we're coming apart but we hold it together (wooja)

Un jour après l'autre. C'est ce qui tourne en boucle dans ta tête depuis un peu plus de trois mois maintenant. Depuis que tu as perdu le bébé, depuis que ta vie amoureuse est partie en fumée, depuis que ta vie a perdu son pilier le plus solide. Un jour après l'autre. C'est ce que tu te répètes chaque matin mais de moins en moins maintenant. On ne peut pas dire que tout va bien dans le meilleur des mondes mais tu vas un peu mieux. Tu commences à voir le bout du tunnel, tout doucement, et tu sais que si c'est possible, c'est grâce à tes proches. Si tu n'étais pas si bien entourée, tu n'aurais jamais aperçu le bout du tunnel. Alors, les soirées comme ce soir, celles où tu es seule, prête à entrer dans un bar, sont de plus en plus rares. Tu as bu quelques verres avec Harmonie plus tôt dans la soirée mais puisque madame était attendue ailleurs, elle t'a quittée avant même que la nuit ne commence. C'est pourquoi, vers minuit environ, tu entres au Elm Street où tu n'as plus mis les pieds depuis un bon moment déjà. Tu flottes entre l'état de sobriété et l'état d'ivresse. Pile au milieu. Un endroit où tu te sens bien et d'où tu n'as pas envie de décoller. Alors, quand tes yeux se posent sur ce brun qui hante tes plus beaux rêves, tu ne fais pas demi-tour. Au contraire, même, tu t'avances vers lui, un large sourire aux lèvres. Revoir Woody après trois mois de séparation c'est à la fois douloureux et agréable. Tu t'installes sur le tabouret à côté du sien, prenant un air innocent qui ne te va pas du tout. « J'espère que ce siège n'est pas pris mais si c'est le cas... tant pis. » Rétorques-tu, taquine. « Je peux vous offrir un verre ? » Demandes-tu en plongeant tête la première dans ce petit jeu, flirtant délibérément avec Woody. Ce soir, tu as envie de retourner quelques années en arrière, quand il n'y avait entre vous que du flirt, de la légèreté et de la simplicité. Tu ne sais pas si cela est possible mais tu es prête à essayer. Cela fait trop longtemps que tu ne l'as pas vu et tu as juste envie de le retrouver comme avant. Quand tout était si simple entre vous. Tu n'as pas envie de reparler de votre séparation bien trop douloureuse à tes yeux ni même de ce bébé, votre bébé. Tu as juste envie de profiter de sa présence sans tous ces problèmes qui gravitent autour de vous depuis trop longtemps.

Il avait essayé, Woody. Il avait essayé de se retrouver, de faire la paix avec lui-même – parce qu’il avait au moins compris que c’était la seule manière de faire la paix avec les autres. S’il avait autant de mal, Woody, à tisser des liens qui durent, à se faire aimer des autres, c’était d’abord parce qu’il se détestait lui-même. Et s’il avait toujours mis le blâme sur sa maladie, prétextant qu’elle avait fait de lui ce déchet qu’il traînait plus lourdement encore ces derniers jours, il ne pouvait maintenant plus se voiler la face. C’était lui, le monstre, pas la sclérose en plaques. Il avait cette noirceur-là cachée au plus profond de sa personne depuis bien plus longtemps que son diagnostic. Selma en était bien la malheureuse preuve. Et bien trop d’autres personnes pourraient en témoigner. Ce long voyage en Chine duquel il revenait lui avait fait ouvrir les yeux sur le fait qu’il ne pourrait jamais aimer convenablement quelqu’un s’il ne s’aimait pas correctement lui-même avant toute chose. Il fallait qu’il change. Pas qu’il s’accepte, non. Qu’il change. Le problème, c’était lui. Mais le chemin allait être long et ardu et Woody mettait de plus en plus de temps à avancer, au fil des années. Ça ne se réglerait pas du jour au lendemain. Ce n’était pas le genre de chose qu’on modifiait à coup de baguette magique. Pour cette raison, le jeune homme s’était retrouvé dans ce bar après près de deux mois de sobriété. Le retour à la réalité avait été un brutal choc et c’était plus difficile qu’il ne l’aurait cru de faire face à ses démons qu’il voyait enfin tels qu’ils étaient. Un verre de whisky entre les mains, il tourna la tête dans la direction d’où provenait cette voix douloureusement familière. Il ne trouva toutefois pas dans son regard ce à quoi il se serait attendu. Il vit plutôt, dans les yeux de Freja, une lueur de malice, d’innocence. Une flamme joueuse. Comme avant. « La même chose que vous prendrez. » Dit-il, rentrant dans son jeu sans songer aux conséquences. Il la détailla du regard, en silence, cherchant à comprendre ce qu’elle cherchait à accomplir. Il y avait tellement de légèreté dans ses mouvements, dans ses actions. Ça lui donnait envie de s’y abandonner à son tour. D'oublier ce qu'ils avaient traversé trois mois plus tôt, sans être capable de le traverser ensemble. « Et qu’est-ce qu’une femme comme vous fait dans un bar pareil, seule, à une telle heure, en rejoignant un homme comme moi qui plus est ? » Demanda-t-il en redressant légèrement ses épaules affaissées, un sourire au coin des lèvres.

Tu avais essayé pendant si longtemps d'aider Woody et de sauver votre relation, tellement longtemps que tu t'étais finalement perdue en chemin. Quand vous avez mis un terme à votre relation d'un commun accord, après des mois à vous battre pour - et contre - votre amour, tu t'es retrouvée complètement seule et vidée. Avec la sensation de ne plus savoir qui tu étais. Aujourd'hui, après trois mois de séparation, tu te reconstruis petit à petit mais tu sais que le chemin à parcourir est encore long. Alors, ce soir, tu prétends être cette Freja si légère, si libre, qui existait quelques années plus tôt. Juste le temps d'une soirée. « C'est peut-être risqué de me faire confiance... » Dis-tu en le regardant du coin de l'oeil, laissant planer le doute. Mais finalement, peu originale, tu commandes la même chose que Woody, un whisky. Puisque tu n'as aucune envie de quitter cet état de bien-être dans lequel tu te trouves, tu décides de savourer ce verre qui apparaît devant toi. Tu fais glisser l'autre devant Woody, te tournant vers lui quand il reprend la parole. « Un homme comme vous ? Qu'est-ce que ça veut dire ? » Demandes-tu, joueuse. « J'ai été lâchement abandonnée par une femme incroyable plus tôt dans la soirée. » Incroyable, c'est encore trop peu pour parler d'Harmonie. Ta meilleure amie fait sans conteste partie des plus belles personnes de ce monde. Et l'australien serait forcément d'accord avec toi s'il savait de qui tu parlais. Mais tu aimes laisser planer le doute pour que des images s'insinuent dans sa tête, malgré lui. Cela fait trop longtemps que tu n'as pas vu ce sourire, au coin de ses lèvres, et ça fait un bien fou de voir que malgré tout ce que vous avez traversé, il y a toujours cet éclat, cette lueur, entre vous. « Alors je suis venue pour trouver de la compagnie... » Rétorques-tu en montrant ton verre avec un sourire au coin des lèvres. « Mais surtout pour défier la piste de danse. » Et tu comptes bien y emmener Woody d'ici quelques minutes s'il accepte de t'accompagner. « Et vous ? » Demandes-tu, pas certaine de réellement vouloir connaître la réponse. Parce que la vérité serait peut-être trop difficile à entendre.

Naïvement, Woody avait encore une fois espéré que Freja se retrouve, sans lui. Qu’elle renoue enfin avec ce qu’elle aimait d’elle-même, avec cette vie qu’elle désirait mener. Il avait toujours eu la conviction que la norvégienne vivrait mieux s’ils n’étaient pas ensemble. Il ne s’en était jamais caché, même lorsqu’ils s’étaient donné une chance. Le fait de voir Freja dans ce bar lui avait d’abord fait voir que ni l’un ni l’autre n’allait bien, encore une fois. Mais en croisant son regard vivant et plein de malice, Woody avait cru entrevoir l’ancienne Freja. Celle de la toute première fois. Celle d’avant qu’il ne la brise en mille morceaux. Alors il rentra dans ce jeu qu’elle démarrait, sans se poser de questions. Parce que ça lui manquait, elle lui manquait, et si cette accalmie ne pouvait dure ne serait-ce que quelques heures, alors soit. Ils en avaient besoin. « When we stop taking risks, we stop living life. » Répondit Woody à Freja, à propos de lui faire confiance. C’était une pensée qu’il avait toujours suivie, avant. De foncer, tête baissée. De vivre comme il l’entendait peu importe les conséquences. Ça avait parfois eu du bon, plus souvent du mal. Mais aujourd’hui, il ne prenait plus aucun risque, Woody. Et il se rendait compte qu’il avait l’impression d’être mort, en-dedans. Freja commanda finalement la même chose que lui, en double, pour glisser un verre en face de chacun d’eux. Il la remercia d’un simple sourire. « Un homme qui n’est certainement pas à la hauteur d’une femme comme vous … » Et si lors d’une première rencontre, ce n’était qu’un compliment déguisé, ils savaient tous les deux avec tout le bagage qu’ils avaient, que Woody n’était qu’en train de lui souffler la vérité. Sa vérité. Lorsqu’elle mentionna avoir été abandonnée par une femme incroyable, Woody arqua légèrement un sourcil, intrigué. Freja pouvait avoir tellement de conquêtes, il ne pouvait même pas mettre un visage sur cette mystérieuse compagne. « Elle ne sait pas ce qu’elle manque en vous ayant laissée derrière. » Lui le savait, parce que lui l’avait aussi abandonnée et il en subissait encore les douloureuses répercussions. Son regard suivit celui de Freja jusqu’à la piste de danse. Il esquissa un sourire. « Elle n’a aucune chance face à vous. » Dit-il alors qu’elle disait vouloir défier ladite piste de danse. Le jeune homme dissimula son soupir lorsque la brunette lui renvoya la question. Il haussa les épaules. « J’imagine que j’avais aussi besoin d’un peu de compagnie. » Il releva les yeux vers elle. Elle était la meilleure compagnie qu’il aurait pu souhaiter avoir.

En lançant ce petit jeu, avec Woody, tu sais d'avance que tu te voiles la face et que ce n'est pas ce retour en arrière qui changera quoi que ce soit entre vous mais qu'importe... Ce soir, tu as simplement besoin de renouer un peu avec le passé. Ce passé qui était bien moins compliqué que le présent. Car même si tu remontes la pente, petit à petit, tes cauchemars surviennent encore de temps en temps et l'envie de reprendre de la drogue est toujours là. Cachée dans l'ombre, mais toujours là quand même. Néanmoins, tu laisses cette noirceur de côté pour ce soir, ayant simplement envie de retrouver la simplicité de votre relation, avec Woody. Visiblement, lui aussi partage cette envie et redevient le Woody d'il y a quelques mois voire quelques années. « Je ne peux qu'être d'accord avec ça. » Parce que prendre des risques a toujours fait partie de ton quotidien autant sur le plan personnel que professionnel. Mais avec les années, tu as perdu cette étincelle, cette folie. Pas totalement, mais ce temps perdu durant lequel tu n'étais plus totalement toi-même, tu ne pourras, malheureusement, plus jamais le récupérer. Quand l'australien souligne ne pas être à la hauteur, tu arques un sourcil sans détacher ton regard du sien. Dans le fond, tu sais tout ce que ses mots impliquent mais ce soir, tu n'as pas envie de rentrer dans ce débat pour la énième fois. « On verra. Je me ferai mon propre avis. » Rétorques-tu en souriant avant de boire une nouvelle gorgée de ton verre. « Oh, elle a mieux à faire dans les bras d'un certain italien. » Murmures-tu avec un sourire énigmatique mais puisque Woody connait Harmonie, il est sûrement au courant pour sa relation avec Ciàran. Enfin, tu n'en sais rien, dans le fond. Mais tu ne te permettrais pas d'exposer tes conquêtes devant l'australien de la sorte. Quand vos regards se tournent vers la piste de danse, tu ne peux t'empêcher de reprendre Woody, un sourire au coin des lèvres : « Face à nous. Je compte bien vous y emmener. » Tu lui lances un regard de défi, les yeux brillant de malice. Tout ce que tu veux, à cet instant précis, c'est retrouver cette proximité avec Woody qui te manque tant. Même si ça ne change rien, ce sera simplement une petite parenthèse. Votre parenthèse. « Alors je suis ravie d'être passée par ici pour vous tenir compagnie. Enfin, si celle-ci vous sied. » Dis-tu en l'interrogeant du regard, espérant que ta présence représente toujours autant à ses yeux. Parce que la présence de Woody n'a pas de prix, aux tiens.

Lui aussi, était d’accord avec les propos qu’il venait de tenir. Il savait que Freja et lui avaient toujours vu la vie de cet œil-là. C’était d’ailleurs cette manière de vivre qui les avait d’abord rapprochés, au tout début de cette relation qui n’avait rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Alors pourquoi, désormais, Woody vivait-il comme s’il était dans une bulle protectrice, incapable de voir ce qui se passait à l’extérieur de sa prison ? La vie l’avait-elle à ce point écorché avant son temps ? Il n’avait plus la force, Woody, plus la force de tout risquer. Et pourtant, il n’avait plus rien à perdre, il avait bien tout fait pour se retrouver aussi seul, aussi vide. Alors non, Woody n’avait pas le sentiment d’être à la hauteur pour Freja. Il ne l’était pas hier et il ne le serait pas demain. Mais pour cette nuit, rien que pour cette nuit, il s’autorisait à porter un masque qui les rendait tout autre, qui les transformait, qui les ramenait des années en arrière, quand l’insouciance de Woody dictait ses actions. « J’espère que vous êtes bonne juge, alors. » Il esquissa un sourire. Il savait Freja bien trop aveuglée par leur amour pour voir la bête qui se trouvait sous le masque de ce soir. Il avait compris depuis bien longtemps que leur amour était sans limite, d’une manière parfois nocive même. Woody se contenta d’arquer un sourcil avec un mince sourire lorsque la norvégienne lui parla de son amie et d’un italien. Il n’avait pas parlé à Harmonie depuis des lustres, il ignorait donc tout de ses fréquentations. De toute façon, ce n’était pas la mystérieuse amie de Freja qui l’intéressait, actuellement. Un rire s’échappa d’entre ses lèvres lorsqu’ils parlèrent de la piste de danse. « Oh, vous savez, je ne suis pas très bon danseur. » Il avait deux pieds gauches, Woody. Freja devait pourtant savoir qu’il se couvrirait de ridicule. Encore plus maintenant que la maladie le gagnait de plus en plus et que ses jambes étaient les premières victimes et ce, depuis un moment déjà. Et pourtant, pour elle, ce soir, il aurait été prêt à tout. « Je n’aurais pu souhaiter meilleure compagnie. » Parce que ce serait toujours Freja. Peu importe les embûches, peu importe les chemins qu’ils prendraient, le cœur de Woody reviendrait toujours à Freja. Le jeune homme inspira alors grandement, avant de terminer son verre d’un trait. « Allons vite danser, avant que je ne change d’avis. » Sur ce, il se leva, relevant sa main entre eux deux pour qu’elle l’attrape de la sienne.

Quand ça concerne Woody, tu n'es pas vraiment objective, pas vraiment bonne juge, non. Mais ça ne t'a jamais dérangé parce qu'avec lui, tu t'es toujours laissée guider par l'amour. Tu n'as jamais agi comme ça avec qui que ce soit, du moins dans ta vie amoureuse, et ça prouve à quel point l'australien a toujours été spécial à tes yeux. Unique. Ce soir ne fera pas exception à la règle, tu le sais, malgré ce petit jeu auquel vous vous adonnez. « Je tâcherai de l'être en tout cas. Mais ne vous inquiétez pas, je ne laisse pas rentrer n'importe qui dans ma vie. » Plaisantes-tu avec un sourire qui ne quitte pas tes lèvres. C'est apaisant et même réconfortant, en quelque sorte, de voir que vous êtes encore capables de profiter de la compagnie de l'autre sans vous prendre la tête, sans pleurer, sans hurler. Vos derniers moments ont été particulièrement difficiles et c'est sûrement pour cette raison que, ce soir, vous avez besoin de vous retrouver sans faire face à la complexité de votre relation. C'est pourquoi, tu t'autorises plus de liberté comme lorsque tu affirmes que tu emmèneras Woody sur la piste de danse. Tu sais que la danse n'est pas son fort mais ce n'est pas ce qui est important. Ce qui importe, c'est que vous retrouviez des fragments de votre relation d'avant, pour vous prouver que votre couple n'a pas tout détruit, tout anéantit. « On ne peut pas être doué en tout. Et puis, l'important c'est de participer comme on dit. » Dis-tu en ne pouvant t'empêcher de rire face à cette phrase bateau et cliché à souhait. Quand il t'avoue apprécier ta compagnie plus que n'importe quelle autre, tu ne peux t'empêcher de détourner le regard en sentant une pointe douloureuse secouer ton coeur. Malgré ce petit jeu, malgré ce comportement détaché, libre, tu ne peux nier à quel point il te manque, à quel point votre relation manque à ta vie, à ton bonheur. Par chance, il ne te faut pas plus de quelques secondes pour reprendre le contrôle de tes émotions et revenir à Woody qui se lève, prêt à t'emmener danser. Ton sourire réapparait sur tes lèvres au moment où ta main saisit la sienne pour l'emmener sur la piste de danse. Là-bas, tu laisses ton corps parler pour toi, pour tes émotions, à travers la danse, alors que ton regard, lui, ne se détache jamais de celui de Woody. Ta main ne quitte pas la sienne non plus, vos doigts s'entrelaçant même pour renforcer ce contact. « Je ne pourrais pas rêver meilleur endroit qu'ici. » Murmures-tu à son oreille en t'approchant un peu plus du brun, mordillant légèrement ta lèvre inférieure.

Chaque réponse le replongeait dans leur relation, la vraie, pas celle qu’ils tentaient de réinventer ce soir. Parce que derrière les réponses données à un faux étranger, Freja parlait d’eux. Elle ne laissait pas rentrer n’importe qui dans sa vie. Manière de lui dire, peut-être, qu’elle l’acceptait encore et toujours tel qu’il était. Qu’il était dans sa vie par choix et non pas parce qu’elle s’y sentait piégée. Cela arracha tout de même un sourire à Woody, un sourire faussement séduit, un sourire plutôt forcé parce que lui se répétait qu’elle serait bien mieux s’il n’était pas dans son entourage. « Voilà qui est sage. Trop de gens font aveuglément confiance aux autres, de nos jours. » Une nouvelle lueur dans le regard, Woody planta ce dernier dans celui de Freja. Toujours pour souligner les sous-entendus pourtant déjà bien clairs. Alors oui, ils semblaient laisser en suspens, le temps d’une virgule, tout le passé qui accompagnait leurs pas. Mais ce n’était qu’une illusion. Woody et Freja ne pourraient jamais être aussi légers, pas quand à leurs chevilles étaient encore entourées des chaînes les retenant dans leur envol. Ils resteraient donc bien ancrés au sol mais ça ne signifiait pas qu’ils ne pouvaient pas trouver le moyen de faire compter chaque seconde. Cette piste de danse était à la même hauteur qu’eux. « Ouais, certains disent ça, apparemment. » Se moqua Woody. Ce n’était un secret pour personne, et encore moins pour Freja, que Woody aurait préféré exceller dans tout. Il était excessivement compétitif dans toutes les sphères de sa vie, raison pour laquelle sa maladie l’atterrait autant, le paralysant avant son temps. Le jeune homme remarqua l’air brisé de Freja lorsqu’il avoua ne pas pouvoir avoir meilleure compagnie qu’elle. La même douleur traversa son regard, alors qu’il réalisait qu’ils souffraient, encore, tous les deux. Ils ne cesseraient jamais d’avoir mal, au fond. Qu’ils soient ensemble ou non. Heureusement, ce n’était pas sujet de conversation ce soir. Pas cette fois. Ils se levèrent tous les deux et gagnèrent la piste de danse. Il pouvait bien lui offrir ça, à Freja, à défaut de pouvoir lui offrir tout ce qu’elle aurait voulu d’autre de lui. Aux yeux des autres, ils n’étaient sans doute que deux oiseaux de nuit cherchant leur proie pour les prochaines heures. À danser main dans la main, yeux dans les yeux, leurs corps si près, en parfaite symbiose. Ils étaient tellement, mais tellement plus que ça. « Ah bon ? Je pourrais quand même facilement m’en imaginer, moi … Un endroit plus … intime. » Murmura-t-il à son tour dans l’oreille de Freja, sentant son corps au complet être traversé d’un courant électrique alors qu’il s’autorisait à retomber dans de doux souvenirs de sa peau contre la sienne.

Il pourra encore essayer de te repousser pendant longtemps, Woody, s'il en a envie, mais tu es persuadée qu'il ne parviendra jamais totalement à sortir de ta vie. Il est comme ancré en toi, c'est presque comme si son prénom était tatoué à l'encre noire sur ton coeur. Même si tu tentes de faire bonne figure, même si tu vois d'autres personnes que lui, tu sais qu'il ne disparaîtra jamais réellement de ta tête. Et quand il comprendra ça, quand il aura vraiment besoin de toi, tu seras là pour lui. Peu importe tout ce qu'il t'a fait, peu importe tout ce qu'il s'est passé entre vous et le mal que vous vous êtes fait, une relation comme la vôtre, ça marque à vie. « Je suis bien d'accord même si certaines personnes méritent cette confiance aveugle. » Dis-tu avec de larges sous-entendus, toi aussi. Même si vous profitez de sous-entendus pour parler de votre relation, vous semblez au moins sur la même longueur d'ondes. La seule chose qui a bloqué, finalement, c'est l'avenir que vous voyiez de deux manières différentes. Toi, peut-être de façon trop optimiste. Woody, au contraire, de façon trop pessimiste. Pourtant, tu n'es pas une grande optimiste dans la vie, du moins, pas quand ça te concerne mais en ce qui concerne Woody, tu as toujours cherché à le tirer vers le haut, à le pousser dans ses retranchements. C'était déjà comme ça quand vous n'étiez pas encore ensemble et que vous partiez à l'autre bout du monde pour explorer tout ce qu'il avait à vous offrir. L'australien n'a jamais reculé devant un obstacle jusqu'à ce que sa maladie mette sa vie sans dessus dessous. Pourtant, ce soir, bien qu'il semble affaibli, tu vois qu'il fait des efforts pour te redonner le sourire, l'espace de quelques heures. Sa présence sur la piste de danse en est la preuve. Et comme deux aimants, vous finissez par vous rapprocher, vos visages n'étant qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. « Les toilettes de ce bar, par exemple ? » Demandes-tu en souriant malicieusement, laissant ta main libre remonter doucement sur le torse de l'australien. Avec une lenteur exquise, tes doigts glissent sur le tissu de son haut, comme s'ils cherchaient à renouer avec une vieille addiction. Comme s'ils cherchaient à retrouver la chaleur de ce corps qui t'a tant manqué. « J'ai besoin d'une parenthèse. Juste ce soir. » Dis-tu alors que ton regard plonge dans le sien à la fois brillant d'excitation et d'inquiétude. Tu as besoin de renouer avec votre histoire et surtout avec Woody le temps de quelques heures comme si tu étais de retour à la maison. Cela ne vous engage à rien et même si tu ne sais pas encore si c'est une bonne chose à cet instant précis, tout ce que tu désires c'est sa peau nue contre la tienne.

Ce n’était pas par envie que Woody repoussait Freja. Ce n’était pas par envie qu’il se tuait à petit feu en s’éloignant toujours plus d’elle. C’était parce qu’il avait l’impression de se retrouver dans une impasse, qu’il avait le sentiment de s’être fait piéger au jeu de l’amour. La seule issue possible, pour lui, était de fuir et d’espérer qu’ils se perdent de vue. Semer Freja, semer cet amour bien trop grand et fort pour les circonstances, c’était ce que Woody espérait encore être en mesure de faire. Malheureusement, les deux amants maudits semblaient incapables de vivre des vies séparées. Leurs chemins se recoupaient constamment, qu’ils se cherchent ou qu’ils se fuient. Le trentenaire ne répliqua rien au sous-entendu de Freja, concernant cette confiance aveugle qu’il méritait selon ses dires. Aveugle, c’était Freja tout entière qui l’était lorsqu’il était question de l’aîné des Rutkowski. Elle refusait de voir ce qui était pourtant directement sous ses yeux. Ce soir alors, l’homme décida de remettre ce masque qu’il avait longtemps porté pour ne pas paraître faible. Il redevint le Woody d’avant, celui qui n’avait pas froid aux yeux, celui qui ne reculait devant rien. Celui dont Freja était tombée amoureuse. Lorsque la norvégienne nomma les toilettes de ce bar comme exemple pour les lieux intimes auxquels Woody songeait, ce dernier arqua tout légèrement un sourcil, un sourire au coin des lèvres. Ses yeux retrouvèrent une lueur qui s’étaient éteinte depuis des mois. « J’dirais pas que c’est un endroit de rêve mais … I could settle for it. » Parce que si ça signifiait qu’il pourrait renouer avec Freja, même si ce n’était que pour quelques minutes de réconciliation sauvage, Woody aurait accepté n’importe quel endroit. L’important n’était pas le décor, l’important était de la retrouver. Lorsqu’elle plongea son regard dans celui du trentenaire, l’implorant de lui offrir cette parenthèse qui serait refermée aussitôt ce moment de faiblesse terminé, Woody flancha. « Juste ce soir. » Conclut-il, telle une promesse qu’il ne pensait même pas pouvoir garder. Freja était son point sensible, Freja était son addiction. Elle était celle qui pouvait lui faire détourner le regard de toutes ses convictions. Elle était une menace pour ce grand système d’égoïsme qu’il s’était fabriqué tout autour de lui. « Rejoins-moi dans deux minutes ? » Proposa-t-il avant de s’éclipser vers le couloir des toilettes. S’ils étaient vus en train de s’y faufiler à deux, bien trop de soupçons seraient éveillés et on aurait tôt fait de les sortir du bar. Le jeune homme adressa un dernier regard à la brune avant de pousser la porte de la toilette, là où cette trêve allait menacer tout l’équilibre qu’ils avaient tenté de conserver, en vain.

Vous ne parviendrez probablement jamais à vous mettre d'accord, en ce qui concerne Woody. Lui qui se voit comme un monstre, comme l'une des pires personnes au monde et toi qui l'idéalises, peut-être trop, parfois, et qui le voit comme la personne unique qu'il est. Même lorsqu'il a réduit ton coeur en miettes, à plusieurs reprises, tu n'as pas été capable de le voir autrement que comme l'homme que tu aimes. Alors, aujourd'hui, après tout ce temps passé loin de lui, il est normal que tu ne vois que les bons côtés. Ou plutôt que tu ne veuilles voir que les bons côtés. Juste le temps d'une soirée pour renouer avec l'ancien Woody et l'ancienne Freja. Ceux qui n'étaient pas encore déchirés par l'amour et surtout par la vie. « Certainement pas mais si on va jusque chez toi, j'ai bien peur de vouloir passer la nuit entière dans tes bras. » Et alors, cette parenthèse que tu demandes n'aurait plus grand intérêt. Vous savez tous les deux que rien n'est réglé entre vous et que retomber dans vos vieilles habitudes est un risque. Mais c'est un risque que vous êtes prêts à prendre, juste pour un soir. Vous connaissant, ce soir risque bien de se transformer en un moment d'évasion parmi tant d'autres mais qu'importe. Tu n'es pas capable de t'éloigner définitivement de Woody, c'est physiquement et moralement impossible alors, tu as décidé d'arrêter de lutter jusqu'à ce que l'australien en fasse de même. Et ce soir pourrait être le début de cet abandon, qui sait. Tu hoches la tête quand il propose que tu le rejoignes d'ici deux minutes dans les toilettes, le regardant s'éloigner puis refermer la porte derrière lui. Après une attente qui te semble interminable, tu attrapes ton sac à mains et marches jusqu'au couloir des toilettes avant de pousser cette fameuse porte qui vous propulsera tous les deux en plein rêve. Ce n'est peut-être pas l'endroit idéal mais ça te passe complètement au-dessus de la tête à la seconde où ton regard croise celui de Woody. Déterminée à renouer avec cette douce addiction qu'il représente, tu t'avances d'un pas décidé, ton regard sondant le sien comme s'il cherchait à retrouver cette connexion si profonde que vous partagez depuis des années. Une connexion qui n'existe qu'avec Woody et qui n'existera, sans doute, qu'avec lui. Et enfin, quand ton visage n'est qu'à quelques centimètres du sien, tu poses tes lèvres contre les siennes, ta langue trouvant rapidement le chemin jusqu'à celle de l'australien. Un râle de plaisir s'échappe de tes lèvres et témoigne de cette trop longue attente, passée loin du seul homme que tu n'aies jamais aimé.

D’un simple hochement de tête, Woody vint confirmer les doutes de Freja. S’ils se retrouvaient chez l’un ou chez l’autre, ils ne trouveraient plus la force de se séparer. Se lover contre la norvégienne, c’était signer la fin de cet ultime essai de se protéger l’un de l’autre, de se reconstruire à distance. Ils agissaient comme une drogue, l’un pour l’autre. Retomber serait bien trop facile, bien trop rapide. Ils n’étaient même pas encore sortis du gouffre alors revenir au point de départ, au fond du trou, ne serait pas une longue course. Pourtant, tous les deux étaient prêts à risquer d’anéantir tous les efforts des derniers mois, rien que pour une soirée. Quelques heures à peine. Ce ne serait qu’un aller-retour dans cette vie laissée derrière mais pour eux, il ne suffisait que d’un rapide coup d’œil à ce qu’ils avaient perdu pour les propulser à nouveau dans le désir de se laisser une énième chance. Des chances, Woody et Freja avaient beau s’en laisser par milliers, le résultat était toujours le même. Apprendraient-ils de leurs erreurs un jour ? Pas cette fois, pas alors que Woody venait de délaisser la norvégienne pour mieux la retrouver derrière cette porte close qu’il venait de laisser se fermer derrière lui. Il était dans la toilette du bar, la faible lumière éclairant son visage dans le miroir. Il plongea son sombre regard dans son reflet, les paumes posées contre le comptoir de l’évier. « What the fuck are you doing … » Se murmura-t-il à lui-même. Il n’eut toutefois pas le temps de se convaincre de faire marche-arrière que la porte s’ouvrait à nouveau. Freja se faufila à l’intérieur de la toilette, ni vue ni connue, et vint retrouver le trentenaire qui oublia rapidement à quel point cette parenthèse était la pire idée possible pour deux dépendants. Woody se retourna pour lui faire face, relevant légèrement le menton pour ne pas laisser paraître ses doutes, et esquissa un sourire quand elle s’approcha de lui. Lorsque ses lèvres se posèrent sur les siennes, l’aîné des Rutkowski s’abandonna à nouveau au moment. Parce que l’odeur de Freja, les gémissements de Freja, les baisers langoureux de Freja, tout de Freja, pouvaient le rendre à sa merci. Il posa ses mains dans le bas du dos de la brune, ces dernières n’hésitant pas plus longtemps pour descendre plus bas encore. Il s’adossa au comptoir et vint presser le sexe de Freja contre le sien, sans cesser de l’embrasser.