like a frame without a picture, tell me where did it all go wrong (ally)

Je savais qu’Ally était revenue de Nouvelle-Zélande. J’avais mis Talhia dans le coup, un peu contre son gré parce qu’elle ne voulait pas être prise entre nous deux, dans nos querelles d’adultes dont la distance les avait perdus. Ce n’était qu’un heads up quant à son retour à Bowen. Rien de plus. Parce que je ne voulais pas l’appeler sans savoir qu’elle reviendrait un jour. Je ne voulais pas l’appeler pour la supplier de revenir non plus. J’avais besoin de savoir qu’elle ne comptait pas me faire le coup une deuxième fois. Qu’elle ne me ferait pas ce cruel coup de partir avec mon fils, encore une fois. Alors j’avais attendu, impatiemment, trouvant le réconfort surtout dans les bras de Freja, qui apaisait mes nuits et mes angoisses. Cette relation était inattendue et surtout, ne nous mènerait sans doute nulle part, mais j’avais eu besoin d’elle plus que de n’importe qui pour passer au travers des derniers mois. Puis, quand j’appris qu’Ally était de retour avec Maxwell, j’avais laissé quelques jours passer, puis je l’avais rappelée. C’était à moi de le faire, après tout. Je la savais autant têtue que moi, sinon plus, et comme elle avait mis la balle dans mon camp, je savais que si je ne composais pas son numéro, elle attendrait. Elle ne le ferait pas la première. Ally avait changé mais pas autant, et je me donnais encore le mérite de la connaître au moins un peu. Je lui avais donc donné rendez-vous à la cour de récréation de l’école primaire, là où il y aurait un tas de jeux pour Maxwell, pour l’occuper pendant que nous discuterions de tout ce qu’il y avait à discuter. Et il y avait beaucoup à dire, beaucoup à entendre, beaucoup à décider. À l’heure convenue, je me rendis au parc et je m’assis sur le banc, les jambes légèrement écartées, mes mains jointes ensemble entre mes genoux. J’étais nerveux, mon tapement frénétique du pied droit en témoignait bien.

Le retour s’était fait récemment et j’étais crevée. Bien plus que ce que j’aurais admis même sous la torture. J’avais revu des gens que je ne souhaitais pas particulièrement voir, des funérailles auxquelles je n’aurais jamais voulu assister. Je me sentais à l’écart, plus que jamais. Je me sentais comme un visage inconnu parmi une famille et si ce n’avait pas été de Max, je serais sans doute restée en retrait avec une coupe ou deux de vin, mais là c’était différent. Je savais ce qui m’attendait en Nouvelle-Zélande, je savais ce qui m’attendait aussi à Bowen et j’avais le cœur au bout des lèvres. J’étais rentrée au bercail, après tout ce temps et j’avais encore envie de fuir. Pour Maxwell, je ne l’avais pas fait. Pour son père, mais pour mon fils surtout. Je déglutissais finalement et après avoir préparé Max, on se dirigeait à l’endroit convenu. L’école primaire. Derrière la poussette, mon bambin se mettait à courir vers son père, puis vers les modules de jeux. « Hey. » dis-je plus ou moins assurée alors que Maxwell prévoyait déjà s’amuser en pointant et en riant le toboggan un peu plus loin. Je m’y dirigeais alors que Concho devait bien se lever. J’déglutissais. « Comment vas-tu? » demandais-je en tâchant de paraître plus assurée que ce que j’étais véritablement.

Une boule au ventre, le cœur serré, j’attendais. Chaque nouvelle poussette poussée à l’intérieur de la cour d’école me faisait lever le regard vers le visage de la personne derrière. Parfois un papa, parfois une maman, parfois des personnes plus âgées ou des gardiennes. J’abaissais à nouveau mon regard à tous les coups, reprenant le tapotement de mon pied contre le sol sous ma semelle. Puis, une de ces fois, je croisai le regard d’Ally et celui de Maxwell qui accourait déjà en ma direction. Sauf qu’il ne me reconnaissait pas, pas vraiment, pas comme j’aurais voulu qu’il me reconnaisse du moins. La preuve, il était déjà parti s’aventurer vers les jeux, pointant le toboggan qu’il ne tarderait pas à défier. Je me levai pour rejoindre sa mère qui surveillait, pas trop loin. « Hey. » Soufflais-je à mon tour, avant de soupirer discrètement à son commentaire. Notre dernière conversation en tête à tête avait été des plus houleuses. Je ne savais plus par où commencer. « Mieux que la dernière fois. J’ai eu le temps de réfléchir, de faire le point … » Mais avant de nous lancer dans cette conversation dont toutes les conclusions étaient possibles, je tournai la tête vers elle. « Et toi ? Comment ça s'est passé en Nouvelle-Zélande ? » Elle avait beau m’avoir fait le pire coup possible tout en m’ayant brisé le cœur, je ne me ficherais jamais de comment elle allait, Ally.

Mon fils ne reconnaissait pas son père. C’était triste d’un côté, mais de l’autre, c’était tellement mieux ainsi. J’essayais de me conforter dans cette illusion que ce que c’est de ne connaître qu’un parent, de n’en connaître qu’un bon. Mais Concho n’avait pas eu l’option d’être un bon ou un mauvais parent, il n’en était pas un. Je lui avais retiré ce droit en gardant Maxwell que pour moi. À ma question, il ne semblait pas satisfait et je décidais de tasser cette première offense. L’homme me disait qu’il allait mieux et qu’il avait eu le temps de réfléchir, de faire le point. « Dis m’en plus. » Lui dis-je patiemment et calmement. L’homme me questionnait sur la Nouvelle-Zélande et je grimaçais. « Aussi bien que des funérailles de quelqu’un que tu n’apprécies pas spécialement peuvent se passer. » Concluais-je d’une phrase simple en haussant les épaules. Au moins, je n’aurais plus à y penser du reste de ma vie. Enfin, c’était ce que je croyais. Je regardais mon fils s’amuser un peu plus loin.

Déjà, Ally me demandait d’élaborer ma pensée, cette pensée que j’avais longuement réfléchie, ficelée, depuis qu’elle était partie pour la Nouvelle-Zélande. En même temps, pouvais-je lui en vouloir de désirer crever l’abcès, de vouloir aller au fond des choses sans attendre davantage ? Le temps n’était pas de notre côté. On en avait déjà assez perdu. Mais avant, ne répondant donc pas à sa question, je pris de ses nouvelles à elle. À la fois pour repousser la conversation, à la fois parce que je n’étais pas sans cœur au point d’oblitérer le décès de sa mère. La conclusion d’Ally ne me surpris pas vraiment. Je savais l’état de sa relation avec sa mère. « Tu as pu y revoir des gens que tu appréciais ? » Ce serait au moins ça, et pas qu’un aller-retour de paperasses et de haine. Puis, lorsque le sujet fut entièrement couvert, je soupirai en regardant Maxwell. Mon regard se perdit sur ce petit bonhomme qui s’amusait sans difficulté, seul avec ses modules de jeux. Un sourire se dessina sur mes lèvres. « C’est mon fils aussi, Ally. » Déclarais-je. « Je ne pourrai pas te regarder repartir et faire comme si tu n’emmenais pas avec toi notre fils. » J’osai poser mon regard dans le sien, attendant d’en savoir un peu plus sur ses plans, maintenant que mes propres inquiétudes étaient à peu près révélées, même si j’aurais pu élaborer encore longtemps sur mon ressenti.

L’homme me questionnait à savoir si j’avais vu des gens que j’appréciais et je retenais un nouveau haussement d’épaules, un léger soupir sortait de mes lèvres et baissait mes épaules lâchement. « Des inconnus, oui. » Personne que je ne connaissais. Personne qui ne connaissait Max. J’aurais pu simplement prétendre que j’étais une cousine lointaine que surement que les gens n’auraient pas fait la différence. Après tout, je n’étais qu’une inconnue pour eux et à l’inverse, eux pour moi. Le sujet tendu reprenait, Maxwell. Bien que notre bambin s’amusait gaiement dans le module pour enfants. C’était son fils aussi. Je le savais, je le savais beaucoup trop. J’observais Concho un moment alors qu’il me demandait ce que j’allais faire indirectement. Il le demandait pour Maxwell, pas pour moi et quelque part, cela me brisait un peu le coeur. « Je sais. » admis-je alors en renvoyant une mèche derrière mon oreille. « J’ai fait la location d’une petite maison dans le coin. » Dis-je en voulant faire la part des choses. « Tu pourras apprendre à connaître Max. » Si mon fils – notre fils – le voulait bien. L’enfant commençait à questionner concernant son père avec des mots plus clairs. Au moins, il aurait la réponse. « T’as quelqu’un dans ta vie? » Que j’demandais. Parce qu’il y aurait des limites claires avec Maxwell... Ça entre autres choses.

Je compris bien vite que ce qu’elle avait vécu en Nouvelle-Zélande, ces derniers jours, n’avait rien d’un sujet sur lequel elle désirait s’épandre. Je me contentai donc d’hocher la tête quand elle me dit qu’elle n’avait vu que des inconnus. Si le small talk n’avait pas sa place, il était donc préférable d’entrer dans le vif du sujet, à savoir Maxwell. Ce temps de réflexion, cette distance entre nous, c’était surtout pour qu’on puisse faire le point par rapport à notre fils, par rapport à ce que je voulais, ce qu’elle voulait aussi. Parce qu’au fond, je le comprenais bien maintenant, ce serait toujours Ally qui aurait le plus long bout du bâton. Comme si elle était d’abord sa mère avant que je ne sois son père. Elle avait une longueur d’avance sur moi. Mais, à sa réponse, je compris que son but n’était pas de repartir aussitôt arrivée. Je ne pus d’ailleurs m’empêcher de sourire alors qu’elle me confirma que je pourrais apprendre à connaître Max, puisqu’elle avait loué une maison ici. Ça n’avait rien d’officiel, une location, mais ça n’était pas non plus une chambre d’hôtel plus que temporaire. C’était un entre-deux et pour le moment, je pouvais me satisfaire de ça. « J’aimerais beaucoup. » Puis, Ally me demanda si j’avais quelqu’un dans ma vie. J’ignorais si elle demandait ça pour elle, ou pour Max. Je soupirai puis secoua la tête. « Pas vraiment. » Je pensais à Zelda, et avec surprise je pensai aussi un peu à Freja. « Non. » Ajoutais-je avec un peu plus de conviction, parce que je ne voulais pas qu’elle pense que je menais des relations ambiguës qui viendraient tout compliquer. « Je prends du temps pour moi, pour me retrouver en tant que personne, avant de me relancer. » Expliquais-je. Puis, à mon tour, je lui demandai : « Et toi ? » Après tout, rien ne me disait qu’elle n’avait pas quelqu’un qui l’attendait aux États-Unis. Ce qui rendrait le tout bien plus difficile encore.

Je n’étais pas friande du small talk, très loin de là. J’avais toujours été une personne très franche de nature et ça désarmait bien plus que ça ne faisait de bien. L’homme à mes côtés était certainement très bien placé pour le savoir. Il aimerait beaucoup connaître notre fils. « Pour qu’il soit en confiance, je propose d’être avec vous deux les premiers temps. Ensuite, on adaptera. » Maman ours, c’était Woody qui m’avait affublé de ce surnom et il collait mieux à mes oreilles que celui de Tigresse qui m’avait été donné par Kol, il y a de cela quelques années. L’homme me répondait : « Pas vraiment » à ma question indiscrète, puis un non plus assuré. J’esquissais un petit sourire avec un haussement de sourcil amusé, en était-il certain? Je me mettais à rire doucement. Mon ex ne tardait pas à m’expliquer qu’il se retrouvait en tant que lui-même avant de se lancer de plus belle. « Je veux simplement m’assurer qu’on ne compliquera pas la donne avec Max. Déjà qu’il va apprendre... tout ça... J’aimerais un peu lui épargner la complexité. » Complexité qu’avec moi il ne pouvait qu’avoir dans un certain sens. Sauf que moi, j’étais sa mère et je mettais les trucs bien clairs pour ce qu’ils étaient. C’était des amis... L’homme me relançait la question et je restais surprise. J’hésitais entre la franchise, celle de dire qu’un ami se pavanait parfois dans mes pensées et celle de dire que j’étais libre comme l’air, ce qui était aussi vrai dans un certain sens. « Non plus. » Enfin, pas vraiment. C’était bien plus compliqué que ça, mais il n’avait pas à le savoir.

Cette désagréable impression d’être un inconnu terrifiant pour mon propre fils était l’un des pires sentiments que j’avais eu à vivre. Ça n’aurait jamais dû être une difficulté, que Maxwell ait confiance en moi. Ça n’aurait jamais dû être une étape à franchir. L’ordre naturelle des choses aurait voulu que mon garçon se sente instinctivement en sécurité dans mes bras, comme c’était le cas lorsqu’il courait se réfugier derrière les jambes d’Ally. Mais elle m’avait enlevé cette possibilité, et même si elle tenterait de me la rendre aujourd’hui, je sentais qu’il était trop tard. Une partie de Maxwell ne me reviendrait jamais. « Ok. Si tu penses que c’est préférable. » Je savais, au fond de moi, qu’elle avait raison. Pour Maxwell. Mais je ne pouvais m’empêcher de me montrer irrité quand elle donnait l’impression d’être la miss know-it-all de notre fils. C’était pourtant ce qu’elle était. Elle le connaissait tellement mieux que moi. C’était ce qui me faisait le plus de mal. La rouquine me posa ensuite quelques questions sur ma situation amoureuse, question d’éviter toute complexité pour Maxwell. « Je comprends. T’en fais pas, il n’aura pas à gérer une belle-maman pour le moment. » Incapable de laisser ma curiosité insatisfaite, je relançai la question à Ally. Elle non plus ne voyait personne. J’hochai la tête. « Pas de complications à l’horizon, alors. » C’était mal nous connaître de croire que ça pourrait se passer aussi facilement. « Comment comptes-tu lui annoncer ? » Demandais-je, dans le but de me préparer à la suite des choses.

Il ne connaissait pas son fils, notre fils. J’étais pleine de regret à cet égard. Avais-je été trop égoïste de ne garder Maxwell que pour moi? Sans doute, mais après tout ce qui s’était passé, c’était trop complexe. L’homme était d’accord en me disant que c’était d’accord si je croyais que c’était préférable. Je hochais la tête instinctivement. « Non et je préfère qu’il te connaisse toi en tant qu’entité avant de connaître quelqu’un d’autre. » Mon fils n’était que résilience, mais je ne tenais pas à l’encombrer plus que nécessaire. « Pour Maxwell, non. » dis-je alors. Je n’avais pas envie d’admettre que de mon côté, la vie n’était que complications. Puis après, j’avais toujours ce rêve idyllique de recréer la famille parfaite de Maxwell avec son père, mais ça, Concho n’était pas obligé de le savoir. L’homme me désarmait avec sa question et je passais ma main dans mes cheveux pour leur donner un peu de volume. « J’crois pas que y’ait de bonne façon. » Ça, c’était un peu voire entièrement ma faute. J’aurais voulu créer cette révélation dans un moment plus intime que dans un parc, mais d’un autre côté ni Max, ni Concho ne méritait d’attendre davantage. « Hey Max... Viens ici! » lui dis-je avec un grand sourire alors que le bambin se rapprochait un peu plus maussade. Je m’abaisse à son niveau et je l’enlace doucement pour le réchauffer un peu, lui et ses petites joues rosées. « Tu te souviens de ce qu’on a parlé hier soir? Comment tu me demandais, comment il était ton papa à toi... » L’enfant hoche la tête et ne semble pas comprendre où je veux en venir. Autant son père que lui allaient me mettre à fond dans cette situation. « Il est comme ça, il est parfait comme ça. » Je lui montre Concho de la main. « Ton papa, il est grand et fort comme Superman et il est gentil aussi. » que j’glisse avec un sourire en appuyant sur le nombril de mon fils au travers ses vêtements. J’aurais voulu expliquer à mon fils la vérité, mais le cœur n’y était pas, il était encore si petit... Il ne méritait que le meilleur. « Et si tu veux, Max, on restera ici pour que tu sois avec ton papa et ta maman. »

Et là, le moment que je redoutais profondément. De toutes les années passées, c’était là qu’il me la sortait pour la première fois : « Mais je croyais que c’était Henri mon papa. » Le regard perplexe de mon fils se pose sur moi et mes yeux menacent de sortir de leurs orbites. « Non, non, chaton. Tu le sais, Henri est un ami, mais ce n’est pas ton papa. C’est Concho ton papa. » Je déglutissais difficilement alors que j’envoyais mon fils voir son papa d’un peu plus près alors que le cœur me tord trop fort de l’intérieur. C’était mon fils qui voyait des choses avant même que je ne me les avoue.

Il était vrai que de rencontrer son père, avec une autre femme qui partageait sa vie, risquait d’être complexe pour Maxwell. Il était encore jeune, il avait encore tant à apprendre de la vie, de l’amour. Je préférais moi aussi garder ça au plus simple pour lui. Et puis, de toute façon, je ne mentais pas lorsque je disais qu’il n’y avait pas de belle-mère à l’horizon. Je ne me voyais pas me présenter en couple avec qui que ce soit, peu importe toutes mes relations compliquées. Celles-ci l’étaient justement trop pour que je puisse statuer sur l’une d’entre elles. « Je suis d’accord avec toi. » C’était une première, depuis son retour ! Je demandai alors à Ally la grande question, celle qui était inévitable au point où nous en étions : comment l’annoncerait-elle à notre fils ? Me prenant par surprise, la rouquine interpella Maxwell, lui demandant de nous rejoindre. Je la regardai, blême, alors qu’il accourait vers nous. « Attends, maintenant !? » Même pas une seconde pour me préparer. Si je lui posais la question, c’était justement pour qu’on élabore un plan. Mais non, encore une fois, Ally décidait. Je ravalai mon irritation, parce que mon fils était sur le point d’apprendre que j’étais son père, et je ne voulais pas gâcher ce moment avec ma rancune. Puis, les mots choisis par Ally eurent un doux effet sur moi. Elle avait su bien les choisir, ses paroles, même si cette révélation avait tout d’imprévue. Je souris en la regardant me décrire comme quelqu’un de parfait, de grand, de fort et de gentil. Oh, comme j’espérais que Maxwell ne grandirait pas en réalisant à quel point sa mère avait menti à ce sujet. J’espéras de tout mon cœur être un jour à la hauteur de cette description. Je m’agenouillai auprès de Maxwell suite aux paroles d’Ally. « J’suis désolé, Max, de ne pas avoir été là avant. Mais maintenant, si tu veux bien de moi, je suis là pour rester. » Il releva ses grands yeux d’enfant vers sa mère et mentionna qu’il pensait que son père était Henri. Je fronçai les sourcils, levant moi aussi mes grands yeux vers Ally. La vérité sort de la bouche des enfants, qu’on dit. « Qui est Henri ? » Demandais-je doucement en regardant Maxwell et Ally l’un après l’autre, mais derrière cette douceur se cachait le volcan. Elle qui me disait deux minutes auparavant n’avoir personne dans sa vie.

Maxwell méritait d’être heureux. Il n’avait pas choisi les circonstances dans lesquelles il était venu au monde. Et aussi ironique que cela pouvait sembler, je ne pouvais pas lui en vouloir... Il était là, il était là depuis le tout début et s’était accroché quand ce n’était pas possible qu’il s’y accroche. Le père de Max semblait bien blême lorsque je proposais de l’annoncer comme tel. Concho n’était pas prêt et d’un côté, je m’en sentais un peu coupable. En regardant la situation d’un autre œil, j’étais bien mal à l’aise d’attendre davantage... L’homme s’abaissait au niveau de Max et il mentionnait qu’il était là pour rester. « Et on va faire les efforts qu’il faut pour que tu sois heureux. » Rajoutais-je comme pour conclure le pacte avant que mon fils ne m’arrache une surprise. L’enfant semblait confus et vouloir retourner jouer bientôt. « Tu fais un câlin à papa? » demandais-je à mon fils en réalisant le mot que je venais d’employer qui me foutait la frousse. Mot que j'avais refusé d'employer pendant si longtemps... Le bambin faisait une étreinte à son paternel en demandant pour rester près de nous. Je frottais mon chaton dans le dos. « C’est un ami. » que je répétais à Concho, plus calme cette fois. Je caressais la petite tête rousse près de nous. J’expliquais donc, le plus simplement possible. « Max est confus parce que Henri était à New York avec nous. Et Henri a beaucoup travaillé avec moi, on est devenus des amis. » Inutile de mentionner que le travail passait souvent après des bouteilles de vins et quelques folies sous les draps... C’était un réconfort, c’était quelqu’un envers qui je m’étais surpris à éprouver une affection que je croyais impossible depuis Concho. « Et Henri est venu ici, en Australie, parce qu’il veut voir son frère. » « Et moi j’en aurai quand un frère?! » J’ai envie de me frapper. Fort. Très fort. J’sais que j’dois rester entière pour Max. « On verra. » dis-je en cherchant à esquiver la question devant un bambin insistant avec des yeux pétillants. Eh merde. Je retournais le regard vers Concho en implorant une aide visuelle.

Le hamster se mit à courir comme si sa vie en dépendait, dans ma tête, alors que Maxwell s’approchait de nous. Ally avait décidé de lui annoncer l’identité de son père, moi, là, tout de suite et maintenant. Quels mots choisir ? Quelle attitude adopter ? Quelle proximité engager ? Pour commencer, lorsque la vérité éclata au grand jour, je m’agenouillai auprès de mon fils afin de m’adresser directement à lui, d’une voix douce et timide. Plus timide encore que lui qui posa ses grands yeux surpris vers moi. « Absolument. » Déclarais-je pour appuyer les propos de la rousse, qui ajouta que nous allions faire tous les efforts nécessaires pour le rendre heureux. Ce ne serait pas facile. Ally et moi allions devoir enterrer la hache de guerre, si nous voulions aller de l’avance ensemble – et séparément à la fois. Je dirigeai à nouveau mon regard sur Maxwell qui ne savait plus où donner de la tête. C’est alors que sa mère lui demanda s’il faisait un câlin à papa. Papa. Mon cœur se serra au même moment où mon fils venait se blottir contre moi. J’en eus les larmes aux yeux, resserrant mes bras autour de son petit corps fragile. « Je suis tellement content d’être enfin avec toi, Max. » Comme si j’avais attendu ce moment toutes ces années alors qu’au fond, je n’avais jamais eu aucune idée qu’il existait. Je me relevai lorsqu’il fut question de Henri, homme qui avait pris la place d’un père dans les pensées de Maxwell. Évidemment que cela me fit tiquer. « Drôle de coïncidence. » Fis-je remarquer, les sourcils haussés, en apprenant que le new-yorkais était venu à Bowen quasi en même temps qu’Ally pour voir son frère. Je rougis en entendant Maxwell demander quand est-ce que lui aurait un petit frère. Parti comme c’était, ce serait un demi-frère et pas un frère. Je croisai le regard d’Ally, gêné, avant de regarder Maxwell. « T’as envie de retourner jouer dans les jeux avec maman et papa ? » Il fallait que je me prouve que j’étais capable de coparentalité avec Ally. Il fallait que je me prouve que je pouvais passer par-dessus la rancune, pour lui, pour mon fils.

Mon cœur se serrait lorsque mon fils rejoignait son père le temps d’une étreinte. Si les yeux de Concho s’embuaient, les miens aussi s’humidifiaient. Je réalisais à quel point j’avais été égoïste de priver mon fils de son père et pire encore; d’avoir privé un père de son fils. J’aurais été monstrueuse si on m’avait fait le coup contraire. Concho ne semblait pas me détester à toute allure et me dire de garder Maxwell uniquement pour moi, que pour moi et qu’il serait un père absent et inconnu. Mon cœur se serrait un peu plus fort. L’homme disait être content d’être avec Max et moi, je ne ressentais qu’un peu plus de culpabilité. Le père de notre fils me disait que c’était une drôle de coïncidence et je ne pouvais qu’opiner. Il parlait d’aller jouer dans les jeux et c’était une excellente idée. On suivait notre petit bonhomme avec des sourires et des yeux. J’essuyais mes larmes d’un revers de main doucement. « J’suis désolée. Sincèrement. » Admis-je avec difficulté. Je me mordais fermement la lèvre au travers des sourires à Max et des salutations. Des frissons me parcouraient sans cesse et j’avais l’impression que j’allais être malade. « J’ai pas envie non plus d’être en guerre perpétuelle contre toi. Max ne mérite pas ça, moi oui, mais pas lui. » Mon fils ne méritait pas ça, moi je méritais toutes les médiocrités du monde.

Jamais je n’aurais pu laisser Ally repartir avec Maxwell en lui clamant que je ne voulais rien savoir d’eux, de lui. Maintenant que je savais qu’il était le mien, il était directement entré dans mon cœur même si c’était un sentiment étrange, d’aimer quelqu’un qu’on ne connaît même pas. Mais je le connaissais, au fond. Il était une partie de moi. La moitié de sa petite personne provenait de moi. Et c’était quelque chose que je ne pourrais à présent plus ignorer, peu importe où il se trouvait dans ce monde. J’avais un mince espoir que ce où, ce serait ici, à Bowen. Je ne savais pas à quoi m’attendre, avec Ally. Elle me prouvait encore une fois qu’elle n’en faisait qu’à sa tête, cette femme, même quand ça ravageait les autres autour d’elle. Ce que j’avais d’abord vu comme une qualité était maintenant ce qui m’avait enlevé plusieurs années avec mon fils. Et alors que Maxwell courait vers les jeux, pour y jouer avec ses deux parents pour la toute première fois de sa vie, Ally s’excusa, continuant en me disant qu’elle n’avait pas envie d’être en guerre perpétuelle contre moi. Je soupirai. « J’ai pas envie de faire la guerre mais j’ai clairement besoin de temps pour digérer ce que t’as fait, Ally. » Ou plutôt ce qu’elle n’avait pas fait : m’inclure dans des décisions qui me concernaient. M’inclure dans la vie de ma progéniture. « Mais Max ne mérite pas de voir ça, non. Alors je ferai des efforts pour lui. Mais ne t’attends pas à plus. Parce que j’sais pas si c’est le genre de chose qu’on peut pardonner à quelqu’un. » Déclarais-je. Je ne voulais pas être cruel avec elle, mais je ne voulais pas qu’elle s’en tire avec des excuses et les beaux yeux de notre fils.