Princesses, ou presque, recherchent beaux princes, ou pas

Je suis vraiment pas fan de tout ce qui implique un déguisement, mais Maddie a vraiment insisté pour qu'on se rende au festival médiéval. Alors j'ai serré les dents en allant m'acheter de quoi ne pas paraître trop ridicule... Parce que oui, je me sens tout à fait ridicule. Heureusement que personne ne me prend pour une dingue et que tout le monde est plus ou moins porté par l'événement en ville ! J'y connais strictement rien en histoire, mais j'ai cru le marchand quand il m'a assuré que ça faisait Moyen- ge, ce qu'il a voulu me vendre. On verra bien... Au pire, personne ne peut m'en vouloir.

Je retrouve Maddie sur la place du marché. Je vois qu'elle a opté pour le même genre de costume que moi, ce qui me rassure quelque peu. On s'étreint légèrement, elle me complimente au passage sur ma robe. Je ris légèrement et réponds :

- Mouais, te sens pas obligée de me complimenter, je me sens comme un sac à patates... En revanche, toi, ça te va à ravir !

Et c'est vrai, elle a une tête à porter des déguisements d'une autre époque. De toute façon, tout lui va, à Maddie.

- Oh tu sais, les gueux, j'ai appris à les mater quand j'étais à New-York ! je plaisante, en rapport aux clochards que je croisais souvent dans les rues de la Grande Pomme. "Tu veux vraiment qu'on reste cette nuit ?" je tente, pas très attirée par la chose de mon côté. "En attendant, on peut aller tester les... boissons traditionnelles !" je propose en tournant un peu sur moi-même pour voir ce qu'on peut acheter sur la place du marché.

Il y a pas mal de petites tentes avec des artisans en-dessous, et je suis sûre que la plupart écument les événements du jour sur tout le continent. Un genre de forain, sans l'attraction en métal qui va avec...

- De la bière artisanale... Oh, il y a aussi du vin ! je fais en m'approchant du stand, Maddie à mes côtés. "Finalement, ça va peut-être bien m'amuser, cette fête !" je m'extasie en sortant mon portefeuille de la petite besace que j'ai fait passer autour de l'une de mes épaules.

La seule qui allait un tant soit peu avec la robe, d'ailleurs...

Il est vrai, comme dit Maddie, que la plupart des femmes aimeraient me ressembler. Du moins, physiquement, j'imagine... Parce que vu l'état de ma vie, je crois que personne ne voudrait échanger la sienne avec la mienne, il est certain ! Je lui souris chaleureusement, mais mon sourire disparaît bien vite pour être remplacé par un soupir quand je nous imagine passer la nuit dans la cambrousse, chose qui m'attire plus que moyennement.

- On verra bien selon la conjoncture de la soirée, alors, je conclus à ce sujet.

Si jamais on se laisse trop aller sur les boissons alcoolisées, on risque de ne plus savoir comment on s'appelle, et de souhaiter rester dans l'ambiance jusqu'au bout de la nuit ! Enfin... Je ne sais pas si Maddie est de ce genre, mais en tout cas de mon côté, j'en ai besoin en ce moment, histoire d'oublier.

- Même pas pour rire... je fais, non sans une grimace de dégoût, à propos du jus pressé aux pieds. "Je suis pour tester de nouvelles choses mais faut pas exagérer !"

Maddie a l'air choquée que je souhaite boire. Si elle m'avait vue à New York... C'est dans ces moments-là que je me rends compte que des années d'expériences nous séparent. Et pourtant, fêtarde comme j'ai pu l'être, je ne me suis jamais laissée complètement aller. Étrange fait...

- Mais depuis toujours ! C'est juste qu'on n'a jamais eu l'occasion de faire la fête toi et moi... je précise. "Allons-y pour du vin, alors ! Je te l'offre, d'ailleurs," je propose dans un sourire.

J'espère que j'ai retiré assez pour couvrir nos dépenses... Normalement oui, mais dans le doute on reste au centre-ville alors nous ne serons pas perdues ! Je me dirige vers le premier stand de boissons artisanales que je repère et demande deux verres de vin. Je laisse Maddie faire son choix quant au type de vin qu'elle a envie de boire, moi j'opte pour un vin rouge dit fruité.

Une fois nos deux verres en main, je propose de trinquer à notre sortie pour le moins inhabituelle.

- Alors, quoi de neuf de ton côté ma jolie ? je demande une fois qu'on a bu la première gorgée, histoire de savoir ce qu'il s'est passé dans la vie de Maddie depuis la dernière fois que nous nous sommes vues.

- Peut-être hein, qui sait ! je réponds, à propos du fait que j'ai déjà sûrement bu du vin pressé à l'ancienne.

Maddie me demande de lui faire voir à l'occasion ma façon de faire la fête... Je souris légèrement, pas vraiment sûre qu'elle aie envie de rencontrer la Victoria new-yorkaise et fêtarde au possible. Je ne fréquente pas du tout le même type de personnes ici, aussi je n'ai plus autant l'occasion de me lâcher, mais ça me manque tout de même parfois. D'autant plus que quand on a des peines au coeur, comme moi en ce moment, faire de grosses soirées et s'éclater sans se soucier du lendemain fait beaucoup de bien. C'est ma petite catharsis personnelle.

- Il faudra que j'essaie d'organiser une fête chez moi, alors, un de ces quatre ! C'est vrai que j'ai un grand appartement, et autant de place ne me sert à rien pour moi toute seule, je songe.

Je ne saurais pas vraiment qui inviter, tant mes cercles de connaissances sont variés, mais c'est une chose à tester ! Nous récupérons toutes les deux les verres de vin que j'ai payés comme première tournée et trinquons. Maddie me raconte ensuite ce qu'il y a de neuf dans sa vie, étant donné que nous ne nous sommes pas vues depuis de très nombreuses semaines.

- Oh, je ne savais même pas que tu avais un colocataire ! Il t'a dit qu'il avait acheté une maison, mais je suis sûre qu'il en a juste marre de toi... je fais, avec un sourire malicieux, sur le ton de l'ironie. "Je plaisante bien sûr ! Tu as déjà posté une annonce sur internet ?"

Je bois une gorgée avant de lui donner de mes nouvelles.

- Eh bien de mon côté c'est toujours le calme plat, depuis la mort de Maman... je soupire, me demandant par la même occasion si j'ai informé Maddie de cet événement, depuis le temps j'imagine que oui. "Je te l'avais dit ?" je soulève, en haussant un sourcil.

Ces derniers mois me semblent tellement flous que je ne sais plus à qui j'ai pu en parler ou non.

- C'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde ! je réponds, avec un clin d'oeil.

A New York, j'avais l'habitude d'engager quelqu'un pour s'occuper de toutes les modalités des fêtes que je pouvais organiser chez moi. Mais ici, à Bowen, je doute fort que ce genre d'entreprise pullule... Je vais devoir tout organiser moi-même, alors si Maddie est disponible pour m'aider je ne vais certainement pas cracher dessus !

- Non non, tu ne me l'avais pas dit... Il est comment ? je demande, un air malicieux sur le visage. "Physiquement, je veux dire !"

Je réfléchis quelques secondes après avoir demandé à Maddie si elle a mis une annonce sur Internet ou non. Je n'ai jamais pensé à faire vivre quelqu'un avec moi à la maison... J'ai un très grand appartement, et parfois je m'y sens on ne peut plus seule. Surtout en ce moment, avec tout ce que j'ai sur les épaules par rapport à Papa...

- C'est vrai... je souffle en me rappelant de l'étreinte de Maddie. "J'ai la mémoire en berne, à cause de la tristesse je crois."

Je me laisse entraîner par mon amie vers les stands qui proposent des jeux d'époque, tout sourire, buvant de temps à autre une gorgée de vin. Alors qu'on s'approche des cabanons, une idée me vient, et je la lâche sans même pouvoir me contrôler.

- Et si je te proposais de venir vivre avec moi ? je fais, de façon impulsive, presque en coupant la parole à Maddie qui me proposait de commencer par le cabanon vert pomme. Il s'agit là d'une parole complètement irréfléchie mais qui m'est sortie tout à fait naturellement. "Enfin... Si ça peut te faire économiser quelques sous..."

- Noooon, tu pourrais ? S'il est mignon, je signe tout de suite ! je fais en riant. "Je ne suis pas sûre de le remettre, cela dit... T'as pas une photo, par hasard ?"

Autant tenter le tout pour le tout... Je commence à en avoir assez d'attendre que le prince charmant me tombe entre les bras. Je devrais peut-être partir à sa recherche ! Et si Maddie peut m'y aider... Après tout, elle a cohabité avec lui, c'est qu'il doit être de confiance ! En revanche, je ne crois pas avoir de souvenirs de lui. Je réfléchis encore quelques secondes, mais aucun visage ne me revient.

Qu'elle recherche un colocataire me fait repenser que je me sens très seule dans mon très grand appartement. Et qu'en plus, j'ai deux chambres inoccupées. J'ai hébergé quelques temps une très bonne amie de New York venue me voir, et ça ne m'a pas vraiment dérangée d'être à deux sur mon lieu d'habitation, au contraire. Alors avoir Maddie en continu, et plus ou moins définitivement... Pourquoi pas !

- Je suis très sérieuse, j'ai deux chambres de libres donc ça peut se faire ! j'argumente en regardant autour de moi. Je bois une gorgée de vin et rappelle à Maddie : "Non j'habitais seule, mais je n'étais vraiment pas souvent chez moi. J'avais beaucoup plus de contrats qu'ici, et j'étais toujours fourrée en soirée, il faut dire... j'avoue à demi-mot. "Ecoute, si tu veux tu peux passer une semaine à la maison avant de te décider, juste pour voir si nos deux cerveaux peuvent cohabiter ensemble !" je propose ensuite.

Ah oui, quand même. Ma tête me trahit complètement, quand Maddie me tend son téléphone avec une photo de son ancien colocataire. Je ne me souviens pas du tout de lui de l'époque où on était à l'école, mais il n'en reste pas moins très beau garçon. Je sifflote d'admiration, et redonne son téléphone à Maddie.

- Va pour un rencard... Il est vraiment beau.

La discussion se dirige vers la possibilité d'une cohabitation entre nous, ce qui ne me déplairait pas, à vrai dire. Ça me changerait même carrément les idées, et ça me permettrait peut-être de me maintenir complètement la tête hors de l'eau.

- Ne mettons pas la charrue avant les boeufs, si ça se trouve on va avoir du mal à se supporter au quotidien ! je plaisante en grimaçant après avoir bu une gorgée de mon vin.

Je suis tombée sur une gorgée plutôt poudreuse, c'était bizarre et très amer, mais je ne me laisse pas démonter et termine mon verre dans la foulée, histoire d'être tranquille et de pouvoir le jeter. D'autant plus que Maddie me propose de passer à une vraie activité, et je hoche la tête tout en cherchant une poubelle des yeux.

- Oh oui, du tir à l'arc ! Allons-y ! J'en n'ai jamais fait par contre... Je vais certainement être ridicule... je souffle en prenant la direction du stand de tir à l'arc qui n'est pas très loin de nous. "T'en as déjà fait, toi ?" je demande une fois que nous sommes près du stand.

Je ris avec entrain mais je suis certaine que Maddie et moi pourrions nous entendre au quotidien. De toute manière, on n'est pas assez intimes pour vraiment se marcher l'une sur l'autre. Maddie m'a l'air d'être assez indépendante, tout autant que moi au moins, ça devrait aller... On se dirige vers le stand de tir à l'arc et je ne peux pas m'empêcher de me sentir nerveuse à l'idée d'être ridicule. C'est quelque chose avec laquelle j'ai beaucoup de mal, le ridicule. Ce n'est vraiment pas dans mes habitudes, et là, je sens que ça va m'arriver... Maddie essaie de me rassurer, mais tout ce que j'arrive à faire c'est rire nerveusement.

- Ça fait toujours un entraînement de plus que moi ! je rétorque en lui donnant un léger coup de coude alors qu'on arrive devant le stand.

J'ai strictement aucune idée de ce qu'on est censées faire, je vais donc laisser Maddie mener la danse auprès du mec qui tient le stand. Elle demande deux arcs pour nous, ainsi que des leçons au passage. Dieu seul sait combien j'en ai besoin ! Maddie tire en premier une fois qu'on a eu les explications que je n'ai écoutées que d'une oreille. Je ne suis vraiment pas attentive, pour le coup... Je regarde mon amie tirer sa première flèche sans un mot, puis je me mets en place, tentant de me remémorer les explications du moniteur. Ma flèche ne fait même pas un mètre, la honte... Maddie ne commente pas, heureusement. Elle tire sa seconde et je l'applaudis quand elle touche la cible.

- Tu vois que t'es naturellement douée ! Allez, à moi, encore... je souffle en me remettant en place.

Ma seconde flèche finit à peine plus loin que la première, toujours la tête dans le gazon. J'ai vraiment du mal, par rapport à Maddie. Je hausse les épaules et lui laisse la place.

- La vache, comme je suis nulle... Je ne me sens pas à l'aise avec un arc en tout cas ! je confie à Maddie.