Besoin de changer d'air - Ft. Circé

Un best-of des Rolling Stones résonnait dans la petite pièce où je travaillais depuis le début de la matinée, une tasse fumante de thé au jasmin sur le côté de mon bureau, je consultai les documents que m’avait envoyés la graphiste pour notre nouvelle gamme, destinée aux hommes. Nous n’étions pas encore sur du nom à donner à cette dernière. Nous possédions déjà trois gammes dédié aux femmes – non que je ne considère que mes crèmes étaient exclusivement féminines, mais il fallait bien, en terme de marketing définir une cible. La gamme Hera, était dédiée aux peaux matures, Perséphone aux peaux juvéniles, tandis que la gamme Aphrodite aux peaux sensibles. Pour la nouveauté, j’avais bien pensé à emprunter au dieu du soleil et des art son nom, mais le terme « Apollon » me paraissait un peu trop connoté, je n’aimais pas cela. Hermes était déjà pris, tandis que Zeus me semblait trop pompeux. Je songeai à Orphée ou Paris, pourquoi pas, mais n’arrivait pas vraiment à trancher. En pleine réflexion, je sursautai presque à l’arrivée de mon amie, avant de plisser le nez en entendant le surnom dont elle m’affublait aujourd’hui, elle me taquinait, elle savait que je n’aimais pas cela.
— Justement, j’étais en train de concocter une potion capable de changer en cochon ceux qui osaient m’appeler autrement que par mon prénom, plaisantai-je.
J’autorisai parfois qu’on me surnomme «Cy », mais avait une préférence pour mon prénom en entier, que j’aimais beaucoup. Emrys le savait bien, mais ne loupait jamais une occasion de me taquiner. Je levai les yeux de mon écran pour sourire à mon amie. Elle souriait elle aussi, mais, malgré tout, je savais que ça n’était qu’une façade, et je la connaissais trop bien pour me laisser duper. Je quittai ma chaise et vins vers elle, puis, ôtant mon collier, je lui passai finalement autour du cou, avant de designer la pierre jaune du pendentif.
— Citrine, énonçai-je, un peu de miel pour ces blessures-là.
Je désignai son cœur battant sous sa poitrine. La citrine était une pierre magnifique, la pierre de la joie de vivre par excellence, chassant les angoisses, les idées noires et donnant le sourire. Emrys en avait plus besoin que moi.
— On va manger ? dis-je en m’éloignant doucement, je meurs de faim.

Emrys et moi nous connaissions depuis longtemps et malgré sa dépression chronique, elle était toujours, pour moi, d’une excellente compagnie. Je la trouvais pleine d’esprit, de reparties qui me faisait toujours rire, et c’était une femme magnifique. J’aurais donné cher, sans doute toutes les fleurs de mon jardin pour qu’elle se rende compte de ça. Je savais, bien évidemment, que le deuil de Sarah l’affectait depuis presque dix années et qu’elle ne pensait plus vraiment à elle-même depuis lors, élément qui, sans doute, l’empêchait de remontait à la surface. Je ne souhaitais pas qu’elle oublie la femme de sa vie, loin de là, son souvenir la rendait plus forte, ou du moins, il le ferait une fois qu’elle aurait surpassé sa déprime, mais il fallait qu’elle vive. Qu’elle vive pour elle-même et non plus dans les pas d’un fantôme. C’était ce que m’avait appris Nina et c’était aussi la raison pour laquelle j’arrivais à supporter l’absence de ma grand-mère adoré. Je n’oubliais pas, elle vivait dans mon cœur, mais pour autant je ne laissai pas le chagrin m’envahir et m’empêcher d’agir. Je savais que le processus était plus ou moins long, selon les personnes, et j’avais foi en Emrys. Elle y parviendrait un jour, cela prenait seulement un peu son temps. J’avais cru autrefois, lui apporter un soin par la chair, mais notre tentative avait échoué après quelques baisers et maigres caresses. Emrys, alors, n’était pas prête. Je ne lui en avais jamais tenu rigueur, ce n’était pas à moi de la guérir sur le plan charnel ; une autre, un jour, s’en chargerait ; mais je faisais de mon mieux sur le plan psychique et spirituel. Là, c’était totalement mon domaine. La citrine brillant à son cou me fit sourire. J’espérais sincèrement que cela pourrait l’aider.
— Tu sais que ce qui est gros n’est pas forcément ce qui est le plus efficace, plaisantai-je, lorsqu’elle évoqua le fait qu’elle avait besoin d’un gisement entier de citrine pour se sentir mieux.
Je ris, en me penchant sur mon bureau pour attraper mon sac. Emrys, comme moi avait faim. Parfait ! Il ne nous restait plus qu’à dénicher une table.
— T’as envie de quoi ? Un truc rapide ou on s’offre un bon restau ?
Nous descendîmes par la boutique, j’indiquai à mes employés que je sortais manger avec Emrys et quand nous fûmes dehors, je répondais à l’interogation de mon amie.
— Je planche encore sur ma collection pour homme. On s’est rendu compte qu’ils étaient trop peu à s’intéressé aux collections Hera, Perséphone et Aphrodite, trop connotées « féminin »…ce qui me désole, j’aurais aimé que mon produit soit neutre. Il l’est en soit, mais la gente masculine a du mal à s’appliquer un crème sur le visage qui porte le nom d’une déesse semble-t-il…du coup, je cherche un nom. Je sèche un peu.

♛ Besoin de changer d'air

We're born alone, we live alone, we die alone. Only through our love and friendship can we create the illusion for the moment that we're not alone.

   

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Je fronçais légèrement les sourcils, une moue mi-amusée, mi-perplexe. Je ne savais pas trop si mon esprit était tordu que ça ou si sa phrase avait réellement un sens qui pouvait être tout autre, si on la sortait de son contexte... Mais bon, autant s'amuser, non ? j'étais venue me changer les idées ! Et les pires blagues étaient la meilleure façon de casser la morosité.

"Ah bah, je vais devoir te croire sur paroles, comme je n'ai jamais essayé !"

Comme elle riait en attrapant son sac, je me doutais bien que le sous-entendu que j'avais cru déceler dans ses mots était bien là et que je ne me faisais pas d'idées ! A sa question, je réfléchissais en me disant qu'un vrai diner me ferait le plus de bien... En plus, j'avais peut-être - très certainement - abusé des fast-foods et des livraisons de pizza à domicile depuis quelques jours... Je préférais jouer que de me préparer à manger... Totalement irresponsable, je sais !

"Un bon restau'. Le petit chinois de la dernière fois, il n'était pas si mal, si ça te dit d'y retourner !"

ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas mangé chinois... C'était une occasion de remédier à cela ! Surtout que, des nouilles, ça fait toujours du bien au ventre et au moral. Le casque sous le bras, je la suivais dans la boutique où elle prévenait les employés à qui je faisais rapidement signe en suivant mon amie à l'extérieur. A sa réponse, je réfléchissais un instant. Les hommes étaient bête, c'était le cas de le dire ! Entre les hommes trop misogynes et les femmes trop féministes, je finissais par croire que les gens ne savaient pas faire la part des choses.

"Tu veux du classique ou de l'original ? J'ai de tout en stock !"

Ah bah, ça, la mythologie, c'était mon dada. Plus qu'une passion, j'avais tellement d'ouvrages et de connaissances sur ce sujet, que je pouvais écrire un bouquin regroupant toute la mythologie grecque et les histoires de chacun, aux détails près.

"Icare, celui qui a volé trop près du soleil. Erèbe, la personnification des ténèbres. Héphaïstos mais je ne le conseille pas, il était le Dieu le plus laid. Euh... Oh, ou tu peux tenter de les avoir. Léto, on dirait un prénom masculin. Mais c'était une maitresse de Zeus, mère d'Artémis et Apollon. Les doués en mythes le sauront, les autres, par contre, pourraient se faire complétement avoir !"

Je m'obligeais à m'arrêter, parce que sinon j'étais partie pour des heures et des heures à parler des Dieux et Héros olympiens. Certains trouvaient cette passion bien trop embêtante et j'étais énervante pour d'autres à me laisser m'emporter... Je me sentais que je m'emballais alors je préférais tout simplement me taire, passant ma main dans les cheveux.

"Enfin, si ceux-là ne te vont pas, je peux toujours t'en trouver d'autres !"

   

CODAGE PAR AMATIS

   

Spoiler:

J’aimais mes déjeuners avec Emrys, c’était souvent les seuls moments que nous pouvions partager étant donné nos emploi du temps respectifs. Emrys et moi avions des centres d’intérêt et des modes de vie assez différents, mais nous nous entendions toujours très bien. Notre amitié s’était soudée très tôt, si bien qu’il m’était désormais impossible d’imaginer ma vie sans elle. Je ne saisissais pas toujours ses délires geeks, avait du mal à comprendre pourquoi elle passait son temps à acheter des poupées qu’elle ne sortait même pas de leur boite, mais j’imaginais que pour elle, mes rituels chamanes avait tout autant un aspect étrange.
— Chinois, ça me va !
Je n’étais pas bien difficile, question nourriture, hormis le fait que je mangeai de moins en moins de viande par pure conscience éthique. Je n’étais pas vegan, mais l’idée était de réduire ma consommation. Je suivis mon amie dans la ruelle qui menait au restaurant, et écoutai ses suggestions pour le nom de ma futur gamme pour homme.
— J’aime bien Héphaïstos pourtant ! notai-je, tout en étant bien conscience que, niveau marketing, ce n’était pas un si bonne idée que ça.
C’était un dieu laid, certes, mais avant tout un dieu créateur, un dieu du feu, et dont la forge fournissait Zeus en armes. Par ailleurs, il avait épousé la plus belle des déesses, Aphrodite. Ce n’était pas rien. Je pinçai les lèvres.
— En parlant d’Icare et d’Apollon, tu me fais penser que le soleil est une figure plutôt masculine…Pourquoi pas Helios ? Père de la magicienne et déesse Circé par ailleurs, ça collerait. Je trouvais trop évident au début mais…why not ?