looking for peace (bella)

Parmi les cours que j’ai et qui ne m’emballent pas des masses il y en a un qui doit s’appeler quelque chose comme : histoire des institutions pénales internationales. Déjà le droit c’est pas ma passion de dingue on va pas se le cacher. De toute façon je me suis fait un peu bernée en faisant sciences politiques, merci la conseillère d’orientation ! Je paie une fortune pour des cours qui m’intéressent à moitié. Bref outre le sujet assez peu intéressant, le prof qui a voulu un peu dynamiser son cours ou je sais pas trop quoi, à décider de nous faire faire des travaux de groupe. En général j’aime bien travailler tranquille dans mon coin sans personne pour m’emmerder. J’avance à mon rythme et y’a personne pour m’engueuler ou alors j’ai personne à engueuler parce qu’il fout rien. En plus de ça, les groupes se font au tirage au sort, sachant que je connais pas moitié des gens vu que c’est un cours en commun avec des étudiants en droit international qui ne sont pas même pas de ma promo. Globalement la loterie n’est pas en ma faveur et j’ai de grandes chances de tomber sur une personne que je ne connais absolument pas. Je tombe sur une fille de droit avec qui je n’ai jamais parlé. Bon au moins ça sera l’occasion mais si c’est une garce ça va être complexe cette histoire. On se voit juste deux minutes à la fin du cours pour échanger nos numéros et arranger un rendez-vous un peu plus tard. On n’a pas le temps de discuter ou de boire le thé, faut aller en cours. Bref, on se rejoint plus tard à la bibliothèque, endroit de travail par excellence où pas mal d’autres groupes d’étudiants ont l’air de, au choix, galérer à mort et suer sur leurs révisions ou bien se fendre la poire (best expression) comme si étudier le corps humain c’était la chose la plus marrante au monde. Je rejoins Bella, la fille avec qui je dois faire ce fameux travail de groupe et je m’assois à sa table. « Salut ! Tu veux qu’on commence par quoi ? »

Travaux de groupe. L'horreur. Parce qu'en temps normal, elle le sait, Bella, elle est plutôt chiante dans ce genre de truc. Anxieuse, performante, perfectionniste, elle n'accepte pas l'échec quand il est question de sa scolarité, dans d'autres aspects de sa vie non plus, faut dire. Ses performances académiques lui sont cruciales, d'une part parce que le droit ce n’est pas facile du tout. Ça demande beaucoup de sérieux, d'implication, pour éviter de crouler sous la pression. Les cours, ils ne sont pas faciles et les cotes sont importantes pour la suite. Parce qu'un bachelier en droit en bas de la moyenne, ça ne rapporte pas grand-chose aux grandes firmes de ce monde-là. Ça, c'est la première raison. Ensuite, il y a ses parents. Bella, depuis toute petite, se fait mettre la pression par ses géniteurs quand il est question de l'école. Il fallait qu'elle fasse les meilleurs dessins, les plus beaux textes, le moins d'erreurs possible dans ses tables de multiplication, les projets les plus excentriques : il fallait qu'elle soit la meilleure dans tout et tout le temps. Or, cette pression, elle l'avait suivi jusqu'à l'université et elle avait fait d'elle l'anxieuse qu'elle était aujourd'hui. Le cours, il n'était pas réservé qu'aux étudiants en droit. Il était en commun avec la faculté des sciences politiques, ce qui faisait un amphithéâtre plutôt bien rempli d'un moitié-moitié de têtes connues et inconnues. Et quand on tira au sort son nom et celui de sa coéquipière, Bella eut la surprise d'être jumelée avec l'une de ces têtes qu'elle ne connaissait pas bien. Vega. Elle l'avait vu discuter, une ou deux fois, avec Elmo et Milo. Une amie, sans doute. Elles avaient convenu d'un rendez-vous à la bibliothèque, après leurs cours, pour commencer le projet. Salut, lança la brune quand sa coéquipière arriva près d'elle. Bella, déjà bien étalée sur la table de travail, lui fit une place pour qu'elle puisse y installer ses trucs. On est toutes les deux de deux facultés différentes, je me dis qu'on pourrait commencer par voir... disons, nos forces respectives ? Bella sourit à la jeune femme avant d'ajouter : Parce qu'en droit, j'excelle, mais quand il est question de politique... alors là... Elle grimaça en riant, non pas pour se moquer de la politique, mais pour lui faire comprendre qu'elle elle n'y connaissait pas grand-chose et qu'à deux, en unissant leurs forces, elles allaient bien finir par arriver à quelque chose. Sounds good ?

Bella me fit un peu de place sur la table. Elle n’a pas manqué de temps pour s’étaler ! Mais je comprends, quand je bosse j’en fous partout aussi. A l’appart je me mets dans le salon, sur la table basse et ça finit toujours par s’étaler sur le canapé, par terre et partout jusque sur la table de la salle à manger. Heureusement que tout le monde n’est pas comme moi sinon notre appart croulerait sous les feuilles de cours et le bordel. Bon c’est pas non plus ultra bien rangé parce qu’on a tous un peu la flemme mais au moins je marche pas sur les cours d’Elmo quand je passe à travers le salon. Je m’assis à côté d’elle et sort mon ordi. Je me dis que sinon il faudra récupérer une ou deux tables autour de nous si on veut étaler tout notre bazar un ordi c’est plus compact et c’est le bordel à l’intérieur, pas autour, c’est déjà ça. Bref. Elle veut commencer par établir nos forces respectives pour voir comment on peut optimiser au mieux nos compétences. Ça me rassure, elle a l’air sympa et elle me prend pas de haut parce que je suis seulement une petite première année qui sait rien. « J’suis un peu pareille avec le droit tu sais. » je lui réponds en riant (calmement parce qu’on est dans une bibliothèque). Je hoche la tête avant d’ajouter. « Après je suis seulement en première année donc je n’ai pas encore toutes les connaissances mais je vais faire de mon mieux. » C’est pas comme si d’habitude je faisais les trucs par dessus la jambe. Et puis tous les groupes ont ce problème puisque dans chaque groupe il y a un étudiant en sciences politiques de première année. C’est marrant parce qu’en général, les gens quand ils me voient ils pensent que je suis le genre à rien faire, à réussir les exams sur le fil et à faire la fête h24. Alors qu’en fait je suis plutôt sérieuse et que je sors pas tant que ça. Comme quoi les clichés… « T’as une manière de travailler préférée ? » Globalement je peux essayer de m’adapter à tout, du moment que l’autre personne fait son boulot et n’attend pas que je lui fasse tout. Mais à première vue Bella n’a pas l’air d’être ce genre de personnes.

Les études, c'était important pour Bella. Et pas que. Pour ses parents aussi. On se demande même si ce n'était pas plus important pour eux que pour elle. Pour ne pas vivre la pression de ses parents, la brune mettait toute son énergie dans ses travaux, seule ou en groupe. Elle était une mauvaise partenaire, elle le savait. Elle mettait des dates limites, elle faisait les règles, elle s'attendait à un travail impeccable, elle pouvait même retravailler la partie de ses coéquipiers si elle n'était pas comme elle s'attendait, tout ça dans le simple but de ne pas descendre sa moyenne et de s'éviter la foudre de maman et papa. L'avantage de les avoir près de soi, c'était l'aspect financier : Bella n'avait pas à se soucier de payer ses études, ses parents le faisaient à sa place. Cependant, cela venait avec un lot d'inconvénients tel qu’éviter de les décevoir, par exemple. Et cela la rendait exécrable, comme si tous les travaux étaient une course à la meilleure note possible. Elle travaillait bien sous pression, mais elle était consciente que ce n'était pas le cas de tous. Et, souvent, elle s'attirait les foudres de ses coéquipiers pour cette raison. Plus souvent qu'autrement, elle choisissait de travailler seule, mais pour ce travail, c'était impossible. Or, Vega, sa coéquipière, lui était totalement étrangère dans le cadre de ses cours. Bien entendu, elle savait qu'il s'agissait d'une des très bonnes amies d'Elmo, voir même sa meilleure amie, elle était souvent présente lors des fêtes que les deux amis organisaient, c'était souvent même à son appartement que Bella et Elmo planifiaient leurs prochains événements. Elle était sympa, pour le peu qu'elles avaient socialisé. En termes de coéquipière, Bella n'en avait aucune idée. Cela restait à voir. La brune rejoignit Bella à la bibliothèque et elles commencèrent à sympathiser, la Costaricaine faisant de la place à sa collègue de travail sur la grande table pour qu'elle puisse s'installer à son tour. Ce sera déjà mieux que moi, dit la brune alors que Vega lui confiait qu'elle n'avait pas encore toutes les connaissances en politiques qu'elle aurait à la fin de ses études. Bella lui sourit, même si elle était inquiète intérieurement. Comment allaient-elles s'en sortir ? La frisée sortie Bella de ses pensées quand elle s'enquit de sa prochaine question. À nouveau, elle lui sourit avant de répondre. J'aime pas trainer, avoua-t-elle, J'suis même plutôt exigente. Elle le savait, Bella, et elle se moquait d'elle-même, riant à sa propre remarque. Si on convient d'une date, faut pas trainer, expliqua-t-elle, j'aime mieux finir plus tôt pour bien réviser que de terminer le travail la veille de sa remise. Et comme elle s'aperçut avoir trop parlé, elle questionna à son tour sa collègue. Et toi, tu travailles comment ? Ça te va ?

J’ai pas envie de décevoir Bella. Je sais pas trop pourquoi. Peut-être parce qu’en général quand les gens me voient ils pensent que je suis le genre qui fout rien, qui travaille à la dernière minute et qui prit nuit et jour pour que ça passe. Et bien non, je bosse, pas mal même. Sans doute moins que d’autres mais je dois aussi payer mes études en bossant au fast food. Du coup il ne me reste pas forcément beaucoup de temps pour caser la révision des cours, les travaux à faire à la maison, les exposés et tout ce genre de trucs en plus d’avoir une vie sociale. Pas question de tout sacrifier non plus, j’ai besoin de sortir un peu, de voir du monde, sinon j’explose. L’avantage de vivre en coloc avec trois autres personnes c’est que je peux voir des gens sans sortir et du coup je peux me mettre au milieu du salon pour bosser. Niveau concentration c’est peut-être pas le top mais voir des gens passer de temps en temps ça me fait une petite pause parce qu’on parle toujours une ou deux minutes ensemble. Enfin des fois ça part sur des discussion d’une demi-heure mais bon. En tout je fus un peu rassurée de la première attitude de Bella, elle n’avait pas l’air méchante. Je pars pas avec un apriori négatif de base, Elmo me l’a pas trop mal vendu je dois avouer. Je souris avant qu’elle ne m’explique sa manière de travailler, que je vois un peu mieux et que je vois aussi si c’est le genre de personne à rien dire et qui fait tout la veille en douce alors que tout a déjà été fait. Elle dit qu’elle est plutôt exigence et je fais une grimace. J’ai pas envie qu’elle me gueule dessus parce que tout n’est pas parfait comme elle veut, mais bon, on verra bien. Ensuite elle dit qu’elle préfère finir en avance qu’en retard et je suis plutôt d’accord. « Ouais j’suis comme toi, j’aime pas faire les trucs au dernier moment et me taper une nuit blanche. » dis-je avant d’ajouter « Par contre faut pas être h24 sur mon dos sinon ça va me saouler. Genre s’met des deadline et tout mais me flique pas s’te plaît. » Mieux vaut être claire dès le départ, histoire de pas s’embrouiller ensuite.

Si c'était d'elle, ce travail, elle l'aurait fait toute seule. Les travaux d'équipe, c'était la mort de la Costaricaine. Elle ne supportait pas d'attendre les parties des autres et, avare de contrôle, elle vivait mal de s'empêcher de retravailler leur travail. Ce n'était pas pour mal faire, Bella n'avait aucune malice dans ses actes, on l'avait seulement conditionné à toujours donner le meilleur d'elle-même depuis toujours. De la maternelle à l'université. Et si elle ne donnait pas tout ce dont son corps et son âme pouvaient, elle recevait les remarques franches de ses parents. Valait mieux leur rapporter de bons résultats, eux qui avaient financé toutes ses études et qui voyaient déjà en elle une grande avocate de renommée. Ils semblaient parfois oublier qu'elle avait choisi la branche la moins populaire du droit, Bella, pour se limiter dans la pression que cet emploi comportait déjà bien assez. Droit international, ça n'avait rien à voir avec les avocats de la couronne, ceux qui représentaient les victimes, ou même les partisans de la défense qui prenaient part pour les criminels. Bref, ce travail, il venait jouer sur les nerfs de l'étudiante déjà à bout d'énergie. Les deux jeunes filles parlèrent de leur façon de voir les choses. Vega, soucieuse, lui demanda sa méthode de travail, ce qui plut à la brune d'emblée. Elle lui retourna même la question. Bella hocha la tête quand l'étudiante en politique lui répondit qu'elle était un peu pareille, que les travaux de dernière minute ne lui plaisaient pas. Mais quand elle mentionna avoir besoin de son espace et de sa confiance, sans avoir quelqu'un qui lui pilait sur les talons en permanence, Bella perdit son sourire. J'vais tâcher de pas trop t'énerver, alors, dit-elle plus sérieusement. Mais les travaux, pour moi, ça passe avant toutes les autres distractions. Garçons, fêtes, boulot...