guardian angel (ou presque) + diego.

Maybelle avait décidé de sortir un peu pour se vider la tête. Il était minuit passé mais comme toutes les nuits depuis plusieurs semaines, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil.  Marcher dans les rues quasiment désertes de Bowen lui faisait du bien. Quelque part, la nuit avait quelque chose de rassurant. Alors qu’elle regardait distraitement autour d’elle sans réellement prêter attention aux alentours, elle remarqua un homme avachi sur le trottoir un peu plus loin. Elle ne voyait pas son visage mais le fait qu’il soit là, par terre, dans une ruelle isolée, ne laissait rien présager de bon. Elle s’approcha avec prudence et se pencha un peu pour essayer de mieux le voir. « Euh… Bonsoir… Ça va ? » Elle s’approcha davantage et remarqua le visage ensanglanté du jeune homme. Il devait être à peine plus vieux qu’elle. Vingt-cinq ans tout au plus. Elle ouvrit de grands yeux, surprise et horrifiée, puis elle se précipita vers lui. Il avait l’air vraiment mal en point et elle ne pouvait pas le laisser comme ça. Sa conscience ne la laisserait pas tranquille si c’était le cas. « Vous pouvez vous lever ? » Elle lui attrapa les bras dans l’espoir de le relever. Maybelle dans toute sa splendeur : elle se fichait bien de savoir qui était ce type, il avait visiblement besoin d’aide et elle ne comptait pas le laisser agoniser sur le trottoir. Son cousin lui avait souvent dit de se montrer plus méfiante. Après tout, elle ne savait jamais sur qui elle tombait. Ce mec était peut-être dangereux. Quoi que vu l’odeur d’alcool qu’il dégageait, il semblait plus proche du coma qu’autre chose…

Maybelle soupira doucement. Elle avait l'habitude de rencontrer ce genre de types à l'association où elle bossait bénévolement quelques heures par semaine. Et elle ne pouvait clairement pas se résoudre à le laisser là alors qu'il était si mal en point. Le fait qu'il ne veuille pas de son aide n'avait rien d'étonnant, seulement elle comptait bien insister un peu. Il alluma difficilement une cigarette et la jolie blonde fronça les sourcils. Comment trouvait-il la force de fumer vu l'état dans lequel il était ? « Vous ne voulez pas que je vous ramène chez vous, au moins ? », proposa-t-elle de sa voix naturellement douce. Maybelle ne s'énervait pratiquement jamais. Elle avait toujours un ton joyeux et doux, elle était toujours d'humeur constante. En apparence, du moins. Elle se doutait bien que cet inconnu n'allait pas la laisser l'approcher si facilement mais elle était persuadée qu'il n'arriverait pas à se relever tout seul. Elle devait au moins le conduire chez lui pour s'assurer qu'il était en sécurité. S'il avait un endroit où dormir, évidemment... Il était dans un état tellement lamentable qu'il n'était pas impossible qu'il soit SDF. Quoi qu'à force de patrouiller avec la croix rouge, Maybelle les connaissait tous. « Passer la nuit dehors, ce n'est pas l'idéal... » Nouvelle tentative pour le convaincre de bouger. Elle finirait bien par l'avoir à l'usure. Elle était douée pour agacer les gens, après tout.

La jeune fille leva les yeux au ciel à sa première réflexion, s'abstenant de répondre quoi que ce soit. Il était ivre, de toute façon... Il ne devait même pas avoir conscience de ce qu'il disait. Son air méprisant blessa Maybelle mais elle se contenta de le regarder en hochant un peu la tête. Après tout, s'il ne voulait pas de son aide, elle n'allait pas passer la nuit à le supplier... « Comme vous voulez. Bonne soirée, alors. » Elle avança dans la direction opposée mais se retourna quelques mètres plus loin en l'entendant hurler. Elle soupira doucement. Quand je te disais que tu avais besoin d'aide !, pensa-t-elle. Altruiste dans l'âme, elle n'hésita pas une seconde avant de se diriger vers Diego comme il le lui avait demandé. Certaines personnes l'auraient laissé se débrouiller tout seul puisqu'il avait juré haut et fort qu'il n 'avait besoin de personne. Mais Maybelle était sensible à la détresse des autres. À défaut de se sauver elle-même, elle passait son temps à aider les autres. Et cela lui faisait du bien, en quelques sortes. « Tenez », fit-elle gentiment en lui tendant le précieux mouchoir. « C'est pas trop douloureux ? » Elle l'observa attentivement, une moue contrariée sur le visage. Elle ne le connaissait pas et pourtant, elle ne pouvait clairement pas se résoudre à partir maintenant. Elle ne pouvait pas le laisser là, collé contre cette pauvre vitrine, à attendre qu'il aille mieux pour pouvoir bouger. « Vous habitez loin d'ici ? »

Pas de doute, ce mec était probablement l'être le plus imbuvable qu'elle avait jamais rencontré. Mais elle ne lui en voulait pas. D'une certaine façon, elle était habituée à ce qu'on la rejette alors elle ne s'en formalisait pas. Celui lui prouvait juste une fois de plus qu'elle n'avait pas sa place ici et que personne n'avait besoin d'elle. Ce n'était même plus douloureux. On s'habituait à tout, apparemment. Elle ne répondit rien aux remarques du jeune homme, se contentant de baisser les yeux. Elle ne voulait pas l'énerver davantage. Elle ne savait que trop bien qu'elle pouvait être irritante. Ces temps-ci, elle tapait sur le système de tout le monde sans le vouloir. Quand il affirma qu'il allait rentrer chez lui seul, Maybelle le laissa partir. Il ne voulait pas d'elle, elle avait compris le message et elle allait le laisser tranquille. Il l'ignorait si bien qu'elle avait l'impression d'être inexistante. Restant en retrait, elle le regarda faire quelques pas avec peine puis se coller contre un mur pour éviter toute chute. La jeune blonde soupire doucement. Elle allait faire une dernière tentative. Après ça, elle abandonnait. Elle était gentille mais pas maso ; chacune ses réflexions du jeune homme remuait le couteau dans la plaie et elle n'avait pas envie de souffrir inutilement. S'approchant doucement de lui, elle attrapa l'un de ses bras qu'elle passa au-dessus de ses épaules pour le soutenir et l'aider à retrouver l'équilibre. Puis elle se mit en marche, passant un bras autour de sa taille pour mieux le tenir. Elle ne lui laissait plus le choix. Elle ne lui voulait pas de mal, juste l'aider à rentrer chez lui en un seul morceau. Elle ne parlerait pas. Elle ne lui poserait aucune question. Elle n’interférerait pas dans sa vie. Elle s'assurait simplement qu'il était bien arrivé chez lui, puis elle partirait et ne le reverrait jamais. Il était assez grand pour lui indiquer la route par lui-même. Et s'il se débattait et refusait une fois de plus son aide, alors elle le laisserait tranquille. Elle ne voulait pas être un boulet une fois de plus.

Maybelle l'avait guidé jusqu'à chez lui sans prononcer le moindre mot, se contentant de suivre le chemin qu'il lui indiquait. Quand il lui attrapa la main et pénétra à l'intérieur de l'immeuble sans lui laisser le choix, elle le suivit sans réfléchir. Elle n'avait aucune crainte à avoir, il n'avait pas l'air méchant. Et puis, elle ne faisait rien de mal. Elle allait juste le raccompagner jusqu'à son appartement histoire d'être sûre qu'il ne s'écroulait pas dans le couloir. Il sortit précipitamment de l'ascenseur au sixième étage et Maybelle hésita un instant. Le suivre ? Rentrer chez elle ? Elle n'en savait trop rien. Mais l'arrivée impromptue d'un voisin précipité son choix. Elle sortit à son tour de l'ascenseur avant que les portes ne se referment et se posta à l'entrée de l'appartement du jeune homme, dont la porte était restée grande ouverte. Elle regarda autour elle, ne pouvant s'empêcher de se dire que l'endroit où il vivait n'était pas à son image... Enfin, pas à l'image du type qu'elle avait rencontré quelques minutes plus tôt en tout cas. Elle ignorait de quoi il avait l'air quand il était sobre. Et qu'il n'était pas couvert de sang ou de bleus. Se pinçant les lèvres, elle referma la porte derrière et fit quelques pas en avant. Elle n'osait même pas le regarder en face. Pas parce qu'elle le méprisait, bien au contraire, mais parce qu'elle ne voulait pas risquer de se faire envoyer sur les roses une fois de plus. « Vous avez besoin de quelque chose ? » Elle avait demandé ça timidement, de peur de le déranger. Elle ne voulait pas qu'il s'en prenne à elle une fois de plus. Elle ignorait s'il avait laissé la porte ouverte parce qu'il voulait qu'elle reste ou si ce n'était qu'un hasard. Elle ne savait pas vraiment si elle devait partir ou rester.

Mais qu'est-ce qu'elle fichait là, dans l'appartement de cet inconnu qui lui avait franchement manqué de respect ? Et qui l'ignorait, qui plus est ? Elle resta planté dans l'entrée de l'appartement alors qu'il prenait sa douche, n'osant pas bouger. Elle aurait pu partir mais ce n'était franchement pas poli de le planter là, sans rien dire. Quand il refit son apparition, Maybelle lui adressa un petit sourire mais une fois de plus, il fit comme si elle n'existait pas. Il alluma une cigarette, surtout un verre... Puis un deuxième quelques instants plus tard. Et enfin, il osa la regarder. Maybelle en fut soulagée. L'espace d'un instant, elle avait cru qu'elle était réellement devenue invisible. Elle se retint de lui dire qu'ajouter du whisky dans son verre n'était sans doute pas nécessaire, se contentant simplement de répondre à sa question. « De l'eau, ça m'ira très bien... Merci », fit-elle toujours aussi timidement. Elle son regard se posa malgré sur les bleus qu'elle apercevait en-dessous de sa chemise à peine fermée. « Vous devriez mettre de la pommade sur vos bleus. Ça apaise la douleur et ça aide à les estomper un peu. » Elle observa finalement son visage, qui n'était pas si amoché que cela. Il était beaucoup mieux sans tout ce sang séché un peu partout ! Plutôt séduisant, même. « Faudrait mettre quelque chose sur votre front aussi... Pour éviter que la coupure s'infecte. » Oui, elle avait un côté maman poule mais elle n'y pouvait rien. Elle était comme cela avec tout le monde. Elle avait toujours besoin de protéger les autres, de les aider, de tout faire pour qu'ils soient biens. Qu'elle les connaisse ou non, Maybelle aimait les gens bien plus qu'elle ne s'aimait elle-même.

C'était à se demander pourquoi elle continuait à parler puisqu'il s'obstinait à ignorer tout ce qu'elle disait, comme si cela n'avait aucune espèce d'importance. Malgré tout, elle s'exécuta lorsqu'il lui fit comprendre de s'asseoir sur le canapé qui lui faisait face. Elle avala une gorgée d'eau avant de reposer son regard sur celui de l'inconnu. Elle avait remarqué son changement d'humeur plutôt soudain mais elle ne fit aucun commentaire. Quand il lui ordonna - puisque ce n'était pas absolument pas une question - de parler d'elle, elle secoua doucement la tête, un sourire enfantin étirant ses lèvres. Elle ne parlerait pas d'elle. Elle ne parlait jamais d'elle, pas même aux personnes dont elle était proche. Elle préférait écouter les autres plutôt que de parler d'elle. Et puis, elle ne se voyait pas faire le récit de vie à un parfait inconnu... Ce serait trop bizarre. « Je ne suis pas là pour parler de moi. Et puis, depuis tout à l'heure, vous... » Elle s'arrêta une demi-seconde. Il l'avait tutoyée, elle pouvait sûrement en faire de même non ? Elle était mal à l'aise à l'idée de lui dire vous, surtout qu'il devait être à peine plus âgé qu'elle. « tu n'écoutes pas à un mot de ce que je dis, alors... » Elle n'avait pas dit cela méchamment. C'était plutôt une plaisanterie destinée à détendre l'atmosphère. De toute façon, Maybelle n'était capable d'aucun mal. C'était comme si les gènes négatifs avaient été bannis de son organisme. Son sourire toujours accroché aux lèvres, elle planta ses yeux dans ceux du jeune homme. Sans trop savoir pourquoi, elle avait envie d'en savoir plus à son sujet. Il était différent du genre de types qu'elle rencontrait habituellement. « Comment tu t'appelles ? » Question idiote mais il fallait bien commencer par le commencement, non ?

Le sourire de Maybelle s'étira davantage à l'entende du prénom du jeune homme. Il s'appelait Diego, comme le garçon dont Casey lui avait parler. Mais elle était sûre que ce n’était pas lui. Après tout, Bowen comptait plusieurs milliers d'habitants. Elle était ravie - et étonnée, elle devait l'avouer - qu'il n'insiste pas davantage. Elle détestait qu'on la presse de questions sur sa vie, qu'on cherche absolument à en savoir plus sur elle. De toute façon, elle ne disait que ce qu'elle voulait bien dire. Ce Diego paraissait bien plus amical que lorsqu'elle l'avait ramassé dans la rue et elle se félicitait d'avoir tenu bon. Elle avait eu raison de ne pas partir en l'entendant lui gueuler de dégager. Il finit par venir s'installer à côté d'elle alors qu'elle écoutait sa question avec un rictus amusé. « Bah, je sais pas... Sûrement parce que je ne suis pas assez méfiante et que je suis des inconnus partout alors que je ne devrais pas. » Son regard était vif et malicieux, son sourire adorable. Elle haussa finalement les épaules, s'accoudant à son tour au dossier pour le regarder en face. « Et toi, qu'est-ce que tu faisais sur ce banc, tout à l'heure ? » On ne se mettait pas dans des états pareils sans raison. Il devait sûrement aller mal.