. Même si tu espères qu’une fois sa décision prise définitivement, vous pourrez retrouver votre proximité d’avant. Ton corps réclame le sien depuis bien trop longtemps.

HJ: