Remettre de l'ordre dans sa vie [Feat. Samuel Pohl]

Beaucoup de choses s'étaient récemment passé dans la vie du quadragénaire. D'abord cette violente dispute qu'il avait eu avec sa coéquipière après qu'elle ai découvert qu'il buvait pendant le service. Ensuite, il y a eu cette soirée arrosée au bar où leur langue s'est délié, les menant tous les deux sur une pente dangereuse où Tahlia l'a stoppé. Et puis dernièrement, cette vengeance à laquelle Donovan tient tant mais qui a failli lui coûter la vie ainsi que sa relation professionnelle avec sa coéquipière.

Il avait passé un certain temps à l'hôpital avant qu'on l'autorise à en sortir. Cependant, sa sortie nécessitait une condition : consulter un spécialiste pour l'aider. Le jeune homme devait s'y rendre un minimum d'une fois par semaine sous peine de retourner pour être interné. Tout ces évènements ont bouleversés la vie déjà chaotique du flic. Ne souhaitant pas se faire interner (même si c'était sans doute ce qui restait le plus raisonnable pour son entourage), il avait suivit les recommandations en consultant un spécialiste. Ses séances avaient connu des débuts difficiles et même encore maintenant, mais ça lui avait aussi appris certaines choses. Comme le fait que reprendre contact avec son frère. Il avait suivi ce nouveau conseil et avait fixé un rendez-vous à ce dernier sur la plage. Quoi de mieux que dans sa caravane, dans son environnement pour que le jeune homme puisse se rendre compte pleinement de qui était cet homme qui avait le même sang que lui.

Encore en arrêt de travail et quelques cicatrices trahissant encore ce qui s'était passé, le flic était dans sa caravane, posé sur son canapé a fixé cette photo qu'il connaissait déjà par coeur. Cette photo sur laquelle était sa défunte femme. Ses séances avec le spécialiste l'avait aussi aidé sur ce qui se passait avec Dina. Et on lui avait conseillé de tourner la page une bonne fois pour toute, de ranger les affaires de femme ou celles qui lui rappelaient qu'elle n'était plus là. C'était sa seule solution pour avancer. Au fond, Donovan n'y croyait pas, il n'avait jamais cru en lui, pourtant il s'appliquait à mettre en oeuvre ce qu'on lui disait, comme s'il avait l'espoir que tout cela lui permette de commencer une nouvelle vie. De connaître le bonheur de nouveau après cette longue période à sombrer sans aucune perspective de remonter la pente.

Danno attendait, légèrement nerveux de ces nouvelles retrouvailles. Samuel était-il toujours apte à vouloir le rencontre, rattraper le temps perdu ? Il espérait que ce n'était pas trop tard, mais il avait eu besoin de ce délai pour se recentrer sur lui-même avant d'espérer pouvoir attendre des choses d'autres personnes, même de son propre frère.

Cela faisait bien quelques mois que Samuel était arrivé sur le sol Australien. Il avait posé ses valises pour une période indéterminée, sans savoir s’il allait se plaire sur ce continent bien différent de l’Europe, dans cette ville où il ne connaissait personne. Mais il avait fini par prendre ses habitudes, un appartement rien qu’à lui et il se sentait bien. Il vivait de petits boulots, rien de trop sérieux ce qui lui permettait d’avoir du temps libre pour travailler sur son livre, qui n’avançait pas tellement, mais de payer le loyer sans se poser de questions. Il se faisait bien à la vie Australienne, à la chaleur et à la douceur de vivre, il serait difficile de ne pas s’y faire. Seules ombres au tableau, le départ précipité d’Olivia qui l’avait laissé seul ici, même s’il n’avait pas été tellement surpris par son choix. Et ses retrouvailles quasi inexistantes avec son aîné, Donovan, de qui il n’avait eu aucune nouvelles après leur première rencontre. Il avait tout de même traversé le monde pour lui, mais visiblement ce n’était pas dans les priorités du flic que de lier quoi que ce soit avec son frère. En même temps Sam ne voulait pas le forcer, il n’attendait pas de lui qu’il l’accueil à bras ouverts comme s’il l’avait attendu toute sa vie, non. Mais il ne pouvait nier qu’il avait été déçu de se prendre une veste pareille. Il était pourtant resté, était-ce parce qu’il gardait un infime espoir que Chamberlain revienne vers lui, peut-être au fond. Et il avait eu raison de ne pas reprendre le premier avion pour Londres. Parce que quelques jours plus tôt Donovan lui avait envoyé un message, rien de bien démonstratif, mais il lui proposait de se voir, chez lui, pour prendre un verre. Si Sam ne s’y attendait pas, il était néanmoins heureux de cette main tendue et évidemment il l’avait saisie. Il était donc en chemin vers l’adresse indiquée et il fut surpris lorsqu’il tomba sur une caravane là où il pensait trouver une maison. Il toqua à la porte et quelque seconde plus tard elle s’ouvrit sur un homme au visage fatigué, quelque peu tuméfié, Donovan avait clairement une sale tête. Salut ! J’ai apporté des bières. Il entra à l’intérieur après que son frère l’eut invité. Une descente qui a mal tourné ? Demanda-t-il en désignant son allure d’un hochement de menton. Sam s’imaginait déjà son frère en course poursuite avec des délinquants, une bagarre et tutti quanti, il était plein d’imagination et avec un métier comme flic, il y avait matière à partir dans bien des scénarios.

Donovan aurait pu rappeler son frère quelques jours seulement après leur première rencontre ici, mais il n'en avait rien fait. Il faut dire qu'avec Donovan rien n'était simple, tout était tordu, comme son personnage d'ailleurs. Il était imprévisible et c'est pour cette raison que jusqu'alors il avait préféré éloigné ce dernier maillot de sa folie, avant de retrouver un semblant de lucidité. Ce qui lui semblait arriver à présent, voilà pourquoi il n'avait pas repris contact plus tôt. Et puis, en vérité, il ne pouvait pas s'en sortir seul, alors il priait pour que ce dernier lien familial le reliant à la vie puisse être assez fort pour lui donner le courage d'aller de l'avant et tourner une bonne fois pour toute les pages du passé.

Nerveusement, ce qui lui arrivait rarement, même si son assurance n'était qu'une couverture, le policier tenta de s'occuper l'esprit aussi bien qu'il le pouvait en attendant l'arrivée de son petit frère. Lors de retrouvailles normales, il lui aurait probablement sauter au cou, mais Donovan n'avait rien de normal, il ne pouvait rien faire comme la plupart des gens, c'est peut-être ça aussi qui le rendait si imprévisible. Quoiqu'il en soit, il s'activait pour chasser toutes ces questions qui le tarodaient. Est-ce que Samuel finirait par accepter le personnage qu'était devenu son frère ? Est-ce qu'il n'était pas déçu de l'homme qu'il avait rencontré après toutes ces années passées loin l'un de l'autre ? Toutes ces interrogations tournaient en boucle dans l'esprit de l'allemand.

Mais un bruit sur la porte de sa caravane le fit sursauter. Il était tellement solitaire que personne ne lui rendait jamais visite, alors il entendait rarement quelqu'un frapper à sa porte. Il alla cependant ouvrir tout en sentant son rythme cardiaque augmenter considérablement, sans pouvoir le contrôler. Il accueillit son hôte en tentant se masquer sa nervosité.

Ça commençait bien, ne connaissant pas son frère, Samuel avait apporté de la bière. Pour un alcoolique, c'était assez compliqué de refuser, pourtant il se devait de rester sombre. Bon juste un verre alors. C'est ce qui se disait à chaque fois avant de terminer rampant par terre pour retrouver le chemin jusqu'à sa caravane.

" - C'est gentil, fallait pas." fit-il tendit qu'il lui prenait les boissons afin de les poser sur le plan de travail " - Je ne te fais pas faire le tour du propriétaire, c'est assez vite fait hein.."

Volontairement, il laissait le silence s'installer tandis que Samuel lui avait posé une question. Le quadra se demanda s'il était temps pour lui de lui déballer la vérité, plutôt que de sortir un énième mensonge. Il le fixa, l'invitant à prendre place sur le canapé, à la tête duquel trônait fièrement la photo de sa défunte épouse.

" - Je crois qu'il est temps que je t'avoue la vérité Trav.. Samuel"

Il avait encore un peu de mal avec le prénom de son frère. Il fit quelques pas en arrière pour prendre une bière et la tendit au jeune homme.

" - Tiens, je pense que tu vas en avoir besoin, moi je préfère rester sombre tant que je t'ai pas tout dit.."

Il venait déjà de lui révéler une première vérité le concernant. Une vérité qu'il savait mais qu'il ne reconnaissait pas à voix haute. Encore une première pour lui

Dire que Samuel ne savait pas grand chose sur son frère était un euphémisme, le britannique avait fait quelques recherches mais à par connaître son était civile pour être certain qu'il s'agissait bien de la bonne personne, il ne savait rien de plus. Il était flic et il avait quelques soucis, ça son aîné le lui avait bien fait comprendre, en le rejetant carrément la première fois qu'il avait pris contact avec lui. S'aurait pu suffire pour refroidir le romancier qui n'avait rien d'un mauvais bougre, il ne méritait pas d'être rabroué comme il l'avait été, pourtant il ne s'était pas découragé. Et même si son installation en Australie n'avait finalement pas à voir qu'avec son frère, il lui avait servi de leçon pour changer d'air et se faire un peu oublier de sa vie londonienne, il avait malgré tout espéré durant ces mois de silence ne pas avoir fait tout le chemin pour rien. Espéré que, quelque part, Donovan soit au moins un peu curieux de connaître son cadet avant qu'il ne soit trop tard. Il avait donc fallu plus de six mois à Chamberlain pour se décider à rappeler son petit frère, heureusement, Pohl n'était pas des plus revanchards et il ne lui avait pas fallu longtemps pour accepter son invitation. Les bières il aurait pu s'en passer, surtout s'il avait su que l'autre était alcoolique, il mettait donc les deux pieds dedans en lui tendant le pack en guise de bonsoir. Mais Donovan, polit, ne dit rien, laissant à Sam le loisir de croire qu'il était un invité qui avait du savoir vivre. En effet, le tour du propriétaire serait rapide, il ne savait pas pourquoi, mais le blond s'était imaginé qu'un flic gagnerait mieux sa vie que ça, du moins assez pour s'offrir une maison avec des murs plus solides que les quelques tôles qui entouraient la caravane. Lui qui n'avait pas hésité à débourser des somme qu'il n'avait pas pour louer l'appartement clinquant dans lequel il vivait actuellement, ils venaient clairement de mondes totalement différents. Au moins c'est... cosy... Il ne se foutait pas de lui mais il ne savait pas bien quoi répondre, preuve qu'il était un peu nerveux face à ce grand frère qu'il s’apprêtait à découvrir. Il hasarda une question sur la gueule abîmée de Dony, celui-ci sembla se déconfire d'un coup, mauvaise pioche. Samuel prit place sur le canapé non sans un regard à la jolie femme de la photo, sûrement quelqu'un d'important, quand on considérait que ce logement était totalement impersonnel. Il fronça les sourcils lorsque le brun commençai à sortir les grandes phrases, ne pensant pas qu'ils allaient entrer de but en blanc dans le vif du sujet. Et puis il lui tendit sa bière avec un point sobriété, haussement de sourcil interrogateur. Ce n'était pas avec une bière qu'il allait rouler parterre... mais vu la mine de son frère, Sam n'osa pas commenter. Il tenta quand même un : C'est si grave que ça pour que tu me sortes tant de mystère ? S'il était nerveux en arrivant, ce n'était rien face à là, il n'était pas sur d'être prêt à de grosses révélations, à moins que l'aîné soit du genre à exagérer les choses mais vu le gars, ça l'étonnerait fort. Il posa sa bière sur la table basse sans y avoir touché, prêt à entendre ce que Donovan avait à lui dire. J't'écoute.

Donovan était conscient que sa vie entière était un sacré bordel, pourtant depuis quelques mois, il tentait d'y remettre de l'ordre. En commençant par le début, à savoir tourner la page sur le meurtre de sa femme. Il faut dire que les récents évènements avaient précipités les choses. Le fait qu'il est frôlé de très près la mort lui a comme remis les idées en place.

Le portrait défiguré, son altercation assez violente avec Tahlia, sa rencontre récente avec Dina. Tout semblait rentrer dans l'ordre et lui permettre de devenir l'homme qu'il était avant. L'homme qu'il était toujours sous cette carapace, derrière laquelle il se camoufle depuis tant de temps.

Danno avait jugé que le moment était peut-être idéalement choisi pour reprendre contact avec son frère. Était-il encore en ville ? Après l'avoir jeté comme il l'avait fait lors de leur première rencontre, avait-il réellement envie de le revoir ? Tant de questions que se posaient le brun sans pour autant avoir de réponses à ces dernières.

Le flic avait fini par lui donner rendez-vous chez lui, dans cette caravane qu'il occupait depuis plusieurs années. Depuis son arrivée à Bowen en fait. C'était le point de départ de tout ça, et il jugea l'endroit idéal pour faire les révélations qu'il s'apprêtait à son frère. Son sang. Celui dont il ne connaissait pas grand chose finalement.

Si Donovan était stressé, son frère l'était tout autant que lui, peut-être même plus. Tandis qu'il lui tendit la bière, comme s'il attendait que celle-ci rendre tout ça plus facile, Samuel la posa sur la table attendant ce qu'avait à dire le flic. Après une grande respiration, il se lança dans son récit, non sans crainte que celui-ci fasse fuir la seule famille qui lui restait désormais.

" - Je ne sais pas vraiment par où commencer, alors je vais tenter de le faire aussi simplement que possible.. Quand tu as débarqué dans ma vie, si la situation avait été différente, je t'aurai très probablement accueilli les bras grand ouverts, j'aurai tenté de renouer le contact avec toi, mais la vérité c'est que rien n'allait. J'ai perdu ma femme en 2010, elle était enceinte et elle a été tué à cause de moi. A cause d'un dossier sur lequel je travaillais.."

Un rapide coup d'oeil sur la photo près de Samuel, et ce dernier aura la première pièce du puzzle, qui s'imbriquera très rapidement avec les autres.

" - Sa perte, ça a été le coup de grâce pour moi. J'ai sombré lentement dans l'alcool et la drogue, mais je crois que le plus dangereux c'est que je me suis à la poursuite de ces types qui m'ont retiré mon avenir. Avec mon métier, c'était assez facile de pouvoir faire les recherches dont j'avais besoin sans que ça n'éveille les soupçons."

Un nouveau soupir, le regard baissé pour fuir celui de son frère. L'intonation de sa voix dimunua.

" - Puis.. Ils m'ont mis en garde une première fois. Je n'en ai pas tenu compte et voilà le résultat." fit-il en désignant les marques sur son visage et son corps encore endolori. " - Je me suis toujours mis en tête de la venger, mais au fond, ça ne la ramènera pas. Jamais. Et j'ai senti que j'avais été à deux doigts de franchir l'ultime barrière entre la vie et la mort. A l'hôpital, c'est ma collègue qui me l'a fait comprendre, qui m'a fait réalisé de l'homme que j'étais devenu et que je déteste, mais je ne pensais pas être capable d'en devenir un autre, jusqu'à ce qu'une personne rentre dans ma vie. Une femme qui a tout remis en question."

Ne pouvant plus se retenir, le brun se leva et fit les cents pas dans ce qu'il désignait comme son salon. Comme s'il redoutait ce qu'allait pouvoir lui dire son frère. Il n'attendait pas sa pitié, il avait dépassé ce stade depuis bien longtemps. Mais peut-être que son soutien suffirait à lui montrer qu'il est désormais sur la bonne voie pour se reconstruire lentement.

Samuel avait débarqué sur le sol australien sans aucun à priori sur son frère, sans espoir particulier mis à part celui de le connaître. Il était conscient que l’homme qu’il aurait face à lui, du haut de ses quarante-trois ans, traînerait avec lui quelques casseroles, des histoires plus ou moins glorieuses, des trucs un peu louches. Tout comme lui en vérité, il n’avait pas eu une vie facile et il n’était pas fier de tout son parcours. Mais il était loin de se douter de ce que son aîné allait lui révéler. Encore moins de la facilité avec laquelle il s’ouvrirait à lui alors qu’en soi, ils étaient encore deux inconnus qui ne portaient que le même sang, même pas le même nom. Il le mit dans le bain rapidement en lui parlant de cette femme qu’il avait perdu presque dix ans plus tôt, Samuel se souvint de la photo à laquelle il avait jeté un œil plus tôt, c’était probablement elle, il ne fallait pas être devin pour le réaliser. Don vivait dans le passé et visiblement il n’avait pas refait sa vie depuis tout ce temps, pas le deuil de cette perte. Plus il se confiait plus Sam voyait le fausser se creuser entre son frère et lui, ils étaient si différents, ils avaient des vies et des parcours tellement éloignés. Donovan semblait tellement perdu, il vivait pour son job, puis pour la revanche et finalement il avait tout gagné en se faisant défigurer par ceux qui avaient l’air de gâcher sa vie et le hanter depuis des années. Alors que lui, Pohl, il était un peu rebel dans son genre, il l’ouvrait parfois un peu trop quand il ne fallait pas et il s’était parfois pris quelques coups, mais rien de plus. Il n’enviait pas du tout la vie de son aîné, mais en le regardant il se demandait s’il y avait vraiment un place pour lui dans tout ça. Samuel, habituellement bavard et toujours prompt à donner son avis, restait bien silencieux face aux révélations de son grand frère. Il l’écoutait en hochant parfois la tête, de toute façon que pouvait-il dire ? S’ils s’étaient connus plus tôt il lui aurait probablement proposé son aide pour retourner casser la gueule à ces fils de pute, lui qui était plutôt sanguin dans le genre, mais là ce serait presque déplacé. Alors il soupira en regardant Donovan se lever et faire les cents pas dans son petit espace. Il lui avait probablement fallu une bonne dose de courage pour tout déballer ce soir et lui n’en attendait pas autant, pour autant, il n’avait pas l’air soulagé de s’être ouvert de la sorte. Peut-être qu’il redoutait sa réaction. Soupirant à son tour, il attrapa la bière devant lui et en but une première gorgée. C’est sûr qu’une vengeance ne ramènera pas ta femme, non… écoute. J’sais pas trop quoi te dire Donovan. J’m’attendais pas à… ça, en venant ce soir. Mais merci de m’avoir parlé. J’imagine qu’on va pouvoir partir sur une bonne base maintenant. Il fixait le bout de ses baskets avant de relever un regard espiègle vers son frère. Alors y a une femme ? J’comprends que l’arrivée d’un frère dans ta vie c’est moins excitant que des courbes féminines ! Mais si t’arrêtes de déconner j’pense que tu pourrais avoir droit à un peu de paix, tu la mérite, il me semble, la paix. Et la fille. Et moi… tu vois j’suis pas parti, j’suis toujours là, ça fait un p’tit bonus, enfin tu le vois comme tu veux. J’peux être chiant aussi dans mon genre. Il ne donnait pas dans le mélo, Sam, il avait tellement de mal à s’ouvrir sur les sujets difficiles qu’il préférait tourner les choses en dérision. Et puis de toute façon qu’est ce qu’il pouvait ajouter sur le sujet, il n’allait pas accabler cet homme qui était déjà à terre.

Donovan ne comptait plus le nombre de fois où il s'était répété scénario, il en avait presque fait un papier sur lequel était mentionné tout ce qui devait dire. Mais la pratique est bien différente, voir son frère ici même, dans son petit espace restreint de vie, ça lui mettait une pression supplémentaire sur les épaules. Avait-il vraiment envie de se coltiner un boulet dans son genre ? Non, Samuel avait sans doute d'autres chats à fouetter, et cet aveu bien que touchant, ne suffirait vraisemblablement pas à le retenir ici. Du moins, c'était ce que pensait le flic.

Il finit par se lancer car, plus il attendait, plus il craignait de fuir à la dernière minute, parce que c'est toujours comme ça qu'il s'était protégé. Autant dans son boulot, il est du genre tête brûlée à foncer dans le tas, autant là, les choses revêtaient un autre sens. Un sens qui pouvait faire prendre un dernier tournant vers les ténèbres pour le quadragénaire. Il expliqua son histoire par morceaux, ignorant si chacun de ses propos étaient assez clairs pour être compréhensibles par son petit frère. Il s'arrêta, attendant un mot, un geste, mais rien ne vient. Son regard tomba alors sur celui du brun lui faisait face. Il était silencieux, trop silencieux. Samuel finit par le rompre.

Dans le regard de son frère, il n'y vit aucun jugement, aucune pitié et c'est ça qui le motivait à poursuivre, à tenter de se remettre sur le bon chemin. Peut-être qu'au bout du compte, il va réussir, même si lui-même ni croyait pas. Contrairement à l'image qu'il renvoie, il n'a pas confiance en lui, pas en dehors de sa zone de confort qui est son travail. Sans ce dernier, il ne serait déjà plus de ce monde. Il aurait pu ne jamais retrouver son frère finalement. Samuel lui donnait les cartes en main, il n'était pas parti et il était même heureux que son frère puisse de nouveau retrouver la paix et pourquoi pas l'amour. Un fin sourire se dessina sur les lèvres de Chamberlain. Il ne s'attendait pas à une telle réaction après son discours. Quoiqu'il en soit, ils étaient là tous les deux, autant en profiter pour rattraper le temps perdu non ?

" - Je ne sais pas si je l'ai vraiment mérité, mais j'espère ne pas tout foutre en l'air comme j'en ai l'habitude.."

Donovan profita d'être debout pour se servir un verre d'eau. Tahlia serait là, elle cocherait probablement ce jour sur son agenda. Donovan qui boit de l'eau c'est vraiment exceptionnel, comme quoi tout peut arriver. Il retourna s'asseoir auprès de son frère, le verre en main.

" - Bon assez parlé de moi, raconte moi un peu ce qui s'est passé depuis toutes ces années dans ta vie. Tu as une femme ? Des enfants ?"

Ça avait beau être son frère, il ne le connaissait pas au fond. Pas depuis qu'ils avaient été séparé, il y a de ça de nombreuses années.

Donovan n’avait pas confiance en lui, ça crevait les yeux. Peut-être que dans son travail il était du genre superflic hyper charismatique, mais les deux fois que Samuel l’avait rencontré, il semblait plus être une épave à la dérive qu’autre chose. Avec les explications que le brun venait de lui donner, on comprenait mieux les raisons de sa mauvaise mine, c’était une véritable descente aux enfers qu’il avait vécu. Pohl avait du mal à s’imaginer une vie pareille, lui qui était si différent de son aîné, il était incapable de se mettre à sa place. Il n’arrivait pas à s’imaginer aimer au point de chercher la vengeance à tout prix, aimer quelqu’un si fort que toute sa vie serait tracée par cet amour et ses conséquences. Lui qui n’avait jamais vécu d’histoire d’amour à part un coup de cœur visiblement non réciproque, qu’il traînait depuis l’enfance, mais pas de quoi le rendre romantique au point de ne vivre que pour ça. Il haussa les épaules avant de répondre à Donovan. Faudrait peut-être que tu te fasses un peu confiance. Sam savait que les femmes n’aimaient qu’un temps les hommes qui s’apitoient sur leur sort. Il l’observait se servir un verre d’eau et ses yeux retombèrent sur sa propre bière qu’il avait déjà bien entamé. Tu ne bois pas d’alcool ? Sans trop savoir pourquoi il s’imaginait bien Chamberlain avec une bouteille de poison bien trop fort au bord des lèvres lors de nuits d’insomnies. C’était son imagination d’écrivain qui divaguait sûrement, mais flic désabusé, amoureux abandonné et alcoolisme ça s’accordait presque trop bien. Enfermé dans son petit espace, on pouvait le qualifier de cosy si on était sympa, Sam avait simplement l’impression d’étouffer. Il était habitué aux grands espaces, pas aux quatre murs d’une caravane trop petite. Il se leva et attrapa son paquet de cigarettes dans la poches de son jean. J’vais m’en griller une dehors, ça te dit ? Une fois à l’extérieur il profita de l’air doux et du bruit des vagues qui se jetaient sur le sable. Rapidement les souvenirs de son enfance sur son île britannique le rattrapèrent, à chaque fois qu’il se rapprochait de l’eau il avait cette même sensation, celle d’être bien, à sa place, partout où il y avait des vagues, il était comme chez lui. C’était peut-être l’une des raisons qui l’avaient poussé à rester ici un moment, même s’il aimait Londres, profondément, il s’était rapidement fait à cette vie australienne. La question de Donovan était bien plus complexe qu’elle n’y paraissait, s’il lui demandait ce qu’il s’était passé depuis toutes ces années, ça résultait à demander sa biographie entière, puisqu’ils avaient été séparés alors que Samuel n’avait que trois ans. Il tira silencieusement sur sa cigarette dont l’extrémité crépitait dans la quiétude de ce début de soirée. C’est assez drôle, enfin de mon point de vue. Je gagne ma vie en écrivait des romans policiers et, sans en avoir jamais réellement imaginé le portrait, quand je vois le flic de mes romans, il pourrait te ressembler… j’sais pas si ça signifie quelque chose… Il n’y avait jamais pensé avant ce soir, lorsqu’il écrivait ses premières bribes d’histoires, avant même que ça devienne des romans, il avait toujours été attiré par le polard. Je suis écrivain, j’ai sorti deux romans qui ont plutôt bien marché et depuis je gagne du temps auprès de mon éditeur qui me réclame le troisième manuscrit que je lui ai promis. Ca fait quelques années de ça mais j’me suis reposé sur mon succès et le pactole amassé au départ… Et depuis quelques temps je me serais bien remis à écrire mais je suis atteint du fameux syndrome de la page blanche. J’ai claqué tout mon argent en sorties, alcool, vêtements de luxe et belles motos. J’ai mis les plus belles femmes de Londres dans mon lit, c’était la belle époque. Mais je suis allergique à l’engagement, je crois que je déteste les enfants de toute façon et la simple idée d’avoir une bague au doigt… de toute façon j’ai jamais rencontré personne qui me donne envie de ce genre de choses. Même s’il savait s’entourer quand il en avait envie, Samuel était un véritable solitaire qui considérait qu’il ne serait jamais mieux servi que par lui-même, probablement à tort, mais il n’avait jamais eu preuve du contraire. La seule personne à qui il s’était toujours raccroché était morte depuis près d’un an, depuis il semblait encore plus à la dérive. Tu as lu la lettre de maman ? Maman ce mot ne signifiait pas grand chose pour Donovan, Sam le savait bien, mais il était incapable de l’appeler autrement.